Batteries, voitures, puces : l’Europe s’allie à l’Australie pour les matériaux critiques
Le monde se divise en deux catégories…
Afin d’assurer ses besoins en matériaux critiques, l’Europe multiplie les partenariats. Elle vient de signer son douzième, avec l’Australie. Ce pays dispose de « certains des plus grands gisements de minéraux critiques au monde ». On parle de matériaux pour les batteries, les véhicules électriques, les éoliennes, etc.
Le 29 mai à 17h54
7 min
Société numérique
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La Commission européenne vient d’annoncer la signature entre l’Europe et l'Australie d’un protocole d'accord « en vue d'un partenariat bilatéral en vue de coopérer sur les minerais critiques et stratégiques durables ».
Une course mondiale à l'approvisionnement
L’enjeu est important pour la Commission, qui fait de l’accès aux matières premières une de ses priorités, surtout dans un contexte de guerre froide sur les semi-conducteurs, avec des restrictions à l’exportation mises en place par certains pays, dont la Chine. L’Australie pourrait se révéler un allié précieux par ses réserves.
« Nous dépendons trop souvent presque entièrement des importations, alors que la géopolitique des chaines d'approvisionnement est de plus en plus instable et que nous voyons se développer une véritable course mondiale à l'approvisionnement et au recyclage des matières premières critiques », expliquait Thierry Breton il y a deux ans.
Déjà douze accords en trois ans
Afin de se préparer, les accords se multiplient entre l’Europe et d’autres pays : deux en 2021, deux autres en 2022, quatre en 2023 et quatre de plus rien qu’au début de cette année (en l’espace de cinq mois donc). L'Europe a ainsi signé des accords avec le Canada, l’Ukraine, le Kazakhstan, la Namibie, l’Argentine, le Chili, la Zambie, la République démocratique du Congo, le Groenland, le Rwanda, la Norvège, l’Ouzbékistan et désormais l’Australie.
Ce nouveau partenariat est gagnant-gagnant selon les signataires. Il permet à l’Europe de « diversifier ses approvisionnements en matériaux nécessaires aux transitions verte et numérique, tout en contribuant au développement du secteur australien des minéraux critiques ». Il couvre toute la chaine de valeur : exploration, extraction, traitement, raffinage, recyclage et traitement des déchets générés par l’extraction des matériaux.
Cet accord a une portée limitée, puisqu’il ne comporte pas « d’obligations juridiquement contraignantes en vertu du droit international ou national ». Il n’est pas question non plus d’un traitement préférentiel et il n’est pas financièrement engageant pour l'une ou l'autre des parties.
Une volonté forte de l’Europe de s’émanciper (de la Chine)
En mars, le Parlement européen et le Conseil approuvaient le règlement sur les matières premières critiques. Le texte dresse la liste des matières jugées comme « essentielles pour les transitions écologique et numérique, ainsi que pour les industries spatiale et de la défense ». Il y a 34 matières critiques, dont 17 stratégiques.
Dans les stratégiques, on retrouve notamment le nickel, le gallium, le manganèse, le cobalt, le lithium et le cuivre. Ce règlement met en place, d’ici à 2030, « trois niveaux de référence pour la consommation annuelle de matières premières de l'Union : 10 % provenant de l'extraction locale, 40 % de transformation dans l'Union et 25 % issus de matières recyclées ».
Il précise également que « pas plus de 65 % de la consommation annuelle ne doit provenir d’un seul pays tiers pour chaque matière première stratégique ». L’Europe veut donc maitriser sa consommation et sa production de matériaux critiques et limiter la dépendance à un seul pays, puisque cela soulèverait d'importants risques dans un contexte géopolitique complexe et changeant.
La Chine, ses panneaux solaires et ses voitures électriques
« Une chose est claire : dans un monde propulsé par la technologie, ceux qui dirigent sont ceux qui contrôlent les technologies les plus critiques et les chaînes d’approvisionnement. Semi-conducteurs, batteries, voitures électriques : notre compétitivité dépendra nécessairement de notre capacité à les produire et à les déployer », a récemment déclaré la vice-présidente Margrethe Vestager.
En plus de posséder d’importantes ressources sur certains des matériaux critiques, la Chine exporte déjà de nombreux produits dans le monde, à des tarifs parfois difficiles à concurrencer par les acteurs locaux. En France, c’est le cas des véhicules électriques et des panneaux photovoltaïques.
« Un déferlement de panneaux solaires chinois menace de tuer dans l’œuf la filière européenne », titrait Ouest France en janvier. « C'est vrai que l'essentiel des panneaux solaires européens vient de l'étranger […] Parmi eux, 96 % des panneaux sont chinois », expliquait Radio France. Quant aux voitures électriques, l’Europe a officiellement ouvert une enquête.
Vers 17x fois plus de demande en lithium
Le problème étant que l’Europe ne dépend actuellement que d’un seul pays ou presque pour certaines matières premières critiques : 100 % des terres rares lourdes viennent de Chine, 98 % du bore de Turquie et 71 % du platine de l'Afrique du Sud. La Chine est aussi un fournisseur très important du magnésium (93 %) et du lithium (97 %) que l’on retrouve dans les batteries et les voitures électriques.
Avec les transitions numérique et verte, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen expliquait en mars de l’année dernière que « les batteries qui alimentent nos véhicules électriques devraient multiplier par 17 la demande de lithium d’ici 2050 ».
Le lithium n’est pas un cas isolé, loin de là. L’Europe estime que la demande de certains matériaux va exploser. Dans le cadre d’un scénario de forte demande, elle prévoit de multiplier par 4 la demande en aluminium d’ici 2030, par presque 5 celle du cuivre, etc.
Les gisements de minéraux critiques de l’Australie
Le partenariat avec l’Australie vise donc à multiplier les sources d’approvisionnement et à réduire cette dépendance chinoise. Dans son communiqué, le ministre du Commerce australien, Don Farrell, explique que son pays « possède certains des plus grands gisements de minéraux critiques au monde – des minéraux qui sont des éléments nécessaires à tout, des véhicules électriques aux éoliennes ».
Il ajoute que le partenariat avec l’Europe « encouragera les investissements de l’UE dans les projets australiens d’énergie renouvelable, y compris l’industrie manufacturière locale […] Les investissements de nos partenaires internationaux sont essentiels pour réaliser le plein potentiel de l’Australie comme superpuissance des énergies renouvelables – et contribuent à créer des emplois plus sûrs et bien rémunérés pour les Australiens ». En résumé, des investissements contre des matériaux critiques.
Que ce soit côté européen ou australien, aucune précision sur une liste des matériaux critiques visés par l’accord. L’Australie revendique par contre être l’un des « principaux producteurs mondiaux de bauxite (minerai d’aluminium), de minerai de fer, de lithium, d’or, de plomb, de diamant, de terres rares, d’uranium et de zinc ». Le pays affirme aussi disposer d’importantes quantités de nickel, d’argent, de cobalt, de cuivre et d’étain.
Selon le gouvernement du Canada, « l’Australie est le premier producteur de lithium au monde, représentant près de la moitié de la production mondiale en 2022 ». Au niveau des réserves mondiales, le Chili est en tête avec 9 300 000 tonnes, suivi par l’Australie à 6 200 000 tonnes. Les suivants sont à moins de 3 000 000 tonnes.
Le premier pays européen est le Portugal (9ᵉ position) avec 60 000 tonnes, soit 0,2 % des réserves mondiales. En 2022, le Portugal avait produit 600 tonnes de lithium (61 000 tonnes pour l’Australie), soit 0,5 % de la production mondiale.
Et, s’il en était besoin, le pays rappelle que la fabrication de batteries rechargeables (que ce soit pour l’électronique, les véhicules ou le stockage d’énergie) « représente la plus grande utilisation mondiale du lithium, soit 80 % de la demande totale ».
Batteries, voitures, puces : l’Europe s’allie à l’Australie pour les matériaux critiques
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Une course mondiale à l'approvisionnement
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Déjà douze accords en trois ans
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Une volonté forte de l’Europe de s’émanciper (de la Chine)
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Vers 17x fois plus de demande en lithium
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Les gisements de minéraux critiques de l’Australie
Commentaires (42)
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Abonnez-vousLe 29/05/2024 à 18h11
Le 29/05/2024 à 20h24
Le 29/05/2024 à 22h53
Rotterdam, c'est grosso modo 3-4 semaines.
Avec l'Australie, on serait apparemment à 5-6 semaines... Comparable...
"MSC CRISTINA sailing schedule can be found below:
2014 December 23th, Rotterdam Port
2015 January 30th, Sydney Port
2015 February 02nd, Melbourne Port"
Le 29/05/2024 à 20h15
Modifié le 29/05/2024 à 20h28
Le 29/05/2024 à 22h31
- très bon marché
- se chargent plus rapidement
- ont une capacité de recharge très supérieurs (d'une puissance 10 de mémoire)
Cela permettrait de faire de choisir le type de batterie en fonction des usages.
Les batteries au sodium pour les outils sont déjà sortis car on va préférer le prix et le temps de recharge.
Je pense qu'on peut y inclure les téléphone et tous les petits appareils électro-ménagerd (brosse à dent, ...).
Certains parlent également des petites citadines. Ce qui permettra de baisser largement le prix pour les personnes ne faisant pas plus d'une centaine de kilomètres par charge et d'avoir une production locale assurée.
Je me permet de rajouter que nous parlons beaucoup de batterie mais même celles au lithium ont certaines contraintes dont le poids qui reste important.
C'est embêtant pour les gros véhicules comme les poids lourds ou les engins agricoles. Ils auraient plus intérêt à avoir des moteurs à hydrogènes par exemple. Ceci permettrait de profiter des pics de production d'électricité ou de moins perdre d'énergie suivant le point de vue.
Bref, il faut garder en tête qu'il est important de sécuriser l'approvisionnement mais aussi de trouver un large éventail de solutions alternatives.
Comme disait mon prof de bio, même si ça ne fait pas plaisir, il ne faut pas oublier que l'abstinence reste toujours la meilleurs solution
Le 30/05/2024 à 09h02
Le 30/05/2024 à 13h00
Ce serait beaucoup moins polluant et plus stable d'après moi.
Le 01/06/2024 à 13h17
Et NiCad pire que NiMH ?
Je me trompe peut-être, mais comme les batteries NiCad ont un effet mémoire, et que quand tu poses la brosse sur son socle elle se fait recharger, je me demande s'il n'y a pas une volonté d'aider au raccourcissement de la vie du produit.
Modifié le 03/06/2024 à 08h32
Infos ici sur ce très vieux site
Ce problème n'existe pas en Lithium pour la simple raison qu'une surcharge provoque un gonflement puis un incendie, donc les chargeurs sont obligatoirement de bonne qualité.
Le 04/06/2024 à 02h39
Le 30/05/2024 à 16h31
Modifié le 29/05/2024 à 23h08
Le nerf de la guerre c'est la densité énergétique, et même si c'est moins cher, l'automobiliste, lui il veut pouvoir rouler le plus possible avant de devoir passer à une borne de recharge...
Et en plus, pour ne rien arranger, une batterie sodium-ion a une tension nominale de 3.0V quand la Li-ion est à 3.7V - 4.2V (Min - Max).
Le 30/05/2024 à 09h03
Modifié le 31/05/2024 à 08h15
Et si elles ont tous le même "form factor" en 18650, ben ça risque d'être un beau bordel...
Le 01/06/2024 à 07h03
Y'a beaucoup d'électronique qui tourne à 1.8V, j'ai en tête des puces du plus gros vendeur de microcontrôleurs Bluetooth qui prenne (dans un certain mode) 5-1.8.
Quant à ton "si" pour le 18650, bah mes recherches sur la courbe de tension m'ont fait croiser 2 photos. Toutes les 2 des 18650
Le bon côté des choses, outre le fait que tu pourras pas utiliser certains appareils très longtemps, il semble que mettre ça à la place d'une Li-ion ne devrait pas être dangereux.
Modifié le 03/06/2024 à 03h51
Il y a pas mal de petits appareils electroniques "bas de gamme" qui sont assez susceptibles sur les plages de tension pour leur fonctionnement et pas surpris de voir un "Low Battery" s'afficher avec une batterie à 3.0V.
Les LiFePO(4), qui ont l’air bien prometteuses sont en 3.2V, et encore pire les Li(4)Ti(5)O(12) sont en 2.3V.
Sinon "4.2V-1.5V impecc", tu parlais de quel(s) appareil(s) ici ?
Modifié le 03/06/2024 à 09h16
Moins chères et moins dangereuses que du Li-Ion (pas d'incendie si percée et emballement thermique plus difficile), durée de vie en nombre de cycles 2 à 3 fois meilleure, tension de 3.2V compatible avec les appareils et chargeurs (s'ils sont corrects et ne surchargent pas) prévus pour des batteries au plomb 12V (par exemple pour remplacer des batteries d'onduleurs en gagnant en capacité au passage), tension hyper stable même avec des courants élevés, plage de tension très réduite (95% de l'énergie se trouve entre 3.3V et 3.0V). Densité bien meilleure que les technologies non Lithium mais inférieure de 25 % par rapport au Li-Ion (principalement du à sa tension plus faible) d'où la remarque ci-dessus.
Pour les batteries au sodium je ne connais pas, je vais me renseigner.
Le 03/06/2024 à 11h50
Après dans les gros appareils, quand c'est prévu pour, tant mieux mais pour tous les petits appareils à moins de 10€, entre du 3.0V , 3.2V, 3.7V, pas sûr que l'appareil il s'y retrouve....
Le 04/06/2024 à 09h56
Le 04/06/2024 à 11h45
Le 05/06/2024 à 11h27
Le 03/06/2024 à 17h02
Les LiFePo4 je les vois surtout par 4, pour remplacer du SLA.
Pour le 1.5V tout ce qui utilise du AA(A) (R6/R3), mais c'est une blague. Je voulais dire que la batterie en début de décharge remplaçait du Li-ion puis par exemple une pile alkaline ;)
Modifié le 03/06/2024 à 23h22
Si l’appareil demande une certaine puissance, il va alors tirer plus de courant de l’alimentation pour compenser la perte de tension, et s’il n’y a pas un limiteur d’intensité, cela pourrait endommager des composants (d'après ce que j'ai pu en lire).
Le 04/06/2024 à 02h30
Personellement je ne l'ai pas encore vu. Mais j'ai également rarement vu une mort par surtension.
Y'a quelque temps j'ai par erreur mis en polarité inversé un Pi pico, il va très bien depuis. J'ai regardé la doc vite fait, pas trouvé de mention d'une protection.
Le 29/05/2024 à 21h39
Le 30/05/2024 à 07h19
L'Australie pourrait retourner sa veste :o
Le 30/05/2024 à 09h30
Le 30/05/2024 à 11h53
Le 01/06/2024 à 07h06
Modifié le 03/06/2024 à 07h52
Durant les semaines précédant l’opération, il y avait eu une série d’effractions et de cambriolages dans des résidences autour de la Marina. Un gardien d’immeuble avait repéré un van suspect qui était souvent stationné là depuis quelques jours.
Il l’a indiqué à la police qui a découvert que c’était en fait un van loué à l’aéroport du coin.
Quand nos agents secrets ont ramené le van après la fin de la mission, ils se sont fait passer les menottes.
Et aussi que la France a quand même une certaine éthique. Il s’agissait seulement de neutraliser un navire d’une ONG sans causer aucun mort. Pour ça, 2 charges explosives avaient été prévues, une petite pour que tout le monde se barre en courant, et ensuite une grosse 3min plus tard pour couler le navire par l’arrière. Entre temps, un écervelé de photographe a décidé de retourner à bord pour récupérer ses films photo… Au passage, un des poseurs des charges explosives était le frère de… Ségolène Royal, nageur de combat dans la Marine.
C’est con quand même… pour une opération qui a du être préparée pendant des semaines voire plusieurs mois...
Le 03/06/2024 à 17h04
Le 30/05/2024 à 16h27
Modifié le 03/06/2024 à 23h18
Le 03/06/2024 à 17h09
N'y aurait-il pas surtout des pays avec des intérêts alignés ?
L'Australie se soucie du pacifique, la France aussi... On peut s'entendre. On a d'autres intérêts communs. Mais il ne faut pas se leurrer je pense, ces intérêts seront longtemps moins importants que ceux avec UK, US... CANZUK et AUKUS...
Le 04/06/2024 à 10h38
Qui pourrait être un partenaire fiable ? Les pays de la vieille Europe (ceux de l'époque de la CEE) ont une histoire commune avec nous, et ont aussi des intérêts plus alignés avec les nôtres.
Le 04/06/2024 à 16h15
Oui l'Australie et les pays anglo-saxons ne font que défendre leurs intérêts.
Mais nous en faisons tout autant, avec nos alliés, "fiables" parce qu'ils ont des intérêts proches...
Le 04/06/2024 à 17h09
Alors que la France croit encore naïvement avoir des amis et lui est fidèle (franchement, l'opération Serval, qu'avons nous été faire dans cette galère, à part pour aider des "amis" qui nous ont ensuite trahi ?)
Modifié le 03/06/2024 à 04h06
Le 30/05/2024 à 13h29
Le 30/05/2024 à 23h21
Pour en revenir à l’article, je trouve que l'UE « oublie » un élément important dans sa démarche actuelle : se retourner un peu en arrière pour essayer de piger à quel moment ça a merdé, et à cause de quel système économique on est actuellement dans cette situation. Histoire d'éviter de répéter les mêmes erreurs que par le passé.
Modifié le 31/05/2024 à 16h32