Le projet de loi sur la liberté de création a été adopté par les sénateurs. Une disposition qui concerne la transparence de la copie privée a survécu à l’ensemble des débats. Elle souffre tout de même encore d’un petit couac.
Le Sénat a adopté le projet de loi en seconde lecture. Parmi les mesures adoptées dans les mêmes termes par les députés et sénateurs, une disposition inscrite à l’article 7 quater va obliger les sociétés de gestion collective à unir leurs forces dans le domaine de la transparence.
De notre procédure Cada à Françoise Castex
Pour mémoire, sur les 230 millions d’euros de copie privée collectés annuellement, les SPRD ont l’obligation de réinvestir 25 % des sommes dans le spectacle vivant, l’action culturelle, les festivals. Chaque année, un rapport est alors adressé au ministère de la Culture afin de décrire l’affectation de ces prélèvements. Seulement, ces pièces sont open-data-phobes.
En 2013, lors de notre procédure de demande d’accès aux documents administratifs, la Rue de Valois nous avait répondu très sérieusement que ces rapports d’affectation n’étaient pas copiables par email, car elle n’en a que des versions papier. Et celle-ci de nous inviter à venir le voir pour prendre connaissance de milliers de pages jetées sur une table marron :
Au ministère, les rapports d'affectation de la copie privée (photo MR licence CC BY SA 3.0)
L’air de Brazil en tête, nous avions alors poussé l’absurdité jusqu’à son comble : aller au ministère, effectuer une centaine de copies parmi les milliers de pages à notre disposition (voir notre dossier).
L’utilité de cette démarche nous a d’ailleurs été confirmé accidentellement quelque temps plus tard par Jean-Noel Tronc. Aux Rencontres cinématographiques de Dijon, le numéro 1 de la SACEM avait claironné au micro que ces 25% nourrissent un joli lien d’influence avec les élus : « Une des raisons pour lesquelles un grand nombre de parlementaires, c’était à dire des élus nationaux, se sont mobilisés quand on leur a demandé de le faire, c’est que la copie privée, ils ont en tout cas un bénéfice : c’est celui des 25 % qui contribuent dans leur commune, dans leur département, dans leur région, à aider ce qui [soutient] la création (…) notamment tout ce qui tourne autour du spectacle vivant » (la vidéo). Et donc, grâce aux 25 % payés par les particuliers et les professionnels, les sociétés de gestion collective aiguisent leur lobbying.
En 2014, émue par cette situation ubuesque, l’eurodéputée Françoise Castex avait invité « les États membres à publier des rapports décrivant ces affectations dans un format ouvert et des données interprétables » (point 23 de sa résolution européenne).
D'Aurélie Filippetti à Marcel Rogemont
Un vœu resté lettre morte.
Il y avait certes eu depuis l’avant-projet de loi Création porté par Aurélie FIlippetti. Fin 2013, la ministre nous avait d’ailleurs confié en marge d'une conférence de presse qu’un amendement « transparence » était inclus, suite justement à notre procédure CADA. L’arrivée de Fleur Pellerin a cependant changé la donne puisque son projet de loi Création a été purgé de cette disposition.
Il aura fallu attendre fin 2015 pour que ce principe soit enfin acté. Grâce à un amendement de Marcel Rogemont (PS), on trouvera bientôt cet article dans le Code de la propriété intellectuelle :
« Les sociétés de perception et de répartition des droits établissent et gèrent une base de données électronique unique recensant le montant et l’utilisation de ces sommes, en particulier les sommes utilisées à des actions d’aide à la jeune création. Cette base est régulièrement mise à jour et mise à disposition en accès libre et gratuit sur un service de communication au public en ligne. Le commissaire aux comptes vérifie la sincérité et la concordance avec les documents comptables de la société des informations contenues dans cette base de données ».
« Régulièrement mise à jour »
C’est une très bonne nouvelle pour la transparence. Sauf qu’il y a tout de même une petite brèche qu’il serait judicieux de colmater. Le texte nous dit que la base sera « régulièrement mise à jour ». Qu’est-ce que « régulièrement » en langage juridique ? Est-ce à la fin de chaque festival, ou bien toutes les semaines, tous les mois, tous les ans ou à chaque passage de la comète de Halley ?
Alors que les sociétés de gestion collective doivent remettre tous les 365 jours leur rapport d’affectation à la Rue de Valois, il n’a pas été jugé judicieux de visser de périodicité sur cette base de données en ligne.
Vivement le projet de loi Création 2 !
Commentaires (21)
#1
Vu que cela influence des élus, me demande si TracFin aurait quelque chose à dire sur le sujet?" />
#2
Ce sous titre Marc… ce sous titre " />
#3
si les élus avec cet argent entretiennent une stripteaseuse : c’est bien investir dans le spectacle vivant, non ?
#4
Pour le sous-titre, ne pourrait-on pas envisager de passer au tout électrique ? (pas au nucléaire bien sur …)
En ce qui concerne périodicité, on peut proposer que ça soit à chaque élection présidentielle ? ou bien … moins
" />
#5
#6
Bof, ça se voit qu’il n’a pas assez dormi cette nuit ! " />
#7
En 2013, lors de notre procédure de demande d’accès aux documents administratifs, la Rue de Valois nous avait répondu très sérieusement que ces rapports d’affectation n’étaient pas copiables par email, car elle n’en a que des versions papier. Et celle-ci de nous inviter à venir le voir pour prendre connaissance de milliers de pages jetées sur une table marron :
Au moins, ce ne sont pas des parchemins…
Sérieusement, on en est là ? Pas de format numérique, pas un fichier/extraction tableur pour les calculs ? Je comprend pourquoi les mp3 mettent 3 jours depuis le japon ou que bittorrent permet la diffusion du djihadisme et d’œuvre du malin… en fait c’est gens là sont toujours à cheval, et on peur du train et de l’avion.
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Je fais ce que je veux !!!
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Dans un cas “normal”, il me semble que le commissaire aux comptes d’une société vérifie tous les ans, le bilan comptable annuel de ladite société.
Si maintenant, parmi ses missions imposées par la loi pour les sociétés de perception, il doit vérifier la concordance des pièces comptables de l’année avec la base de données, j’en comprends qu’au cours du premier semestre N, la base de données devra être à jour pour les données N-1.
Après, est-ce que la non tenue de cette BDD (qui n’est qu’un moyen de communication au public supplémentaire, car le rapport papier existe bel et bien et est à disposition de tous) sera suivi d’effets tels que les sociétés de perceptions devront se mettre en conformité ?
Car si le commissaire aux comptes met juste dans son rapport, “Le rapport écrit transmis au ministère reflète bien la comptabilité, mais je n’ai pas pu vérifier sa retranscription dans la BDD informatique conformément à l’article XYZ.”, sans que cela n’entraine aucun effet…. alors je pense qu’on aura du mal à avoir cette transparence.
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La transparence c’est bien…
on voit nettement à travers, mais pas se qui se passe à l’intérieur du support… " />
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Et dire qu’on attend des sociétés privées une transparence presque totale sur des données parfois beaucoup plus sensibles…
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Faut les comprendre, ce serait con que des journalistes un peu trop indépendants finissent par découvrir la part du lobbying dans ces 25%.
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Ou que ces 25% reviennent dans les poches de ceux qui donnent
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Aux Rencontres cinématographiques de Dijon (…)
Le festival « Moutarde et cinéma » ?
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