Des câbles sous-marins tombent en série, Internet fortement perturbé en Afrique
Saga Africa, attention les secousses
Aussi bien dans l’océan Atlantique que l’océan Indien, des câbles sous-marins subissent des perturbations, plus ou moins volontaires. Ils sont utilisés pour relier de nombreux pays d’Afrique au reste du monde, avec des conséquences tangibles.
Le 15 mars à 14h28
7 min
Internet
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Plusieurs rapports pointent du doigt une connectivité plus ou moins perturbée dans plusieurs pays d’Afrique. « Les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont été les plus touchés, tout comme l’Afrique du Sud », explique Cloudflare. La situation continue d’être dégradée aujourd’hui et les réparations nécessaires vont prendre du temps.
Quatre câbles impactés à l’ouest de l’Afrique
Selon les retours de plusieurs opérateurs dans cette zone, de multiples pannes de câbles sous-marins sont à l’origine des perturbations. C’est notamment le cas de WACS (West Africa Cable System), MainOne, SAT-3/WASC et ACE dans l’océan Atlantique.
« De la Gambie à la Côte d'Ivoire, en passant par un réseau majeur en Afrique du Sud (Vodacom), ce sont au total 11 pays africains qui ont été affectés, selon nos observations », explique Cloudflare. La société propose une chronologie des événements. Aujourd’hui, la situation reste toujours compliquée dans plusieurs pays.
Comme toujours en pareille situation, des routes alternatives se mettent en place (dans la mesure du possible). Le câblo-opérateur Seacom, par exemple, redirige son trafic vers un autre câble – Equiano – appartenant à Google.
De son côté, MainOne indique que « la panne s’est produite en raison d’un incident externe qui a entraîné une coupure de son système de câbles sous-marins, dans l’océan Atlantique entre le Sénégal et la Côte d’Ivoire, au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest. Cela a perturbé les services MainOne au sud du Sénégal jusqu’au Nigeria ». L’opérateur a mobilisé « un navire afin de réparer rapidement le câble dans les profondeurs de l’océan », sans plus de détails.
Voici l’état du trafic au Libéria et au Ghana selon Cloudflare Radar.
Situation « inédite », « l’une des plus graves »
« Quatre des cinq câbles qui arrivent en Côte d’Ivoire ont été touchés, selon une source officielle ivoirienne. Et pas seulement les câbles principaux, mais aussi les « back-ups », ceux qui sont censés dépanner en cas de problème », affirme RFI. La situation serait « inédite » selon cette même source.
Même constatation de la part d’Isik Mater de chez NetBlocks (une société qui documente les perturbations d’Internet dans le monde) : « la perturbation d’aujourd’hui indique quelque chose de plus grand (et) c’est l’une des plus graves ».
« Nous n’avons pas encore vraiment d’explication claire sur ce qui est arrivé », ajoute Emmanuel Elolo Agbenonwossi (de la branche togolaise d’Internet Society) à nos confrères. « L’hypothèse privilégiée à ce stade est celle d’un glissement de terrain sous-marin, possiblement lié à des mouvements sismiques », selon RFI. Selon plusieurs médias (ici et là par exemple), un glissement de terrain avait déjà causé des perturbations importantes l’été dernier. Mais il faut cette fois ajouter d’autres événements.
Trois câbles à l’est de l’Afrique
De l’autre côté de l’Afrique, en effet, la situation est aussi compliquée, mais pas pour les mêmes raisons. Les tensions en mer Rouge en sont la cause. C’est un passage stratégique des bateaux de marchandises, mais aussi et surtout des câbles sous-marins dans le cas présent.
Selon Microsoft, des perturbations sont en cours sur les câbles EIG, Seacom et AAE-1. Résultat des courses, « l’ensemble de ces incidents a réduit la capacité totale du réseau dans la plupart des régions d’Afrique ». Comme les autres, Microsoft est en train de « rediriger les flux de trafic vers d’autres voies » et augmente simultanément la capacité sur les « routes » qui restent utilisables.
Pour rappel, le mois dernier, des houthis et des alliés de l’Iran menaçaient de saboter des câbles passant près du Yemen. Ils seraient arrivés à leurs fins, de manière indirecte. « Nous estimons actuellement que les dégâts aux câbles sous-marins […] sont le résultat de l'attaque au missile lancée par les Houthis le 18 février contre le Rubymar, qui a coulé depuis […] Elle a contraint l'équipage à jeter l'ancre et à abandonner le navire. Les premières évaluations montrent que l'ancre a vraisemblablement, en raclant les fonds, sectionné les câbles sous-marins », a déclaré un responsable du Pentagone, comme le rapportent La Tribune et l’AFP.
Pour rappel, on a pu voir il y a peu de temps que des incidents sur deux d’entre eux avaient causés des perturbations importantes à la Réunion et Mayotte.
Opérateurs télécoms cherchent des routes alternatives
Du côté de l’opérateur Vodacom, on explique que des « pannes de câbles sous-marins entre l'Afrique du Sud et l'Europe ont affecté les fournisseurs de réseaux sud-africains […] Nous avons mis en place une solution alternative qui permet de rétablir un service normal pour les clients ». Idem chez Orange qui est « pleinement mobilisé pour trouver des solutions de reroutage du trafic et connecter les pays isolés par d’autres voies ».
Même son de cloche chez l’opérateur MTN, qui « reconnaît les perturbations affectant les services de connectivité dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, en raison de ruptures de plusieurs câbles sous-marins majeurs ». Là encore, des redirections du trafic sont en cours, et l’opérateur « s’engage, avec ses partenaires du consortium, à accélérer le processus de réparation des câbles endommagés ». Aucun délai n’est précisé.
Pour Cloudflare, cet incident rappelle « à quel point Internet est dépendant des câbles sous-marins, dont on estime qu’ils transportent plus de 90 % du trafic de données intercontinental ». Les réseaux satellitaires en comparaison ne seraient utilisés que pour un « faible pourcentage ».
L’importance des câbles sous-marins
La situation des câbles sous-marins en Afrique et en mer Rouge doit-elle nous inquiéter ? Pas forcément.
En Europe, nous sommes moins dépendants d’un passage unique, notamment des fibres au large de Djibouti et du Yémen. Imaginons que l’ensemble des câbles de cette zone devaient tomber, il serait possible de faire le tour par les États-Unis pour rejoindre l’Asie. La latence ne serait pas la même et les câbles transatlantiques davantage chargés, mais ce n’est pas impossible.
Néanmoins, le reste du monde dépend de l’accès à Internet des pays africains pour certains services, comme le rappelle le Monde : « L’Afrique est en tête du trafic web pour les appareils mobiles dans le monde, et de nombreuses entreprises du continent dépendent d’Internet pour fournir des services à leurs clients ».
Des câbles sous-marins tombent en série, Internet fortement perturbé en Afrique
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Quatre câbles impactés à l’ouest de l’Afrique
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Situation « inédite », « l’une des plus graves »
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Trois câbles à l’est de l’Afrique
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Opérateurs télécoms cherchent des routes alternatives
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L’importance des câbles sous-marins
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 15/03/2024 à 14h36
Je vais lire l'article maintenant
Le 15/03/2024 à 14h41
Pour ma part, comme un grand gagnant de cette histoire pourrait être Musk, j'ai pensé à Star
linklight (version de muse, version de The Supermen Lovers) ^^Le 15/03/2024 à 16h41
Le 15/03/2024 à 15h10
Le gros du trafic internet ne passe-t-il que par les câbles sous-marins ? N'y a-t-il pas des gros câbles terrestres également qui relient l'Europe à l'Asie (et éventuellement aussi l'Afrique) ?
Le 15/03/2024 à 16h22
Modifié le 15/03/2024 à 17h12
Le 15/03/2024 à 16h43
Le 17/03/2024 à 09h34
Si on passait par les terres de grandes villes en grandes villes jusqu'en chine ça ferait quoi une centaine de routages ? C'est impossible en TCP IP le TTL est fixé par défaut à 64, donc quand un paquet arrive à 64 sauts de routeurs il est simplement droppé et tu reçois un paquet de réponse timeout.
Src Wikipedia
A l'opposé une fibre transatlantique de 10000km n'est qu'un unique saut de router d'un point de vue IP.
Le 17/03/2024 à 10h39
Le 15/03/2024 à 22h42
Pour faire une analogie pertinente :
Les câbles sous-marins sont comme des autoroutes à 8 ou 10 voies : ça va vite, mais il y a très peu d'échangeurs.
Les gros réseaux terrestres "backbone" (inter-métropoles et inter-frontaliers) sont comme des petites autoroutes 2x2 voies ou des grosses nationale, c'est un trafic dense mais fluide avec plus d'échangeurs donc plus de contraintes.
Ensuite viennent les "anneaux" urbains puis le FTTH.
Une route nationale Française n'est pas dimensionnée pour supporter la fermeture de 4 autoroutes entre l’Espagne et l’Allemagne.
Modifié le 17/03/2024 à 10h43
Dans le premier cas, c’est moins cher, facilement réparable/upgradable mais c’est très exposé (pas un souci sur des territoires socialement stables en temps de paix), et dans le second c’est plus cher, moins réparable/upgradable, mais globalement moins accessible.
Mais ce sont littéralement les mêmes façon de transporter du signal, et certaines artères terrestres sont très capacitives.
Le 18/03/2024 à 09h35
Un câble sous-marin a pour objectif de transporter le maximum de données sur une grande distance, avec pas ou très peu de besoin de routage : c'est la capacité qui est poussée au maximum.
Un réseau terrestre a pour objectif de transporter les données vers plein de directions diverses, avec très souvent des superpositions de couches (donc de fibres) : c'est moins la capacité qui est poussée que les possibilités de routage et la réduction de la régénération (quand on repasse par le domaine électrique pour régénérer un signal trop bruité).
Pour faire absorber la capacité d'un gros câble transatlantique ou transpacifique à un réseau terrestre, il faudrait pouvoir reconfigurer tous les routeurs dudit réseau terrestre (en optique ce sont des WSS), ce qui veut dire que toutes les longueurs d'ondes présentes dans le câble (il peut y en avoir jusqu'à 88/96/128) doivent être inutilisées sur le réseau terrestre : autant le dire tout de suite, ce n'est jamais le cas, y compris sur les gros liens terrestres. Ce n'est pas la capacité des liens terrestres mais la disponibilité des longueurs d'ondes et le plan de routage qui rendent ça quasiment impossible.
Non, un câble sous-marin chargé ne peut pas être re-routé via un réseau terrestre existant. Quelques longueurs d'ondes peuvent l'être, mais ça ne peut pas concerner toute la capacité d'un câble.
Modifié le 18/03/2024 à 10h08
Je vais faire un petit exposé rapide de ce que je sais, n'hésite pas à corriger le cas échéant.
Sur des dorsales terrestres, les câbles sont très capacitifs, ça ne coûte pas beaucoup plus cher à déployer (144 fibres, voir plus).
Sur une seule paire (1/72ème du câble en question), on peut faire passer plusieurs dizaines de Tbps sur plus de 200km (24 Tbps chez Cienna par paire par exemple) grâce au multiplexage (les fameuses longueurs d'ondes). Les équipements en charge de répéter le signal sont des OTN, ce ne sont pas des routeurs, ils renvoient juste la lumière dans la direction souhaitée, et peuvent extraire une longueur d'onde en particulier pour une desserte locale.
A titre de comparaison, le dernier câble transatlantique conjoint de FB et Microsoft atteint 200 Tbps.
10 paires en continental, et that's it (1/7ème de la capa physique du câble, on pourrait monter à bien plus).
Et le tout pour une fraction du prix (il doit y avoir grand minimum un facteur 5 entre les deux approches en moyenne)
D'ailleurs, tout le trafic mondial ne passe pas par des câbles sous marin, loin s'en faut.
Sur le territoire de l'Europe continentale, à ma connaissance, tout passe sur des réseaux terrestres.
On passe par la France pour aller de Londres à Milan, Gibraltar est hors course (hors traversée de la Manche évidemment).
La question de la latence (et donc du chemin le plus direct possible) est centrale dans les choix d'architecture de backbone.
Le câble sous-marin est utile quand il faut aller tout droit d'un continent à l'autre.
La seule exception, c'est quand le réseau terrestre n'est pas sûr (comme le cas de l'Afrique).
Modifié le 18/03/2024 à 15h25
Mais quand tu dis "ils renvoient juste la lumière dans la direction souhaitée et peuvent extraire une longueur d'onde en particulier pour une desserte locale.", ça c'est bien la définition d'un WSS, un routeur optique.
Tout est fait, par le plan de routage et le plan de restauration s'il y en a un, pour rester aussi longtemps que possible dans le domaine de l'optique, donc en passant par des routeurs optiques. Or, il faut un routeur par paire de fibre car le routeur ne gère que les directions et pas la superposition de fibres. Mais à la limite c'est pas grave, c'est pas ce qui coûte le plus cher.
Aucun opérateur terrestre, consortium inclus, ne s'amuse à acheter de la capacité "noire" juste pour servir "au cas où".
Si, le jour où un câble sous-marin de 200 Tbps lâche, on voulait adapter un réseau terrestre pour éponger temporairement le trafic, il faudrait acheter dans le meilleur des cas (aucune régénération sur tout le chemin terrestre, soit une limite à ~2000 km en terrestre) d'un coup 200 paires de transpondeurs, des dizaines de WSS, des châssis et des m² pour mettre tout ça.
On parle 100 à 150 M€, juste pour du temporaire. Je ne parle même pas du temps de reconfiguration du réseau pour optimiser les nouvelles routes. Ni du délai d'approvisionnement.
Dit autrement : les grosses liaisons terrestres ont effectivement des dizaines de paires de fibre, mais une grande partie d'entre elles sont en fibre noire (=pas équipée du tout), et pour les autres, elles ne sont pas chargées à 100 %, et donc n'ont pas les équipements de terminal déjà reliés pour réagir "au cas où".
C'est dimensionné (si le client à accepté de payer pour ça) pour palier à une panne ou une casse fibre terrestre, avec la capacité associée, pas pour absorber une casse de câble sous-marin.
Donc pour du temporaire, non, ce n'est pas prêt d'arriver. Par contre pour remplacer à long terme un câble sous-marin, ça peut effectivement s'envisager.
Le 15/03/2024 à 19h14
Le 15/03/2024 à 15h31
Le 16/03/2024 à 00h15
Le 15/03/2024 à 16h19
Le 18/03/2024 à 09h38
Le 15/03/2024 à 22h46
Le 15/03/2024 à 23h35
Le 18/03/2024 à 14h34
Modifié le 18/03/2024 à 04h37
Le 18/03/2024 à 09h36