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Produits dangereux sur le web : nouvelles obligations en vue pour les marketplaces

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Les marketplaces sont régulièrement mises en cause pour la vente de produits ne respectant pas les normes de sécurité. Le règlement européen sur la sécurité des produits, applicable fin 2024, les placera devant leurs responsabilités.

Assistera-t-on à un grand nettoyage dans l’offre quasi-infinie de produits en vente sur le web ? En tout cas, une nouvelle réglementation européenne entend contraindre les marketplaces (places de marché) à mieux lutter contre la vente de produits dangereux. Il s’agit du règlement sur la sécurité générale des produits (RSGP) : adopté en mai dernier, il entrera en vigueur en décembre 2024.

Le texte refond l’ensemble des règles encadrant la sécurité de tous les produits, hors produits alimentaires. Il concerne autant la vente en ligne que la vente hors ligne. Mais l’explosion du commerce en ligne est bien une des motivations principales de la réforme. Selon la Commission européenne, 31 % des alertes dans le système d’échange européen sur les produits dangereux (Safety Gate) concernent des objets vendus en ligne.

En conséquence, le nouveau règlement prévoit des obligations spécifiques pour les marketplaces : « En tant qu’intermédiaires pour la vente de produits entre les professionnels et les consommateurs, ces acteurs devraient assumer davantage de responsabilités en matière de lutte contre la vente de produits dangereux en ligne », argumente le texte. Il leur impose un meilleur contrôle de leurs marchands et une coopération renforcée avec les autorités en cas de problème de sécurité.

Caméras exposées au piratage et jouets dangereux pour les enfants

De fait, les places de marché, qui accueillent les offres de centaines voire milliers de fournisseurs, exposent les internautes à l’achat d’articles peu recommandables. « Elles ne parviennent pas à empêcher l’apparition de produits dangereux sur leurs sites », se désolait le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), début 2022. A l’époque, il venait de dresser un inventaire inquiétant, celui des articles à risques trouvés par les associations de consommateurs des différents pays d’Europe sur les marketplaces en deux ans :

    • des produits de blanchiment des dents dont la substance active est 100 fois plus concentrée que la limite légale ;

    • une friteuse sans huile qui, à peine branchée, émet de la fumée ;

    • des poupées et jouets en bois qui exposent les enfants à des risques d’étouffement, en raison de petits éléments pouvant être avalés ;

    • des caméras de surveillance ou des alarmes connectées non protégées contre le piratage…

Parmi les marketplaces régulièrement accusés d’héberger la vente de produits dangereux, figurent Aliexpress, Wish, rejoints depuis peu par Temu, mais aussi des sites dont l’offre paraît moins exotique de prime abord comme eBay ou le géant Amazon.

Rappelons que Wish a payé cher son laxisme. En novembre 2021, la plateforme a été déréférencée des moteurs de recherche et des magasins d’application en France. C’est la première fois qu’une telle sanction, était infligée par les services de la répression des fraudes (DGCCRF).

L’administration avait analysé 140 produits commandés sur le site : 45 % des jouets testés, 62 % des bijoux fantaisie et 90 % des appareils électriques s’étaient avérés dangereux. Et une fois alerté, Wish traînait les pieds pour les retirer de la vente et prévenir les acheteurs. La plateforme ayant pris des engagements, sa période de purgatoire numérique s’est achevée en mars 2023.

Deux jours pour retirer un produit dangereux

Le règlement sur la sécurité générale des produits (RSGP) fixe un principe général : un produit ne pourra être importé que si un opérateur économique établi dans l’Union européenne est désigné responsable de la sécurité du produit. Les obligations spécifiques aux marketplaces sont détaillées dans l’article 22 du texte. Voici les principales.

Celles-ci devront désigner « un point de contact unique » pour les échanges avec les autorités en matière de sécurité des produits. En cas d’injonction de retrait d’un produit dangereux, elles devront réagir « sans retard injustifié et en tout état de cause dans un délai de deux jours ouvrables ». L’exemple récent de l’iPhone 12 montre que c’est plus facile à dire qu’à faire. Malgré l’interdiction de vente, des revendeurs proposaient toujours le smartphone d’Apple plusieurs semaines après l’interdiction, et malgré une forte « publicité » de Jean-Noël Barrot (ministre chargé du numérique et des télécommunications).

Le délai est porté à trois jours si le risque est notifié non pas par les pouvoirs publics, mais par un particulier par exemple. Lorsqu’un produit dangereux fait l’objet d’un rappel, les marketplaces devront « informer directement » tous les acheteurs concernés.

Enfin, mesure sans doute la plus radicale, elles devront suspendre les « professionnels qui proposent fréquemment des produits non conformes » aux exigences de sécurité. L’enjeu sera de savoir comment chacun interprétera le mot « fréquemment »… La suspension interviendra, toutefois, « pendant un délai raisonnable et après avoir émis un avertissement préalable ».

Ce nouveau règlement s’ajoute au Digital service act (DSA), qui contient déjà quelques obligations applicables aux marketplaces : elles doivent mieux contrôler l’identité et le sérieux des vendeurs qu’elles hébergent, et mieux en informer les internautes. Le DSA s’applique aux plus grandes plateformes depuis fin août 2023. Il s’étendra aux plateformes moins grandes en février 2024.

Des importations devenues impossibles à contrôler

Ce renforcement de la règlementation sera-t-il suffisant pour lutter contre l’invasion des produits dangereux via le web ? Il est en tout cas indispensable. Car avec les achats en ligne, le commerce a changé non seulement d’échelle, mais aussi de nature. Via les marketplaces, l’internaute français peut se faire livrer lui-même à peu près n’importe quel produit sorti d’une usine chinoise, avec peu ou pas d’intermédiaires.

C’est cette évolution qui rend les flux de marchandises impossibles à contrôler aux frontières de l’Europe, laissant de nombreux produits dangereux arriver dans nos pays. Un rapport d’experts européen sur les contrôles douaniers publié en 2022 l’explique : « Les marchandises acheminées par grande quantité en containers traditionnels par la mer, les airs ou la route s’accompagnent désormais de l’augmentation exponentielle de petits paquets du e-commerce, arrivant principalement par voie aérienne ou ferroviaire (…) La probabilité que ces petits paquets contiennent des marchandises non conformes ou dangereuses est très élevée. Le problème est que non seulement il est impossible de contrôler chaque colis, mais que même le contrôle de ceux identifiés comme présentant un risque est ingérable. »

Avec le règlement sur la sécurité générale des produits, l’Union européenne tente de prendre le problème à la racine. Proposer à la vente des produits dangereux sera plus compliqué. Reste à espérer que le texte sera correctement appliqué.

Commentaires (10)


Intéressant, j'espère que ça portera ses fruits. A titre perso, je fuis comme la peste les produits vendus en marketplace déjà par manque de confiance envers le vendeur. Et en plus c'est chiant car les délais de livraison peuvent être hasardeux. Et le risque de roulette russe et d'emmerdes si jamais un retour doit avoir lieu. Si en plus c'est une marque qui m'est inconnue, je préfère passer mon chemin.

Dans un monde piloté par le consumérisme ayant pour objectif de vendre chère de la camelote fabriquée à quatre sous et de se retrouver avec un transfo qui peut foutre le feu chez soit, je me dis que je préfère rester prudent, parano et con et éviter de cliquer sur "Buy" sans réfléchir.
Je voudrais bien y croire. Mais ce n’est pas suffisant.
J’ai aussi le luxe de ne pas regarder ces plateformes car je considère que 100% de ce qui s’y trouve ne parut pas être vendu légalement en Europe. 0 test.
Il faut viser également les influenceurs et les régies publicitaires. Si vous avez affiché un produit interdit, compte suspendu X mois. Par exemple.

Mais pour ceux qui consomment sur ces sites, cela ne changera pas leurs habitudes de consommation.
Si tu ne connais pas Years & Years (série de la BBC post brexit excellente), je te le conseille. Et le meilleur est la conclusion de la grand mère de la famille au dernier épisode. ;)

nextdrOp

Je voudrais bien y croire. Mais ce n’est pas suffisant.
J’ai aussi le luxe de ne pas regarder ces plateformes car je considère que 100% de ce qui s’y trouve ne parut pas être vendu légalement en Europe. 0 test.
Il faut viser également les influenceurs et les régies publicitaires. Si vous avez affiché un produit interdit, compte suspendu X mois. Par exemple.

Mais pour ceux qui consomment sur ces sites, cela ne changera pas leurs habitudes de consommation.
Si tu ne connais pas Years & Years (série de la BBC post brexit excellente), je te le conseille. Et le meilleur est la conclusion de la grand mère de la famille au dernier épisode. ;)
C'est une vision réductrice de ce que contient ces plateformes. Il y a des catégories de biens qui sont quasiment impossibles à trouver ailleurs. Parfois on trouve mais à des tarifs délirant. Je pense par exemple à un passionné d'électronique qui n'a pas de SIRET : l'approvisionnement en composants sans Amazon ou eBay, et sans payer une fortune pour des composants de base, c'est un parcours du combattant. Autre exemple : juste un pack de piles AA 1,5 V, le basique du basique qui concerne tout le monde. Les tarifs en grande surface sont stratosphériques. Et les piles Varta de chez Carrefour ne sont pas + testées ou validées que les mêmes piles Varta vendues sur Amazon à 60 % moins cher.

Et plein d'autres domaines sont dans la même situation.
Modifié le 28/11/2023 à 14h38

Nozalys

C'est une vision réductrice de ce que contient ces plateformes. Il y a des catégories de biens qui sont quasiment impossibles à trouver ailleurs. Parfois on trouve mais à des tarifs délirant. Je pense par exemple à un passionné d'électronique qui n'a pas de SIRET : l'approvisionnement en composants sans Amazon ou eBay, et sans payer une fortune pour des composants de base, c'est un parcours du combattant. Autre exemple : juste un pack de piles AA 1,5 V, le basique du basique qui concerne tout le monde. Les tarifs en grande surface sont stratosphériques. Et les piles Varta de chez Carrefour ne sont pas + testées ou validées que les mêmes piles Varta vendues sur Amazon à 60 % moins cher.

Et plein d'autres domaines sont dans la même situation.
Salut, tu ne peux pas commander sur RS et Farnell?
J'ai passé un peu de temps à me renseigner sur certains vendeurs sur Aliexpress avant d'acheter chez eux. Il y en a qui sont facilement identifiables (Xiaomi), d'autres moins connus mais qui commencent à se faire un nom (Ugreen). A propos de Ugreen, je trouve leurs câbles de très bonne manufacture. Je n'ai par contre pas encore acheté de testeur de câble USB (FNIRSI FNB58) pour m'assurer que les spécifications mises en avant sont bien respectées (soon™)

Et concernant les influenceurs évoqués par nextdr0p, il y en a qui sont plus sérieux / transparents que d'autres (https://linustechtips.com/forum/98-lmg-sponsor-discussion/)
Y’a pas à dire, c’est cool les illustrations de flock en haut des articles :D

Bon, je vais lire l’article maintenant.
Il est fort, très fort mais son humour n'est pas tous les jours pour tout le monde. L'image en haut de cet article m'a rendu pâle.
On a déjà eu besoin d'écrire à presque toutes les plateformes pour leur demander de faire le nécessaire pour dégager des ventes de produits radioactifs sur les Marketplace.
Un guichet sera bien plus pratique.
C'est un peu dommage de limiter le dispositif à la sécurité, et non pas à la fiabilité dans son ensemble.
A moins que ce soit un pied dans la porte pour rôder le dispositif.

Les mêmes mesures sur la garantie légale de conformité (responsabiliser les marketplaces, nommer un correspondant en Europe...) participeraient aussi à améliorer la qualité des produits, et peut être aussi à limiter les abus de certains fabricants.
Modifié le 28/11/2023 à 15h58
Le market place devrait considérer comme vendeur, càd :
— Responsable de la garantie de conformité, sécurité vis-à-vis de l'acheteur
— Responsable en cas contrefaçon vis-à-vis des fabricants (notamment être systématiquement poursuivi pour recel de contrefaçons).

Franchement c'est hallucinant ces plateformes, dans la vraie vie ça serait avoir un hypermarché qui vend de la drogue ou des armes en toute impunité, avec comme seule justification "Moi je suis simplement dealer, c'est pas ma came, je ne fais que la mettre à disposition dans mes étales, prendre l'argent que je transfère à mon fournisseur. Faut voir avec lui directement en cas de problèmes."
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