Libé revient sur les deux textes visant à réguler les actifs numériques débattus en ce moment au Parlement européen : le Markets in Crypto-Assets (Mica), censé mettre un terme au « Far West » des cryptomonnaies, et le Transfer of Funds Regulation (TFR) luttant contre le blanchiment d’argent :
« Critère d’honorabilité, d’assurance, de compétence, exigences de fonds propre… L’objectif de Mica est d’apporter davantage de contraintes dans ce statut, qu’il souhaite par ailleurs étendre à toute l’Europe. »
« Mica contient des règles difficiles à respecter – comme l’exigence de fonds propres – pour des acteurs nouveaux, encore en difficulté de financement », déplore cela dit Faustine Fleuret, présidente de l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan), qui insiste sur la « jeunesse » du secteur et craint une réglementation « inadaptée » au profil de ces entreprises, qui leur ferait perdre en compétitivité.
TFR, de son côté, veut obliger les plateformes à vérifier l'identité de leurs clients. Le lobby de la crypto y voit « une proposition discriminante vis-à-vis du système bancaire traditionnel qui, lui, ne procède à cette vérification qu’à partir de 1 000 euros de transaction ».
Dans une lettre adressée aux ministres des Finances de l’UE et que The Big Whale s'est procurée, 46 représentants du Web3 estiment que le fait de rendre obligatoire la divulgation publique de toutes les transactions et adresses de portefeuille d'actifs numériques « risque d'anéantir des années de travail et de compromettre l’avenir économique du Web3 européen » :
« Les propositions du Parlement vont mettre en danger chaque propriétaire d'actifs numériques, rendront le Web3 beaucoup trop contraignant et entraveront le développement de cette industrie naissante. »
Ils proposent notamment de « ne pas aller au-delà des recommandations du GAFI [pour Groupe d'action financière, l’organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, ndlr] en matière d’obligation de tenue de registres et de vérification, afin de préserver la vie privée des citoyens de l'UE et de maintenir la compétitivité de l'UE ».
Mais également de « favoriser la croissance des technologies décentralisées en Europe en les exemptant des obligations d’enregistrement et de fonctionnement des organisations classiques ».
L’obligation qui serait faite aux plateformes de « signaler les transactions dépassant les 1 000 euros effectuées vers ou depuis un portefeuille non hébergé par des plateformes spécialisées » les fait aussi tiquer : « en termes de volumétrie, c’est énorme », explique le chargé d’affaires réglementaires de Coinhouse.
Il faudrait dès lors signaler une quarantaine de transactions par jour : « Si on prend en compte tous les acteurs du secteur, je ne sais pas à quel point c’est pertinent pour eux de recevoir autant d’alertes. »
« Grâce à la blockchain, on peut retrouver tout l’historique des transactions passées », précise Faustine Fleuret.
De nouveaux échanges sont prévus le 29 juin pour une entrée en vigueur « espérée » en 2023.
La question de l'impact environnemental du minage des cryptoactifs suscite encore plus de critiques. Deux mesures, visant à ne plus l'utiliser qu’à « petite échelle », puis à le soumettre à « des normes minimales de durabilité environnementale », ont finalement été rejetées par les eurodéputés, « après une forte levée de boucliers ».
Pour les défenseurs des cryptos, cela revenait en effet à « tuer » le secteur, et notamment le Bitcoin : « L’alternative suggérée ? Inclure le minage dans la taxonomie européenne classant les activités économiques ayant un impact sur l’environnement… d’ici le 1er janvier 2025. »
Dans un second article, Libé revient par ailleurs sur le harcèlement et les raids numériques subis par les eurodéputés s'exprimant publiquement sur ces questions. Aurore Lalucq a ainsi reçu un déluge de « menaces et de remarques sexistes » émanant de « cryptobros » après avoir appelé sur Twitter à réguler le secteur afin de « protéger les consommateurs et assurer la stabilité financière » :
« Ils se disent anti-système, mais cela fait bien longtemps que le secteur des cryptos a perdu son caractère libertarien et anti-système pour s’intégrer parfaitement au système qu’ils prétendaient dénoncer. Ils sont même pires que le système. Derrière leurs éléments de langage, c’est avant tout la cupidité qui les anime. »
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