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Une vidéosurveillance illicite peut justifier le licenciement d’une employée

Une vidéosurveillance illicite peut justifier le licenciement d’une employée

Le 07 janvier 2022 à 09h10

Les salariés d’une pharmacie à Mayotte avaient été informés de l’installation de caméras de vidéosurveillance dans l’officine. 

Une salariée fut par la suite licenciée pour faute grave, suite à plusieurs indélicatesses avec la caisse (ventes de produits à un prix inférieur au prix de vente, ou encore ventes sans enregistrement), prouvée par l’exploitation des images. 

En appel, le licenciement fut annulé. Si l'utilisation de systèmes de vidéosurveillance est autorisée dans ces lieux ouverts au public particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol, l'employeur aurait dû informer cette personne qu’il se servirait des images pour exploiter des informations concernant cette employée personnellement.

« Usuellement, la Cour de cassation jugeait cette preuve irrecevable » commente le cabinet d’avocats Ox Avocats. La haute juridiction vient néanmoins d’annuler l’arrêt rendu en 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion. 

Dans sa décision du 10 novembre 2021, la chambre sociale de la haute juridiction estime qu’une preuve illicite « n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve ».

Ce droit à la preuve peut ainsi « justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Le 07 janvier 2022 à 09h10

Commentaires (27)

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Je ne suis pas sur d’avoir compris au final si cette preuve, et le licenciement, était recevable ou non ?

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Xire a dit:


Je ne suis pas sur d’avoir compris au final si cette preuve, et le licenciement, était recevable ou non ?


Si t’es un patron qui veut virer quelqu’un, oui.
Si t’es un employé qui voudrait dénoncer une situation inacceptable au travail, non.

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(reply:1921789:le hollandais volant)
Suivant les faits rapportés, on est pas vraiment dans le cas d’un pauvre petit salarié souffrant d’une situation inacceptable là, faut arrêter un peu le manichéisme.


Si l’employeur constate des abus avec plusieurs salariés, comment déterminer celui qui est en cause ? Ici au moins cela permet de ne pas mettre en cause ceux qui font bien leur boulot.



Ça me rappelle une situation parue dans la presse il y a quelques années. Il y avait des vols à répétition dans un entrepôt, le patron voulait installer des caméras, opposition des délégués syndicaux (FO de mémoire).
Le patron a installé des caméras sans rien dire pour identifier les coupables et ensuite orienter les recherches pour trouver des preuves légales. Au final, les voleurs étaient… les délégués syndicaux !

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Perso je suis partagé…
J’aime pas trop l’idée d’accepter une preuve illégale.
Parce que là c’est une caméra mais après on s’arrête où ?
Normalement c’est la loi qui détermine où on s’arrete (donc légal). Là en gros on te dit “ok c’est illégal mais…”



Ce “mais” me gêne.
A la limite je préfère qu’on dise clairement qu’à partir du moment où il y a des caméras d’installé (et que les employés le savent) les images peuvent être utilisé pour les surveiller eux aussi.



Car le truc “caractère équitable etc” en gros ça veut dire ça passe vu ce qu’elle a fait. Elle aurait fait autre chose ça passe pas. C’est quand même gênant.



Après je comprend aussi, les employeurs sont parfois désarmés face à des employés indélicats et malhonnête qui pense agir en tout impunité. Ça doit démanger d’installer des caméra en douce…

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Xire a dit:


Je ne suis pas sur d’avoir compris au final si cette preuve, et le licenciement, était recevable ou non ?


TLDR;




  1. procès: licenciement d’un employé car le patron à une preuve vidéo.



  2. appel: annulation du licenciement car la preuve est illicite: la vidéosurveillance ne devait pas servir à espionner les employés => c’est une atteinte à la vie privée.



  3. cassation: bien que la preuve soit illicite, on peut tout de même l’utiliser si elle permet de prouver les faits et qu’elle ne porte pas démesurément atteinte à la vie privée.


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Merci !

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(quote:1921789:le hollandais volant)
Si t’es un patron qui veut virer quelqu’un, oui. Si t’es un employé qui voudrait dénoncer une situation inacceptable au travail, non.


Les enregistrement illégaux du majordome Bettencourt ont été acceptés non ?
Je demande parce que, des fois que par hasard, par inadvertance, j’ai appuyé sur le bouton Record d’une application sur mon téléphone pendant une discussion avec des chefs ou des RH …

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Je crois (mais je suis pas sur) que c’est pas illégal.
J’ai longtemps cru qu’il fallait dire quand tu enregistres mais apparemment non, pas besoin.

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Donc selon toi le patron est obligé de t’informer quand il le fait mais toi tu as le droit d’enregistrer ton patron sans le prévenir.
Ben non.



Article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme
Article 9 du Code de procédure civile.

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.


illicite = contraire aux règles du droit.
illégal = contraire à la loi.



Enregistrer qqn a son insu c’est illégal.



Dans le cas de la news, les employés savaient qu’ils étaient filmés par la vidéosurveillance.
Mais la vidéosurveillance de la pharmacie était limitée aux cas d’agression/vol.
L’utilisation de la vidéo dans un autre cas (licenciement) est donc contraire aux règles du droit (du travail) => c’est illicite. (mais pas illégal)

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(reply:1921789:le hollandais volant)
C’est curieux hein ?
Il n’y a pas de caméras dans les bureaux des “patrons” ou des “syndicalistes”… alors on reste sur l’équitable bien qu’il est ici possible d’avoir mieux : l’égalité.


Est-ce à dire que jouer ras des pâquerettes serait une constante du droit du travail au motif, notamment, d’un niveau intellectuel des caissiers qui n’excèderait pas celui de la calculatrice imagée ?



On s’étonne on s’étonne, mais on compte sur personne. :mad2:

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moi ce qui me gène le plus c’est …. tout -_-
il est dit que le patron a notifié les employé de la pose de ces caméras MAIS, vu qu’il n’a pas précisé que potentiellement ca pouvait être utilisé “contre” eux (j’imagine que ca sous entend que tant que ce n’est pas précisé, la “cible” devait être les clients ?) alors ca ne devrait pas pouvoir être recevable “mais en faite.. si”.



je suis partagé entre “tu es au courant de la camera” et “oui mais il a pas dit que c’etait pour moi” et derriere le coté non recevable qui se transforme en recevable … :eeek2:

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(quote:1921809:127.0.0.1)




  1. cassation: bien que la preuve soit illicite, on peut tout de même l’utiliser si elle permet de prouver les faits et qu’elle ne porte pas démesurément atteinte à la vie privée.


Et donc, est-ce qu’elle porte démesurément atteinte à la vie privée ou pas ?
L’appel doit être rejugé pour déterminer ça ?

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La justice, c’est pas des algorithmes. La news cite l’arrêt qui dit que c’est à l’appréciation du juge.



Dans ce cas précis, l’employée avait été prévenue. Certes que ce n’était pas pour vérifier qu’elle ne piquait pas dans la caisse, mais ses pratiques méritaient un licenciement, même si les images comme preuve c’est limite.

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La Cour de Cassation a renvoyé l’affaireà la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, si c’est la question.
La cour d’appel doit désormais émettre un jugement sachant que la vidéosurveillance est une preuve valable

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C’était la question, merci.



Mais elle doit considérer la preuve comme valable, ou bien elle doit encore « apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve » ?



C’est plutôt le second cas, si j’ai bien compris.

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Oui, tu as bien compris.

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C’est compliqué cette question de la recevabilité d’une preuve obtenue de manière illicite ou illégale. Je me suis posé la question dans le cadre de la réception d’alerte (lanceur d’alerte) pour le boulot. Si un lanceur d’alerte m’envoie des documents qu’il a volé à son employeur, est-ce que je peux les utiliser pour agir ?
Réponse a priori des juristes : oui. Le lanceur d’alerte pourrait être poursuivi s’il sort du régime des lanceurs d’alerte, mais d’un autre côté on peut utiliser ces preuves dans le cadre d’un contrôle si le risque révélé est significatif.

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Cumbalero a dit:


Donc selon toi le patron est obligé de t’informer quand il le fait mais toi tu as le droit d’enregistrer ton patron sans le prévenir. Ben non.



Article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme


Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.



Quand tu discutes avec ton patron, c’est dans le cadre de sa vie privée ? Vraiment ?




Article 9 du Code de procédure civile.
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.


Cet article ne dit pas qu’il est interdit d’enregistrer la conversation avec son patron (ou quelqu’un d’autre). La jurisprudence considère qu’il est déloyal d’enregistrer une conversation sans prévenir.



Citer des articles de loi (au sens large), c’est bien, qu’ils soient appropriés à ce que tu défends, ça serait mieux.



En fait, c’est assez complexe mais la jurisprudence reconnaît souvent au titre du droit à la preuve de tels enregistrements.



Le mieux est d’annoncer en début que tu enregistres pour pouvoir prendre des notes plus tard et le patron risque d’oublier pendant la conversation qu’elle est enregistrée. S’il refuse, tu refuses de discuter avec lui sans témoin.

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Mihashi a dit:


Et donc, est-ce qu’elle porte démesurément atteinte à la vie privée ou pas ? L’appel doit être rejugé pour déterminer ça ?


Nous sommes dans un état de droit où la charge de la preuve incombe à celui qui porte l’accusation.



En l’occurrence, c’est au salarié de prouver que l’extrait de la vidéo dans laquelle on le voit empocher l’argent des ventes est une atteinte à sa vie privée. Bon courage à lui. :)

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  1. L’état de droit, ce n’est pas ça.



  2. Il n’est pas question ici d’apporter la preuve d’atteinte à la vie privée. Le reproche fait à l’employeur est de ne pas avoir indiqué dans les traitements possibles de données personnelles le cas de preuve contre le vol des employés. On est ici sur un non respect de la loi informatique et liberté/RGPD. Ce qui est factuellement vrai. Pour le prouver, il suffit de produire le document par lequel l’employeur a prévenu de l’utilisation des caméras et des buts de ce traitement.




Par contre, le juge a considéré que le droit à la preuve permettait d’utiliser des images collectées bien que ce cas n’était pas indiqué aux employés.

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Il est tout bonnement incroyable que des juges censés être expérimentés (la Cassation étant un Graal dans une carrière, et requiert un certain parcours professionnel en Justice) n’apprécient tout simplement pas les conséquences irrémédiablement néfastes que leur décision comporte.



Ils encouragent tout simplement l’illégalité des dispositifs de recueil de preuves, car leurs auteurs sauront que leur production ne sera plus systématiquement ignorée.
La Justice française encourage donc l’illégalité, en l’autorisant à faire part des éléments considérés.
Ne pas respecter les règles peut donc payer, ça on le savait déjà, mais cette fois c’est officiellement reconnu, et ce sera le cas en justice, durant un procès : ça c’est nouveau. N’est-ce pas là un paradoxe ?
Réfléchissez, bon sang, les juges : réfléchissez.

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Ce qui est tout bonnement incroyable c’est que tu n’as pas compris qu’ils disent juste qu’il faut trouver un équilibre entre 2 droits : le droit à la vie privée (dont découlent la loi informatique et liberté et le RGPD) et le droit à la preuve.
Ils disent aussi que c’est au juge de décider affaire par affaire où est le point d’équilibre.



D’après toi, est-ce qu’une employée qui pique dans la caisse a plus le droit de ne pas être condamnée parce que son employeur n’a pas prévu d’utiliser les enregistrements de la caméra comme preuve ou est-ce que c’est l’employeur qui se fait voler qui a plus le droit d’apporter la preuve du vol par l’enregistrement de la caméra et de licencier l’employée même s’il n’avait pas prévu d’être confronté à ce cas ?



Dans le cas présent, si le licenciement de l’employée est jugé valide lors du nouveau procès, est-ce que ce sera néfaste comme tu le dis ?

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Il semble que c’est statufié dans le code de procédure civile (art. 132 et suivant) :
Titre VII : Communication des pièces
legifrance.gouv.fr République Française



Le problème semble similaire aux procédures d’enregistrement par une partie sur un support quelconque (vocal, image, etc..). Je ne me souviens plus quel code le traite (code du travail peut-être, si il s’agit d’une heure travaillée et des missions du contrat de travail, ou du code civil, ou les deux, ma mémoire fait défaut. Voir aussi le code de la propriété intellectuelle) mais en gros, tu ne pouvais produire ce genre de preuve sans accord préalable et explicite de chacune des parties. La validité des preuves relève alors des tribunaux saisis. C’est pour ça que c’est rarement une bonne idée de le faire à l’insu d’un tiers (coupable ou non).



Dans le cas de la vidéosurveillance on a probablement le RGPD oui. C’est amusant le droit.

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fred42 a dit:


Ce qui est tout bonnement incroyable c’est que tu n’as pas compris qu’ils disent juste qu’il faut trouver un équilibre entre 2 droits : le droit à la vie privée (dont découlent la loi informatique et liberté et le RGPD) et le droit à la preuve. Ils disent aussi que c’est au juge de décider affaire par affaire où est le point d’équilibre.


… et donc potentiellement légitimer (au “cas par cas”) des preuves collectées illégalement, alors qu’elles ne devraient même pas être considérées.




D’après toi, est-ce qu’une employée qui pique dans la caisse a plus le droit de ne pas être condamnée parce que son employeur n’a pas prévu d’utiliser les enregistrements de la caméra comme preuve ou est-ce que c’est l’employeur qui se fait voler qui a plus le droit d’apporter la preuve du vol par l’enregistrement de la caméra et de licencier l’employée même s’il n’avait pas prévu d’être confronté à ce cas ?


C’est un problème plus général que cela : tu sembles avoir du mal à prendre de la hauteur, et le mimétisme que tu as utilisé en début de message fait poindre une agressivité toute personnelle, tout à fait inutile (à arrêter ?).



Le problème ici est l’encouragement de la collecte de preuve illégale; je ne me positionne donc ni en faveur, ni en défaveur d’une des parties sur le fond de ce cas précis, qui ne m’intéresse pas particulièrement.
Si un employeur (et de manière générale quiconque) reçoit le message qu’une preuve collectée illégalement ne sera pas systématiquement ignorée/rejetée (voire que leur fourniture pourrait même doublement se retourner contre eux via l’ouverture d’une procédure visant à les punir), alors la Justice encourage l’illégalité de cette collecte, car cette partie aura tout avantage (et aucun inconvénient) à tenter la chose.



Je le répète : cette décision légitime une preuve collectée illégalement, en cassant l’appel qui s’appuyait sur le principe de sa non-recevabilité.
C’est un dangereux précédent, un très mauvais signal envoyé encourageant les pratiques les plus intrusives.



N’oubliez pas qu’en fouillant suffisamment, chacun de nous crée au quotidien de petites violations bénignes. Et si une surveillance constante, intrusive, illégale, les mettait au jour et si ces éléments étaient ensuite exploités à nos dépends ?




Dans le cas présent, si le licenciement de l’employée est jugé valide lors du nouveau procès, est-ce que ce sera néfaste comme tu le dis ?


Concernant cette employée, l’appel rejetant la preuve illégale ayant été cassé, elle saura dorénavant que quelque soit les méthodes abusives employées par ses futurs employeurs, elle sera la seule à toujours avoir tort, car elle n’a tout simplement pas les mêmes armes. Elle apprendra donc de la Justice française que la loi du plus fort est appliquée, et que sa seule manière de survivre est de s’écraser, en priant pour ne pas être surveillée de manière extrêmement intrusive par ses futurs employeurs.
Et tout observateur peut suivre le même raisonnement et se l’appliquer. Cela s’appelle la jurisprudence.



Concernant “néfaste”, je ne parlerais pas au futur, mais dorénavant au présent… et “néfaste” est un peu faible. L’illégalité des preuves n’est plus systématiquement retenue, et l’équilibre de la Justice, entre les parties, est torpillé car le plus fort pourra toujours être le plus intrusif.

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Je vais faire court : ici, la preuve n’a pas été collectée illégalement :



Les salariés d’une pharmacie à Mayotte avaient été informés de l’installation de caméras de vidéosurveillance dans l’officine. Et cela suffit d’un point de vue légal pour enregistrer les vidéos des caméras de surveillance.



Maintenant, relire mon commentaire précédent.

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(quote:1921825:127.0.0.1)
illicite = contraire aux règles du droit. illégal = contraire à la loi.



Enregistrer qqn a son insu c’est illégal.



Dans le cas de la news, les employés savaient qu’ils étaient filmés par la vidéosurveillance. Mais la vidéosurveillance de la pharmacie était limitée aux cas d’agression/vol. L’utilisation de la vidéo dans un autre cas (licenciement) est donc contraire aux règles du droit (du travail) => c’est illicite. (mais pas illégal)


Je vais être honnête : j’arrive pas vraiment à comprendre la différence entre illicite et illégal. Mais bon en même temps je suis pas juriste…

Une vidéosurveillance illicite peut justifier le licenciement d’une employée

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