Le projet de loi Renseignement 2 s’apprête à pérenniser les « boites noires »
Le 26 avril 2021 à 08h09
4 min
Droit
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« Darmanin annonce la riposte », titre le Journal du Dimanche, après « l’attaque de Rambouillet ». Le texte, qui vient organiser une mise à jour de la loi Renseignement de 2015, est prévu depuis plusieurs mois.
L’un des cœurs concerne le dispositif des boites noires, qui fut adopté à l’époque à titre expérimental avec une clause de rendez-vous fixée à fin 2018. Ce cadre expérimental avait permis d’arrondir les angles et de faire passer cet outil alors très critiqué.
Depuis, l’expérience des algorithmes – destinés à détecter les menaces terroristes dans l’océan des données de connexion – a été reconduite deux fois, avec une clause de revoyure repoussée désormais à fin 2021.
Alors qu’en pratique cette technique n’est utilisée que dans le spectre des métadonnées téléphoniques, un bilan doit être remis au plus tard au Parlement le 30 juin 2021.
Avec la loi Renseignement 2, l’article L.851 - 3 du Code de la sécurité intérieure s’apprête à être pérennisé dans le paysage. Le député Sergio Coronado avait donc vu juste le 16 avril 2015 : « Compte tenu de ce que l’expérience nous enseigne, je crains que ce qui est annoncé comme une évaluation ne soit surtout l’occasion de pérenniser des pratiques contestables ».
Le champ des arguments est déjà bien préparé à l’Intérieur : cette disposition n’est pas un danger pour les libertés puisque « toutes les grandes entreprises utilisent des algorithmes. Et il n’y aurait que l’État qui ne pourrait pas les utiliser ? » s’interroge faussement Gérald Darmanin.
Autres annonces : « la possibilité de suivre jusqu’à deux ans après l’exécution de leur peine les condamnés pour terrorisme » et « le suivi sociopsychiatrique des personnes potentiellement dangereuses », avec transmission des informations relatives à leur prise en charge dans les mains des préfets. Une réforme qui s’inscrit dans le sillage du fichier Hopsyweb.
Selon le JDD, d’autres mesures sont prévues comme la facilitation des visites et saisies domiciliaires dès le seuil d’une « menace grave », et non plus comme aujourd’hui en cas de menace d’une particulière gravité.
S’y ajoutent l’augmentation de la durée pour « recueillir des données informatiques » (sans plus de détails) et une réforme des interceptions des échanges satellitaires. Enfin les drones survolant des zones d’interdiction aérienne pourront être brouillés sur décision administrative.
D’autres dispositions sont évidemment attendues après l’arrêt du Conseil d’État sur la loi Renseignement, en particulier s’agissant des avis de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR), que le Premier ministre est libre d’ignorer, mais dont la juridiction demande à ce qu’ils soient conformes, au regard de la jurisprudence européenne.
Dans son rapport annuel de 2018, la CNCTR avait suggéré plusieurs pistes de réformes notamment l’extension du droit au recours contentieux en matière de surveillance internationale. Le rapport sur les 5 ans de la loi Renseignement est fort également de plusieurs pistes de réforme.
Le 26 avril 2021 à 08h09
Commentaires (30)
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Abonnez-vousLe 26/04/2021 à 08h49
NXI à raison. On ne peut décemment pas faire confiance à notre propre état pour assurer notre sécurité. Le plus sûr est évidement de continuer à nous en remettre à la bienveillance d’un acteur américain privé pour nous prévenir d’éventuelles menaces.
Après tout, Google et FB sont nos amis. Presque nos grands frères…
Le 26/04/2021 à 20h57
Oui, un état a un pouvoir de nuisance beaucoup plus important qu’une entreprise.
Le 27/04/2021 à 05h49
Pour un pays déterminé oui. Pour deux j’ai comme un doute.
Le 26/04/2021 à 08h54
après « l’attaque de Rambouillet ».
Le texte, qui vient organiser une mise à jour de la loi Renseignement ….
on s’en douter un peu que ‘ce genre d’évènement’
allait apporter.de.l’eau.au.moulin pour les………….
Le 26/04/2021 à 09h21
Comment seront utilisés tous ces outils liberticides lorsqu’un gouvernement plus “extrême” sera au pouvoir un jour ?
Par ce qu’une fois qu’on a la “data” avec conservation longue, changer l’algo pour trouver les dissidents politiques ou traquer les journalistes ça prendra 24h.
Et puis on peut aussi imaginer que les ayants droits, à force de lobbying, arrivent un jour à mettre le téléchargement illicite dans les “menaces graves” (pour leur business) et beaucoup de gens auront alors la surprise “des visites et saisies domiciliaires” à 6h du mat’…
“Enfin les drones survolant des zones d’interdiction aérienne pourront être brouillés sur décision administrative” –> Pas compris. Le temps que la décision administrative soit réalisée, les drones en question ils ont finis de survoler la zone depuis 15 jours, non ?
Le 26/04/2021 à 09h30
un bilan doit être remis au plus tard au Parlement le 30 juin 2021.
J’espère que le parlement va exiger ce bilan avant de pérenniser ces boites noires seulement si elles sont efficaces pour lutter contre le terrorisme.
Quand on voit avec ce dernier attentat, que l’on n’a pas détecté la radicalisation de l’auteur alors même qu’il avait émis des messages lisibles par tous qui montraient sa radicalisation, j’ai un énorme doute sur leur efficacité. Inutile d’espionner ce qui est caché, si l’on ne sait déjà pas tirer de l’information de ce qui est public.
Oui, moi aussi, je peux tirer des arguments des événements récents.
Le 26/04/2021 à 09h39
OH BAH CA ALORS vous voulez dire qu’une mesure d’urgence temporaire et qui restreint nos libertés va devenir définitive ?
Faudrait vraiment arrêter de croire que l’état fait les choses de manière temporaire. Ils ne reviennent JAMAIS en arrière.
Le 26/04/2021 à 10h19
Prochaine étape, bracelet GPS avec micro intégré au pied ou poignet de tout les condamnés à vie au frais du condamnés.
Le 26/04/2021 à 10h42
La prochaine étape, pour les personnes libérées après une peine pour terrorisme, c’est des camps de semie liberté, avec des mirador. Car “on sait jamais”.
Mais ça me rappelle un truc…
Le 26/04/2021 à 10h54
Le mieux est de faire ce que l’on fait quasi systématiquement en France : les abattre sur le champ quand ils commettent un acte terroriste, ça évite de les juger, les condamner et plus tard de les libérer.
Le 26/04/2021 à 11h00
Les 2 solutions engendre beaucoup de paperasserie.
Le 26/04/2021 à 11h15
L’absence de procès a d’autres conséquences, en particulier pour les familles de victimes, comme dans le cas de l’attentat de la gare Saint Charles en 2017.
Le 26/04/2021 à 11h32
Le procès n’est pas fait pour les familles de victimes. Il faut se mettre ça dans la tête une bonne fois pour toutes, on progressera grandement dans notre compréhension de la justice.
Et c’est encore plus vrai quand on regrette qu’une personne contre laquelle on n’a aucune preuve de culpabilité ne soit pas jugée puisque c’est ce à quoi tu sembles faire allusion. Le frère du coupable a quand même été enfermé 3 ans et demi avant l’ordonnance de non-lieu !
Et comme tu as l’air d’avoir pris au premier degré ce que je disais, je précise que je regrette au contraire que l’on abatte systématiquement les terroristes. Dans le cas que tu cites, Le Monde dit :
Alertée par les cris de la foule, une patrouille de l’opération Sentinelle a abattu l’auteur des faits qui n’obtempérait pas aux sommations. Je ne suis pas bien sûr que ça corresponde à la définition de légitime défense qui permet seule de tirer sur quelqu’un. Et une neutralisation par un tir non létal était sûrement possible.
Edit : lien vers l’article du Monde.
Le 26/04/2021 à 12h02
Non, les procès ne sont pas là pour les familles de victimes, et nous sommes d’accord que plus de 3 ans de préventive, c’est un véritable scandale. Mais c’est une des conséquences fâcheuses du fait d’abattre les auteurs (présumés même s’il y a flagrance), une drôle d’habitude qui a commencé en tirant dans le dos de Khaled Kelkal il y a 25 ans.
Dans ces 2 cas, pas de légitime défense mais ce ne sont pas des policiers qui ont tiré; les militaires, dont les gendarmes, sont autorisés à ouvrir le feu après sommations.
Je précise que je n’ai pas pris tes propos au premier degré.
Le 26/04/2021 à 11h02
Ne penser pas que terrorisme, condamné pour toute acte.
Le 26/04/2021 à 10h56
En même temps faut bien surveiller les 67 millions de procureurs en France!
Le 26/04/2021 à 11h07
Le 26/04/2021 à 11h19
Cela ne me surprend même pas ☹
Le 26/04/2021 à 15h09
C’est effectivement une stratégie visant à détourner le débat (ou alors il n’y comprend rien, ce qui est possible), les algorithmes dépendent des données qu’on leur fournit.
Les entreprises utilisent les données que les utilisateurs, souvent mal informés, leur fournissent. L’État veut intercepter des communications pour les injecter dans l’algorithme, et à partir du moment où ils ne sont pas limités à une liste d’individus (donc d’IP) précise c’est de l’espionnage de masse.
Le 26/04/2021 à 16h27
C’est un pseudo-argument. La bonne question ce n’est pas ce qui est collecté, c’est ce qui est recherché.
On ne peut pas extraire de l’information discriminante sans faire de discrimination, même sur une botte de foin.
L’argument algo c’est du transfert symbolique de responsabilité sur… the matrix.. jusqu’à preuve du contraire la causalité physique des actes de discrimination remonte jusqu’au concepteur du SI.
Autrement dit ces méthodes ne font que vaguement convertir en langage machine des process mentaux xénophobes. (pour simplifier)
Le 26/04/2021 à 15h42
Avec le sourire.
Le 26/04/2021 à 16h32
lors d’une opération militaire, et encore
Le 27/04/2021 à 07h58
heu…
Le Figaro
Le 27/04/2021 à 11h53
L’article que tu mets en lien confirme pourtant ce qu’il dit. Celui qu’il contredisait avait tort : les militaires non gendarmes ne peuvent utiliser leurs armes dans un cas autre que la légitime défense que pour :
se défendre eux-même
défendre le terrain ou les personnes qui leur sont confiées ou que si la résistance ne peut être vaincue que par les armes
pour arrêter un moyen de transport.
Ici, aucun des points n’était établi.
Le 26/04/2021 à 17h59
Tout ce qui est collecté est potentiellement exposé, en cas de changement des règles à posteriori (pour tout ce qui est conservé), de malveillance, ou simplement de bug ou faux positif de l’algorithme (qui ne peut pas être parfait), exposant des données de quelqu’un n’ayant rien fait de répréhensible.
Le 26/04/2021 à 19h06
Oui mais dans ce cette hypothèse de la pente glissante c’est la paralysie politique générale.
C’est du même ordre que de voter Macron ou Chirac contre une ou un LePen : on a aucune définition positive du programme et on s’endette pour se laisser le temps de l’écrire…
Le 27/04/2021 à 08h48
Bien que je sois en accord avec le fait qu’il ne faille pas abattre les terroristes autant que faire se peut, j’ai du mal à imaginer, à moins que l’article du Monde manque de contexte, ce que tu peux faire d’autre face à un type avec un couteau au milieu d’une foule qui a une intention claire de tuer et ne répond pas aux sommations. Oui, tu peux tenter un tir non létal, mais c’est prendre le risque de le tuer quand même (c’est peut être ce qu’il s’est passé, l’intention du tireur n’est pas précisée) ou de ne pas le blesser suffisamment pour l’empêcher de commettre un troisième assassinat, ou de blesser/tuer une personne à proximité.
Il y a beaucoup d’éléments du contexte qui sont inconnus : à quelle distance se trouvait le tireur, la densité autour de la foule, les intentions manifestes du terroriste, l’état d’esprit / de stress du tireur. Je pense que dans la réalité, quand tu es face à un homme qui a commencé à tuer et montre une intention manifeste de continuer, tu te retrouve seul responsable face à une décision extrêmement difficile à prendre et à évaluer, et ce quelle que soit ta capacité à garder ton sang froid. Il ne se passe probablement que quelques secondes entre “un homme vient de tuer 2 personnes, il court vers une troisième, je fais quoi ?, je tire”.
Je cherche pas à dédouaner le tireur, je suppose qu’il y a eu enquête, mais à moins d’avoir des hommes surentrainés à garder leur sang froid à chaque coin de rue, j’imagine difficilement comment l’on peut imaginer mieux.
Le 27/04/2021 à 13h48
Tu aurais pu citer précisément l’article plutôt que de déformer la ligne qui te donne tort:
“Les gendarmes, qui ont le statut de militaires, peuvent quant à eux utiliser leur arme lorsqu’ils sont agressés ou menacés par des individus armés, pour «défendre» une zone qu’ils occupent, après des sommations répétées restées sans effet, ou pour immobiliser des véhicules”
Or d’après l’article du Monde:
“Alertée par les cris de la foule, une patrouille de l’opération Sentinelle a abattu l’auteur des faits (armé nldr) qui n’obtempérait pas aux sommations. “
Le 27/04/2021 à 13h55
J’ai résumé l’article de loi en lien dans l’article du Figaro, pas l’article lui-même.
Mais l’article lui-même dit plutôt que les militaires de Sentinelle n’ont pas tous les droits que les gendarmes, ce qui est explicite dans l’article de loi.
Le 27/04/2021 à 17h24
Pour les soldats engagés dans une opération intérieure,
si de fortes présomptions permettent d’établir que des
vies humaines sont menacées, que la mise à exécution
de la menace est imminente et que les moyens de
dissuasion mis à la disposition des militaires autres
que les armes à feu ont été épuisés ou sont inopérants,
il est permis de faire usage des armes à feu dans le
cadre de la légitime défense et de l’excuse de nécessité
définis aux articles 122-5 et 122-7 du code pénal.
Que penser des 8 sentinelles avec armes de guerre ,casque lourd et gilet pare-balle qui ont refusé d’intervenir au Bataclan?