Les réactions à la censure à la hache de la loi Avia contre la haine en ligne n’ont pas attendu. « Quelle nouvelle avanie pour la majorité parlementaire qui vient de se faire scalper par le Conseil constitutionnel à propos de la loi Avia « contre la haine en ligne » ! » exposent le Syndicat de la Magistrature, l’association AIDES et le Syndicat des Avocats de France.
« Depuis plus d’un an, associations et syndicats dénoncent ce texte inutile et dangereux, qui aurait notamment abouti au bâillonnement des militants des luttes contre les LGBTQ-phobies et le VIH utilisant des termes jugés haineux » ajoutent les organisations.
Les trois avaient adressé au Conseil constitutionnel un argumentaire étayé. « Cette censure cinglante est une grande victoire pour les libertés ».
Philippe Latombe, seul député MoDem à avoir voté contre, regrette « l’énergie et le temps dépensés à un dispositif législatif mort-né ». Il évoque un « épisode législatif malencontreux » après lequel « il est maintenant essentiel de renouer le dialogue entre les parties prenantes et de construire un nouveau dispositif efficace et conforme à nos valeurs. »
La French American Bar association se félicite de cette censure, elle qui avait déposé une contribution extérieure avec l’Electronic Frontier Foundation et Nadine Strossen, professeur de droit et ancienne présidente de l’American Civil Liberties Union.
La Quadrature du Net, également auteure d’une « porte étroite » estime que « la France a voulu mettre le législateur européen devant le fait accompli en tentant ce tour de force risqué. Son pari est entièrement perdu ». Elle fait référence à l’obligation de retirer les contenus, notamment terroristes, en une heure. Voulue par le gouvernement, elle n’a pas passé le cap constitutionnel.
« Si le débat sur le règlement européen se poursuit, la France y aura perdu l’essentiel de sa crédibilité pour porter une proposition qu’elle est presque la seule, avec l’Allemagne, à vouloir imposer ».
« Le Conseil constitutionnel reconnaît le problème, valide le principe d’une loi, mais considère que les moyens que nous avons trouvés ne sont pas les bons. Nous devons donc continuer d’œuvrer pour trouver des solutions qui feront consensus et pourront être appliquées » a réagi Laetitia Avia, sur les débris de sa loi.
Selon la députée de la 8e circonscription de Paris, qui a porté ce projet depuis sa conception, « cette décision du Conseil constitutionnel doit pouvoir constituer une feuille de route pour améliorer un dispositif que nous savions inédit et donc perfectible ».
Et pour cause, à plusieurs reprises les dangers du texte furent signalés, notamment la surcensure des « contenus gris », en vain. Ce fut pourtant l’un des socles de la décision des Neuf sages.
Commentaires (20)
#1
Nous devons donc continuer d’œuvrer pour trouver des solutions qui feront consensus et pourront être appliquées
Elle se moque vraiment de tout le monde. Tous les arguments du CC avaient déjà été avancés dans les débats, et elle n’en a pas tenu compte. C’est ça, sa définition du consensus ? " />
pour améliorer un dispositif que nous savions inédit et donc perfectible
C’est bien, elle a enfin compris que sa loi était bancale. Mais alors, pourquoi s’entêter ?
#2
Audiard a bien des citations qui expliquent son comportement.
#3
« sur les débris de sa loi. »
On sent le parti pris 😂
#4
#5
Je ne sais pas si elle se moque de tout le monde, mais sa parole est tout ce que j’exècre en politique. Plutôt que de se poser sincèrement une question, écouter les conseils externes (unanimes), reconnaître son erreur (elle se serait grandie à dire “ok, je me suis planté, ça me servira de leçon”), elle s’enfonce dans le discours éculé et insupportable.
Merci à Philippe Latombe (dont je découvre l’existence). Il semble qu’il reste un petit espoir de trouver des députés intellectuellement honnêtes !
#6
Je suis extrêmement surpris que le Conseil constitutionnel, dont le président n’est autre que Laurent Fabius, “ami” de notre président Macron, aie censuré une loi qui aurait fourni un immense pouvoir de censure et donc de contrôle de l’information au gouvernement.
Cela étant dit je ne vais certainement pas m’en plaindre, c’est une belle victoire pour la liberté d’expression ;)
#7
Parce que le président du conseil constitutionnel n’a de voix que pour départager les juges en cas d’absence de consensus. Et que c’est un organe qui est, en principe, impartial.
#8
Il faut dire qu’avec une censure à 80%, il n’en reste plus grand-chose. " />
#9
#10
Merci à LQDN + tous ceux qui haussent la voix sur ce sujet, et qui disent “non” en notre nom ! Merci pour votre travail.
#11
“En principe” impartial, là est tout le le problème. De la même manière qu’“en principe”, jamais une loi permettant de censurer la population et provoquant un énorme risque d’outing des mineurs LGBTQ+ ne pourrait être votée par les députés qui se soucient tant du bien du peuple français.
Mais je ne savais pas qu’il n’avait pas de voix sauf en cas d’égalité des voix, je comprends mieux maintenant. Merci pour l’explication :)
#12
“Philippe Latombe” enfonce les clous du cercueil!
Dans une majorité ou l’on semble plutôt apprécier les gens muets comme son nom semblait le suggérer, je doute qu’on lui propose un ministère dans le remaniement qui serait en cours!
Pas certain non plus que Laeticia Avia qui cochait pourtant aux moins deux cases de la discrimination positive (bien souvent aux dépens de la compétence hélas, voire aussi la communicante du gvt), rayon femme et diversité, ne soit bientôt promue après un tel déboulonnage!
Après la génération d’une Simone Veil, a qui on glissait plutôt des peaux de banane, les femmes en politique depuis 1 ou 2 décennies donnent forcément l’impression de tomber de haut. Et cela ne va pas en s’arrangeant hélas.
#13
Ouf, on en a fini avec la grippe Avia. Maintenant il faudrait juste un vaccin pour que ce soit bien …
#14
ça va un petit peu plus loin que le copinage. Si le CC joue un peu trop à l’andouille sur des sujets de ce type les problèmes peuvent être portés devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (pas de QPC en principe pour une loi que le CC a déjà validée). Et là, copinage ou pas, on peut se retrouver à devoir revenir sur la loi. Si elle a été validée par toutes les instances internes, on passe vraiment pour ces " />.
Pour les députés, ça fait belle lurette qu’ils votent comme le gouvernement leur demande de voter et que l’AN n’est plus qu’une chambre d’enregistrement. Enfin, belle lurette, pas vraiment, ça date de l’alignement des élections en 2002. Parce-que les députés, ils sont comme tout le monde, ils tiennent à leur job. Et si quand ils sont dans la majorité ils expriment un peu trop leurs désaccords leur place n’est pas garantie pour la législature suivante. Du coup, quand ils ne sont pas d’accord, en général et dans la mesure du possible ils s’abstiennent. Sinon, ils votent “pour” et n’en pensent pas moins. Dans tous les cas, ils évitent de l’ouvrir.
#15
C’est une différence avec le Conseil Constitutionnel : le mandat d’un juge est de 9 ans et n’est ni renouvelable, ni révocable et il ne peut cumuler d’autres fonctions (pas d’emploi publique, pas de poste élu, pas d’appartenance au gouvernement) ou d’emplois privés. Ces dispositifs sont censés garantir leur impartialité.
Il n’y a que les anciens Présidents de la République qui peuvent y siéger à vie, principe remis en cause maintes fois car hérité de la IVème République. Le projet de loi constitutionnel démarré en 2018 révoque justement ce droit, en laissant une clause de non rétro activité pour ne pas supprimer le siège de Giscard à son application.
Des anciens Présidents encore en vie, il n’y a que Giscard qui y siège depuis 2004. Sarkozy n’est pas resté longtemps, Hollande n’y est pas allé. Et si la loi constitutionnelle passe, Macron et ses successeurs n’auront pas de siège automatique à vie.
Chirac a rapidement arrêté à cause de ses différents problèmes (justice et santé), tout comme Mitterrand n’y a jamais siégé car décédé un an après son dernier mandat.
Après, notre Conseil Constitutionnel n’est pas parfait et son impartialité a souvent été remise en cause. Le fait que les 9 juges soient nommés par le Président, l’Assemblée et le Sénat (3 membres chacun) a souvent été remis en questions.
#16
#17
Moi je suis pour le retrait immédiat de ce genre de texte liberticide, sans passer par le conseil constitutionnel, et à une amende d’un million d’euro à chaque député qui l’aura voté.
#18
#19
Il ne faut pas non plus sombrer dans les extrêmes et la caricature, on a des institutions et des garde fous qui sont là pour contrebalancer les pouvoirs, aussi perfectibles soient-ils.
Responsabiliser le législateur en le menaçant serait horriblement contre productif (au mieux, le pays s’arrête d’avancer puisque plus personne n’oserait prendre de décision). C’est aussi anti démocratique de mon point de vue que les partis qui excluent de leurs rangs un député qui n’aurait pas voté dans le sens du parti.
Le principe de l’épée de Damoclès, ça ne marche pas.
On arrive à ce genre de situation parce que la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif est beaucoup trop ténue à mes yeux. La notion de majorité pour le gouvernement est une aberration pour moi car je trouve qu’elle fausse le débat et l’indépendance parlementaire. (ça et les opposants qui s’opposent parce qu’il faut s’opposer, zéro crédibilité et aucune utilité)
#20
Eh oui, tu as raison, c’est extrême. Et pourtant, c’est à peu près le même genre de chose qui était proposé contre les sites à grande audience genre Facebook, Twitter, etc… Et ça ne serait pas si contre productif, puisque ça maintiendrait la liberté d’expression (je n’ai pas parlé d’appliquer ça pour d’autres problèmes). Chose qui a l’air de gêner fortement nos dirigeants depuis que… eh bien depuis qu’Internet est arrivé.