Accès aux décisions de justice : Doctrine.fr devant la CEDH
Le 28 juin 2022 à 05h01
1 min
Droit
Droit
Le site Doctrine, qui propose un accès aux décisions de justice, vient de frapper à la porte de la Cour européenne des Droits de l’Homme pour dénoncer le refus des autorités de lui donner accès aux décisions « du tribunal de grande instance de Paris et aux documents d’archives publiques de ce tribunal, afin de les utiliser pour nourrir [sa] base de données »
Après de vaines tentatives devant le juge administratif, Doctrine.fr « se plaint d’une atteinte injustifiée à son droit de recevoir et de communiquer des informations permettant l’accès du public aux décisions de justice, alors que cet accès est de nature à permettre le contrôle du public sur la justice dans une société démocratique ».
Le 28 juin 2022 à 05h01
Commentaires (21)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 28/06/2022 à 06h59
Micheline et ses stagiaires n’ont déjà pas le temps d’archiver tous ça, alors si en plus il faut tout ressortir pour les numériser…
Le 28/06/2022 à 08h43
Vite l’open data des décisions pour tous.
Le 28/06/2022 à 09h43
Mais que fait la CADA ?
Le 28/06/2022 à 10h44
La démocratie a bonne mine …
Le 28/06/2022 à 12h26
Merci NextINpact pour cette brève sur notre action ! Pour en savoir plus sur le contexte de notre action : https://doctrine.pr.co/216054-saisie-par-doctrine-la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-va-se-prononcer-de-facon-inedite-sur-l-acces-aux-archives-des-decisions-d
Le 28/06/2022 à 12h42
Non seulement je soutiens la numérisation, mais j’aimerais également qu’elle ne se fasse pas de manière anonyme.
Après tout, les décisions de justice étant publiques, je ne vois aucune bonne raison à faire qu’en ligne, elles soient anonymes. Après tout, si on était présent à l’audience, on aurait pu avoir le résultat ET les noms. Cela crée une distortion d’accès à l’information, or, dans une démocratie, l’information ne devrait pas être restreinte de la sorte, si on veut pouvoir contrôler ce qui se passe.
La transparence est essentielle, surtout pour pouvoir repérer les éventuelles collusions et/ou corruptions.
Le 28/06/2022 à 13h08
Tout simplement à cause du droit à l’oubli.
Imagine si tu envois un employeur aux prud’hommes pour une raison légitime et que la décision est diffusée sur Internet non anonymisée. Tes futurs employeurs pourraient te refuser le poste juste parce qu’il ont vu que tu as envoyé un de tes employeurs au prud’hommes.
Un autre exemple, tu es condamné à tord en première instance puis relaxé. ben la condamnation sera dispo et pourra être trouvée.
Le 28/06/2022 à 13h27
Tes arguments se tiennent, mais on pourrait avoir un système à la LegiFrance, avec lien vers les jugements ultérieurs sur une même affaire, ou une info sur le contexte (genre “recours non-encore purgés”)
Pour l’employeur qui voit que tu es allé aux prud’hommes, si le cas est public, tu as aussi les détails. A savoir, ce qui était reproché à l’employeur en question. Un bon employeur n’a pas à avoir peur d’un employé qui reprochait de vraies fautes, typiquement à un patron voyou. Et si un employeur véreux se dit qu’il vaut mieux ne pas employer quelqu’un qui pourrait se rebiffer, je me demande si ce n’est pas mieux pour le candidat, au final.
De plus, il faut voir les choses dans l’autre sens: Un employeur condamné fréquemment sur des bases similaires, ou du moins attaqué fréquemment sur de telles bases, ça pourrait donner des infos aux candidats, pour éviter l’entreprise, ou prendre leurs précautions. Peut-être même pour avoir plus de pouvoir de négociation, ou faire inclure telle ou telle clause dans un contrat. Je t’accorde que ce n’est pas un truc à la portée de candidats “remplaçables” facilement, mais ça pourrait tout-de-même modifier le rapport de force, si les entreprises pourries sont boudées par les candidats, et les obliger à modifier leurs pratiques et/ou les conditions proposées aux entrants.
Ensuite, le “droit à l’oubli”, c’est très relatif. De mémoire, ça interdit aux moteurs d’archiver les décisions au-delà d’un délai légal, non ? Mais un site parlant de tel ou tel cas n’aura pas l’obligation, lui, de supprimer tel ou tel contenu, sauf erreur de ma part ?
Donc un site du style “balance-ton-porc” ou “La-vérité-sur-monsieur-Machin” (si ce n’est pas de la diffamation) n’auraient pas de raison d’être interdits ?
Et autant interdire à des entreprises de te discriminer sur critères médicaux, tout ça, ça se tient, autant savoir que telle personne a escroqué 50 personnes il y a douze ans, ça me semble légitime quand il s’agit de confier un poste dans le domaine en question. Même si la personne s’est “réformée” depuis. De la même manière que certains emplois deviennent inaccessibles à vie (comme policier, par exemple, ou d’autres emplois publics requiérant un casier vierge), pourquoi interdire au privé de savoir ?
Il y a des emplois où il n’y a pas de problèmes à employer un ancien condamné. Peu de chances qu’un ancien escroc fasse beaucoup de dégâts en tant que maître nageur, jardinier, cuisinier… Par contre, lui donner un boulot administratif et accès à des fichiers sensibles, c’est peut-être pas une aussi bonne idée. Ou lui confier un boulot de vérification de normes, par exemple…
Le 28/06/2022 à 14h52
Il faut préserver et étendre le droit à l’oubli, le respect de la vie privée, et les possibilités réelles de réinsertion - évitons la société à l’américaine qui aime à ficher et à stigmatiser les individus, pour assouvir une certaine soif de châtiment et de justice à 10 francs.
Le 28/06/2022 à 15h48
Le but n’est pas forcément de stigmatiser à vie. Mais tu admettras que ce n’est pas parce que les sites web n’archivent plus l’info que les gens n’iront pas “ressortir les vieux dossiers”, en particulier si tu deviens une “personnalité publique” (acteur, politique, etc.)
Et autant savoir que quelqu’un a été condamné pour vol à l’étalage ou cambriolage y’a 25 ans, perso, ça changerait pas forcément mon opinion, autant quelqu’un qui a fait un triple meurtre y’a 40 ans, euh… je préfère avoir l’info. Ne serait-ce que pour éviter les mêmes éléments déclencheurs qu’à l’époque.
Tu peux dire que le droit à l’oubli doit être sacralisé, mais ça pose beaucoup de problèmes de forcer à avoir la mémoire trop courte. Justement, en particulier, pour la politique.
Le 28/06/2022 à 17h05
L’anonymisation des publications de décisions de justice est une obligation légale inscrite dans le Code de l’organisation judiciaire.
Les raisons sont décrites par l’article L111.13 justement : protéger la vie privée des personnes physiques (parties) mentionnées, mais aussi leur entourage, les membres du greffe, et les magistrats. Cet article interdit explicitement que des analyses statistiques soient réalisées à partir de ces données sur les travaux des membres du greffe et des magistrats.
Le but est donc aussi d’éviter toute forme de profilage.
Le 28/06/2022 à 17h11
Et pourtant, les gens qui sont dans le métier savent que tel ou tel juge a tendeance à favoriser tel ou tel type de jugement, ou que tel ou tel tribunal sera plus sévère qu’un autre.
Donc, au final, c’est uniquement le quidam “moyen” qui est privé de l’information.
Et je maintiens que, puisque les audiences sont, normalement, publiques (sauf huis-clos, pour les mineurs, par exemple), les informations devraient l’être aussi.
C’est à-peu-près aussi “utile” que d’interdire les photos et vidéos des audiences, et n’autoriser que les croquis…
Le 28/06/2022 à 17h29
Ben il va falloir que tu demandes à faire changer la loi. Mais à titre personnel, je préfère que la protection de la vie privée des différentes personnes concernées soit maintenue.
Quel est l’intérêt d’avoir l’identification des parties, des magistrats et des membres du greffe dans une décision de justice ? L’information importante d’une décision de justice, c’est de comprendre comment une affaire a été traitée vis à vis des faits, des arguments, et du respect du droit des parties concernées. Leur identité n’a aucun intérêt dans l’histoire et ne ferait que de les exposer inutilement, voire les mettre en insécurité.
Le 28/06/2022 à 17h37
Y’a plusieurs soucis avec l’anonymat. Tu pars du principe que la Justice est forcément juste, et qu’elle se comporte comme une entité immuable, constante, etc. En gros, que les juges ne jugent que les faits, presque comme des machines.
Sauf qu’on sait que les juges ont des convictions personnelles, et que les garde-fous ne marchent que partiellement (la récusation quand on sait qu’un juge est ami, ou au contraire, déteste la personne, par exemple - la liste complète des cas est sur Legifrance). Au final, tu as des juges connus pour aller plus souvent dans un sens qu’un autre, pour accorder des circonstances atténuantes là où d’autres ne le feront pas, ou pour être plus sévères au niveau des peines…
Donc justement, pouvoir évaluer ces biais, oui, ce serait positif.
Je suis d’accord sur le fait qu’il y a aussi des possibilités d’abus, mais je ne suis pas persuadé que le bénéfice à attendre de la publicité de l’information soit inférieur aux désagréments que cela peut occasionner.
Le 28/06/2022 à 18h42
A aucun moment je n’ai dit que la justice était parfaite, immuable et constante. Quel passage de mon commentaire te fait conclure vers ce point ?
Si la justice était une entité parfaite, on aurait pas besoin de cour d’appel, de pourvoi en cassation, des recours au Conseil d’Etat, de la QPC, ou encore de la CJUE. C’est justement parce qu’il y a toutes ces instances contradictoires qui font que notre système judiciaire, aussi imparfait soit-il, fonctionne.
Un appel est jugé dans une autre juridiction justement pour éviter des biais d’interprétations ou autre. La Cour de Cassation s’assure que la loi a été respectée et casse le jugement à défaut, une QPC peut abolir une loi si jugée inconstitutionnelle lors de ce recours, et la CJUE est capable de prononcer une interprétation de la loi qui fait jurisprudence au sein de toute l’UE pour harmoniser l’application du droit européen.
Il va falloir sourcer tes propos car là ce que je lis, c’est la même rhétorique que les politiciens qui hurlent à la justice laxiste ou orientée tout ça parce qu’elle ne va pas dans le sens de leurs propres convictions. Et ce genre de rhétorique m’inquiète toujours car c’est un pas de plus vers l’arbitraire.
Le 28/06/2022 à 20h11
J’inférais cela du fait que, pour toi, l’identité de la cour n’a aucune importance. Statistiquement, si, justement, cela en a un. Mais c’est justement ça que la loi veut éviter, elle veut éviter qu’on puisse montrer que tel juge est moins impartial qu’il ne devrait l’être. Ou que tel procureur est plus zélé qu’un autre.
Si les juges étaient totalement impartiaux, et interchangeables de par cette impartialité, cela n’aurait aucune raison d’être. Ces mesures visent à éviter qu’on puisse mesurer, et donc révéler, un tel biais.
Je ne dis pas que la justice, dans son ensemble, est “pourrie”, ou autre. Mais il y a des décisions particulièrement honteuses, des passe-droit, des bracelets électroniques pour des détournements se comptant en centaines de millions d’Euros, si ce n’est en milliards, alors qu’un “petit” délinquant, lui, aura de la prison ferme.
L’open data là-dessus permettrait aussi de monter qu’en fonction du profil social du justiciable, les condamnations ne sont pas les mêmes, ce que tu peux difficilement faire si l’anonymat ne permet pas ce genre de recoupements. Et par “profil social”, je ne veux pas dire “dangerosité”.
Qu’on adapte la peine au cas par cas, c’est normal. Que l’adaptation soit systématiquement vers le laxisme pour certains privilégiés, par contre, ce l’est beaucoup moins.
Le 28/06/2022 à 17h24
Désolé pour le double post, mais l’article L111-14, lui, permet d’avoir le tout sans caviardage (sauf si ça met la sécurité de la personne en danger). Mais c’est bien le côté “automatique” et facilement réutilisable qui leur fait peur, ici.
Personnellement, je préfèrerais que tout soit beaucoup plus ouvert, plutôt que d’avoir toujours des choses comme le “secret des affaires” et des trucs qui se règlent discrètement, en petit comité, et au final sans contrôle démocratique.
Le 28/06/2022 à 17h18
Les tribunaux et greffes sont déjà débordés mais eux ils vont encore plus les surcharger de demandes…
Qu’on ne s’étonne pas que ça prenne des années ou des semaines quand on veut simplement avoir accès à des décisions / dossiers au greffe. Merci doctrine !
Le 28/06/2022 à 17h28
En même temps, qu’est-ce qui est le plus coûteux ? Une décision scannée et mise à disposition une seule fois, ou une décision non-scannée, mais pouvant être demandée plusieurs fois, par plusieurs personnes ?
Je t’accorde que tout le monde ne demandera pas les archives concernant des affaires d’il y a un siècle ou plus, mais ça peut arriver. De plus, ça permettrait de lancer des études sociologiques, impossibles (par manque de moyens) sans un tel travail. Et on pourrait embaucher des contractuels pour ça, quitte à avoir du personnel assermenté pour les surveiller. Ou les assermenter directement, même si ils ne font le boulot qu’à titre temporaire.
Le 29/06/2022 à 16h16
C’est un peu ce à quoi je m’attendais comme réponse. L’un des intérêts de protéger la vie privée des parties, des magistrats et membres du greffe, c’est aussi d’éviter les potentielles représailles que peuvent susciter un jugement qui ne va pas dans le sens de ce que la vindicte populaire voudrait.
J’ai énuméré les différents moyens de recours (peut être pas tous, c’était de tête) que les parties peuvent invoquer dans le cas où la décision de justice à leur encontre ne leur plait pas. Quelle serait la valeur ajoutée de divulguer l’identité des parties et des membres de la cour vis à vis de l’escalade actuelle dans la procédure ?
Le 30/06/2022 à 10h01
J’essaye de te montrer que les statistiques pourraient (ou pas, selon l’honnêteté des magistrats) révéler des abus, et tu repas sur le côté “procédure”, du point de vue uniquement du justiciable.
Si on veut pouvoir s’assurer que la justice fait correctement son travail, la transparence est un avantage, pas un défaut. Si on veut maintenir l’opacité autant que possible, par contre, non.
J’ajoute que quelqu’un qui a des moyens financiers conséquents pourrait déjà, en l’état actuel, obtenir les informations (justement via le 111-14 évoqué précédemment), quitte à faire appel à un certain nombre d’intermédiaires pour les demandes (pour éviter qu’elles soient refusées sur les critères de “volume” ou par leur côté “stytématique”).
Donc, rendre cela impossible pour les systèmes automatisés n’empêche pas d’obtenir l’information. Par contre, cela empêche le plus grand nombre de le faire, réservant de fait cette possibilité à quelques-uns, déjà privilégiés. Je ne suis pas sûr que ce soit dans l’intérêt général.
Et pour ce qui est de la “vindicte populaire”, puisqu’il est déjà possible de se faire fournir les documents sur un procès particulier (toujours ce 111-14), qu’est-ce qui empêche M. Justicier de faire la demande, puis d’aller “faire justice” lui-même auprès des gens n’ayant pas tranché dans le bon sens ? Ou de publier les informations sur un site web, dans l’espoir (secret ou pas) que d’autres le feront ?