Une obligation de loyauté pour les plateformes, renforcée au-delà d’un seuil de connexion
Joyeux Noël !
Le 05 octobre 2017 à 16h30
5 min
Droit
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Au Journal officiel, d’autres textes d’application de la loi Lemaire ont été publiés ce matin. L’un, pour le moins problématique, impose des obligations spécifiques pour les intermédiaires qui dépassent un « seuil de connexion »
L’article 50 de la loi Lemaire sur la République numérique impose des obligations spécifiques visant à contraindre certains acteurs en ligne à « renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté ».
Quels acteurs ? Cette obligation concerne les opérateurs de plateforme. Concrètement, il s’agit des moteurs de recherche, des places de marché, des plateformes d’intermédiation par exemple dans le domaine de l’économie collaborative, etc.
D’ici le 1er janvier 2018, tout ce beau monde aura de nouvelles obligations de base, pourrait-on dire, grâce à un décret publié ce matin. Autrement dit, à deux mois de Noël, ces acteurs devront lancer des travaux de développement de toute urgence pour répondre aux vœux de la réglementation. Pas sûr qu’un tel calendrier soit apprécié par le secteur.
Transparence et loyauté
Quels travaux ? Ils devront préciser par exemple « les conditions de référencement et de déréférencement des contenus et des offres de biens et services, notamment les règles applicables pour être référencé et les obligations dont le non-respect conduit à être déréférencé ».
Autres contraintes, les Google, Qwant et autres auront à fixer « les critères de classement par défaut des contenus et des offres de biens et services, ainsi que leur principaux paramètres ». En outre, les liens capitalistiques ou de rémunération entre la plateforme et les offres référencées devront être révélés si du moins ils ont une influence sur ce classement. Une obligation qui pourrait générer quelques impératifs pour Qwant, alors que celui-ci puise une partie de ses résultats chez Microsoft Bing.
Les intermédiaires de mise en relation
D’autres obligations de transparence sont dédiées aux seuls intermédiaires de mise en relation, comme nous l’annoncions dans notre actualité détaillée. Ceux-là devront révéler :
- « La qualité des personnes autorisées à déposer une offre de biens et de services, et notamment leur statut de professionnel ou de consommateur ;
- « Le descriptif du service de mise en relation, ainsi que la nature et l'objet des contrats dont il permet la conclusion ;
- « Le cas échéant, le prix du service de mise en relation ou le mode de calcul de ce prix, ainsi que le prix de tout service additionnel payant, lorsqu'ils sont mis à la charge du consommateur ;
- « Le cas échéant, les modalités de paiement et le mode de gestion, opéré directement ou par un tiers, de la transaction financière ;
- « Le cas échéant, les assurances et garanties proposées par l'opérateur de plateforme ;
- « Les modalités de règlement des litiges et, le cas échéant, le rôle de l'opérateur de plateforme dans ce règlement.
Attention au seuil des 5 millions de visiteurs uniques par mois
Un autre décret a prévu des obligations complémentaires, toujours sur la veine de la loyauté et de la transparence. Il impose aux acteurs dépassant un seuil de connexion d’élaborer et diffuser « aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté » définie ci-dessus.
Un décret, publié aussi ce matin a fixé ce seuil à « cinq millions de visiteurs uniques par mois, par plateforme, calculé sur la base de la dernière année civile », sachant que l’obligation entrera en vigueur dès le 1er janvier 2019.
Problème : le texte introduit dans notre droit une obligation activée à partir d’un critère, celui du visiteur unique, qui n’existe pas en droit. Il y a certes des services d’audiences privés, mais les prestations proposées ne sont pas d’une fiabilité absolue.
Autre chose, déterminer que tel visiteur est bien unique imposera le dépôt d’un cookie et donc le recueil d’un consentement.
En outre, lors des travaux à l’Assemblée nationale, il avait été avancé que cette disposition n’allait viser que « quelques dizaines de plateformes structurantes pour l’économie française ». Sauf que le seuil des 5 millions par mois concerne l’ensemble des plateformes, peu importe leur localisation dans le monde.
Même si l’on peut comprendre que cela ne s’adresse qu'à celles ciblant le marché français, on devrait sans difficulté faire exploser les compteurs, d’autant que le chiffre de 5 millions est relativement bas.
Fait notable, le dépassement va avoir d’autres effets. Au-delà de ce chiffre, la DGCCRF sera à l’avenir compétente pour « procéder à des enquêtes » administratives à l’encontre des structures concernées, et ce, « afin d'évaluer et de comparer [leurs] pratiques ». La Répression des fraudes pourra par exemple « recueillir auprès de ces opérateurs les informations utiles à l'exercice de cette mission ». Soit un périmètre pour le moins large.
Toujours face à cette multitude, le service de Bercy diffusera périodiquement les résultats de ces évaluations, avec une cerise sur le gâteau : les plateformes en ligne qui ne respectent pas leurs obligations de loyauté seront placardées sur une liste dans la pure mode du « name and shame ».
Une obligation de loyauté pour les plateformes, renforcée au-delà d’un seuil de connexion
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Transparence et loyauté
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Les intermédiaires de mise en relation
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Attention au seuil des 5 millions de visiteurs uniques par mois
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 05/10/2017 à 16h37
On peut d’ores et déjà prévoir une augmentation de budget conséquent pour que la DGCCRF puisse faire des enquêtes (les cabinets d’avocats d’affaire viennent de déboucher le champagne…)
Le 05/10/2017 à 16h49
DGCCRF=> mission élargie ok mais avec quels moyens ….
Le 05/10/2017 à 16h58
“Problème : le texte introduit dans notre droit une obligation activée à partir d’un critère, celui du visiteur unique, qui n’existe pas en droit. Il y a certes des services d’audiences privés, mais les prestations proposées ne sont pas d’une fiabilité absolue.”
Mais si la plate-forme n’a pas les moyens fiables de connaitre le nombre de visiteurs, comment la DGCCRF serait-elle mieux placer pour juger ce fait ? et donc sanctionner la plateforme par la suite …
Le 05/10/2017 à 17h17
C’est avec une larme à l’œil qu’on voit disparaître sous nos yeux et petit à petit ce qui faisant le charme d’Internet : le dernier espace de liberté en train d’être vertement fossilisé dans une usine à gaz démago-bureaucratique comme seule sait en produire la technostructure de l’État français, et que le monde nous envie (mais ne copie bizarrement pas).
Il faut reconnaître que ces barons cachés de la drogue publique savent y faire pour mater administrativement toutes velléités d’indépendance.
Le 05/10/2017 à 18h18
Transparence, loyauté… autant de termes inconnus de ceux qui pondent de toute urgence ce type de textes…
Le 05/10/2017 à 18h23
Le 05/10/2017 à 19h05
Avec tes moyens " />, une petite hausse d’impôt et la machine de l’état tourne rond
Le 05/10/2017 à 19h27
Le 06/10/2017 à 05h36
Le 06/10/2017 à 07h34
Tout ce que je vois moi c’est que les gros acteurs, la pluspart étrangés, en auront rien à faire et c’est les acteurs français qui vont souffrir. La balle, le pied?
Le 06/10/2017 à 08h38
« D’ici le 1er janvier 2018, tout ce beau monde aura de nouvelles obligations de base, pourrait-on dire, grâce à un décret publié ce matin. Autrement dit, à deux mois de Noël, ces acteurs devront lancer des travaux de développement de toute urgence pour répondre aux vœux de la réglementation. Pas sûr qu’un tel calendrier soit apprécié par le secteur. »
Il serait sans doute plus simple et plus rentable de lancer des travaux de création de structure entrepreneuriale à l’étranger puis une migration des environnements techniques. Moins de contraintes, moins d’impôts, moins d’emmerdes…
Le 06/10/2017 à 09h41
Le but est d’encourager l’hébergement des sites Internet à l’étranger ou cette loi ne s’applique pas? " />
Le 06/10/2017 à 09h42
Un acteur comme Box qui permet du stockage est-il concerné ?
Le 06/10/2017 à 10h09
Le 06/10/2017 à 10h23
Je ne connais pas de sites Internet “visant le marché français”, sur Internet tous les sites sont accessibles dans tous les pays (sauf dictature qui censure comme la Chine….) " />
Le 06/10/2017 à 10h39
Lisons donc ensemble la définition des sites concernés :
Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
Sont entre autre concernés :
Et j’en oublie beaucoup. Mais voilà quelques exemples où il sera difficile de plaider ce que tu dis.
Google par exemple n’a jamais nié que les lois et les décisions de justice en découlant ne s’appliquait pas à la partie de ses sites visant le public français. Par contre, il se bat pour que cela influe sur le contenu visant les autres pays, par exemple sur le droit à l’oubli.
Content de t’avoir appris quelque chose.
Le 06/10/2017 à 13h56