Aux États-Unis, des FAI, moteurs de recherche et intermédiaires sommés de bloquer Sci-Hub
Scier l'accès à Sci-Hub
Le 07 novembre 2017 à 16h03
5 min
Droit
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Un éditeur de revues scientifiques, ACS, a obtenu d'un tribunal californien le blocage de Sci-Hub, un moteur de recherche donnant accès à des articles scientifiques payants. Les intermédiaires du Net qui y sont liés sont tenus à ce blocage, malgré l'opposition de la CCIA, association représentant services et fournisseurs d'accès.
Le 3 novembre, un tribunal de Virginie a ordonné le blocage de Sci-Hub, une plateforme de diffusion d'articles scientifiques habituellement accessibles de manière payante. Fournisseurs d'accès, moteurs de recherche, hébergeurs et la chaine technique des noms de domaine sont désormais sommés de couper l'accès à la bibliothèque.
Fondé en 2011 par Alexandra Elbakyan, le moteur de recherche recense plus de 64 millions d'articles scientifiques, placés en libre service, pour partie contre la volonté d'éditeurs de publications scientifiques. Sci-Hub dit agir pour la diffusion de la connaissance et la lutte contre le copyright dans le cadre de la recherche et de l'éducation. Face à lui, certains ayants droit parlent tout simplement de piratage de leurs contenus.
L'outil est né d'un mouvement d'ouverture des articles scientifiques, dont il est devenu l'une des principales incarnations. En juin, l'éditeur néerlandais Elsevier gagnait en justice contre le site, pointait une liste de 100 articles diffusés illégalement. À la clé : 15 millions de dollars, que l'éditeur aurait peu de chances de recevoir de la chercheuse, qui vivrait en Russie. Débutée en 2015, la procédure a mené à au moins deux changements de noms de domaine en 2016, après intervention des registrars concernés.
Désormais, la justice américaine demande aux intermédiaires techniques d'empêcher l'accès au site, après une attaque de l'American Chemical Society (ACS)... un des principaux éditeurs d'articles scientifiques sur la chimie outre-Atlantique.
Opposition de l'industrie à un tel blocage
En juin également, l'entreprise portait plainte contre Sci-Hub, exigeant le retrait immédiat de ses contenus, le paiement de dommages et le versement de tout revenu généré par la plateforme, pour violation du copyright et du droit des marques.
Fin septembre, le juge John Anderson recommandait un jugement en faveur d'ACS, en l'absence de représentant de Sci-Hub au tribunal, rapporte Torrentfreak. Un schéma exactement similaire au procès intenté par Elsevier quelques mois plus tôt. Le juge recommande le versement de 4,8 millions de dollars de dommages et intérêts à l'éditeur, ainsi que la suppression des liens et accès vers la plateforme par toute la chaine technique en connexité avec le site.
À la mi-octobre, la Computer & Communication Industry Association (CCIA) a déposé un amicus curiae dans ce procès qui oppose ACS à Sci-Hub en Virgine. Elle se place aux côtés de Sci-Hub, avec une demande simple : ne pas rendre responsable l'ensemble des intermédiaires techniques des agissements du site.
L'association, qui représente notamment Cloudflare, Facebook et Google, réclame que l'affaire soit considérée sous l'angle du Digital Millenium Copyright Act (DMCA), qui interdit toute demande aussi large. Elle estime surtout qu'en l'absence de contrat entre Sci-Hub et chacun des intermédiaires concernés, il est hors de question de les considérer comme « confédérés », donc responsables.
Malgré tout, le blocage de Sci-Hub bien demandé
Dans une décision du 3 novembre, la juge Leonie Brinkema suit les recommandations de son confrère, aux antipodes de la grille de lecture de la CCIA. Elle réclame au site de cesser toute distribution du contenu de l'éditeur de revues scientifiques, et va bien plus loin.
La décision réclame à « toute personne ou entité agissant de concert avec Sci-Hub et notifiée de l'injonction, incluant tout moteur de recherche, hébergeur, fournisseur d'accès Internet, registrar ou registre de nom de domaine, de cesser la facilitation de l'accès, de l'utilisation et de la distribution illégale des marques et des travaux copyrightés d'ACS ». Rien de moins.
Les registrars et registres de noms de domaine doivent donc suspendre celui de Sci-Hub, en statut registryHold ou serverHold, censés empêcher de le résoudre. ACS s'est rapidement félicité de cette décision, qui répond à toutes ses attentes.
À Science, l'entreprise affirme que la notion d'« action de concert » avec Sci-Hub exclut les moteurs de recherche généralistes, donc que la décision ne s'applique pas à tout Internet. Il reste que les fournisseurs d'accès et moteurs sont bien inclus dans la liste, donc que l'entreprise devra prouver des liens étroits entre chacun d'eux et la bibliothèque.
La décision risque donc une application compliquée. La CCIA, qui n'a pas encore réagi, pourrait poursuivre son combat dans ce dossier, en s'opposant encore à un jugement rendu hors des clous du DMCA. Elsevier avait lui-même réclamé un blocage généralisé similaire en juin 2015, avant de reculer face à l'opposition de la CCIA et de l'Internet Commerce Coalition.
En 2011, le projet de loi Stop Online Piracy Act (SOPA) proposait justement de responsabiliser les intermédiaires techniques et financiers des sites qui enfreignent le copyright, sans besoin de prouver de lien direct. Il avait été abandonné après une large mobilisation en ligne.
Aux États-Unis, des FAI, moteurs de recherche et intermédiaires sommés de bloquer Sci-Hub
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Opposition de l'industrie à un tel blocage
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Malgré tout, le blocage de Sci-Hub bien demandé
Commentaires (50)
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Abonnez-vousLe 07/11/2017 à 16h05
Quels connards…
L’existence même de Science/Nature/autres met à mal l’intégralité du monde de la Recherche (publique).
Le 07/11/2017 à 16h25
Pour creuser un peu plus sur le sujet : l’épisode de Datagueule “Privés de savoir”
Le 07/11/2017 à 16h27
Ces éditeurs prennent tous les droits ou presque sur nos articles, ne rémunèrent même pas ceux qui réalisent une bonne partie du travail d’édition (valider les articles, ce qui se fait “bénévolement”), imposent aux auteurs de perdre leurs droits d’auteurs, et en plus prennent des marges de folies en hausse permanente !
Faut cesser ce système pervers des éditeurs !
Merci Sci-Hub, outils IN-DIS-PEN-SA-BLE pour accéder aux articles financés en bonne partie par des deniers publics !
Le 07/11/2017 à 16h31
+1.
Le 07/11/2017 à 16h35
juste sur un point, en France l’abandon des droits d’auteur est purement illégal, donc de ce côté là ça va.
Par contre oui c’est clairement des enflures mais c’est un système complet qu’il faut modifier (évaluation des chercheur-es uniquement sur la valeur des publications), donc c’est pas pour après demain " />
Le 07/11/2017 à 16h36
Le 07/11/2017 à 16h40
Comme d’habitude il n’y aura aucune remise en question du système. C’est parti pour un jeu du chat de la souris comme pour la musique, les livres, les films… Bon courage à ceux qui ont monté cette superbe initiative.
Le 07/11/2017 à 16h51
solution : tout mettre sur TOR
les chercheurs sauront comment y accéder. en meme temps c’est pas difficile tor browser + un lien vers le .onion
Le 07/11/2017 à 16h55
Tous ne sauront pas y accéder : va demander à un chercheur en bio de toucher à un PC, ce sera déjà un gros effort pour certains " />
De plus, l’utilisation de TOR ou d’un VPN au CEA est bloquée + une raison valable de licenciement…
Mais en effet, comme pour beaucoup de choses, ce serait une solution pérenne.
Le 07/11/2017 à 16h57
Ou juste un DNS perso.
Le 07/11/2017 à 17h04
Le 07/11/2017 à 17h23
Le 07/11/2017 à 17h24
ma question c’était sur l’utilisation de VPN, motif suffisant pour un licenciement. " />
Le 07/11/2017 à 17h58
Pour y bosser, le CNRS ne paye pas l’accès à l’intégralité des revues et des éditeurs.
Ca dépend de chaque labos et de ses tutelles, donc il nous faut aussi acheter certains papiers et donc le budgéter qqpart…
Le 07/11/2017 à 17h59
Putain mais quand est ce qu’on mettra en place une licence globale permettant de se débarrasser de tous ces crevards d’éditeurs ?
Le 07/11/2017 à 18h07
Un ami a vécu le “insta-mail d’avertissement” quand il a tenté de s’y connecter, plus un sysadmin qui est venu l’engueuler.
C’est dans la charte informatique interne. Ça suffit, non ?
NB : Je ne sais pas si ça a été effectivement appliqué un jour. De toute façon c’est certainement filtré au niveau protocole par les routeurs.
Le 13/11/2017 à 13h08
Le 13/11/2017 à 16h19
bah pour continuer le HS :
Pour l’exemple donnée, c’est simplement ce qu’on appelle des termes épicènes (à la fois masculin et féminin)
Le 07/11/2017 à 18h07
Le 07/11/2017 à 18h09
ma question portait plus sur l’utilisation de tor/vpn.
Je me suis déjà connecté à des sites interdits au boulot, ça m’a bloqué, par contre activer le vpn opera et hop je télécharge saints row 2 qui était gratos sous le manteau et personne n’a jamais rien remarqué
Le 07/11/2017 à 18h11
Le CEA/CNRS/INRIA/INRA/etc vont toujours payer les éditeurs pour avoir accès aux bases de données de publications.
Un certain nombre d’abonnements sont payés, mais pas tous, loin de là. Tu as plus d’une centaine de revues scientifiques, au bas mot:
WikipediaEt comme le précise eguillot ça dépend des labos. ET c’est cher. ET ya déjà pas des masses de financements.
Le 07/11/2017 à 18h13
Tu as HAL (hal.archives-ouvertes.fr), mais pas de review + pas de filtres + insta-publication = beaucoup de boulot de filtrage personnel + pas d’assurance de qualité + “première version” des publications avant correction parfois.
Le 07/11/2017 à 18h16
Oui, c’est bien de cela dont je parle. Il avait configuré son pc pour utiliser TOR chez lui (il était alors intérimaire), et avait oublié de le désactiver en arrivant le lendemain matin. C’est les requêtes de configuration/connexion au réseau TOR qui ont été détectées, pas les sites accédés.
Et pour le VPN, c’est pareil.
En gros, au CEA, comme “c’est l’industrie” et “ya de l’IP”, on est surveillés et maternés. Pire qu’avec la loi renseignement.
Le 07/11/2017 à 18h18
Ca me fout la gerbe
Les thèses de mon labo auraient pas la même tronche sans Sci-hub je vous le dis…
Et en plus c’est bien plus pratique que Reaxys ou des portails pourris du CNRS
Le 07/11/2017 à 18h37
quelqu’un pour donner des sujet (pas de mots clé) qui fonctionne avec ce moteur de recherche ? même très large, il ne trouve rien :(, sur la biologie du poumon chez le serpent par exemple rien, ‘poumon’ rien non plus.
sur un article d’un pote, rien non plus
en anglais, allemand etc … pas de résultats
Le 07/11/2017 à 18h54
Ce n’est pas un moteur de recherche. Il faut connaître l’article qu’on veut lire, puis rentrer au choix:
* l’url de l’article (http://science.sciencemag.org/content/358/6363/eaao0464 )
* le DOI ( 10.1126/science.aao0464 )
* le PMID (un autre numéro d’identification)
Avec l’article que je te donne en exemple, tu récupères un pdf sur cette page :https://sci-hub.cc/10.1126/science.aao0464
Le 07/11/2017 à 19h08
Le 07/11/2017 à 19h49
Le 07/11/2017 à 19h53
Dans le cas présent, le système est beaucoup plus complexe que pour les livres, films et musiques.
En science, les publications ne servent pas uniquement à diffuser du savoir mais aussi de support pour l’évaluation du chercheur-e, de l’équipe et du labo. Evaluations qui impactent directement le financement des équipes ainsi que la carrière des gens.
L’exemple le plus criant étant à priori en biologie à cause des fortes baisses de financement et de la forte asymétrie entre nombre de poste et candidat : le seul moyen de sélection restant les publications.
Du coup très peu de chercheur-es en bio, notamment non permanent, prennent le risque de ne publier qu’en open science.
Bref c’est tout un écosystème qu’il faudrait modifier.
Le 07/11/2017 à 19h54
vu le nombre de réf présentent dans ma thèse, crois moi, ça marche sans problème :)
Le 07/11/2017 à 19h57
Le 07/11/2017 à 20h05
Le 07/11/2017 à 21h41
Le 07/11/2017 à 21h58
Le 07/11/2017 à 22h38
Si c’est interdit par le règlement intérieur et que ça pose des éventuels problèmes de sécurité (car contournement d’un firewall avec éventuellement liste blanche / noire), c’est probablement une bonne faute grave et donc un motif de licenciement.
Le 08/11/2017 à 05h15
Le 08/11/2017 à 06h19
oui pour les droits moraux, les droits patrimoniaux peuvent être cédés contractuellement.
Concernant le système, je trouve que les institutions publiques devraient arrêter de tout laisser aux autres comme pour les transferts de technologie à l’époque. Développer un cadre pour ce qui est écrit en leur sein et accompagner les chercheurs dans leurs publications. ça permettrait de déjà résoudre une partie du problème.
Le 08/11/2017 à 09h08
leur justification c’est que TOR serait une faille de sécurité ?? c’est du grand n’importe quoi " />
Le 08/11/2017 à 12h28
la justification c’est : si c’est pas en liste blanche, ça passe pas ^^
à mon labo (CNRS), un ordi perso ne peut meme pas se connecter au réseau …
Le 08/11/2017 à 12h31
oui effectivement.
Pour le reste, reste la question la plus importante : comment évaluer les chercheur-es/labo/universités quand le seul critère universel est l’impact facteur de la publi ? (facteur qui nécessite un comité de relecture et surtout une politique éditoriale précise).
Tant que ce problème n’est pas résolu, les éditeurs continueront à prendre l’ensemble du système universitaire/recherche en otage.
Le 08/11/2017 à 12h36
Merci de se renseigner avant de dire n’importe quoi.
Pour information, la langue française a été modifiée il y a plusieurs siècle par l’académie française pour retirer la place de la femme dans notre langue (suppression de nom de métier important par exemple, genre poétesse ou plombière) , il est donc normal que certaines personnes essayent aujourd’hui de revenir là-dessus.
Suffit de regarder ce qu’il se fait au Québec par exemple.
Ensuite, l’écriture inclusive ce n’est pas uniquement des -e partout hein, c’est un équilibre entre différentes façon de remettre le genre féminin au même niveau que le masculin dans un texte.
Bref si vous y voyez un problème, bah suffit de ne plus me lire.
Et tant qu’on y est :
https://www.ladepeche.fr/article/2017/11/07/2680108-314-professeurs-enseigneront…
Le 08/11/2017 à 14h13
Le 08/11/2017 à 20h13
Cloudflare en tout cas n’a vraiment pas honte… quand on connait ses agissements dans la censure
Le 08/11/2017 à 21h11
Le 09/11/2017 à 08h26
Pour le coup si, tu t’es foutu de sa gueule avec un smiley.
Assume hein.
Sinon pour sci-hub c’est tellement puissant. Je l’utilise presque tous les jours.
Et le mois dernier, j’ai eu mon premier article dessus, je suis fier. " />
Le 09/11/2017 à 09h00
Le monde de la recherche a délégué pour des question de simplicité le pouvoir de certification à ces éditeurs. On ne fait plus l’effort d’étudier la qualité d’un papier mais on cherche le sceau de telle ou telle revue dessus.
En contrepartie, on a des acteurs incontournables et très puissants. J’ai donc de la peine à considérer qu’il s’agit simplement d’une prise d’otage.
Les hautes écoles et les institutions de recherche doivent reprendre ce travail de reviewing si elles souhaitent changer de modèle (le problème est de savoir combien ça coûte). On peut faire une légère analogie avec le transfert de technologie. Plutôt que de tout laisser à disposition pour rien et laisser les autres décider de l’utilité, l’institution valorise le résultat de sa recherche: elle reprend le contrôle mais c’est du travail en plus.
Mais bon c’est juste ma réflexion et au fonds tu as raison: la question est vraiment difficile à traiter dans tous ses aspects.
Le 09/11/2017 à 14h06
La prochaine a la place d’un smiley qui indique littéralement que tu as envie de tuer pour ce que tu lis (donc perso je le prend aussi comme ça : c’était pas une critique comme ça en passant mais apparemment un truc plus profond), utilise des mots. Ca évitera les malentendus.
Ensuite mon comm était à lire de manière général, quand on voit les conneries qui ont été écrites sur ce thème sur twitter par ex, un peu de pédagogie de fait pas de mal.
Et si ça à pu paraitre cassant comme réponse, faut aussi voir que c’est pas la première fois que je fais ce type d’explication
Enfin, si le problème n’est pas la modification de la langue, je peux savoir ce qu’il n’allait pas dans ma façon de faire ?
Le 09/11/2017 à 14h10
Le 09/11/2017 à 19h25
Le 10/11/2017 à 10h43