LPM 2019 - 2025 : les cyber-combattants seront irresponsables pénalement
Histoire de ne pas les inhiber
Le 09 février 2018 à 13h02
3 min
Droit
Droit
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, tout juste déposé au Parlement, veut introduire une excuse pénale au profit des cyber-combattants. Une mise à jour pour tenir compte des nouveaux moyens d’action de la Direction générale de l’armement (DGA) et des militaires des unités des forces armées.
Une loi de 2005 et la LPM de 2013 avaient déjà fait profiter ces acteurs d’une excuse pénale inscrite à l’article L. 4123 - 12 du Code de la défense. Les hypothèses ? Une infraction commise dans le cadre d’une libération d’otages, de l’évacuation de ressortissants ou encore la police en haute mer, etc.
Avant ces deux lois, en dehors des périodes de guerre, les mêmes militaires ne pouvaient s’abriter que derrière la légitime défense. Avec la LPM 2019 - 2025, le gouvernement entend dépoussiérer ces moyens traditionnels en ajoutant les « actions numériques ».
Manoeuvres d’influence, actes de coercition sur les adversaires
Pourquoi ? L’officier général « commandant de la cyber-défense » (COMCYBER) et son état-major, explique l’étude d’impact, peuvent mener des opérations « telles que l’infiltration dans l’espace numérique, le recueil d’informations ou de contre-propagande dans le cadre de la lutte anti-terroriste ». Les objectifs sont divers : « manoeuvres d’influence », voire « des actes de coercition sur les adversaires afin de les persuader ou de les contraindre à stopper leurs activités ou à agir conformément à leurs attentes ».
Or chacun de ces actes est susceptible de qualification pénale : atteinte à la vie privée, au secret des correspondances, piratage voire « provocation à la commission d’infractions ».
Le texte ne définit pas ce qu'est une action numérique, mais ces quelques exemples laissent entrevoir de généreuses marges. Selon l’étude d’impact, il est maintenant temps de prévoir un bouclier juridique pour ne pas « inhiber » leurs modes d’action, et parce que « l’instrumentalisation de la justice pour déstabiliser les opérations militaires constitue une option parfaitement intégrée par les ennemis de la France, à plus forte raison par les cyber-combattants ».
La loi en gestation ne pourra néanmoins être celle du Far-West puisque le droit international devra toujours être respecté. En outre, ajoute l’étude d’impact, « les actions principales devront s’exercer à l’extérieur du territoire national ».
Le feu vert du Conseil d’État
De son côté, la loi Renseignement avait intégré un article 323 - 8 dans le Code pénal visant ce même objectif. Voilà pourquoi les services sont désormais autorisés à commettre des actes qualifiés normalement de piratage informatique, dès lors que ceux-ci sont destinés à « assurer hors du territoire national la protection des intérêts fondamentaux de la Nation ».
La nouvelle LPM uniformise pour ainsi dire le régime. Le Conseil d’État, dans son avis, a considéré « que cette mesure ne se heurte à aucune objection ». Et pour cause, « au vu du développement rapide et du caractère stratégique des actions militaires sur le plan cybernétique », il est nécessaire « de prémunir les militaires qui participent à de telles actions, lorsqu’elles se rapportent aux opérations extérieures, contre le risque d’une interprétation restrictive de la notion d’opérations militaires par les juridictions répressives ».
LPM 2019 - 2025 : les cyber-combattants seront irresponsables pénalement
-
Manoeuvres d’influence, actes de coercition sur les adversaires
-
Le feu vert du Conseil d’État
Commentaires (26)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 09/02/2018 à 13h39
Ce qui veut dire que tuer quelqu’un par drone (donc action numerique), leur donne une immunité contre toute poursuite en france par ex ?
Sans doute utile mais bien permissive et dangeureuse cette mesure…
Le 09/02/2018 à 13h45
Et du coup comment cette “irresponsabilité” est-elle encadrée ? Quelle procédure définit le “go” et le droit à contrevenir à la loi ? Il y a t’il une autorité qui valide l’opération, en définit le périmètre (la nature des opérations menées), et les personnes concernées (attaquant et attaqués) ? Faut-il définir les dommages collatéraux potentiels avant de lancer l’opération ? Il y a t’il une autorité qui contrôle à posteriori les impacts des opérations menées ?
Il y a t’il des clauses de proportionnalité de définie (Par exemple, peut-on mettre par terre le réseau électrique, téléphonique et internet de tout un pays, car on le soupçonne un groupe d’activiste du dit pays de mener un acte d’espionnage sur le serveur mail de l’une de nos entreprise) ?
Peut-on balancer un virus sur les PC du monde entier, car un pays a trop de centrifugeuses ?
Ou est-ce une carte blanche pour ce faire ce que l’on veut, quand on le veut, avec qui on veut, à l’encontre de qui on veut (pourvu qu’il soit à l’étranger) ?
Le 09/02/2018 à 13h46
Dans le cadre d’un conflit militaire, tuer un ennemi n’est pas puni par la loi.
C’est la même chose.
Je ne pense pas qu’on poursuive les hommes du GIGN quand ils blessent ou tuent un preneur d’otages non plus.
Alors normalement, on ne fait pas d’opérations militaires sur notre propre sol sans une invasion et pas contre ses propres citoyens, du coup, si ça reste dans un cadre militaire habituel, c’est très raisonnable.
Le 09/02/2018 à 13h52
Les militaires ont déjà l’immunité pour leurs opérations à l’étranger. Ils ne peuvent être poursuivis par un tribunal civil pour avoir tué, que ça soit avec un drone ou pas. Pour les abus il y a un tribunal militaire.
Ce projet de loi prévoit d’étendre le champ de leurs prérogatives militaires au cyber-espace.
Le 09/02/2018 à 13h59
Le 09/02/2018 à 14h04
Petit à petit…..
Le 09/02/2018 à 14h07
Le président est chef des armées. C’est l’autorité qui donne le go et détermine le périmètre des opérations. Il a la pleine latitude pour déterminer la nature des opérations militaires, dans les limites de la constitution et, en théorie, des traités internationaux (à sa discretion). Pas d’opération militaire sur le territoire national (sauf en cas d’invasion/loi martiale).
Le 09/02/2018 à 14h43
“ et parce que « l’instrumentalisation de la justice pour déstabiliser
les opérations militaires constitue une option parfaitement intégrée
par les ennemis de la France, à plus forte raison par les
cyber-combattants ». ”
Est-ce que vous auriez déniché quelques exemples ? Je n’y connais rien en droit, alors je vais peut-être écrire des bêtises, mais:
cas d’un cyber-combattant qui introduit un virus dans les terminaux informatiques d’un “ennemi de la France” à l’étranger (et a priori étranger lui-même, l’ennemi, je sais pas si les cyber combattants sont autorisés à agir sur des Français vivant à l’étranger), sous le régime actuel (sans bouclier juridique). L’ennemi de la France parvient à identifier l’origine de l’attaque: il sait qu’il s’agit d’un cyber-combattant français. Et là du coup, l’ennemi de la France il peut aller au tribunal de la France, tranquillou, pour porter plainte contre le cyber-combattant de la France ? ça arrive souvent, des trucs comme ça ?
Cela me paraît assez peu probable, non ? Sans même parler du fait qu’il faudrait que l’ennemi de la France, il arrive techniquement à identifier et prouver que c’est Roger, cyber combattant de la France, qui lui a envoyé un pdf vérolé dans sa boîte mail.
Le 09/02/2018 à 15h15
Il faut arrêter les cachets d’antimilouf au petit-déjeuner monsieur.
Le 09/02/2018 à 15h20
On plante une graine, on voit si ça prend, ensuite ça évolue.
Le 09/02/2018 à 15h23
" /> Je ne critique pas les militaires, en fait je trouve ça plutôt normal que les militaires bénéficient de l’immunité lors de leurs opérations puisque les conflits armés ont lieu justement quand les mécanismes de résolution pacifique des conflits - comme le judiciaire et la diplomatie - ont échoué..
Le 09/02/2018 à 16h10
Non, ce que je veux dire, c’est que tes deux informations sont fausses par méconnaissance et préjugé typiquement antimili (comme d’autres mythes du non imposable, nourri-logé, etc).
1/ Il n’y a pas d’immunité lorsqu’un militaire est en opération. Le militaire reste redevable devant la justice (certes française et pas locale, encore que cela dépende de la nature exacte de l’intervention) de toutes ses actions, qui sont évaluées sous l’angle de la nature légale de son opération.
2/ les tribunaux militaires n’existent plus depuis un moment déjà.
Le 09/02/2018 à 16h20
Il n’existe pas de loi martiale en France, et on ne peut en décréter une dans le cadre de l’état d’urgence.
Ce qui s’en approche en France, c’est l’état de siège. Celui-ci se déclare en conseil des ministres. il est limité dans le temps (12 jours) et dans son périmètre géographique. Il ne peut se décréter qu’en cas de péril immédiat résultant d’une guerre étrangère ou d’une révolte armée. Il ne peut être prolongé que par le Parlement.
Le 09/02/2018 à 17h28
Cet article semble assez complet sur le sujet:
http://moreas.blog.lemonde.fr/2015/05/03/pour-les-militaires-une-justice-presque…
Ça reste un entre deux
“Au combat, un militaire bénéficie d’une sorte d’immunité lorsqu’il fait usage des armes et de la force, sur un sol étranger, à condition qu’il agisse dans le cadre de sa mission et selon les règles internationales.”
Le 09/02/2018 à 17h59
Le 09/02/2018 à 18h01
Le 09/02/2018 à 18h02
Non, cette phrase du blog, ça revient à dire : “En France, un conducteur bénéficie d’une sorte d’immunité, à condition qu’il respecte le code de la route.”
Enfin, le tribunal aux armées de Paris a disparu en 2012. Cet article de blog sous-entend qu’il y a une justice spéciale, alors qu’en réalité, il s’agit de juge et avocats ordinaires, mais spécialisés en affaires militaires. Donc la seule spécialité, c’est qu’en effet, il y a une chambre juridictionnelle spécialisée dans les affaires militaires. Un peu comme il y a des avocats pénalistes, fiscalistes, etc…
Ce qui m’inquiète, c’est que ces informations, bien qu’ouvertes, ne franchissent pas souvent la barrière du préjugé.
Le 09/02/2018 à 18h11
Ah, la belle affaire. Encore heureux que l’on est pas inquiété quand on fait ce que l’on nous demande de faire en le faisant dans le cadre juridico-légal défini non ?
Par ailleurs, je te renvoie à l’affaire Mahé qui montrent le contraire de ce que tu avances, avec des condamnations à la clef. Normal. Et détrompe-toi, les enquêtes et les GAV pour entendre des militaires sur des faits en opérations ne sont pas rares.
Et les procédures de “targeting” (puisque tu parles des pilotes, mais ça ne leur est pas spécifique) sont très rigoureuses et font systématiquement l’objet d’un agrément fixé au préalable par une autorité, le plus souvent civile.
C’est un peu la même remarque : pourquoi devrait-on être inquiété juridiquement de faire quelque chose qui est validé et approuvé par un cadre juridique, lui-même largement élaboré en dehors de la stricte sphère militaire ?
Le 09/02/2018 à 18h34
Tu as compris un peu de travers mon commentaire.
Contrairement à ce que tu as l’air de penser, je n’ai jamais sous-entendu que c’était anormal qu’un soldat d’une armée régulière n’était pas inquiété dans son activité normale ou attendue. Tu aurais pu t’en douter puisque j’ai dit que sinon nos pilotes seraient mal…
Donc je réitère, sauf exception, on n’inquiète pas un militaire pour avoir tué une personne d’un camp ennemi. Qu’on vérifie certaines choses parfois, oui je suppose.
Le 09/02/2018 à 20h13
Limité dans le temps, comme l’état d’urgence ? <_<
Le 10/02/2018 à 11h49
Cette loi elargit considérablement ce qui peut se faire, et qui est déjà probablement en pratique réalisé illégalement.
Néanmoins je trouve que cela doit être replacé dans le contexte mondial dans lequel nous sommes obligatoirement. Déjà il n’y a plus de guerre (enfin si bien sûr il y a des guerres) mais de nombreuses actions, notamment cyber, se font en l’absence de guerre. De nombreux pays (USA Russie Chine Corée du Nord…) Ont déjà développé des moyens autrement plus incisifs. Donc au final , malgré les risques que cette loi implique, je trouve qu’il est plus risqué de ne rien faire.
Le 10/02/2018 à 13h33
A moins que l’action ne s’apparente à de la torture ou à quelques autres choses qui sont interdites même en temps de guerre, j’ai du mal à voir comment ça n’était pas déjà couvert par ce qu’autorise le cadre d’une opération militaire.
Et pour ceux qui se posaient la question de savoir quand est-ce qu’on est dans une opération militaire, c’est finalement assez simple : les soldats en ont reçu l’ordre. Ordre qui doit pouvoir être tracé jusqu’à l’état major et après, on revient au niveau civil puisqu’on se retrouve dans l’entourage du président qui a été élu par nos soins.
Donc, que faire si l’armée reçoit des ordre inacceptables : aller voter, soit pour un nouveau président, soit pour des députés qui cadreront plus proprement les opérations militaires.
Le 11/02/2018 à 10h02
Le 11/02/2018 à 11h00
Le 11/02/2018 à 20h40
C’est une contrainte à vivre pour tout le monde, alors que l’état d’urgence tel qu’on l’a connu a objectivement touché une infime partie de la population.
Donc ça se prolonge beaucoup moins facilement que l’état d’urgence, sauf si l’opinion publique n’y voit pas d’inconvénient (eh oui tout est là : si l’état d’urgence a pu être autant prolongé, c’est que ça ne scandalisait pas grand monde).
Le 12/02/2018 à 08h25