À une semaine du RGPD, la réforme de l’annuaire public de noms de domaine toujours en travaux
Deux ans passent si vite
Le 18 mai 2018 à 11h10
6 min
Droit
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Le 25 mai, la protection des données personnelles passera à un niveau supérieur en Europe. Pourtant, la mise en conformité du « whois », l'annuaire des titulaires de noms de domaine, piétine toujours. Derrière la volonté d'une issue rapide se cachent toujours d'importantes divergences entre États, organisations et autorités communautaires.
Depuis novembre, l'organisme en charge des ressources mondiales d'Internet, l'ICANN, prépare la réforme du « whois », la base de coordonnées des titulaires de noms de domaine (voir notre analyse).
Le problème est simple : le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui s'applique en UE le 25 mai, exige que toute collecte ou traitement d'informations personnelles soit consentie ou justifiée. Or, la publication par défaut des coordonnées des titulaires de noms de domaine à extension générique (« .com », « .net », « .org »...), de loin les plus nombreux, est imposée aux internautes. Il faut corriger le tir.
Ces deux dernières semaines, les échanges se sont intensifiés entre la direction de l'ICANN (via son président Göran Marby), le comité consultatif des gouvernements (GAC), où siègent les États, et certaines autorités européennes de protection des données (les homologues de la CNIL). À une semaine de l'application du RGPD, la panique transparaît toujours dans certains courriers.
Des sociétés (dont Cloudflare) demandent au moins six mois de délai
Depuis janvier, l'organisation tente de concilier la protection des données et les exigences de certains États, qui veulent maintenir ces informations publiques, officiellement pour les forces de l'ordre. L'ICANN doit aussi rassurer les bureaux d'enregistrement, qui peuvent être attaqués à partir du 25 mai sur la base du RGPD.
L'ICANN a ainsi réclamé un moratoire sur les sanctions des CNIL européennes, le temps de se conformer au règlement. Pour mémoire, le texte a été arrêté il y a deux ans, avec un important délai pour adapter les services en ligne. De nombreuses entreprises sont pourtant en plein « rush » pour se conformer. Concernant le « whois », les autorités européennes de protection des données alertent l'ICANN depuis 2003 : son système ne respecte pas le droit communautaire, depuis une directive de... 1996.
Pour apaiser les bureaux d'enregistrements, l'organisation mondiale a promis de ne pas sanctionner ceux qui devront déroger à leur contrat ICANN pour respecter le RGPD. Dans une lettre du 16 mai (PDF), huit sociétés (dont 1&1, Cloudflare et GoDaddy) demandent un délai d'au moins six mois pour respecter la réforme du « whois » qu'exige l'ICANN. « Toute spécification temporaire adoptée aujourd'hui déviant fortement des attentes et modèles prévus jusqu'ici arrivera bien trop tard pour être implémentée le 25 mai » estiment-elles.
De quoi parlent-elles ? Des spécifications pour la mise en conformité, publiées le 14 mai, à la peinture très fraiche et encore soumises à changements. Le terrain reste donc glissant pour ceux qui devront mettre en place la réforme du « whois », sur le modèle choisi par l'ICANN, dont l'optimisme le pousse à croire que les bureaux d'enregistrement pourraient être prêts le 25 mai.
Un accès aux données qui inquiète toujours
Justement, ce modèle pour faire rentrer au chausse-pied les exigences du RGPD dans le « whois » a mis beaucoup de temps à émerger. Après des alertes européennes en novembre, l'organisation a proposé trois modèles à la mi-janvier, avant de choisir le plus protecteur de la vie privée (et contraignant) début mars.
Ce « Cookbook » consiste à masquer la plupart des données personnelles quand un nom de domaine est enregistré par un particulier (voir notre analyse). Ce que pratiquent déjà certaines extensions, comme le « .fr ». Une adresse e-mail anonymisée restera en ligne, pour contacter le responsable du site. Pour accéder à ces données cachées, les requérants (comme les forces de l'ordre) devront obtenir une accréditation officielle, dont les modalités sont encore à trouver.
Ce modèle est considéré comme une entrave aux enquêtes, selon la Commission européenne, qui l'estime bien trop lourd. Au sein du GAC, les États pestent contre cette décision, semble-t-il sous l'impulsion de leurs forces de l'ordre, vent debout contre la perte de cette base de données (aux données pourtant peu fiables).
La position des gouvernements est l'un des principaux nœuds de la réforme du « whois ». D'un côté, ils veulent une mise en conformité rapide avec le RGPD. De l'autre, ils réclament que l'adresse e-mail de chaque titulaire de nom de domaine à extension générique reste publique ; quand bien même l'information est sensible.
Cette position, défendue dans une longue réponse mi-mars, est au centre de désaccords récents avec la direction de l'ICANN. Le GAC demande le respect de ses volontés (maintenir tant que possible les coordonnées des particuliers publiques), en offrant une porte de sortie via un modèle « ultime » pour le « whois » prévu d'ici un an. Réponse de l'organisation, après plusieurs échanges : il n'est pas question de respecter neuf des dix « conseils » du GAC.
De la friture sur la ligne entre ICANN et CNIL européennes
Pourtant, dans un communiqué, l'ICANN avait lui-même repris l'argument de l'accès aux données par les forces de l'ordre, au grand dam du G29, qui regroupe les CNIL européennes. Celles-ci ont menacé à mots couverts l'ICANN, pour le décourager de reprendre si facilement le discours du GAC.
La communication passe mal entre les autorités de protection des données et l'organisme mondial. Ces derniers mois, de nombreux échanges ont montré des incompréhensions mutuelles, entre la rigueur des CNIL et l'urgence de l'ICANN pour rattraper le temps perdu. Quand cette dernière réclame un délai, le G29 l'a tancé pour le grand flou de son modèle, qui justifie à peine chaque traitement, ce qui est pourtant le cœur du RGPD.
Les spécifications publiées le 14 mai sont censées mettre tout le monde d'accord, mais rien n'est encore arrêté. À une semaine de l'application du RGPD, aucun document final n'a été mis en ligne.
Malgré les grands débats qu'elle cause, cette première réforme du « whois » n'est qu'une rustine temporaire. D'ici quelques années, ce système doit être remplacé par une autre plateforme technique et juridique. Selon plusieurs spécialistes, elle ne pourrait arriver qu'après une nouvelle vague d'extensions de noms de domaine, prévue pour 2020 ou 2021.
À une semaine du RGPD, la réforme de l’annuaire public de noms de domaine toujours en travaux
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Des sociétés (dont Cloudflare) demandent au moins six mois de délai
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Un accès aux données qui inquiète toujours
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De la friture sur la ligne entre ICANN et CNIL européennes
Commentaires (13)
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Abonnez-vousLe 18/05/2018 à 11h28
Les entreprises US demandent un moratoire sur les sanctions européennes concernant le RGPD.
Les entreprises UE demandent un moratoire sur les sanctions américaines concernant l’embargo iranien.
That’s negotiating !
Le 18/05/2018 à 13h35
Difficile de faire la grosse voix à l’égard de l’ICANN (pour rappel Société de droit californien) avec le RGPD;
. d’une part l’obligation de s’y soumettre pour l’ICANN n’est en rien acquise, elle tente de concilier la chèvre et le chou, mais fondamentalement pourrait très bien dire, ceci ne concerne que les prestataires qui pourraient tomber sous le coup du RGPD, nous on a nos règles c’est à prendre ou à laisser si les “CNILs” européennes sont pas contentes c’est la même.
. d’autre part, parce que le boulot n’a pas été fait en Europe sur l’essentiel du RGPD et sur des données autrement plus sensibles qu’un mail et une boite postale (bidons dans la majorité des cas) associés à un nom de domaine.
Pendant ce temps, on clame RGPD! RGPD! comme s’il s’agissait d’un texte révolutionnaire, là où les changements sont marginaux par rapport à la directive de 96 et surtout les garanties parfaitement insuffisantes.
De fait jusqu’à aujourd’hui le RGPD n’a servi qu’à faire du privacywaching…
Encore hier sur Facebook où ce dernier, malgré ses pratiques et sa réputation déplorable en terme de respect de la vie privée et des données persos, mais encore son dernier scandale, se permettait d’adresser une alerte (capture si nécessaire):
“Le RGPD entrera en vigueur le 25 mai 2018. Assurez-vous que votre entreprise Facebook est conforme aux nouvelles exigences de confidentialité de ce règlement”
… dans le genre hôpital qui se fout de la charité… " />
Le 18/05/2018 à 13h50
Le RGPD apporte l’extraterritorialité, donc l’ICANN doit s’y plier en tant que responsable de ces extensions, qu’il soit californien ou non. ;)
Le 18/05/2018 à 13h59
Le 18/05/2018 à 14h42
Le RGPD ne pouvant rien contre le principe international de souveraineté des Etats, tu as d’ailleurs probablement en mémoire l’affaire des objets nazis et yahoo, ben c’est la même ^^
Si l’organisme a de forts intérêts avec l’Europe, elle préférera probablement se soumettre d’elle-même au RGPD (ou trouver un compromis comme tente de le faire l’ICANN), mais si l’Europe représente rien pour elle, personne ne pourra rien y faire et elle pourra continuer comme bon lui semble.
Exact. De même, si une entreprise n’a pas de relation avec les USA (par exemple une entreprise chinoise) alors cette entreprise pourra continuer a commercer avec l’Iran.
Mais il faut bien voir que traiter les données personnelles des européens n’a d’intérêt que si on cible le marché européen. Sauf si on est une agence de renseignement étrangère, mais là c’est un autre débat.
Le 18/05/2018 à 15h09
J’ai simplifié bien sûr. Après, l’ICANN ne négocie rien. Il essaie de se conformer sans casser le “whois” pour les forces de l’ordre et les cabinets de protection de la propriété intellectuelle, qui font leur beurre sur ces données.
Le 18/05/2018 à 15h21
Le 18/05/2018 à 15h39
Le 18/05/2018 à 16h52
Le 18/05/2018 à 19h13
Le 19/05/2018 à 08h33
Le 20/05/2018 à 19h36
C’est là que le discours autour du RGPD est très fort, en réalité sur ce que tu peux faire ou non par rapport à notre législation (et en réalité depuis la directive de 96) le RGPD ne change pas les obligations.
Il en ajoute un peu (sur la limitation du traitement ou encore la portabilité), il apporte certaines précisions (autour du security by design), mais pour le reste tu ne pouvais déjà pas te décharger de tes obligations en qualité de maître du traitement par les CGU (contrat etc…).
D’où mon commentaire précédent; on fait beaucoup de mousse autour du RGPD, mais à mon avis on est loin du compte.
Le 21/05/2018 à 03h35
En ce qui concerne l’Iran, on peut tomber sous le coup des sanctions américaines sans être présent sur le marché américain :