La « guerre » entre Apple et l'ANFR sur le niveau de DAS des iPhone 12 touche à sa fin. Une mise à jour a déjà été validée par l'Agence et sera déployée dans iOS 17.1. Apple explique dans un communiqué sa version de l'histoire et pourquoi ses clients n'ont jamais été exposés à un DAS dépassant les limites réglementaires. L'association Alerte Phonegate monte également au créneau contre le protocole de mesure de l'ANFR et Apple.

Le 12 septembre, Apple présentait ses nouveaux iPhone 15 à l'occasion de sa grand-messe annuel. Mais quelques heures auparavant, l'ANFR (Agence nationale des fréquences, le régulateur français des ondes) exigeait le retrait du commerce de l'iPhone 12 pour dépassement de DAS. Le ministre Jean-Noël Barrot était monté au créneau pour assurer le show médiatique.

Nous ne reviendrons pas en détail sur la passe d'armes entre l'ANFR et Apple, que nous avons déjà longuement détaillée par ici. Devant la ténacité de l'ANFR (et l'inquiétude d'autres régulateurs européens sur le dépassement de DAS), Apple a finalement décidé de déployer une mise à jour via iOS 17.1.

• iPhone 12 : l’ANFR valide la mise à jour d’Apple qui sera déployée le 10 octobre

Détection de proximité : les capteurs de la discorde

Apple en profite pour expliquer pourquoi l'iPhone 12 pouvait effectivement dépasser le DAS réglementaire, mais tout en précisant que « l’iPhone 12 peut être utilisé en toute sécurité et que cela a toujours été le cas », que ce soit en France ou dans le reste du monde :

« L’iPhone possède des capteurs qui lui permettent de détecter lorsqu’il est posé sur une surface statique, comme une table, et qu’il n’est donc pas tenu à la main ou placé dans une poche. Ce mécanisme de détection d’éloignement du corps, qui est utilisé dans tous les iPhone depuis plus d’une décennie, permet à l’appareil d’augmenter légèrement la puissance de transmission lorsqu’il n’est pas en contact avec le corps humain, dans un objectif d’optimisation des performances [...]

Ce mécanisme a été soigneusement testé et vérifié à l’échelle internationale afin de garantir sa conformité aux exigences de débit d’absorption spécifique (DAS). Cette puissance légèrement plus élevée ne s’applique pas à la conformité au débit d’absorption spécifique (DAS), puisque le téléphone se trouve sur une table, pas en contact avec votre corps ».

En clair l'iPhone 12 peut en effet dépasser les 2 ou 4 W/kg (suivant le type de DAS) réglementaires, mais jamais lorsqu'il est en contact avec le corps, affirme Apple. Cette dernière ajoute que l’ANFR utilise un protocole de test ne tenant pas compte de cette fonctionnalité, « qui n’autorise donc pas une légère augmentation de la puissance lorsque cela est approprié ». Afin de se conformer aux mesures de l'ANFR, Apple a finalement décidé de « publier une mise à jour logicielle qui désactive cette fonctionnalité pour s’adapter au protocole de test ». Elle est intégrée à iOS 17.1, dont la troisième bêta a été mise en ligne hier soir.

Apple ne précise pas quand la version définitive sera mise en ligne. Généralement, le fabricant propose entre cinq et six bêtas avant de sauter le pas. Wait & see donc...

Le protocole de l'ANFR sur le banc des accusés

Le fabricant ne décolère pas pour autant et s'en prend directement au protocole de l'ANFR, qui « exige que les appareils respectent les limites de débit d’absorption spécifique (DAS) sur le corps, même lorsque l’appareil est testé sur une surface statique éloignée du corps ». Pour Apple, cette décision « n’est pas conforme aux normes internationales, qui permettent des tests indépendants des mécanismes de contrôle de la puissance pouvant ne pas être activés lors des tests de débit d’absorption spécifique (DAS) standard ». Ambiance.

Apple « n’augmentera plus la puissance autorisée lorsque l’appareil ne sera pas en contact avec le corps ». L'entreprise insiste sur la situation qu'elle a visiblement du mal à accepter : cela se produira même quand le smartphone sera par exemple posé sur une table. Rappelons que le DAS diminue très rapidement avec la distance, même lorsqu'elle n'est que de quelques millimètres.

Quelle conséquence pour les utilisateurs ? « Dans les zones de couverture où le signal cellulaire est faible, ce changement de puissance de transmission de l’antenne peut entraîner des performances cellulaires légèrement inférieures dans les cas d’utilisation sans contact avec le corps [Apple insiste fortement sur ce point dans sa communication, ndlr]. La plupart des utilisateurs ne devraient pas se rendre compte de la différence ».

Contacté par nos soins, l'ANFR n'a pour le moment pas souhaité répondre à nos questions.

Rififi autour du capteur de proximité dans le protocole de mesure

Marc Arazi, président et fondateur de l'association Alerte Phonegate, pointe du doigt un changement dans le protocole de mesure des DAS : « l’ANFR, pour tenir compte des logiciels embarqués dans les portables, a mis en place en 2020 un nouveau cahier des charges pour les labos, afin d’obtenir de la part des fabricants les clefs de désactivation de ces principaux softwares qui faussent les niveaux de DAS calculés en laboratoires ».

Dans les tests de 2021 (en dépassement des limites réglementaires) aucun des capteurs n'était pris en compte. Mais le résultat en question ne concerne pas le DAS membre pris en excès (à 5,74 W/kg au lieu de 4 W/kg maximum). Dans celui de septembre 2023 (qui ne concerne que le DAS membre cette fois-ci), le capteur de mouvement et la mesure moyennée dans le temps (Time averaging) sont pris en compte... mais pas le capteur de proximité qui est justement au cœur des débats du jour.

Marc Arazi nous explique que, dans « 26 des 27 contrôles, Apple n’a jamais accepté de donner les clés » de désactivation des logiciels maison. Dans le test de septembre, avec la « mise à jour », « Apple a pour la première fois coché les deux dernières cases, mais pas celles sur les capteurs de proximité (proximity censor), en contradiction avec les propos tenus dans leur communiqué (capteur de détection du corps utilisé par Apple) ».

Toujours selon Marc Arazi, « une cinquantaine d’organisations sont en train de se mobiliser, Apple est dans de sales draps ».

« Ce nouveau protocole a été mis en place pour que les fabricants, comme dans le Dieselgate, ne puissent plus continuer à fausser la réalité des tests DAS. Mais nous sommes dubitatifs sur son efficacité réelle… », indique enfin le président de l'association. Nous aurons l'occasion de revenir sur la question des « dispositifs techniques de gestion de la puissance émise » intégré dans les téléphones et pris en compte par l'ANFR.

Dépassement de DAS : Apple n'est pas un cas isolé

Rappelons que l'iPhone 12 n'est pas le premier et certainement pas le dernier smartphone épinglé pour cette raison. En 2022, environ 8 % des téléphones portables contrôlés ont été épinglés pour cette raison, mais ces statistiques ne prennent pas en compte les procédures en cours.

Les fabricants/importateurs ont alors deux choix : déployer une mise à jour dont la conformité est vérifiée par l'ANFR ou procéder à un retrait volontaire des produits en circulation. Dans de rares cas, une troisième voie est empruntée : faire le mort. C'était le cas de Leagoo et Allview qui ont finalement été interdits à la vente.

L’ANFR répond à Apple, la mise à jour pour tous le 24 au plus tard

Ce vendredi 13, l’Agence nationale des fréquences indique que le correctif d’Apple « sera disponible pour tous les utilisateurs au plus tard le 24 octobre ». Il est pour le moment limité à la version bêta d’iOS 17.1, pas suffisant pour lever les sanctions puisque tout le monde ne peut pas en profiter par défaut. « L’interdiction de commercialisation de l’iPhone 12 restera en vigueur en France jusqu’au déploiement effectif de cette mise à jour auprès du grand public », ajoute l’ANFR. 

Le régulateur des fréquences en profite pour répondre à Apple sur les accusations de son protocole. Le contrôle du DAS « constitue une exigence européenne et doit tenir compte des conditions prévisibles d’utilisation » : 

« Dans ce cadre, le laboratoire accrédité missionné par l’ANFR a constaté un dépassement du DAS "membre" pour plusieurs bandes de fréquences utilisées en Europe, malgré la mise en œuvre d’un protocole stimulant régulièrement l’appareil pour activer les algorithmes de contrôle de sa puissance de transmission à proximité du corps humain ».