Le Premier ministre veut un bilan de l’Open Data et la fin des redevances à horizon 2022
Giboulée d'annonces
Le 14 mars 2019 à 15h53
8 min
Droit
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En réponse à un référé de la Cour des comptes, Édouard Philippe souhaite qu’un « premier bilan de la mise en œuvre de l’ouverture des données [publiques] et de ses impacts » soit réalisé, dès cette année. Le Premier ministre a dans le même temps décidé de mettre définitivement fin aux redevances, notamment de l'IGN, à « horizon 2022 ».
Même la Cour des comptes le dit, avec un art certain de la litote : la mise en œuvre du volet « Open Data » de la loi Numérique de 2016 « ne se fait pas sans difficulté ». L’institution vient de se pencher sur la « valorisation des données » de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), de Météo-France et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).
Dans un référé publié lundi 11 mars, les trois opérateurs, qui relèvent tous du ministère de la Transition écologique, en prennent clairement pour leur grade. La Cour des comptes pointe explicitement leurs « difficultés récurrentes et multiples pour se conformer au droit ».
Multiples manquements aux lois Lemaire et Valter sur l’Open Data
La liste des manquements s’avère relativement longue : « l'obligation de publication de répertoires des principales données détenues n'est pas respectée ; de nombreux logiciels et certaines de leurs bases de données, qui pourraient être qualifiés d'informations publiques, ne sont pas mis à disposition du public ; il en est de même des codes sources et paramétrages de certains modèles informatiques de Météo-France ».
Bien que la « loi Valter » de 2015 ait gravé dans le marbre le principe de gratuité des données publiques, la Cour des comptes s’inquiète d’entorses trop nombreuses à ce texte (qui autorise malgré tout certaines redevances). « La complexité de la tarification de I'IGN n'apparaît pas conforme à l'esprit, sinon à la lettre, des textes » regrettent ainsi les magistrats.
Avant de poursuivre : « Les licences accompagnant la réutilisation des données, obligatoires en cas de perception de redevances, ne sont pas toutes homologuées (Météo-France) ou le sont à titre dérogatoire et temporaire (IGN) ; certaines de leurs caractéristiques apparaissent très contraignantes, à la fois pour les opérateurs et les réutilisateurs des données. »
Le Cerema fait encore plus fort « en vendant des logiciels et des publications hors habilitation à percevoir des redevances », pour environ 500 000 euros par an.
L’État invité à procéder à des « clarifications »
La Cour des comptes reconnait néanmoins que l’IGN, Météo-France et le Cerema sont soumis depuis plusieurs années à « une forme d'injonction paradoxale : développer leurs ressources propres, notamment par la commercialisation des données, tout en procédant à leur diffusion gratuite » (telle que prévue par la loi Lemaire).
Les recettes de ces opérateurs ont d’ailleurs clairement diminué : « En 2013, les ventes de données brutes représentaient encore 36 % (14,7 M€) du chiffre d'affaires de I'IGN : elles n'en représentent plus que 12 % (6,6 M€) en 2017. » Aussi, « les recettes grand public de Météo-France sont passées de 17,8 M€ en 2012 à 9 M€ en 2017 » (voir d'ailleurs cet article que nous avions consacré à l'établissement public).
L’institution de la Rue Cambon souligne également la « complexité technique de la matière », et le changement « radical » impulsé par la loi Numérique. Mais surtout, elle déplore un « manque d'orientations claires de la part de l'État ».
« Il est indispensable que le périmètre des informations publiques devant être mises à disposition gratuitement soit précisé, en particulier en ce qui concerne les logiciels produits par les administrations, leurs bases de données « intermédiaires » et leurs publications », affirme la Cour des comptes. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’interprétation de la loi Numérique pose question, notamment du fait que celle-ci impose la mise en ligne, en Open Data, des « bases de données » ou des données dont « la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental ».
Les magistrats plaident enfin pour « un pilotage plus efficace de l'ouverture des données », les yeux rivés sur l’enlisement du projet de Base d’adresses nationale (BAN).
Le Premier ministre veut un « premier bilan » de l'Open Data « sous six mois »
En réponse à ce référé, le Premier ministre a annoncé à la Cour des comptes qu’il convenait effectivement de « corriger » certains points. Édouard Philippe explique avoir demandé à l’Inspection générale des finances d’établir « sous six mois », avec le soutien de la Direction interministérielle au numérique (DINSIC), « un premier bilan de la mise en œuvre de l’ouverture des données et de ses impacts, des difficultés rencontrées par les ministères et leurs opérateurs ». L’objectif est également de faire émerger des propositions de « mesures d’accompagnement adaptées ».
« Je souhaite, par ailleurs, que nous puissions, dans les mois à venir, remettre en place une gouvernance et un suivi interministériels réels des déclinaisons sectorielles de notre politique de la donnée, à commencer par la donnée géographique », poursuit le locataire de Matignon.
Guide pédagogique, mission sur l'ouverture des codes sources...
Quant à la « clarification » réclamée par la Cour des comptes, Édouard Philippe reconnait qu’il est « nécessaire de mieux accompagner les services de l’État, les collectivités territoriales, les délégataires de services publics et tout autre acteur concerné dans l’application de la réglementation relative à l’ouverture des données ». À cette fin, le Premier ministre a demandé à la DINSIC « d’établir et de diffuser sous trois mois un guide pédagogique et opérationnel sur ces sujets ».
S’agissant du cas particulier des codes sources, Matignon estime que leur ouverture « soulève des difficultés supplémentaires, par exemple dans son articulation avec la propriété intellectuelle ». Édouard Philippe a ainsi décidé de lancer « rapidement » une « mission inter-inspections », « dans le but d’évaluer précisément l’impact de l’ouverture des codes sources en open data, et de clarifier, si cela est nécessaire, la doctrine sur les codes sources et les données intermédiaires ».
Le Premier ministre annonce enfin que la gratuité des données publiques sera « complète à horizon 2022 ». Autrement dit, il n’y aura plus de redevances. Cette décision « permettra de simplifier de manière efficace la question de l’utilisation des licences dans la mesure où elle permettra de s’affranchir des doubles licences existantes (payantes ou gratuites avec obligation de repartage), facilitant ainsi le passage à la licence ouverte, se félicite Édouard Philippe. Il ne devra alors être recouru à des licences spécifiques, qui restreignent les possibilités de réutilisation des données, qu’à titre très exceptionnel et dûment justifié. »
Une gratuité « complète » à horizon 2022, y compris pour l'IGN et Météo-France
Quant aux cas particuliers de l’IGN, de Météo-France et du Cerema, l’exécutif reconnaît que « si des compensations financières ont pu être versées, elles ont été partielles et non systématiques ».
Le locataire de Matignon explique avoir invité chacun de ces opérateurs à « redéfinir dans les plus brefs délais, et au plus tard à l’été 2019, son modèle économique et les conditions de son équilibre budgétaire, d’analyser les risques et opportunités spécifiques liés à l’ouverture des données et codes sources, d’identifier en conséquence de nouveaux positionnements et offres de services, et d’évaluer les besoins d’investissement spécifiques pour une bonne et rapide transition ».
Le Premier ministre confirme ses objectifs : une généralisation progressive de la gratuité « au plus tard en 2022 ». Ce qui passera « notamment pour l’IGN, par une ultime homologation de sa licence gratuite jusqu’à cette date ».
Au regard de « l’importance » du projet BAN, l’exécutif a demandé à la DINSIC et aux acteurs concernés « de mettre en œuvre de nouvelles modalités de gouvernance et de fonctionnement, reposant sur la gratuité et en même temps sur la qualité de mise à jour collaborative ». Objectif : « que la BAN soit effectivement diffusée gratuitement dans les plus brefs délais et au plus tard au 1er janvier 2020 sous licence ouverte ».
Édouard Philippe promet enfin la publication d’une circulaire invitant les services de l’État à « utiliser préférentiellement » les données en Open Data « produites par d’autres acteurs publics ».
Le Premier ministre veut un bilan de l’Open Data et la fin des redevances à horizon 2022
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Multiples manquements aux lois Lemaire et Valter sur l’Open Data
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L’État invité à procéder à des « clarifications »
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Le Premier ministre veut un « premier bilan » de l'Open Data « sous six mois »
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Guide pédagogique, mission sur l'ouverture des codes sources...
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Une gratuité « complète » à horizon 2022, y compris pour l'IGN et Météo-France
Commentaires (34)
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Abonnez-vousLe 15/03/2019 à 21h25
oui là tu parle d’une grosse boite IT, ou d’un GAFAM, la on parle de données de l’etat francais, genre les données de la SNCF, ca fait 2 ans qu’ils sont informatisé ? les données de la CAF, le truc qui n’a pas bougé pendant 25 ans, il y a meme des toiles d’araigné sur leur employé (je rigole hein c’est une image).
les données d’un etat ce n’est pas agile comme tu le pense. Tous ce que tu dis sont des arguments d’autorité, je ne vois aucune ligne dans le budget de l’etat sur la maintenance des API, incroyable non ? meme sur leur appel d’offre fait avec les pieds il n’y a aucune mention du terme API
pour les données meteo elle sont TOUTES internationalement gratuite ou mis a disposition, sauf … en France, les données française
Le 16/03/2019 à 08h02
Le 18/03/2019 à 14h38
Ta vision de l’état est rétrograde et manifestement non renseignée.
Je vais poursuivre l’exemple de l’IGN que j’ai un peu gratté puisqu’on a débattu dessus. Le géoportail est sorti dans sa première version en 2006. Pas mal de choses ont changé depuis (les données cartographiées, la précision des images aériennes, certainement certains standards ou formats de données…)
Si l’état n’avait que des données poussiéreuses, crois-tu vraiment que ça intéresserait quelqu’un de les avoir en open data?
La maintenance des API ne fait bien évidemment pas l’objet d’une ligne dédiée dans le budget de l’état, pas plus qu’il n’y a eu une ligne dédiée pour leur mise en place. Pourtant, crois-le ou non, ces API ne sont pas apparues par magie.
Elle est éclatée dans les trouzmilles organisations (para-)étatiques qui fournissent des données, et même quand on rentre dans le détail là-bas, probablement pas distinguée du reste de ma maintenance logicielle, sauf volonté politique spécifique de l’organisme en question.
Le 14/03/2019 à 16h30
Depuis le temps (10 ans) qu’on demande l’accès (gratuit) aux données météo afin de vérifier leur utilisation (en terme d’ajustements et d’analyse post mortem des prévisions des modèles climatiques en particulier), on ne peut pas dire que les décisions qui sont prises soient rapidement suivies d’effets : le manque d’empressement pour ouvrir les données est pour le moins suspect.
Concernant l’IGN, l’accès aux données est bien meilleur. Il est en revanche désolant d’avoir à payer pour des données carto sous forme électronique (mais OK sous forme papier). Il y a aussi la désagréable habitude de dégrader et retirer les anciennes API d’accès aux données qui pour le coup est vraiment de l’obsolescence programmée, alors que les silos de données sont complètement indépendants.
Le 14/03/2019 à 17h02
Le 14/03/2019 à 17h04
Le 14/03/2019 à 17h08
perdu, tu peux laisser l’api ancienne avec uniquement des correctifs de sécurité et avoir la nouvelle. Sans que cela coute 1€ de plus
ca me rappelle le cout officiel des SMS estimé a 15c à l’époque, la vaste blague :)
Le 14/03/2019 à 17h33
Le 14/03/2019 à 17h40
Les données aéroport (biaisées à la hausse) sont inutiles toutes seules. Pareil pour les prévisions : comment faire une analyse a posteriori sans l’historique afin de juger de la fiabilité ou précision des modèles ?
Le 14/03/2019 à 19h05
Quid de la qualité des données et qui la vérifie ?
Car bon pour le prix des carburants, certaines stations pointaient à l’extérieur de la France à l’époque…
Le 14/03/2019 à 23h16
Pour le coup c’est n’importe quoi.
L’Etat ne finançant pas en totalité ces entreprises, il faudra m’expliquer pourquoi il faudrait qu’elles mettent à disposition toutes leurs données et tous leurs logiciels.
Car à moins que l’Etat ne prenne à sa charge la totalité des couts de fonctionnement, c’est la mort à moyen terme de la plupart de ces services.
D’ailleurs pour Météo France je serai curieux de voir la position de l’Etat qui d’une part réduit sa dotation et d’autre part demande toujours plus en termes de performance et de fiabilité
Donc à moins que l’Etat ne prenne à sa charge la totalité de budget, je ne vois pas comment l’équation peut être résolue.
Le 15/03/2019 à 07h52
Pour moi il y a deux situations :
utilisation commerciale : tu passes au tiroir caisse, l’état n’a pas à subventionner ton business
utilisation non commerciale : utilisation gratuite
Le 15/03/2019 à 08h27
Le 15/03/2019 à 09h19
Le 15/03/2019 à 09h59
L’idée est surement de préparer la bonne vielle excuse du “mais regardez comme ça coûte cher et comme ça ne rapport rien, supprimons vite tous ces services publics”.
Le 15/03/2019 à 10h04
Le 15/03/2019 à 10h07
Le 15/03/2019 à 10h15
Le 15/03/2019 à 10h29
Le but de l’informatique en général et d’une API finale en particulier devrait être la sanctuarisation (qui s’oppose à l’obsolescence et la suppression programmées) de l’accès aux données, d”autant plus quand il s’opère par des protocoles normalisés par version évoluant (très, très) lentement comme c’est le cas ici.
Pour ce qui est de l’IGN, c’est pareil : la dépréciation est normale mais la coupure non. Personne ne demande que l’API v2 soit maintenue (elle ne l’est plus), seulement que l’accès normalisé aux données le soit tant qu’elle est utilisée, puisqu’il manque encore trop de fonctions à la v3 pour sauter le pas.
Le 15/03/2019 à 10h40
Auquel il faut ajouter le fait que les concours de recrutement portent beaucoup plus sur la capacité à broder du texte que sur les compétences techniques.
Le 15/03/2019 à 12h09
Le 15/03/2019 à 12h23
Le 15/03/2019 à 12h31
Le 15/03/2019 à 12h53
Ma compagne m’avait montré le sujet d’un concours technicien informatique, j’ai tout de suite mieux compris la situation désastreuse qu’elle me racontait (pire que notre DSI de boîte privée complètement à la rue).
Etant dans une grosse entreprise, je confirme, on les appelles les emplois fictifs, mais au moins le potentiel de dégâts est limité.
Le 15/03/2019 à 13h04
Le 15/03/2019 à 13h25
Ton raisonnement est bancal : ce qui se fait dans le privé est sans rapport car l’IGN n’a pas le profit comme objectif, donc inutile de gloser sur de supposées motivations commerciales. Secundo, et une fois de plus, personne ne leur demande de maintenir leurs API dépréciées, seulement de ne pas les rendre inutilisables en flinguant l’accès aux données, en supprimant des normes qui sont toujours valides, etc.
Le point est que les utilisateurs de ces données n’ont pas à redévelopper leur projet (le code javascript principalement soit 90% du code total) à chaque nouvelle API quand les données et les normes d’accès sont strictement identiques.
Ce n’est pas que les fonctionnalités qui manquantes n’ont pas été « retirées », elles n’ont pas simplement pas (encore) été implémentées (3 ans après la dépréciation).
Je me ferai mon opinion sur l’ouverture des données quand ce sera fait.
Le 15/03/2019 à 13h32
Je suis très étonné de ta position du la gestion de l’argent public, alors que tu est habituellement prompt à exiger la privatisation de plein de trucs justement pour que leur fonctionnement s’aligne avec celui d’une économie de marché.
En tant que contribuable, je me réjouis quand je vois que l’état (ou ses satellites) fait des efforts pour éviter de dépenser de l’argent de mes impôts à maintenir des choses qui ne servent plus ‘ou plus assez).
Pour les normes sous-jacentes, l’IGN utilise je crois les standards OGC, si leur API te conviens pas tu peux toujours les taper en ‘bas niveau’.
Le 15/03/2019 à 13h55
Le 15/03/2019 à 14h00
Le 15/03/2019 à 16h05
“Le Premier ministre annonce enfin que la gratuité des données publiques sera « complète à horizon 2022 ». Autrement dit, il n’y aura plus de redevances.”
Même la redevance copie privée ?
Le 15/03/2019 à 16h19
Tu peux ignorer tout ce que tu veux les arguments que j’ai donné, ça ne les invalide pas pour autant. Une API, même dépréciée, a un coût. Au minimum celui de l’infra qui ne sert plus qu’à cette API.
La migration a elle aussi un coût, c’est évident, mais elle coutera pas moins cher l’an prochain que cette année, la seule différence est qu’entre temps, l’IGN aura payé le coût de garder l’API pendant un an, et le client le sur-coût probable de maintenir un truc obsolète. Donc globalement c’est plus cher.
Ce que tu dis en fait, c’est qu’il ne faudrait jamais migrer, cad soit conserver ad vitam eternam toutes les versions (bonjour le coût), soit jamais changer de version d’API (bonjour l’innovation).
Le 15/03/2019 à 16h20
Les films, c’est pas de la donnée publique " />
Le 15/03/2019 à 16h22
dommage
Le 15/03/2019 à 19h18
Le coût supplémentaire est inexistant pour l’IGN, car que les utilisateurs changent d’API ou pas, l’utilisation de son infrastructure reste la même. Donc le coût n’est pas un argument.
Les API de l’IGN sont des API client : tout le reste (données, protocoles) est transparent et normalisé (à part la fine couche d’identification évidemment).
Je ne dis pas qu’il ne faudrait jamais migrer, je dis que pour le moment il manque des fonctions pour ce faire et qu’il n’y a aucune justification à migrer si cela n’offre rien de plus qu’auparavant à part les coûts élevés pour ce faire.