L’UFC-Que Choisir enclenche une action de groupe contre Google : ce qu’il faut savoir
L'action de grâce ?
Le 26 juin 2019 à 15h05
6 min
Droit
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Google est à nouveau mis en cause par l’UFC-Que Choisir. L’association de consommateurs entame aujourd’hui une action de groupe contre le géant du Net, dans l’espoir que chaque victime présumée puisse obtenir 1 000 euros d'indemnités, au titre de l'atteinte à sa vie privée.
« L’intrusion illégale de Google dans la vie privée de ses utilisateurs doit être indemnisée ! » Forte des récentes condamnations de la firme de Mountain View, tant pour ses clauses abusives que pour une batterie de manquements à la législation relative aux données personnelles (voir notre article sur l’amende de 50 millions d’euros prononcée par la CNIL), l’UFC-Que Choisir lance une nouvelle procédure qui pourrait rencontrer un fort écho, notamment auprès des possesseurs de smartphones sous Android.
L’organisation présidée par Alain Bazot entend en effet profiter d’un nouvel outil introduit par la loi de 2018 relative aux données personnelles, lequel permet aux associations de consommateurs d’initier une action de groupe destinée à la fois à la cessation de l’infraction et à « la réparation des préjudices » subis, qu’ils soient « matériels » ou « moraux ».
Une « violation manifeste du RGPD »
L’UFC-Que Choisir dénonce encore et toujours le « labyrinthe contractuel » infligé par Google à ses utilisateurs. En dépit des récentes décisions à l’encontre de la firme de Mountain View, cette dernière « continue de noyer les consommateurs dans des règles de confidentialité interminables (plus de 1 000 lignes, 5 700 mots, 57 renvois et 100 liens vers d’autres contenus) ».
En matière de géolocalisation, poursuit l’association, c’est un « véritable parcours du combattant ». « Pas moins de six actions sont nécessaires pour accéder aux informations sur les différentes méthodes utilisées. »
Pire encore : pour l’UFC-Que Choisir, Google « soutir[e] » le consentement des utilisateurs de smartphones ou tablettes sous Android, par le jeu de cases pré-cochées « camouflées ». Une pratique jugée contraire à la législation en vigueur – et plus particulièrement au Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), applicable dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne depuis le 25 mai 2018.
« Lors de l’initialisation d’un produit Android (smartphone, tablette), les consommateurs sont fortement invités à créer un compte Google. Sans ce compte, il s’avère impossible de télécharger les applications présentes sur Google Play », explique l’UFC-Que Choisir. Aux yeux de l’organisation, le géant du Net devrait obtenir en lieu et place un consentement exprès, accordé par exemple par le biais d’une case à cocher.
Haro sur la géolocalisation des utilisateurs d'Android
L’UFC s’inquiète surtout de ce que cette « violation manifeste du RGPD » permet à Google de « collecter massivement des données personnelles sans que les utilisateurs puissent en avoir conscience ». « Même immobile, un smartphone va transmettre sa géolocalisation près de 340 fois par jour ! » s’alarme l’association.
Cette dernière dresse d’ailleurs une – longue – liste des « principales données collectées et analysées en continu par Google pour chaque utilisateur » : emails, photos, vidéos, appareils utilisés (marques, modèle, leur système d’exploitation ainsi que leurs paramètres), historique de navigation, données émanant des capteurs de terminaux mobiles (déplacement, vitesse, altitude...), etc. « En récoltant ces informations, Google en tire des conclusions : vous venez de telle région, vous aimez certaines choses, vous avez tel style de vie, vous connaissez telle personne... »
« Chaque personne doit pouvoir choisir de divulguer ou non des informations sur sa vie privée. Si elle ne sait pas que des informations sont transmises ou si elle ne le comprend pas, comment peut-elle donner son autorisation ? » s’interroge faussement l’association de défense des consommateurs.
L’UFC-Que Choisir en conclut ainsi que « l’ampleur des données collectées » sans consentement des personnes intéressées relève d’une « violation de la vie privée », qu’elle entend démontrer devant la justice.
Affirmant avoir vainement demandé à l’entreprise américaine de revoir ses pratiques, l’organisation présidée par Alain Bazot a assigné aujourd’hui Google Irlande et Google LLC devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle réclame du géant du Net qu’il recueille un « réel consentement » de ses utilisateurs avant de collecter et traiter leurs données personnelles.
L’UFC-Que Choisir espère également que la firme de Mountain View sera condamnée à indemniser « l’ensemble des consommateurs détenteurs d’un équipement Android (téléphone, tablette...) et titulaire d’un compte Google à hauteur de 1 000 € au titre de la violation de la vie privée ».
« Cette somme correspond à la violation de la vie privée de chaque utilisateur par la transmission à Google d’informations de façon continue, peu importe ce que l’utilisateur fait de son équipement », explique l’association. Ce montant est en outre présenté comme une « juste indemnisation au regard du caractère massif et continu de cette violation ».
L’UFC insiste au passage sur le fait qu’il « ne s’agit en aucun cas de la valeur des données collectées irrégulièrement, mais bien de réparation de la violation de la vie privée, en dehors de toute recherche de profit ».
Les personnes uniquement titulaires d’un compte Google (non lié à un appareil sous Android) ne sont pas concernées par cette procédure. Pourquoi ? L’UFC-Que Choisir dit avoir voulu privilégier les principales « victimes » du suivi opéré par le géant du Net, moins flagrant pour les utilisateurs n’ayant pas d’appareil nomade tel qu’un téléphone ou une tablette.
Comment rejoindre l’initiative ?
Bien que l’UFC-Que Choisir initie une action de groupe, l’association va pour l’instant se battre seule devant le tribunal de grande instance de Paris. Il est en ce sens inutile de se rapprocher d’elle.
Les juges devront tout d’abord se prononcer sur la responsabilité de Google. Si cette dernière est reconnue, et uniquement dans ce cas, le tribunal fixera dans le même temps des « critères de rattachement » au groupe de victimes pouvant rejoindre la procédure de l’UFC-Que Choisir. La justice préciserait dans le même temps les préjudices indemnisables.
Google serait dans ce cas contraint d’informer toutes les personnes susceptibles d’être concernées, à ses frais. Les victimes pourraient ensuite adresser une demande de réparation, soit directement auprès de Google, soit par le biais de l’UFC-Que Choisir.
« La procédure est totalement gratuite pour le consommateur, vous n’aurez aucun frais à supporter », anticipe d’ores et déjà l’association. « Il vous suffira de conserver certains documents justificatifs pour y participer le moment venu. Les pièces nécessaires seront définies par le juge dans le cadre de la procédure de l’action de groupe. »
L’organisation prévient néanmoins que la bataille sera longue : « Il faudra attendre de nombreuses années pour obtenir une décision définitive (après un éventuel appel). »
L’UFC-Que Choisir enclenche une action de groupe contre Google : ce qu’il faut savoir
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Une « violation manifeste du RGPD »
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Haro sur la géolocalisation des utilisateurs d'Android
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Comment rejoindre l’initiative ?
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 27/06/2019 à 07h05
Le 27/06/2019 à 07h23
Les personnes uniquement titulaires d’un compte Google (non lié à un
appareil sous Android) ne sont pas concernées par cette procédure.
Pourquoi ? L’UFC-Que Choisir dit avoir voulu privilégier les principales
« victimes » du suivi opéré par le géant du Net, moins flagrant pour
les utilisateurs n’ayant pas d’appareil nomade tel qu’un téléphone ou
une tablette.
Ils comptent vérifier ça comment ? Comment vérifier que X n’a qu’un compte gmail, et que Y a un compte Google associé à son appareil ?
Le 27/06/2019 à 07h28
Surement avec une facture " />
Le 27/06/2019 à 07h37
Le 27/06/2019 à 09h12
Tu n’as plu besoin d’avoir un compte Google pour avoirs des applications à jour.
J’ai Android 9 sur un Pixel 1 sans compte Google et les applications Youtube, Contact, Message, Service Google Play, Maps, etc sont maintenant mis à jour.
Le 27/06/2019 à 09h17
Le 27/06/2019 à 09h59
Le 27/06/2019 à 11h40
Le 27/06/2019 à 14h00
Oui la procédure d’action collective du RGPD est surtout là pour faire joli en matière de sens accordé à la vie privée numérique.
Seulement ici il est implicite que c’est la CNIL qui sera en charge de reprendre les arguments d’UFC-QC pour introduire l’action, et donc pas seulement d’user de ceux (déjà plus ou moins inscrits dans le règlement) justifiant les sanctions.
La grande question c’est de savoir ce que la CNIL va en faire.
Le 27/06/2019 à 17h25
Le 27/06/2019 à 17h37
Un Google home pour déplacer le problème sur les historiques de MP3. " />
Le 28/06/2019 à 19h08
Le 29/06/2019 à 17h28
Le 26/06/2019 à 15h21
En partant sur 30 millions de smartphones android en France ça commence à chiffrer, même pour google.
Le 26/06/2019 à 15h42
y’a pas d’intrusion, tout le monde utilise les services en connaissance de cause non ? " />
Le 26/06/2019 à 16h50
La perspective n’est pas pour me déplaire, mais partir de la sanction de la CNIL pour soutenir une violation manifeste du RGPD ouvrant droit à indemnisation des victimes est loin d’être une évidence:
. d’une part, la sanction de la CNIL est contestée devant le Conseil d’Etat et n’est donc pas définitive,
. d’autre part, la démonstration d’un préjudice réel et indemnisable pour le consommateur n’est pas gagnée (et c’est là toute la faiblesse de la disposition) la sanction de la CNIL ne faisant jamais référence aux conséquences de la violation du RGPD pour les vitcimes (étant rappelé que précisément la procédure devant la CNIL laisse totalement de coté la victime).
Le 26/06/2019 à 17h41
1000€ par personne, si vraiment ils gagnent cela sera sûrement de l’ordre de quelques centimes. 😓
Le 26/06/2019 à 18h57
L’organisation présidée par Alain Bazot entend en effet profiter d’un nouvel outil introduit par la loi de 2018 relative aux données personnelles, lequel permet aux associations de consommateurs d’initier une action de groupe destinée à la fois à la cessation de l’infraction et à « la réparation des préjudices » subis, qu’ils soient « matériels » ou « moraux ».
Le vide est comblé non ?
Le 26/06/2019 à 21h00
Je suis perplexe. D’un côté, la plupart, ne le nions pas, utilisent un appareil Android en pleine connaissance de cause et, souvent, nous en sommes satisfait. Et pourtant, d’un autre côté, certains vont se jeter comme des affamés sur un hypothétique “chèque” de 1000€ en oubliant opportunément leurs satisfaction d’Android et leur plein accord initial à tout ce qui est reproché à Google.
Le 26/06/2019 à 21h10
C’est omettre le fait que le choix entre iOS et Android n’en est pas un, compte tenu de la différence de prix…
De choix il n’y en a pas.
Le 26/06/2019 à 21h17
Personne n’a appris à personne à utiliser un appareil Android ou IOS.
Donc comment envisager de repenser ce qui apparait acquis… alors que cela ne l’est justement pas ! " />
Le 26/06/2019 à 21h58
Le 26/06/2019 à 22h05
Pourtant tu as cliquer sur “accepter”.
Le 26/06/2019 à 22h09
Le 26/06/2019 à 22h18
Le 27/06/2019 à 05h43
« L’intrusion illégale de Google dans la vie privée de ses utilisateurs doit être indemnisée ! »
Non : elle devrait être interdite, ce n’est pas la même chose ! Je n’ai pas à vendre mon âme et ma vie privée pour utiliser un simple appareil !
« Lors de l’initialisation d’un produit Android (smartphone, tablette), les consommateurs sont fortement invités à créer un compte Google. Sans ce compte, il s’avère impossible de télécharger les applications présentes sur Google Play »
Ça s’appelle la vente forcée, et ça a été avalisé par… l’UE ! Et oui : vous vous trompez d’étage - cette chère UE est bien la première responsable du manque total de régulation, pour ne pas dire qu’elle est 100% complice des GAFAM. Et le pire, c’est que ce sont les traités européens, impossibles à réformer, qui permettent l’évasion fiscale, et l’interdiction de tout protectionnisme entre les pays membres ET LES PAYS TIERS - relisez les traités.
« Même immobile, un smartphone va transmettre sa géolocalisation près de 340 fois par jour ! »
Certes, mais vous oubliez de préciser que la synchro 3G permet déjà à toute entreprise de repérer passivement les appareils. Avec un peu de recoupement, une entreprise française peut parfaitement recouper les données dans l’illégalité la plus totale. Nul doute d’ailleurs que les RG ne s’en privent pas. Et que dire de la vente de nos pylônes à des intérêts étrangers ? Qui surveille les tuyaux ?
“L’UFC insiste au passage sur le fait qu’il « ne s’agit en aucun cas de la valeur des données collectées irrégulièrement, mais bien de réparation de la violation de la vie privée, en dehors de toute recherche de profit ».”
Merci pour la précision tardive qui n’enlève en rien les effets de la vente forcée et le fait que le RGPD est une farce face au Cloud Act.
Mais pour finir : qui vous a forcé à acheter un smartphone ?
Si les gens sont assez cons pour se prostituer eux et leurs proches (par effets de bord automatique), et se suicider collectivement, il y a aussi un moment où ils ont leur part de responsabilité personnelle dans l’affaire, vous ne croyez pas ?
Vous ne donnez pas un vrai flingue chargé à un gosse. Mais un ordinateur ou un smartphone, qui sont des armes virtuelles toutes aussi létales, ça ne vous gêne pas, et dès le plus jeune âge. Il y a un problème quelque part. Elle est ou l’éducation ?
Bref, merci à l’UFC de se préoccuper de nous, mais déjà viser google, alors que microsoft ou apple font exactement la même chose, et depuis bien plus longtemps - c’est une farce. On sent bien que ceux qui mènent la fronde anti-google, en arrière plan, ont aussi leurs intérêts dans l’affaire - il ne faut pas non plus être dupe sur les commanditaires réels : même entre GAFAM, on se bouffe mutuellement.
Bref : il faudrait évoluer un peu, et se demander simplement si ruiner notre pays et nos emplois en continuant de consommer du GAFAM sur étagère est un signe d’intelligence… ou pas !
Le 27/06/2019 à 06h29
Supposons que 60 millions de consommateurs gagne son procès et que le tribunal considère que Google est coupable de ce qu’on l’accuse, quelle est la part de responsabilité des éditeurs d’applications qui choisissent de les rendre disponibles uniquement par le canal du Playstore ?
Si pour accéder à l’application “X” je dois me soumettre à un service qui viole mes droits : l’éditeur de l’application “X” ne me laisse finalement le choix que de la violation de mes droits ou de ne pas installer l’application.
Puisque le service de mise à disposition d’une appli est l’exploitation de mes données personnelles, n’est pas une forme de vente liée/forcée ? Pour avoir accès à l’application “X”, je dois contractualiser avec un tiers nommé Google et lui céder comme rémunération mes données personnelles.
Si l’application “X” est une application éditée par un service public et qu’elle apporte tellement d’avantages par rapport à la démarche guichet/papier, ou bien encore qu’elle remplace la démarche guichet/papier, est-ce que ça ne pose pas un soucis d’égalité devant le service public ?