Sébastien Soriano : on ne m’a « pas demandé d’être gentil avec le cours de bourse d’Orange »
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Le 18 septembre 2019 à 15h48
7 min
Droit
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Après l'attaque d'Orange sur les pouvoirs de sanction de l'Arcep et les déclarations fracassantes de Stéphane Richard, c'est au tour de Sébastien Soriano de répondre. Il reste ferme sur ses positions, tout en jouant la carte du dialogue. Nous avons demandé le point de vue d'acteurs des territoires sur cette bataille opposant l'Arcep et Orange.
Orange a récemment déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil d’État visant le pouvoir de sanction de l'Arcep. Ce n'est pas la première fois que le régulateur est ainsi attaqué. En 2013, suite à une procédure lancée par Numericable, la Conseil constitutionnel avait déjà épinglé ces pouvoirs. Un an plus tard, le gouvernement colmatait la brèche.
L'université d'été du THD, organisée par IdealCo, InfraNum et l'Avicca, était évidemment l'occasion pour Sébastien Soriano de revenir sur ce sujet brûlant, d'autant plus après la sortie de Stéphane Richard dans les Echos esquissant un « harcèlement juridique et médiatique » à l'égard d'Orange
Interviewé par Étienne Dugas devant un parterre d'élus locaux et d'entrepreneurs, le président de l'Arcep a défendu ses actions, expliquant suivre les directives dictées par les députés et sénateurs lors de ses auditions. Il s'étonne également du manque de communication d'Orange.
Soriano ne s'est pas réveillé avec l'« envie de jouer avec son bâton de gendarme »
« Il y a cette polémique autour du bâton du gendarme. On ne se fait pas plaisir à l'Arcep sur ce truc, mais quand je me fais auditionner par l'Assemblée Nationale et le Sénat [...] ce qu'on dit c'est : il faut plus contrôler et lancer plus de procédures, les opérateurs se moquent de nous ». Il évoque là les deux auditions à l'Assemblée nationale et au Sénat avant sa confirmation à la tête du régulateur. « On m'a dit très clairement qu'il fallait faire ces contrôles », ajoute-t-il pour enfoncer le clou.
Il ne compte pas réduire la voilure : « Aujourd'hui, ce n'est pas l'Arcep, hors de tout cadre, qui se réveille et qui a envie de jouer avec son bâton de gendarme. Ce sont les élus qui nous le demandent et on continuera évidemment à le faire, quoi qu'il arrive. Et s’il y a effectivement des engagements qui ne sont pas respectés, nous mettrons en oeuvre des procédures de sanction ».
Il ne s'arrête pas en si bon chemin : « C'est désagréable quand je rappelle que les amendes peuvent aller jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires, 5 % dans le cadre du service universel [...], ça fait quelques centaines de millions d'euros [...] On me dit : comment l'Arcep peut brandir des menaces à quelques centaines de millions d'euros, ce n'est pas bon pour notre cours de Bourse. Moi, les élus de la nation ne m'ont pas demandé d'être gentil avec le cours de bourse d'Orange ».
Pas de concours de testostérone, mais du réseau
Il souffle ensuite le chaud et le froid : « Maintenant, je ne voudrais pas vous donner une tonalité guerrière. Ne comptez pas sur moi pour rentrer dans la chamaille, dans l'invective, dans les jugements, dans les mots avec des reliefs désagréables. Je ne renverrai pas la balle », lâche-t-il.
« Ce que les Français attendent ce n'est pas un concours de testostérone, c'est du réseau. Je tiens à dire que le dialogue est toujours ouvert. Je regrette toujours quand les opérateurs télécoms ne trouvent pas mon numéro de téléphone, c'est toujours les cordonniers les plus mal chaussés. En tout cas, ma ligne est ouverte ».
Alors que nous avions plusieurs questions à poser au président de l'Arcep, on ne peut que regretter qu'il soit parti juste avant le point presse qui se tenait après sa conférence.
Quand Orange sort « l'arme nucléaire »
Patrick Chaize, sénateur de l'Ain et vice-président de la commission de l'aménagement du territoire, était par contre présent. Pour lui, l'action d'Orange peut être comparée à une petite déclaration de guerre : « Ce dépôt de QPC aura de toute façon un effet, même si Orange la retire aujourd'hui. Ça donne à Orange le poids de dire : j'ai l'arme nucléaire ».
Même si l'opérateur ne va pas au bout et n'appuie pas « sur le bouton » cette fois-ci, il peut très bien la ressortir si une décision de l'Arcep ne lui plait pas. « Quand on commence à menacer avec des armes, c'est qu’on a des raisons de vouloir se défendre. Si on est dans un équilibre d'attaque/défense, ce n’est pas un équilibre de confiance », ajoute le sénateur.
Patrick Chaize rappelle qu'il avait déjà alerté de la « fragilité juridique » de l'article L.33 - 13 du CPCE au point de déposer une proposition de loi pour « écrire un article L33-14 qui s'appliquerait spécifiquement au fixe ».
Quatre sanctions, pour deux QPC, « c'est quand même incroyable »
« Dans l'histoire de l'Arcep, si je ne me trompe pas, il y a quatre sanctions, dont trois qui ont abouti, alors qu'il y a quand même eu deux questions prioritaires de constitutionnalité, c'est quand même incroyable ! [...] Ce n'est pas un régulateur aussi méchant qu'il y parait ».
Interrogé par nos soins, Patrick Chaize revient sur la déclaration de Stéphane Richard qui affirme qu'« on peut presque parler de harcèlement juridique et médiatique » : « La définition du harcèlement est toujours compliquée [...] c'est très subjectif. Avec un regard extérieur, je ne connais pas la vie cachée/intime de l'Arcep, dans la vie exposée je n'ai pas le sentiment que ce soit un harcèlement ».
Patrick Chaize pense qu'il aurait donné encore plus de sanction
Le président de l'Avicca ne s'arrête pas en si bon chemin : « Si j'avais un pouvoir de contrôle et de donner des sanctions à Orange, je pense que j'en aurais donné plus que ça ».
Même son de cloche chez Ariel Turpin, délégué général chez Avicca : « Une autre manière de répondre à cette question c'est qu'Orange cherche à être sur tous les sujets (RIP, AMEL, etc.). Comme il est sur l'ensemble des sujets, statistiquement, il est celui sur lequel pèse le plus de risques [...] Il reste un opérateur puissant sur le marché grand public et très puissant sur le professionnel ».
Il rejoint également Patrick Chaize sur les sanctions, qui lui semblent finalement peu nombreuses : « J'ai des sujets opérationnels de base sur la problématique d'Orange qui durent depuis quatre ans, qu'est-ce que j'aimerais que l'Arcep le sanctionne ».
De manière générale, les différents intervenants avec qui nous avons pu échanger sont sur la même longueur d'onde : « non, l'Arcep n'harcèle pas Orange ». La suite au prochain épisode. La QPC est entre les mains du Conseil d'Etat qui, s'il juge la question sérieuse et nouvelle, la transmettra au Conseil constitutionnel. Le cas échéant, celui-ci statuera dans les trois mois.
À noter :
Dans le cadre de la réalisation de cet article, nous sommes allés à l'université d'été du THD à Lille. InfraNum a pris en charge une partie de notre transport, hébergement et restauration sur place. Conformément à nos engagements déontologiques, cela s'est fait sans aucune obligation éditoriale de notre part, sans ingérence de la part d'InfraNum.
Sébastien Soriano : on ne m’a « pas demandé d’être gentil avec le cours de bourse d’Orange »
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Soriano ne s'est pas réveillé avec l'« envie de jouer avec son bâton de gendarme »
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Quand Orange sort « l'arme nucléaire »
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Quatre sanctions, pour deux QPC, « c'est quand même incroyable »
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Patrick Chaize pense qu'il aurait donné encore plus de sanction
Commentaires (10)
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Abonnez-vousLe 19/09/2019 à 10h51
Le CSA aussi agit en formation restreinte au moment d’étudier une sanction.
Cela dit, je comprends mieux la position d’Orange au vu de ce que tu dis concernant la pression parlementaire.
Le 19/09/2019 à 12h39
Le 19/09/2019 à 16h08
Le 20/09/2019 à 09h16
(une autorité administrative, toute “indépendante” qu’elle soit, a évidemment
des relations avec les représentations : nationales exécutives, législatives et judiciaires).
voilà…..qui est bien parler !
(hugh, chef ‘Sioux’ a parlé) " />
https://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/hugh
Le 18/09/2019 à 17h29
Et pendant ce temps, l’Arcep semble donner toutes ses chances à un éventuel retour à trois opérateurs en France. Orange ne serait-il pas en train de négocier plus d’engagements et plus de rapidité de la part de l’Arcep ?
Le 19/09/2019 à 08h52
Perplexe quant au comportement d’Orange. In fine, ils ne contestent pas leurs manquements, ils contestent la capacité de l’ARCEP à sanctionner leurs manquements.
C’est plutôt dérangeant comme attitude. Ca revient à dire “ouais, j’ai pas fait mes devoirs mais t’as rien à me dire !”…
Y a que moi que ça dérange ?? " />
Le 19/09/2019 à 09h06
faut (surtout) pas enlever son pouvoir de sanctions à ‘l’ARCEP’ !!!
(sinon c’est : “cause-tjrs…tu m’interesse”) " />
Le 19/09/2019 à 09h28
Ce que conteste Orange c’est que cela soit l’ARCEP entité unique qui rassemble les 3 pouvoirs :
Dans la vie normale, on a séparation des 3 pouvoirs (Gouvernement, Police, Justice). Toujours un peu spécial de donner les 3 pouvoir à la même entité
Le 19/09/2019 à 09h38
Une petite question sur la portée de la procédure menée par Orange : Si le Conseil Constitutionnel juge incompatible le fait qu’une autorité administrative puisse avoir un pouvoir de sanction, y aura-t-il un effet boule de neige sur les autres ?
L’ARCEP n’est pas le seul régulateur à pouvoir infliger des sanctions, il y a aussi le CSA qui dispose des mêmes capacités (même si son pouvoir de sanction est graduel), ou encore la CNIL.
Le 19/09/2019 à 10h03
L’ARCEP comme la CNIL, (j’ai pas vérifié pour le CSA) ont une formation restreinte (3 ou 5 membres respectvement pour l’ARCEP et la CNIL) qui prononce les sanctions. Ces formations doivent être indépendantes pour être considérées comme pouvant prononcer des sanctions. En particulier, le président de ces AAI ne font pas partie de ces formations restreintes.
Ici, le fait même que le président de l’ARCEP justifie les sanctions parce que les parlementaires lui demande des sanctions font peser un doute fort sur l’indépendance de la formation restreinte de l’ARCEP. Orange doit se frotter les mains.