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Article 17 : la France fustige les lignes de la Commission européenne

Pas touche au filtrage

Article 17 : la France fustige les lignes de la Commission européenne

Le 28 septembre 2020 à 08h46

Une approche qui « remet fondamentalement en cause les équilibres », pire, « une réécriture des dispositions de la directive qui en méconnaît tant la lettre que l'esprit ». Voilà l’accueil (glacial) fait par la France au projet de lignes directrices de la Commission européenne dans la mise en œuvre de l’article 17.

Dans une « note des autorités françaises » que Contexte.com a dévoilée vendredi dernier, Paris apporte sa réponse « à la consultation publique organisée par les services de la Commission à destination des parties prenantes au dialogue sur l'article 17 de la directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique ».

Pour mémoire, cet article rend les prestataires d’hébergement comme YouTube responsables des contenus protégés et mis en ligne sans autorisation par les internautes. L’alternative pour ces intermédiaires est alors simple : ou bien sortir leur carnet de chèques pour obtenir une licence des mains des sociétés de gestion collective, ou bien déployer des couches de solutions de filtrage.

Soit, cette fois, autant de risques d’atteinte à la liberté d’expression, à la liberté de communication ou la liberté d’information, sur l’autel de la protection du sacro-saint droit d’auteur.

La fameuse disposition charge aussi la Commission d’organiser, en coopération avec les États membres, « des dialogues » entre les parties intéressées, afin d’émettre des « orientations » utiles pour la transposition et sa mise en œuvre dans chaque pays.

Le sens de ce travail préparatoire, mené cet été, a déjà été condamné par divers représentants des industries culturelles. Les autorités françaises se joignent à ces critiques dans la note datant du 10 septembre.

Menaces sur l'efficacité de l'article 17 

Pour la France, le projet de la Commission européenne « remet gravement en cause l’efficacité » de l’article 17. À l’index, « l'interprétation conduisant à imposer le maintien en ligne, sans le consentement du titulaire de droit, d'utilisations perçues par les utilisateurs ou les services comme vraisemblablement légitimes car potentiellement couvertes par une exception ».

Une telle interprétation « introduit un renversement qui ne trouve aucun fondement dans le texte ».

La Commission a rappelé que les mécanismes de contrôle imposés par l’article 17 doivent assurer un équilibre subtil pour garantir le respect des exceptions comme la courte citation, ou s’assurer que le contenu litigieux ne relève pas du domaine public ou est exempt d’originalité, fondation première du droit d’auteur. Et si les « contenus vraisemblablement contrefaisants » devraient être éradiqués au plus tôt, les « contenus vraisemblablement légitimes » devraient passer le cap du filtrage ou du blocage. 

« Concepts impraticables », « insécurité juridique majeure »

Cette distinction fait tomber les autorités françaises des chaises de la Rue de Valois : « le système proposé s'appuie sur des concepts impraticables, dépourvus de fondement, et compromet radicalement l’efficacité des mesures préventives », écrivent-elles. 

Pire, pour Paris, de telles solutions « sont porteuses d'une insécurité juridique majeure, le document en consultation étant au demeurant dans l'incapacité d'expliciter comment de tels critères pourraient fonctionner ».

Pourquoi ? « Par la création de facto d'un nouveau champ d'application, très élargi, des exceptions, et la restriction simultanée des actes non autorisés de partage susceptibles de faire l'objet de mesures préventives, l’approche préconisée est de nature à compromettre radicalement l’efficacité de l’article 17 ».

La note s’en explique : « dans le système proposé, certains contenus contrefaisants resteraient en ligne au seul motif d'une aléatoire vraisemblance de licéité ». Ainsi, « la simple éventualité très aléatoire d'application d'une exception conduirait donc à paralyser les effets du droit d'auteur ». Dit autrement, la France refuse qu’une plateforme de partage conserve un contenu mis en ligne par un internaute dès lors qu'il présenterait une vraisemblance de licéité au titre des exceptions au droit d’auteur.

Certes, des débats peuvent être engagés entre les parties prenantes, mais Paris juge intolérable que jusqu'à la fin du processus, des contenus finalement contrefaisants puissent « demeurés en ligne », obligeant, selon elle, l'ayant droit à notifier de nouveau. « Le résultat serait donc une aggravation de la charge des ayants droit là où l’objectif est le renforcement de leur situation ».

La Commission invitée à défendre une version dure de l'article 17

Les autorités françaises considèrent, comme les industries culturelles d’ailleurs, que le respect des exceptions ne peut se poser que dans le cadre du mécanisme de plainte introduit par l’article 17, après analyse au cas par cas.

Ce n’est qu’a posteriori, donc après retrait des contenus, et à la condition que l’internaute active cette procédure, que ce dernier saurait s’il peut ou non bénéficier de l’exception de parodie ou de courte citation pour sa vidéo empruntant un contenu protégé.

Au final, elles « invitent fortement la Commission » à conserver à l’article 17 « un caractère opérationnel et ciblé, fondé sur les bonnes pratiques, et mentionnant quand cela est possible des exemples concrets de coopération ». La France termine sa missive par une petite giffle : « les interprétations et analyses juridiques dépourvues de fondement dans le texte de la directive devraient être supprimées ».

Commentaires (34)

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Pour savoir si un changement concernant le droit d’auteur est une bonne chose pour le public il suffit de savoir si la France s’y oppose….

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+100000000000000000000000000000

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10²⁹ c’est plus court à lire. :D

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Je ne parierais pas un kopek sur une issue heureuse (pour nous), mais la Commission européenne aurait-elle trouvé la faille qui nous sauverait tous ?



Enfin, tout ce qui fait rager ces :censored: (← « Paris », ici, qu’on :censored: bien profond) d’impuissance est une bonne chose en soi.

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HS [/HS]

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« dans le système proposé, certains contenus contrefaisants resteraient en ligne au seul motif d’une aléatoire vraisemblance de licéité »


Et la présomption d’inocence c’est pour les chiens ?

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Wuf ?

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la doctrine poussée par le Ministère de la Culture a au-moins le mérite de la cohérence, vu que depuis 20 ans elle n’a pas varié d’un iota (ça date peut-être de plus loin, mais je n’étais pas en mesure de suivre ces sujets avant).
Mais se pose quand-même une question : ces gens là sont censés parler au nom du peuple de France, est-ce que c’est ce peuple qui réclame censure, suppressions, contrôles a priori de l’expression…?




(reply:1826724:Trit’) Les courants au niveau européen sont différents de ceux qui s’appliquent rue de Valois, il n’est qu’à voir la réaction de la République Tchèque à la loi Avia (sans parler de celle de la Commission européenne, qui n’était pas très tendre non plus). En bref, si “Paris” se sent obligé de peser de tout son poids, c’est que rien n’est joué. Heureusement… et pour la France aussi !


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(reply:1826748:Idiogène)
désolé j’ai pas compris :craint:


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Poppi enregistre son nouvel album : il bénéficie donc de la présomption d’innocence. (c’est pas plus capillotracté que ce dessin animé comme réponse ! :D bonus)

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MarcRees a dit:


[HS] (content de vous retrouver après deux semaines loin des écrans, et des mois un peu compliqués) [/HS]


Nous aussi on est content de te revoir :smack:

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anagrys a dit:


Ces gens là sont censés parler au nom du peuple de France, est-ce que c’est ce peuple qui réclame censure, suppressions, contrôles a priori de l’expression…?


Tu as ainsi la preuve que non, et NXI ne cesse de montrer au fil de ses propres enquêtes (donc, c’est pas du fantasme de conspi se prétendant « anti-système car tous pourris épicétou » qu’ils ne servent les intérêts que de leurs amis les représentants des ayants droit. Et ceux-ci ont au contraire le public en horreur, puisque le seul rôle que peut (et donc doit) avoir ce dernier est d’être celui du pur consommateur qui doit à chaque fois payer pour tout, et même plusieurs fois via les différentes redevances qui touchent tous les échelons (tu paies pour écouter sur Spotify, mais eux doivent déjà payer pour l’achat des disques durs de leurs serveurs, en plus de payer pour les droits de diffusion ; et si, en tant que professionnels, ils ne doivent pas payer la taxe sur le stockage, ça doit quand même être payé pour qu’ils puissent en demander le remboursement, mais seulement après coup et si les AD le veulent bien).



Le peuple est l’ennemi, sache-le. D’où cet acharnement relevant de la pire des folies pour lui empêcher toute possibilité d’accès et surtout, surtout de partage non strictement contrôlé à la culture. Tu crois que c’est le public qui a voulu les DRM, Hadopi, DADVSI, etc. ?

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Ce que j’aime bien, c’est que l’article commence par définir précisément les cas ou l’exception (citation, parodie…) permet justement d’utiliser une œuvre sans accord de l’ayant droit, ce qui est donc une bonne chose, puis s’assoit littéralement dessus en postulant que l’utilisation faite est par défaut illégale…



C’est la présomption de culpabilité…



J’aurai préféré que le texte éclaircisse techniquement les exceptions, afin que les plateformes puissent implémenter des filtres automatisé empechant les requêtes DMCA abusives…
(par exemple : droit de jouer une œuvre par extrait de 20 secondes max, dans la limite de 3+totalminute/20 extraits).

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Les éclaircissements techniques c’est le travail de la HADOPI. En théorie seulement.

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Bah non, il faut que ça reste vague ! Comme ça, vu qu’il y a présomption de culpabilité, bah il peuvent ratisser large et récolter un max de pognon sur le dos d’honnêtes personnes.

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Présomption de culpabilité technique, c’est donc un problème technique, pas de droit. #polichinelle

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(reply:1826796:Idiogène)
je ne vois pas la différence entre les deux, sur le principe ça me semble être la même chose.


Dire que parce que c’est une problématique technique il faut considérer comme ilicite par défaut me semble pas plus justifié que pour ce qui n’est pas technique.



Aussi c’est pas au droit de définir les frontières entre ce qui est licite ou non ? sur ce point il y a clairement un manque, et sans cette précision, le technique ne peut pas être pertinant, donc finalement selon moi c’est un problème de droit et pas un problème technique.

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Le problème reste que l’illicéité d’une vidéo est plus simple à montrer que sa licéité. Donc par définition, étant hors interdictions manifestes, c’est l’accusation qui y gagne et la défense qui y perd à démontrer que ce qui n’est pas interdit est autorisé sur des bases extérieures au droit (en l’occurrence l’usage et la technique).



C’est donc loin d’être “automatique” car il y a création de valeur lorsque dans l’autre cas (illicéité supposée) on en enlève ou on filtre.



L’article 17 n’est pas si incohérent dans sa définition d’un principe d’égalité des parties au final… on pourrait même le modifier avec les exceptions au droit d’auteur Français comme la courte citation et les autres afin de recadrer cette fois avec les bons trous fondements les exceptions !

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“dans le système proposé, certains contenus contrefaisants resteraient en ligne au seul motif d’une aléatoire vraisemblance de licéité” Et dans un français compréhensible par le commun des mortels sans avoir fait d’étude de droit, ça donne quoi ?
Le langage des lois est vraiment réservé à une caste d’initié :D

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Du contenu illégal resterait en ligne parce qu’on arrive pas à prouver qu’il est illégal…

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Un propos diffamatoire reste publié avant sa condamnation. Je ne vois pas le problème. :windu:

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MarcRees a dit:


[HS] (content de vous retrouver après deux semaines loin des écrans, et des mois un peu compliqués) [/HS]


Tout pareil !
Il manque un bouton pouce bleu pour ce genre de message, en plus discret !

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”…ayants droit là où l’objectif est le renforcement de leur situation.”



Pendant ce temps là des millions de Français sont dans la rue car ils n’arrivent plus à vivre, et brulent des péages d’autoroutes ou des radars, symboles du “renforcement de la situation” des rentiers, des privilégiés, des fils de, des déjà riches, des mafieux, des corrompus… c’est quoi l’adresse du siège de la SACEM? :fumer:

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anagrys a dit:


Mais se pose quand-même une question : ces gens là sont censés parler au nom du peuple de France, est-ce que c’est ce peuple qui réclame censure, suppressions, contrôles a priori de l’expression…?


Et ensuite ils constatent que plus personne en France ne va voter… et qu’ils n’ont plus aucune légitimité… mais selon eux “c’est la faute des Français trop cons pour comprendre le monde”, ou alors au contraire, depuis le partage de l’information grâce à Internet, ils comprennent de plus en plus que vos magouilles ont assez durées :baton:

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Leum a dit:


Pour savoir si un changement concernant le droit d’auteur est une bonne chose pour le public il suffit de savoir si la France s’y oppose….


On peut facilement généraliser :



Pour savoir si un changement est une bonne chose, il suffit de savoir si la France s’y oppose.
Pour savoir si un changement est une mauvaise chose, il suffit de savoir si la France le soutient.



50 ans de politique française résumée en 2 lignes.

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anagrys a dit:


Mais se pose quand-même une question : ces gens là sont censés parler au nom du peuple de France, est-ce que c’est ce peuple qui réclame censure, suppressions, contrôles a priori de l’expression…?


Les Français sont seulement intelligents quand il s’agit de voter.



Après ils redeviennent des Gaulois réfractaires qui ont besoin des lumières de l’élite intellectuelle et politique parisienne qui, rien n’étant finalement gratuit même pour ces ennemis de l’argent détesté et du profit facile, requiert quand même quelques subsides (idéalement sous forme de rentes), pour les guider sur le long chemin de la servitude béatitude sociale du vivre-ensemble baignant dans un environnement culturel adéquat (le leur).



Tout est logique.

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sortir leur carnet de chèques pour obtenir une licence des mains
des sociétés de gestion collective…



dès qu’on a payé, ‘pof’….envolés les problèmes !
c’est dire ‘la puissance de’*………………..l’Euro !
(monde de :censored: )



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(reply:1826805:AncalagonTotof) +1
Bon retour parmi nous, content de vous relire.


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Question plus générale: mais à quoi sert l’article Article L122-5 §3 du code de la PI? En quoi est ce plus difficile d’user de l’exception au droit d’auteur sur ces plateformes qu’ailleurs ?



Exemple d’exception: “Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées ” on peut le faire sur une vidéo YouTube, cela n’a jamais problème avant§
Pareil pour “ La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre” …



Je suis scié de nième sacrifice de la liberté d’expression sur l’autel des ayants droits …

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Je suis scié du sacrifice de la liberté d’expression sur l’autel des ayants droits …



ah ça….
au nom “de l’Exception Culturelle Française” , on nous en fait “avaler des Couleuvres”, purée ! :mad:

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La question principale est celle de l’analyse du contenu. Or regarder si un contenu rentre dans les clous des exceptions du §3 l’article 122-5 coute de l’argent et du temps (Voir un juge pour les cas litigieux).
D’où 2 positions antagonistes :




  • Les A.D veulent tout bloquer par défaut et analyser uniquement quand le titulaire du contenu fait appel => Cout supporté par les hébergeurs => Aucun contenu illégale mais surblocage

  • Le reste du monde veut que ça soit autorisé par défaut et bloquer uniquement après analyse => Donc les A.D doivent analysé et c’est eux qui supportent le cout. => Potentiellement du contenu illégale en ligne mais pas de surblocage



Il s’agit de l’équilibre entre les libertés publiques/privées et le respects des lois sur les contrefaçons, c’est un débat qui se retrouve dans pas mal de débats de société ( Loi Avia mais aussi loi renseignement, loi état urgence sanitaire, ect. ….)

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les A.D devraient analyser, et ce serait à eux de supporter le coût.



en effet…dans un Monde ‘normal’, ça serai logique, mais……………………………………… !

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Hadopi a été un échec pour cette raison, ce système est le même échec. Ce n’est pas le privé qui paye la police, c’est le public. C’est donc au public de payer pour avoir cette qualité de service qui reste un privilège à l’échelle de la planète.

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tmtisfree a dit:


Tout est logique.


Y compris l’emphase résultante tout aussi suffisante que la première.



retourne maltraiter ses subsidiaires avec sa subside :€

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