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Amazon, Intel, Microsoft, Nokia : ces géants du numérique qui se tournent vers l’espace

Et après, la fibre par satellite chez Altice ?

Amazon, Intel, Microsoft, Nokia : ces géants du numérique qui se tournent vers l’espace

Le 21 octobre 2020 à 15h30

En quelques jours seulement, plusieurs grands noms du secteur des nouvelles technologies ont décidé de se lancer dans le spatial. Microsoft avec Azure Space, Intel en vantant les mérites de son VPU Movidius Myriad 2 pour ce secteur et Nokia en se préparant à déployer un réseau 4G sur… la Lune.

Quand on parle de « New Space », on pense bien souvent à SpaceX qui a révolutionné le secteur du lancement avec sa fusée Falcon 9 dont le premier étage est réutilisable. Mais il y a également d’autres acteurs comme Blue Origin, Virgin Orbit, Rocket Lab… qui viennent jouer sur les platebandes des lanceurs étatiques.

Le « New Space » prend différentes formes

Mais ce domaine est en réalité bien plus vaste avec « l’innovation de rupture, l’intelligence artificielle, l’agilité et la flexibilité », comme l’affirmait récemment Jan Wörner, le directeur général de l’Agence spatiale européenne. Dans cette multitude de domaines, des géants du numérique tentent de se faire une place au Soleil.

Il s’agit parfois de développer des technologies qui seront ensuite utilisées dans l’espace, dans d’autres cas d’utiliser au contraire les satellites de partenaires comme des relais de communications afin d’améliorer les services sur Terre. Citons par exemple la gestion des stations de sols, des communications, des données, etc.

Amazon s'est déjà positionné sur ce segment depuis de nombreux mois avec AWS Ground Station.

Des stations de sol « As-a-Service » chez Amazon et Microsoft

Il s’agit d’un « service entièrement géré qui permet de contrôler les communications satellitaires, de traiter les données et de mettre à l’échelle vos opérations sans avoir à créer ou gérer votre propre infrastructure de stations au sol ». Grâce aux nanosatellites – qui « n'ont rien à envier à leurs camarades plus grands » – les coûts de fabrication et de lancements sont réduits, permettant à un plus grand nombre d’acteurs se lancer dans l’aventure. 

Amazon Web Services mise sur la simplicité pour attirer des clients : « vous ne payez que la durée réelle d'utilisation des antennes. Il n’y a pas contrats à long terme ni de frais cachés. Avec un prix unique, vous pouvez utiliser n'importe quelle antenne du réseau AWS Ground Station mondial ». 

Microsoft lui avait répondu récemment avec Azure Orbital, qui est aussi un ensemble de stations de sol « as-a-service ». La société s’est rapprochée de plusieurs acteurs du marché pour développer son service : KSAT, KubOS, SES et Viasat. La promesse est la même que chez AWS : « Payez uniquement ce que vous utilisez avec n'importe quelle antenne du réseau mondial Azure Orbital. Pas de contrats à long terme ni de frais cachés ».

On peut donc louer simplement, avec une facturation à l’heure, tout le nécessaire pour communiquer avec son satellite. Comme on peut payer pour des instances de calculs par exemple, tout en faisant jouer la concurrence. Pour le moment, Google ne semble pas avoir fait d’annonce du même genre si l’on met de côté celle de l’ouverture d’une Google Cloud Platform sur Mars en avril 2017, qui était bien entendu... un poisson.

Et voici Azure Space, qui s’appuie sur Starlink et 03b

Cette semaine, Microsoft enfonce le cloud avec de nouveaux partenariats autour d'Azure Space. Il est ainsi question de la constellation Starlink de SpaceX (qui vient de dépasser les 800 satellites en orbite) pour fournir une connexion « haut débit et à faible latence pour le nouveau centre de données modulaire Azure (MDC) ».

Microsoft exploitera aussi la constellation O3b MEO de SES (des satellites à 8 000 km de la Terre, donc plus éloignés que Starlink) afin « d’étendre la connectivité les régions des datacenters et les appareils en périphérie (edge) du cloud ». Grâce à ses deux partenaires, la société veut « fournir une capacité multi-orbite, multi-bande, multi-fournisseur et parée pour le cloud afin d’apporter des solutions complètes de connectivité par satellite ». 

Azure Space

MDC : des datacenters mobiles connectables par satellite

Cette annonce va de pair avec le Modular Datacenter (MDC). Mobile, il peut être installé dans « des environnements difficiles où les conditions critiques telles que l'alimentation et les infrastructures ne sont pas fiables ».

La promesse est ainsi d’avoir « Azure là où vous en avez besoin ». Microsoft propose ainsi de fournir à ses clients des « ressources de calcul à l’échelle d’un centre de données au plus proche de l'endroit où elles sont nécessaires ». Une connexion par satellite (via Azure Space) est possible en option.

Il ne s’agit donc pas (encore ?) de mettre en orbite un datacenter, mais c’est potentiellement une première approche si on se rappelle aussi le projet Natick de l’entreprise. Il s’agit d’un datacenter avec 864 serveurs plongés dans la mer pendant deux ans. Même s’il est étanche, le concept n’est pas transposable en l’état puisque l’eau de mer était utilisée pour le refroidissement alors que l’énergie était fournie par les courants marins et le Soleil.

Il faut également prendre en compte le poids nécessaire pour une mise en orbite, les protections contre les rayonnements, etc. Bref, ce n'est pas encore pour tout de suite.

Microsoft MDCMicrosoft MDC

Intel vante sa puce Myriad 2 qui est dans l’espace…

Intel évoque aussi l’espace en revenant cette semaine sur le satellite Φ-sat-1 (ou Phi-sat-1), lancé le 3 septembre après plusieurs mois de report pour cause de pandémie. Il s’agit d’une mission de l’Agence spatiale européenne, mais le fondeur tient à rappeler que le nanosatellite embarque un Vision Processing Unit (VPU) Movidius Myriad 2.

Ce dernier était notamment utilisé par DJI dans des drones afin d’ajouter de la « vision par ordinateur et des fonctionnalités d’apprentissage profond ».  La situation est proche, l’ESA précisant que Φ-sat-1 dispose de la « première technologie d’intelligence artificielle embarquée à bord d’une mission européenne d’observation de la Terre ». Dès fin septembre, les premiers résultats sont tombés :

« ɸ-sat-1 a permis avec succès un premier filtrage de données d’observation de la Terre pour que seules les parties d’une image qui contiennent des informations utilisables soient envoyées vers le sol, améliorant ainsi l’utilisation de la bande passante et réduisant de manière significative les coûts de liaison descendante agrégée.

Les données initiales téléchargées du satellite montrent que l’algorithme de détection automatique de nuages basé sur de l’intelligence artificielle a correctement trié en pixels nuageux et non-nuageux l’imagerie hyperspectrale d’observation de la Terre issue du capteur du satellite ».

Intel rebondit sur ce succès pour vanter sa puce, et rappelle que l’un des principaux enjeux était que Myriad 2 n’était pas prévue pour une utilisation dans l’espace : elle n’était pas « durcie » afin de résister aux radiations.

De son côté, Gianluca Furano de l’Agence spatiale européenne confirme que l’ESA « n'avait jamais testé une puce de cette complexité pour les rayonnements […] Nous n’étions pas sûrs de pouvoir la tester correctement… nous avons dû rédiger un manuel en partant de zéro afin d’expliquer comment effectuer un test complet de cette puce ».

… apportant des technologies récentes, et plus de modularité

En général, le spatial a « jusqu'à deux décennies de retard sur les technologies commerciales de pointe », ajoute Aubrey Dunne de chez Ubotica, une start-up irlandaise en charge de la partie IA sur ɸ-sat-1. Le « New Space » c’est aussi ça : réduire les délais et profiter de technologies récentes dans l’espace.

Pour Jonathan Byrne, responsable chez Intel Movidius, l’utilisation de sa puce ouvre la voie à plus de modularité dans l’espace et non pas « du matériel dédié dans un satellite qui ne fait qu'une seule chose ». La suite se prépare avec PhiSat-2 qui sera « capable d'exécuter des applications d'intelligence artificielle pouvant être développées, facilement installées, validées et opérées sur le satellite pendant son vol grâce à une interface utilisateur simple ».

Nokia va déployer de la 4G sur la Lune, pour le compte de la NASA

Nokia aussi répond présent à l’appel de l’espace, en étant sélectionné par la NASA pour « déployer premier système de communication 4G dans l'espace, contribuant ainsi à ouvrir la voie à une présence humaine durable sur la surface lunaire ». Car oui, les astronautes ont visiblement besoin de 4G… pour poster des selfies sur les réseaux sociaux (à défaut d'avoir des ascenseurs et de la 5G) ?

Il s’agit en fait d’un partenariat dans le cadre du projet Artemis visant à renvoyer des humains sur la Lune. L’Agence spatiale américaine a lancé des appels d’offres sur une large partie des composantes de ce défi. Récemment, elle a aussi lancé un appel d’offres pour acheter à des tiers du régolite et des morceaux lunaires.

Que ce soit avec Amazon, Intel, Microsoft et Nokia, il ne s’agit certainement que du début des grandes manœuvres autour de l’espace. Les cartes du jeu sont en train d’être rebattues et les géants du numérique, qui disposent de moyens conséquents, devraient continuer de lancer des initiatives en ce sens.

Commentaires (11)

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Etonnant de voir apparaître Nokia parmi ces “géants” du numérique.

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Ce sous-titre ! parfait :inpactitude:

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Je vois bien dans quelques années des datacenters dans l’espace refroidit par le vide spatial. Bon par contre pour la maintenance c’est un autre sujet :transpi:

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Ca va faire cher la note de frais pour aller déracker une machine.

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Pas facile le refroidissement sans aucun fluide et surtout il faudra les cacher du soleil sinon ils brûleront rapidement, je pense que ce n’est vraiment pas une bonne idée car il ne fait pas froid dans l’espace.

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Tout dépend la zone, cachée du soleil les températures sont très très froide (-263°C). Après c’est vrai qu’il faut trouver le fluide qui répond au besoin.

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Le vide n’a pas de température…



Les seules pertes de chaleur possibles pour refroidir un système, c’est le rayonnement (ridiculement faible vu les plages de températures de nos systèmes), soit par perte de matière (généralement accompagné de transformation de phase solide/gaz pour être rentable, c’est ce qui est utilisé pour refroidir les combinaisons spatiales), mais ça va nécessiter beaucoup beaucoup d’eau pour un fonctionnement sur le long terme…

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Et accessoirement, l’environnement en terme de rayonnement cosmique est particulièrement hostile. Faudra prévoir un bon blindage !

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(reply:1832329:SebGF)


Je n’arrive pas a voir quel intérêt il y aurait a mettre un data center dans l’espace. La thermique que vous avez mentionné sera déjà un casse tête. La plus grosse plateforme de satellite telecom génère 25kw avec ses panneaux solaires, l’ISS environ 100kW. Pour référence le datacenter sous l’eau de Microsoft consomme 250kW.



Les radiations seront le problème principal pour les composants et la pérennité du stockage.
Mais il n’y a pas que les rayons cosmiques, les ceintures de radiations sont le soucis. Pour assurer un transfert de donnée stable et rapide le datacenter devra être en orbite geostationnaire (nécessaire aussi pour maximiser l’ensoleillement). L’orbite géo ne se trouve pas au pire endroit des ceinture de radiations mais le flux et énergie des particules reste tout de même assez élevé. Exit la maintenance aussi. Et aucun blindage (a moins d’être ridiculement épais, 4 metres d’alu en gros) ne peux protéger entièrement de particules à ces énergies donc il faudra utiliser des méthodes de redondance et/ou des composants moins performants, ce qui limitera l’efficacité énergétique de l’ensemble . Et enfin pour le maintien à poste il faudra embarquer du fuel (propulsion chimique ou électrique), ce qui limitera la durée de vie du datacenter.



Bref, vraiment une mauvaise idée.

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La NASA parle d’un refroidissement via l’environnement spatial ou l’atmosphère planétaire pour le refroidissement des RTG qui alimentent les différentes sondes et équipements envoyés dans l’espace. Ils servent même à réchauffer des équipements quand les conditions sont trop froides.



Dans le cas des combinaisons spatiales, il y a un sous vêtement avec refroidissement à eau pour réduire la température du corps. La personne est dans une boite de conserve pressurisée d’où ce besoin. Un équipement à l’extérieur d’un caisson pressurisé aurait aussi besoin d’un tel dispositif pour être refroidi ?



Je n’en ai pas entendu parler mais ça m’intéresse.

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(reply:1832413:jack oneill)


C’était juste une idée car je pensais qu’a l’ombre du soleil il faisait très froid. Mais je suis d’accord que c’est un environnement trop contraignant !!
Et merci à vous car j’ai apprit encore un truc, c’est pour ça que les commentaires sont super sur Next Inpact :inpactitude:

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  • Le « New Space » prend différentes formes

  • Des stations de sol « As-a-Service » chez Amazon et Microsoft

  • Et voici Azure Space, qui s’appuie sur Starlink et 03b

  • MDC : des datacenters mobiles connectables par satellite

  • Intel vante sa puce Myriad 2 qui est dans l’espace…

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  • Nokia va déployer de la 4G sur la Lune, pour le compte de la NASA

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