Orange se lance dans de gros travaux sur ses réseaux fixes et mobiles avec, d’un côté le décommissionnement du réseau cuivre et de l’autre l’arrêt des anciennes générations de réseaux mobiles. Dans les deux cas cela va durer des années et les enjeux sont considérables.

La fermeture du réseau cuivre pour le remplacer par la fibre optique n’est pas un nouveau chantier puisqu’on en parle depuis des années maintenant, mais ce projet est à une période charnière. Orange, le gouvernement et le régulateur sont sur la même longueur d’onde concernant l’idée globale, dont il reste à définir les détails.

« Orange a annoncé fin 2019 sa volonté que la fermeture technique de son réseau historique cuivre intervienne progressivement à partir de 2023, pour être achevée en 2030. Dans le même temps, le Gouvernement a annoncé à l’été 2020 sa volonté de généraliser la fibre optique sur tout le territoire, d’ici 2025. La perspective est donc désormais celle d’une substitution, d’ici 2030, du réseau historique en cuivre par la fibre », rappelle l’Arcep.

Fin du cuivre : Orange notifie l’Arcep de son projet 

L’Autorité a pris les devants en décembre 2020 avec son décret n° 2020 - 1446 fixant « les conditions devant être respectées par Orange avant de procéder à la fermeture de son réseau cuivre ». Il est notamment indiqué qu’Orange doit notifier au gendarme des télécoms son programme et qu’il fera l’objet d’une consultation publique.

L’ensemble des acteurs sont en effet concernés puisque pour proposer des abonnements xDSL (passant par les lignes de cuivre) Bouygues Telecom, Free et SFR exploitent les lignes d’Orange (dégroupage). L’ensemble des personnes et entreprises le souhaitant peuvent faire un retour à l’Arcep sur le projet d’Orange, ils ont jusqu’au 4 avril. Comme toujours, l’intégralité des réponses sera publiée éventuellement caviardée au nom du respect du secret des affaires.

Nous n’entrerons pas au plus profond des détails du plan d’Orange, longuement détaillés dans ce document d’une quarantaine de pages, mais voici tout de même les grandes lignes et dates à retenir.

Un plan sur 10 ans…

Il convient déjà de définir deux notions : la fermeture commerciale, date à partir de laquelle Orange cesse de commercialiser de nouveaux accès sur le cuivre, et la fermeture technique avec l’interruption définitive de tous les services existants.

Afin de préparer le terrain et identifier d’éventuels points bloquants, de premières expérimentations se sont déroulées. Tout d’abord à Lévis-Saint-Nom (Yvelines) déployée en fibre optique par Orange OI en 2020. Trois autres zones ont suivi en 2021 : Voisins-Le-Bretonneux (Yvelines) déployée aussi par Orange OI, Provin (Nord) avec le RIP THD 59 - 62 ainsi que Gernelle, Issancourt-et-Rumel, Vivier-au-court et Vrigne-aux-Bois (Ardennes) par le RIP Losange.

Plusieurs enseignements en ont découlé : « l’action des opérateurs commerciaux déterminante pour faire migrer leurs clients dans les délais, le rôle clé de la mairie en tant que facilitateur, le besoin d’une communication institutionnelle complémentaire, la nécessité d’adresser la question de la gestion/coupure des derniers clients, le souhait d’étudier le rapprochement des projets d’arrêt du RTC et de fermeture du réseau cuivre ».

… découpé en deux parties

Orange a décidé de partir sur un plan en deux temps pour la suite des événements :

• « Une phase de transition, de 2020 à 2025, pour préparer la fermeture du réseau en attendant la fin des principaux déploiements des réseaux FttH fin 2025 ». Le but est notamment de mener les expérimentations avec les opérateurs et d’organiser les migrations, tout en tenant compte du « préavis réglementaire » de 36 mois avant la fermeture totale. 
• « Une phase de fermeture, de 2026 à 2030, pour fermer concrètement le réseau afin de ne plus avoir aucun client en service sur cuivre fin 2030 ». Durant cette période, il est question d’arrêter la commercialisation de tout nouvel accès, et également de fermer techniquement le réseau cuivre.

Le FAI souhaite donc faire au plus vite par rapport au plan France Très Haut Débit : « La mise en œuvre en janvier 2026 d’une fermeture commerciale unique au niveau national marque le début de la phase de fermeture », explique l’opérateur.

Cette date ne doit rien au hasard : « Orange a positionné cette date de fermeture commerciale unique au niveau national en janvier 2026 en tenant compte de l’objectif du gouvernement de généralisation du FttH d’ici fin 2025 ». La fibre optique deviendra alors un service universel, dans des conditions qui restent à définir.

• Cédric O : service universel de la fibre en 2025, saturation de la 4G, plan d’aide au numérique
• Philippe Le Grand, président d’InfraNum, nous détaille sa feuille de route

Des fermetures prévues sans attendre 2026

« La phase de transition intègre trois premiers lots annuels de fermeture technique (fin 2023, fin 2024 et fin 2025), permettant d’enclencher l’industrialisation de la fermeture du réseau cuivre dans la perspective de la phase de fermeture (2026 - 2030) », explique l’opérateur.

Les zones ne sont pas connues, mais Orange souhaite qu’ils répondent à certains objectifs en termes de volume – il y a 41,8 millions de locaux à fermer d’ici fin 2030 – afin de monter doucement en puissance. L’opérateur souhaite ainsi aux alentours de 170 000 locaux pour le lot qui sera techniquement fermé en fin 2023, 450 000 pour celui de fin 2024 et enfin 1,9 million fin 2025.

La machine s’accélère ensuite : environ 3,8 millions locaux pour le lot fermé techniquement fin 2026, 6,3 millions fin 2027, 8,4 millions fin 2028 (la moitié des lignes cuivre devraient être fermées à cette date), 10,5 millions fin 2029 et autant fin 2030 ; pour arriver à un arrêt total.

Un tableau récapitulatif est disponible, mais à titre informatif : ce n’est pas « un engagement d’Orange » précise l’opérateur.

Vient ensuite la dépose

Une fois le réseau cuivre fermé techniquement dans une zone donnée (zone arrière de NRA ou de sous répartiteur), Orange pourra alors passer à l’étape suivante : déposer les lignes de cuivre sans risquer de couper un client. L’opérateur « prévoit de démonter le réseau et les équipements sauf pour des configurations qui ne permettraient pas une dépose dans des conditions technique ou économique raisonnables (câbles en pleine terre, certains câbles de distribution en zones très urbaines, distribution privative, …) ».

Et dans le cas où les conditions ne sont pas favorables ? La société prévient qu’elle ne veut pas en assumer le coût : « Toute dépose en dehors de ce périmètre n’est en aucun cas prévu dans le plan de fermeture du réseau cuivre et ne saurait être financée par Orange ». Reste à savoir ce qu’il adviendra alors des lignes de cuivre… 

« Quand des surfaces techniques ne sont pas utilisées pour d’autres services, notamment pour l’hébergement des équipements FttH, celles-ci pourront être ainsi libérées au niveau du NRA (emplacements, câbles de renvoi, énergie…) et conduire dans certains cas à arrêter totalement l’exploitation du NRA en tant que nœud de réseau d’Orange. Les opérateurs commerciaux clients des offres de gros d’hébergement au titre du dégroupage ont à leur charge de résilier leurs prestations et récupérer leurs équipements », ajoute l’entreprise. 

Couper le cuivre sans attendre 100 % de FTTH

Orange souhaite une adaptation du critère du 100 % FTTH pour la fermeture commerciale d’une zone. En clair, l’opérateur estime qu’il « est nécessaire de pouvoir fermer commercialement le réseau cuivre dans une commune donnée quand bien même une partie résiduelle des locaux ne seraient pas raccordables au FttH ».

Tout le monde s’accorde de toute façon à dire que le 100 % de foyers éligibles à la fibre optique n’est pas possible, il restera toujours des exclus. « Ne soyons pas plus bêtes que la moyenne : évidemment qu’on sait que le 100 % on ne l’atteindra jamais, mais on ne l’atteint avec aucun réseau. Il faut avoir la démarche intellectuelle de penser que c‘est le réseau qui va devenir le réseau de communication de demain et qui devrait pouvoir répondre à la quasi-totalité des cas », expliquait le sénateur Patrick Chaize.

Ces exclus devront alors passer par d'autres moyens, comme le THD radio, le satellite ou encore la 4G/5G fixe.

• Fibre optique, 5G, New Deal mobile : l’Arcep et l’Avicca reviennent sur les chantiers du numérique

Fin de la 2G en 2025, la 3G en 2028 en France

Sur la téléphonie mobile, l’opérateur annonce un doublé : « Entre 2025 et 2030, Orange arrêtera progressivement ses technologies 2G et 3G sur l’ensemble des pays dans lesquels le Groupe est présent dans l’Union européenne ». Le calendrier dépend de chaque pays.

Le « décommissionnement » de ces technologies se fera en deux temps : « en France, où la couverture nationale 3G est historiquement plus élevée que la couverture 2G, Orange arrêtera le réseau 2G d’ici la fin de l’année 2025, tandis que le réseau 3G sera arrêté d’ici fin 2028 ». Les autres opérateurs devraient suivre le mouvement, mais en adaptant évidemment leur projet à la topologie de leurs clients.

Couper la 2G et/ou la 3G signifie que ceux qui n’ont pas de smartphone prenant au moins en charge la 4G seront exclus. Il reste plusieurs années pour y réfléchir et prévenir les clients concernés. Aux États-Unis, la 2G est déjà arrêtée depuis un moment, la 3G est en cours d'arrêt, comme l’indiquent par exemple Bouygues Telecom,  Orange et Free Mobile.

Rappelons que Free Mobile vient tout juste d’obtenir ses premières autorisations de sites 2G de l’ANFR. La situation est différente pour le dernier arrivé : il dispose d’un contrat d’itinérance sur le réseau d’Orange (2G et 3G), mais il n’est valable que jusqu’à la fin de l’année. Il a déjà été prolongé à plusieurs reprises, sous les protestations de Bouygues Telecom et de SFR.

• En 2022, l’ANFR a autorisé les premiers sites 2G de Free Mobile 
• Itinérance 2G/3G Free et Orange : les arguments de Bouygues et SFR, opposés à une prolongation

Entre 2025 et 2030 dans le reste de l’Europe

Dans les autres pays (Belgique, Espagne, Luxembourg, Pologne, Roumanie et Slovaquie) c’est le contraire : « la 3G sera arrêtée d’ici 2025 et la 2G sera progressivement arrêtée d’ici 2030, en fonction de la stratégie spécifique adoptée par chaque filiale ». C’est en quelque sorte le cycle de la vie des télécoms.

• Des « pagers » aux premiers smartphones

Les fréquences chèrement payées seront bien sûr réutilisées « pour améliorer la capacité et la couverture des réseaux 4G et 5G, tant dans les zones urbaines que rurales », affirme l’opérateur. L’Arcep a déjà expliqué à plusieurs reprises que les fréquences étaient neutres technologiquement, les opérateurs peuvent donc les exploiter pour n’importe quelle technologie de téléphonie mobile, tant que les engagements sont respectés. 

Les objets connectés – très nombreux à passer par de la 2G ou de la 3G – ne sont pas oubliés, mais ils devront s’adapter de gré ou de force : « Orange travaillera en étroite collaboration avec les clients IoT pour identifier, au sein d’une gamme de technologies pérennes et évolutives, la solution de connectivité IoT la plus adaptée à leurs besoins. Orange conseillera et accompagnera ses clients entreprise tout au long de leur parcours de migration ».