Internet et vie politique : interview de l’association Regards Citoyens
Retour sur la polémique NosDéputés.fr
Le 11 mars 2013 à 10h48
6 min
Internet
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Après le sociologue Dominique Cardon, PC INpact a pu interroger Benjamin Ooghe-Tabanou, co-fondateur de Regards Citoyens. Deuxième interview de notre série d'entretiens questionnant l'influence d'Internet sur le travail des députés, nous avons pu revenir avec notre interlocuteur sur les effets du site NosDéputés.fr, dont il fut notamment question cet été.
Depuis plus de trois ans, NosDéputés.fr établit un travail de veille et d’archivage d'informations concernant les députés à partir de données publiques (issues notamment du site de l’Assemblée nationale et des publications du Journal Officiel), pointant par exemple leur assiduité dans l’hémicycle. En août dernier, le ministre en charge des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a cependant jeté un pavé dans la marre en remettant en cause l’approche quantitative de cette initiative, qui pousserait selon lui les parlementaires à user de techniques peu favorables au bon fonctionnement des institutions parlementaires, dans l'unique but de monter dans le classement du site.
Dans les colonnes de PC INpact, Alain Vidalies avait annoncé qu’il souhaitait qu’une « sorte de pôle de réflexion » soit mise en place en 2013, « afin de rendre plus efficiente encore la transparence promue par ce site ». L’association Regards Citoyens, qui gère NosDéputés.fr, avait alors rencontré l’équipe du ministre, et n’avait pas manqué de répondre publiquement aux critiques.
Plus de six mois après ces faits, Benjamin Ooghe-Tabanou, co-fondateur de Regards Citoyens, a accepté de revenir auprès de PC INpact sur cette affaire.
Que s’est-il passé depuis vos dernières rencontres avec l’équipe du ministre Vidalies ?
Afin d'appliquer à nous même l'exigence de transparence que nous demandons aux élus, nous avions publié sur notre site un compte rendu de ce rendez vous. Si ces échanges furent cordiaux, nous avions le sentiment qu'il était difficile de factualiser le ressenti exprimé par le ministre. Nous avions tout de même convenu qu'il serait intéressant d'organiser ensemble un colloque sur la question. De timides contacts ont été établis depuis sans qu'il n’y ait eu encore -à notre connaissance - plus d'avancées. L'idée de relancer ce débat ne nous enchante pas nécessairement : la polémique peu factuelle qui en avait découlé a finalement plus desservi l'image du parlement que celle de NosDéputés.fr.
Vous n’avez donc rien modifié aux outils de métrique de NosDéputés depuis cet été ?
La logique et le fonctionnement du site n’ont pas bougé, y compris en termes d'indicateurs. En revanche, de nouvelles fonctionnalités sont régulièrement apportées : nous avons par exemple développé des modules d'alertes e-mails aux réponses des questions écrites, ou intégré le rattachement financier des députés aux partis politiques, qui a récemment été publié au Journal Officiel.
Avez-vous malgré tout des évolutions en vue ?
Oui, beaucoup ! On est notamment en train de réfléchir en ce moment, à l'image du travail réalisé par LeMonde.fr, à visualiser les affinités entre députés en analysant les données relatives aux amendements identiques et cosignés. C’est une réflexion pour laquelle nous avions déjà fait des expérimentations et que nous cherchons à rendre disponible pour chaque projet de loi. Regards Citoyens fonctionnant de manière entièrement bénévole, nous avons malheureusement toujours plus d’idées que de temps pour les implémenter.
Considérez-vous que NosDéputés ait une influence sur l’activité parlementaire ?
Pour nous - et c’est ce que nous avions déjà expliqué au ministre et dans nos comptes-rendus - le site étant connu des députés, il est logique qu’il ait un impact. Nous pensons cependant que cet impact joue vraiment à la marge, notamment au regard des réformes adoptées par le parlement suite à la réforme constitutionnelle de 2008 qui renforçait le poids du travail en commission.
On peut par exemple observer que les nouveaux députés, souvent des élus qui ont utilisé NosDéputés durant la campagne, savent que c’est quelque chose qui peut être important pour leurs électeurs. Ils vont donc naturellement s’assurer que leur travail parlementaire soit valorisé via NosDéputés en participant sérieusement aux travaux qui leur ont été confiés.
Mais au final, j’ai du mal à concevoir qu’on puisse imaginer des députés venir simplement répéter ce qu’aurait dit quelqu'un d'autre juste pour avoir un « + 1 » sur NosDéputés. Nos statistiques montrent que les chiffres n'ont pas bougé suite à l'ouverture de notre site. Si on veut vraiment regarder les faits, un élément réellement notable ces derniers temps sont les 5 000 amendements déposés sur le projet de loi sur le mariage pour tous, qui représentent près de la moitié de tous les amendements déposés depuis le début de la législature ! Il est évident que cela impacte sérieusement l'indicateur "amendement" d'un grand nombre de députés. En refusant de réaliser un classement général sur NosDéputés, nous évitons que ce type de phénomène vienne fausser l'information publiée sur notre site.
Nous avons en effet fait le choix de fournir une série d'indicateurs hétérogènes sur chaque député, qui permettent à chacun de se faire une idée du travail de son député en fonction de ce qui lui semble le plus pertinent. De plus, toutes nos données sont redistribuées en OpenData pour permettre à ceux qui le souhaitent de s'en saisir pour en tirer de nouveaux sens.
Qu’envisagez-vous pour l’avenir de ce débat ?
Nous sommes ouverts au dialogue, mais nous aimerions qu'il se fasse sur des bases sérieuses et factuelles, et non sur la seule base de ressentis, comme ça avait pu être le cas l'été passé. Maintenant, nous sommes toujours très volontaires pour améliorer nos outils, et si l’objectif de ce dialogue est bien de procéder à ce travail de manière rigoureuse, en ouvrant le débat à l'ouverture plus large des informations parlementaires, nous serons ravis d'y participer activement.
Merci Benjamin Ooghe-Tabanou.
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Que s’est-il passé depuis vos dernières rencontres avec l’équipe du ministre Vidalies ?
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 11/03/2013 à 11h43
Indicateur de présence. ? … Oui enfin d’un autre coté on peut venir dans l’hémicycle taper une sieste.
Pour le coté discret : une latte de bois souple et courbée, dissimulée dans la cravate pour tenir le menton et tout le monde croit que tu lis un document. Il n’y aurait plus que le filet de bave et les ronflements qui soient problématiques, mais c’est surmontable aisément.
Le 11/03/2013 à 13h50
Le 11/03/2013 à 14h02
Le 11/03/2013 à 15h05
Le 11/03/2013 à 15h40
Le travail d’un député étant aussi de voter pour des projets de loi, je suis étonné qu’il n’existe pas de recensement à jour (il y a bien mon-depute.fr mais il n’est pas souvent renouvelé) de leurs votes. Est-ce que c’est moi qui est aveugle ou il n’existe pas d’open data le concernant ?
Le 11/03/2013 à 16h05
salut
(nostalgie)
“..je vous parle d’un autre temps ..QUAND “nos députés.fr” n’éxistait pas encore”
..eh oui, jeune homme !!! " />" />
Le 11/03/2013 à 16h10
Le 11/03/2013 à 16h23
A mon avis le problème n’est pas dans le choix des indicateurs mais dans la présentation, trop peu didactique. Bien sûr, chaque indicateur peut être cliqué mais enfin ça me semble un peu court quand même, les chiffres semblent aujourd’hui se suffire à eux-mêmes alors qu’ils ne disent finalement pas grand chose en général.
Par exemple je verrais plutôt de très gros en-têtes tels que “14 interventions en commission” ou “18 amendements proposés”, suivis chacun de très courtes explications. On pourrait ainsi aisément, dans la partie sur les amendements, souligner le risque d’amendements bidons ou pourquoi l’opposition a toujours plus d’amendements. Enfin j’ajouterais dans chacune de ces sections des liens vers les derniers items (propositions de lois, etc).
Par ailleurs, les codes de couleur pour les meilleurs et pires tiers me dérangent un peu : là où tous les députés PS paraissaient très vertueux il y a un an du fait de leurs questions au gouvernement et propositions d’amendement, en pagaille, soudain ils ont tous l’air d’être des fainéants puisqu’ils doivent désormais soutenir l’exécutif. Qui plus est les amateurs d’amendements bateaux se voient codées en vert alors que je doute que quiconque puisse objectivement voir ça comme une bonne chose. Peut-être faudrait-il renoncer à la couleur et se contenter d’une mention telle que “fait partie du plus haut tiers pour son groupe politique”, toujours dans l’optique de la présentation détaillée plus haut.
Mais bon, tout cela étant dit, le boulot effectué est déjà exceptionnel et mérite de gros remerciements.
Le 11/03/2013 à 16h41
Le 11/03/2013 à 18h37
Le 11/03/2013 à 18h51
Le 12/03/2013 à 13h49