Comment les créateurs de jeux sociaux vous séduisent et vous retiennent
Entre viralité, frustration et rétention
Le 21 juin 2013 à 15h30
7 min
Société numérique
Société
Nous nous sommes rendus à la première journée de la Web Game Conference, organisée par le Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV) au sein des locaux de Microsoft France. L'occasion pour nous d'en apprendre davantage sur la création et surtout le succès des jeux sociaux. Pretty Simple, un studio français leader dans ce domaine, en a d'ailleurs profité pour dévoiler certaines de ses recettes.
Plantons le décor, nous sommes le 19 juin près de Paris, au siège français de Microsoft où se tenait la Web Game Conference. Celle-ci réunissait divers acteurs de l'industrie des jeux sociaux et des jeux en ligne, et un seul sujet était sur toutes les lèvres : la « monétisation » des contenus, et les coûts inhérents à la promotion de ces derniers en fonction des plateformes visées.
L'une des sessions les plus intéressantes durant cette demi-journée était l'oeuvre de Corentin Raux et Bastien Cazenave, les cofondateurs de Pretty Simple, un studio français spécialisé dans les jeux sociaux sur Facebook. Si le nom de leur société ne vous dit pas grand-chose, vous avez surement dû voir passer leurs titres dans vos barres de notifications, ou dans votre flux d'activité ; le plus célèbre s'appelant Criminal Case.
Ce dernier rencontre un large succès puisqu'il serait question en moyenne de 9 millions d'utilisateurs actifs par jour. Un score remarquable qui en fait un des jeux les plus joués sur Facebook (le deuxième), mais cela ne s'est pas obtenu sans travail, d'autant plus que, d'après Corentin Raux de chez Pretty Simple, seulement 2 % des utilisateurs sont issus de la publicité, la quasi-intégralité de la croissance du nombre d'utilisateurs se faisant de manière organique.
First-Time User Experience : là où tout se joue
Pour atteindre de tels chiffres, il faut non seulement parvenir à recruter de nombreux joueurs, mais il faut surtout les inciter à rester. Par nature, la cible de ce genre de titre, les joueurs occasionnels, est très volatile et ils peuvent arrêter de jouer à un titre à cause d'un bug ou tout simplement parce que l'un de leurs amis ne joue plus. La « FTUE », ou First-Time User Experience joue un rôle crucial quant à la rétention des joueurs. Le premier contact avec le jeu doit accrocher la cible et cela commence même avant de débuter une partie.
En effet, la durée du temps du premier chargement du jeu est déjà un élément important. Si celui-ci est trop long, l'utilisateur peut être tenté de fermer la fenêtre avant même d'avoir joué. Corentin Raux, co-fondateur de Pretty Simple, explique ainsi que sur Criminal Case le simple fait d'avoir réduit la taille du premier téléchargement de 10 Mo à 3,5 Mo a permis de passer le taux de joueurs atteignant le menu principal de 87 % à 93 %. Quand on sait que le titre peut certains jours fédérer un million de joueurs potentiels, l'impact de ce changement n'est pas négligeable. Il faut savoir que le jeu complet pèse quant à lui 530 Mo, il est ainsi inimaginable de tout transmettre au joueur lors de sa première connexion.
Une fois le joueur parvenu à cette étape, il va falloir s'arranger pour le tenir éloigné de deux autres problèmes majeurs : la confusion, et les soucis techniques.
Dans le premier cas, le principe est plutôt simple à appréhender : il faut accompagner le joueur et, si possible, le faire discrètement. Chez Pretty Simple la solution trouvée est plutôt... simple, puisque tous les boutons d'action sont vert fluo et se détachent nettement du reste du décor. Ainsi si le joueur se sent perdu il ira naturellement cliquer sur cet élément qui lui saute aux yeux. Il faut aussi faire en sorte qu'il comprenne tout de suite quelles sont les règles du jeu. Pour vérifier cela, Corentin Raux encourage les studios à faire des « playtests » avant de lancer quoi que ce soit, en veillant bien à ne donner aucune consigne aux testeurs afin de juger de leurs réactions.
Pour ce qui touche aux problèmes techniques, il n'y a pas d'autre choix que d'analyser les actions des joueurs. Dans le cas de Criminal Case, le tutoriel est découpé en 35 étapes, ceci permet de savoir exactement à quel moment un joueur rencontre un souci, puisque cela se voit dans les statistiques de rétention. Une chute brutale du taux après une étape x peut signifier qu'une partie des utilisateurs est bloquée. D'ailleurs, l'équipe de Criminal Case en a illustré l'exemple avec un pop-up d'invitation qui n'apparaissait pas au premier plan sous Chrome lorsque le jeu était lancé en plein écran. Cette gaffe s'est traduite par une perte de plus de 15 % des utilisateurs lors de cette étape.
Une fois tous ces écueils évités, et à condition que votre jeu soit intéressant, vous devriez pouvoir afficher un taux de rétention honnête. Dans le cas de Criminal Case, il serait selon ses créateurs d'environ 80 % à l'issue des 35 étapes du tutoriel. Cela a tout de même un coût non négligeable puisque 30 % du temps de développement du jeu a été consacré à cette partie qui ne dure en moyenne que 18 minutes. Cela correspond à une équipe de 25 personnes mobilisée pendant 6 mois.
Quand la frustration mène à la viralité et retient les joueurs
Un autre enjeu consiste à parvenir à faire rester le plus longtemps possible les joueurs, afin de maintenir un taux de rétention élevé. Concrètement, plus un joueur passe de temps sur le jeu, plus il est probable qu'il décide un jour de craquer pour une micro-transaction.
L'un des principaux leviers disponibles consiste à lui demander d'inviter d'autres personnes à venir le rejoindre, mais pour obtenir un encart sur son flux d'activité Facebook il faut lui proposer une contrepartie intéressante. C'est là qu'intervient une particularité commune à l'écrasante majorité des jeux sociaux : une ressource limitante. Dans le cas de Criminal Case, il s'agit de l'énergie. « Les joueurs tueraient pour avoir de l'énergie parce que vous en avez besoin pour jouer », plaisante Bastien Cazenave sur scène. « On leur promet donc plus d'énergie s'ils invitent leurs amis ».
Mais, comment le simple fait d'inviter des amis à jouer parvient-il à nous retenir ? Là encore, le principe est très facile à appréhender. Quand l'un de vos amis rejoint le jeu, il va régulièrement venir vous envoyer des requêtes pour obtenir de l'énergie, tout comme il répondra aux vôtres. Chaque requête permettant de glaner quelques points d'énergie, indispensables pour avancer dans votre enquête. De plus, lorsque celui-ci trouvera le coupable d'un crime, gagnera un niveau ou un rang, il pourra partager avec vous des bonus plus importants pouvant atteindre 20 à 50 points d'énergie. C'est grosso modo la quantité nécessaire pour avancer d'une ou deux étapes dans une affaire, le gain n'est alors plus vraiment négligeable.
Il se forme alors un cercle mêlant viralité et rétention. Le joueur A, invite x amis à jouer. Sur l'ensemble des invités, seule une petite partie viendra, mais cela suffira pour rappeler régulièrement au joueur A de revenir sur le jeu pour partager un bonus et avancer son enquête.
Enfin, le jeu rappelle aussi régulièrement à ses habitués, par le biais de notifications, qu'une étape cruciale de votre affaire vient de se terminer. Par exemple après une autopsie, il faut parfois attendre jusqu'à 16 heures avant d'en avoir les résultats. Une fois ce délai passé, le titre vous signale qu'il est temps de revenir vous amuser.
Ce sont donc finalement des ficelles très grossières qui sont utilisées par les studios, mais leur efficacité n'est plus à démontrer. On notera tout de même que, pendant cette conférence, les autres firmes ainsi que les acteurs de la publicité s'accordaient à dire que les notifications et sollicitations publicitaires doivent être proposées de façon raisonnable, afin de ne pas fâcher l'utilisateur. Une leçon que Zynga n'a visiblement pas appliquée dans ses jeux. Peut-être est-ce une des raisons de ses difficultés ?
Comment les créateurs de jeux sociaux vous séduisent et vous retiennent
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First-Time User Experience : là où tout se joue
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 21/06/2013 à 17h31
Toujours pas séduit par ces machins pour décérébrés en manque de reconnaissance intellectuelle…
Le 21/06/2013 à 17h32
Le 21/06/2013 à 17h50
Le 21/06/2013 à 17h54
Le 21/06/2013 à 19h16
c’est honteux ce qu’ils osent sortir comme bouze parfois " />
franchement ceux qui ont payé pour jouer à ce jeu feraient mieux de payer un psy" />
Le 21/06/2013 à 23h14
Je ne joue à aucun jeu sur Facebook. :-) (Si vous voulez mes infos, contactez directement Fb ou la NSA…^^)
Le 22/06/2013 à 11h20
Imaginons 2 secondes si les films et autres œuvres artistiques étaient faites comme ils font leur jeux… Ce serait la fin du jeu vidéo ou du moins de ce qui a fait son jus.
Cela dit pour le cinéma, c’est déjà fait et en règle général pas mal de gens s’accorde sur le caractère fécale de ces films… Bizarre que pour le jeu vidéo la verve artistique ait tant de mal à être considérée de la sorte.
La faute aussi aux éditeurs qui ne jouent pas franc-jeu sur la question : ils veulent bâtir leur jeu comme des business plans broyant le joueur et l’expérience de jeu dans des profils… Et en même temps ils voudraient obtenir la reconnaissance d’œuvre culturelle (enfin, eux ils disent “produit”, je ne suis pas d’accords) pour bénéficier d’un statut particulier aux niveaux fiscaux, aides de l’état, etc.
Bref, moi je veux des jeux pondus avec des tripes et de la conviction, des histoires aussi originales que personnelles, des trucs avec des défauts qu’on pardonne facilement. bref il y en a peu, je rêve et etc. Je connais la rengaine mais leur jeux sociaux, là, j’en veux pas et je plains ceux qui n’ont du jeu vidéo que cette expérience là.
Tout comme je plaindrais tout ceux qui n’ont du cinéma que l’expérience d’un téléfilm ou une série de tvréalité.
Le 22/06/2013 à 11h46
Le 22/06/2013 à 17h09
Tout cela ne fait que confirmer ce que je pense depuis longtemps.
Les micropayement dans les jeux incitent les éditeurs à “tordre” les gameplay dans un sens qui n’est pas bon.
Le 22/06/2013 à 21h15
Le 23/06/2013 à 16h03
Leur jeu a un défaut énorme : c’est qu’une fois l’enquête finie il faut que 3 amis cliquent pour avoir les rapports sinon il faut payer. L’étape n’est pas faisable en patientant.
Le 24/06/2013 à 07h54
L’option sur Facebook pour empêcher les gens d’envoyer des invites pour ce genre de jeux à la con existe-t-elle encore?
Je me souviens d’avoir eu 2-3 contacts qui me bombardaient régulièrement (en ce moment c’est Candy Crush Saga… " /> ) que j’ai viré, mais bon méthode un peu forte pour des gens qu’on veut quand même garder dans la liste…
Le 24/06/2013 à 12h27
Le 24/06/2013 à 12h30
Le 25/06/2013 à 08h35
Pour ne pas recevoir de notication sur FB, le plus simple c’était de pas s’inscrire
(et encore d’ailleurs " /> )
Le 21/06/2013 à 15h44
il y a du plagiat de dorien ! je plaisante bien sûr " />.
Le 21/06/2013 à 15h47
Le 21/06/2013 à 15h48
Le problème c’est qu’au final tous ces jeux se ressemblent :
Non je ne parle pas de PvZ Adventures. ^^;
Le 21/06/2013 à 15h53
Le 21/06/2013 à 15h57
Dorian pas dorien.
Le 21/06/2013 à 16h03
Le 21/06/2013 à 16h13
Le 21/06/2013 à 16h15
Ces types n’ont rien compris. Faire un jeu social c’est simple :
a) Tu engages des actrices pornos pour qu’elles jouent au jeu et tu affiches leurs photos.
b) Tu attires plein de joueurs mâles qui font venir plein de joueurs mâles.
c) Profit.
Tout bon business se résume à deux concepts : boobs.
Le 21/06/2013 à 16h18
Le 21/06/2013 à 16h26
Le 21/06/2013 à 16h37
Le 21/06/2013 à 17h03