Disques durs : associer graphène et HAMR pourrait multiplier par 10 la densité
Maintenant, il faut passer à la pratique
Le 15 juin 2021 à 06h27
5 min
Hardware
Hardware
Les fabricants de disques durs se livrent à une course à la densité depuis des années. Le graphène vient s’ajouter à l’équation et, combiné à la technologie HAMR, il pourrait faire exploser la densité. Encore faut-il que cela aille plus loin que les effets d’annonces et autres démonstrations.
Le graphène est une révolution en marche depuis une dizaine d’années ; c’est d’ailleurs l'une des découvertes majeures de ces vingt dernières années, dont les travaux « révolutionnaires » ont été récompensés par un prix Nobel de Physique en 2010 pour Andre Geim et Kostya Novoselov.
Graphène partout… en théorie
Selon certains spécialistes, notamment Bernard Plaçais (laboratoire Pierre-Aigrain de l’École normale supérieure) il pourrait révolutionner « les applications sans fil, les télécommunications, le numérique haut débit, les communications satellites, les radars courte et longues portées et, enfin, le domaine térahertz avec, par exemple, la photodétection pour l’astrophysique »… excusez du peu !
Le graphène a néanmoins un problème majeur : « Aujourd’hui, la fabrication de tous ces nouveaux matériaux bidimensionnels ressemble plutôt à de la haute couture. On n’est pas encore capable de les produire ni de les manipuler sur de grandes surfaces, un impératif pour qu’ils puissent trouver un jour des applications en électronique », expliquait Annick Loiseau, directrice de recherche au Centre français de recherche aérospatiale.
Lors des salons comme le CES de Las Vegas et le MWC de Barcelone, cela n’empêche pas des universités d’exposer régulièrement leurs travaux et de promettre parfois monts et merveilles. Problème, la concrétisation se fait bien souvent attendre. Il y a toujours un monde entre le travail académique et son application pratique.
Il faut donc prendre ce genre d’annonces avec des pincettes de rigueur. Notamment lorsque l’université de Cambridge revient sur une publication scientifique parue dans Nature il y a quelques semaines. La promesse est alléchante sur le papier : « Les disques durs ultra-haute densité fabriqués avec du graphène stockent dix fois plus de données ».
Mais attention aux détails…
Des couches de graphène pour protéger les plateaux
L’université rappelle que les disques durs (HDD) contiennent deux principaux composants : les plateaux et les têtes. Les premiers stockent les données sous forme magnétique, les secondes se chargent des opérations de lecture et d’écriture. Les plateaux sont protégés par un revêtement généralement à base de carbone.
L’espace entre les plateaux et les têtes se réduit régulièrement afin de placer davantage de plateaux dans un espace contraint (2,5" ou 3,5") et ainsi augmenter la densité globale des disques durs.
Ce petit espace est passé de 12,5 à 3 nm ces dernières années, affirme l’université. On peut atteindre des densités de l’ordre du To par pouce carré, mais « aujourd'hui, le graphène a permis aux chercheurs de le multiplier par dix » cette valeur ajoute-t-elle… oubliant de préciser que ce n’est pas le graphène seul qui permet d'y parvenir.
Les chercheurs de Cambridge ont ainsi remplacé la couche de protection à base de carbone par une en graphène, plus ou moins épaisse (de 1 à 4 couches). Ils ont ensuite testé la friction, l'usure, la corrosion, la stabilité thermique et la compatibilité des lubrifiants. Les résultats seraient à la hauteur : « Au-delà de sa finesse imbattable, le graphène remplit toutes les propriétés idéales d'un revêtement de protection ».
Mais cela ne suffit pas à multiplier par dix la densité. Les chercheurs ont utilisé ces plateaux dans des disques durs exploitant la technologie HAMR (Heat-assisted magnetic recording). C’est en combinant ces deux solutions que la densité est ainsi « supérieure à 10 To par pouce carré ».
Haute température du HAMR et graphène font bon ménage
Le principe de fonctionnement du HAMR est d’utiliser la chaleur – plus particulièrement un faisceau laser – qui permet d'atteindre localement une température de plusieurs centaines de degrés Celsius. Il est ainsi possible de polariser de manière stable un grain magnétique sur la surface du plateau.
Les revêtements actuels à base de carbone « ne fonctionnent pas à ces températures élevées, contrairement au graphène », affirme l’université de Cambridge. Mais les fabricants n’ont pas attendu le graphène pour trouver une solution puisque Seagate par exemple dispose déjà de disques durs HAMR fonctionnels depuis des années.
HAMR+, HDMR : la suite est déjà en préparation
Avec ou sans graphène, les fabricants de disques durs ont déjà prévu d’arriver à une telle densité. L’ASTC (Advanced Storage Technology Consortium) l’indique d’ailleurs depuis longtemps dans l'une de ses feuilles de route : il s’attend à 6 To par pouce carré en 2025 avec le HAMR+ (HAMR avec TDMR et/ou SMR).
Il est ensuite question de plus de 10 To par pouce carré avec le HDMR (Heated-Dot Magnetic Recording). Cette technologie sera un mélange entre le HAMR et le BPMR (Bit-Patterned Magnetic Recording) qui introduit une modification au niveau des plateaux grâce à un nouveau procédé lithographique.
Disques durs : associer graphène et HAMR pourrait multiplier par 10 la densité
-
Graphène partout… en théorie
-
Des couches de graphène pour protéger les plateaux
-
Haute température du HAMR et graphène font bon ménage
-
HAMR+, HDMR : la suite est déjà en préparation
Commentaires (17)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 15/06/2021 à 07h21
Avec toutes ces applications potentielles en attente et les révolutions technologiques que ça semble pouvoir débloquer, j’ai l’impression que la production industrielle de ces fameuses « feuilles » de graphème ressemble un peu à une sorte de Graal industriel. Le premier industriel qui y arrive fera le coup du siècle.
Si ce matériau tient toutes ses promesses, on tient peut être un tournant industriel et technologique comparable à l’arrivée de la machine à vapeur ou du moteur thermique.
Le 15/06/2021 à 07h46
Le graphène, ce truc dont on parle depuis des années mais qui effectivement se fait attendre dans les applications pratiques …
Le 15/06/2021 à 08h07
Ça existe encore les “atterrissages de tête” sur un DD ?
Le 15/06/2021 à 10h00
Je dirais même plus: des dizaines d’années. Je me rappelle avoir lu des articles dessus dans les années 90.
Le 15/06/2021 à 10h18
Perso je préfèrerais qu’ils se lancent dans la course aux prix…
Le 15/06/2021 à 11h29
Ou du laser, plus recemment.
Le 15/06/2021 à 12h14
Tout à fait d’accord, j’ai l’impression que le prix des disques dur n’en finissent pas de stagner…
Le 15/06/2021 à 12h22
Ben l’innovation fait baisser les coûts… on peut en avoir plus pour le même argent
Le 15/06/2021 à 14h32
C’est sans compter sur les “Ayants-Droits”
Le 15/06/2021 à 15h28
Tu as de la chance, en ce moment, je vois le prix des plus de 6 To remonter en flèche. En septembre, il y avait des 12 To à 240€ (et 200€ en promo). Aujourd’hui, le même disque est à 340€, soit +41% (ou pour le prix promo, +70%). Tout va très bien, madame la marquise…
Le 15/06/2021 à 20h07
C’est les mineurs de Chia qui vont être les premiers contents de cette avancée :( Bram, pourquoi as-tu inventé ce nouveau type de cancer informatique?
Le 16/06/2021 à 07h50
Elle est permanente.
Les prix ne font que baisser sur le long terme, d’année en année.
Tout à fait.
Le prix de certains disques peut remonter (surtout après des promos agressives), en particulier en cas de demande importante, ou bien si problème de production. En ce moment je crois qu’on a une demande élevée avec le “Chia” sorte de minage sur disque.
Ce n’est pas pour autant que les prix des disques globalement ne baisse pas.
Le 16/06/2021 à 07h53
Personne ne tique sur ce passage, qui est mal rédigé :
« Les plateaux sont protégés par un revêtement généralement à base de carbone.
L’espace entre les plateaux et les têtes se réduit régulièrement afin de placer davantage de plateaux dans un espace contraint (2,5” ou 3,5”) et ainsi augmenter la densité globale des disques durs.
Ce petit espace est passé de 12,5 à 3 nm ces dernières années, affirme l’université »
Il y a confusion entre le revêtement de protection et l’espace entre les plateaux.
C’est le revêtement de protection qui est passé de 12,5 à 3 nm,pas l’espace entre les plateaux et les têtes, qui lui est plutôt en µm. Surtout que c’est pas cette différence en nanomètres qui changerait quelque chose pour l’espace entre plateaux.
Le 16/06/2021 à 11h32
euh t’es sûr de toi ?
pour moi c’est bien l’espace entre les plateaux qui est passé de 12.5 à 3mm
j’ai jamais vu de plateaux de 12.5mm d’épaisseur en 3.5” (et encore, si c’est la couche de protection, il en faudrait une par face, donc le plateau ferait 25mm + le matériau magnétique …)
alors qu’avoir 2 plateaux séparés par 12.5mm, sur des vieux 3.5” ça me semble cohérent (et 3mm, pour faire rentrer 7 plateaux dans les disques de 18To ça semble tout aussi correct)
edit :
je viens de te relire ainsi que la citation, effectivement “l’espace entre les plateaux et les têtes […] ce petit espace est passé de…” laisse penser que c’est entre plateau et tête, alors que j’ai considéré que c’est entre les plateaux (là où sont les têtes du coup)
donc tu n’a probablement pas totalement tort
Le 16/06/2021 à 13h43
C’est surtout que l’article parle de nm (nanomètre) et toi de mm (millimètre).
Et effectivement, on parle de l’espace entre la tête et le plateau.
Mais bon, les mm encore, je vois ce que c’est. Le µm ou le nm, à moins d’avoir un super microscope, je ne vois pas la différence. ;-)
Le 16/06/2021 à 14h25
hum
j’ai envie de mettre ça sur le dos de la police, mais ça serait vraiment de la mauvaise foi
j’avais décidément lu en travers.
merci d’avoir relevé
désolé si j’ai enduit d’erreur () d’autres lecteurs
edit : typo
Le 16/06/2021 à 18h07
J’avais envoyé un avis de correction (bouton “signaler une erreur”) mais le site n’a pas l’air d’avoir lu ou pris en compte.
Ça nous arrive tous de lire trop vite.