[MàJ] Les industriels du tabac bientôt contraints à davantage de transparence
Lobby one Kenobi
Le 19 mars 2015 à 07h30
6 min
Droit
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Y aura-t-il bientôt un site officiel qui permettra à chaque internaute de savoir si un fabricant de cigarettes a fait des dons à un parti politique, combien ce même industriel a dépensé en opérations de lobbying, etc. ? C’est en tout cas le souhait du gouvernement, qui vient de déposer un amendement en ce sens. Rien ne garanti toutefois pour l’heure que ces informations seront facilement accessibles ou même en Open Data.
La Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui débute aujourd’hui l’examen du projet de loi sur la santé, va se pencher très prochainement sur un amendement gouvernemental visant à contraindre la puissante industrie du tabac à davantage de transparence. L’exécutif s’est inspiré de ce qui a été imposé aux laboratoires et autres industriels du médicament pour proposer un dispositif relativement similaire. Pour mémoire, ces professionnels sont désormais tenus de rendre publics « tous les avantages en nature ou en espèces » de plus de dix euros versés aux médecins, sages-femmes, dentistes... Une trace de ces liens peut être consultée depuis l’été dernier sur le site « transparence.sante.gouv.fr ».
Pour justifier ce nouvel élan, l’exécutif explique que « de nombreux éléments attestent de la diversité des stratégies employées par l’industrie du tabac pour s’ingérer dans l’élaboration et la mise en œuvre des mesures de lutte contre le tabac ». Avec un risque bien connu : « que l’intérêt personnel influence les responsabilités officielles », les élus ou autres personnages politiques influents pouvant être cordialement invités à renvoyer l’ascenseur...
Les industriels du tabac contraints de dévoiler leurs dépenses de lobbying
L’idée du gouvernement ? Que chaque année, les « fabricants, importateurs et distributeurs de produits du tabac, ainsi que les entreprises, organisations professionnelles ou associations les représentant » publient et adressent au ministre de la Santé un « rapport détaillant l’ensemble de leurs dépenses de publicité, de propagande et de promotion en faveur de leurs produits réalisées en France ». Ce document devra également contenir « l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence ou de représentation d’intérêts ». Il sera ainsi question :
- Des « rémunérations de personnels employés en totalité ou en partie pour exercer des activités d’influence ou de représentation d’intérêts ».
- Des « achats de prestations auprès de sociétés de conseil en activités d’influence ou de représentation d’intérêts ».
- Des avantages « en nature ou en espèces » dont la valeur dépasse dix euros, dès lors qu’ils auront été versés au bénéfice de membres du gouvernement ou de cabinets ministériels, de toutes les « personnes chargées d’une mission de service public » et pouvant prendre des décisions en lien avec les produits du tabac, ou bien encore d'experts missionnés par une personne publique.
- Des « contributions ou dons bénéficiant à des partis ou groupements politiques, à des candidats à des mandats électifs ou au financement de campagnes politiques ».
Les entreprises seront tout particulièrement tenues de dévoiler avec précision le nombre de personnes qu’elles emploient afin de représenter leurs intérêts, ainsi que le montant total de leurs rémunérations. Lorsque ces services sont exercés par le biais d’un prestataire externe, la société devra indiquer le montant total de ses dépenses et l’identité du bénéficiaire. Une obligation similaire prévaudra pour les bénéficiaires de dons et d’avantages en espèce ou en nature (partis, candidats, ministres...).
En cas de non respect de ces dispositions, les contrevenants s'exposeraient à une amende d'un montant maximum de 45 000 euros.
De nombreuses zones d’ombre
Toutefois, comme bien souvent, le diable se cache dans les détails... Dans sa rédaction actuelle, cet amendement précise qu’un décret en Conseil d’État viendra fixer les conditions d’application de ce dispositif, et « notamment le modèle du rapport, ses modalités de transmission, la nature des informations qui sont rendues publiques et les modalités selon lesquelles elles le sont ». Vous avez bien lu : le gouvernement décidera quelles informations seront finalement portées à la connaissance de tous, et dans quelles conditions.
On peut donc imaginer que ces données seront mises en ligne sur un site Internet dédié, dans un format libre et ouvert, afin de faciliter leur réutilisation, les comparaisons, etc. Sauf que l’exemple brandi par le gouvernement, celui du site « Transparence Santé » sur les liens d’intérêts noués par l’industrie pharmaceutique, incite à penser que l’exécutif pourrait prendre un tout autre chemin...
Le mauvais exemple « transparence.sante.gouv.fr »
Les informations mises en ligne sur transparence.sante.gouv.fr ont d’une part été jugées parcellaires par différentes organisations citoyennes. D’autre part, ces données sont mises à disposition de telle sorte qu’il est très difficile de les exploiter. La CNIL a notamment insisté pour qu’il soit impossible de faire des recherches directement depuis des moteurs tels que Google.
Hasard du calendrier, Regards Citoyens a dévoilé hier un site et un fichier CSV permettant au grand public de mieux explorer ces informations uniquement « consultables » sur le site du gouvernement (voir ici). L’association estime que ce dernier « se révèle de piètre qualité », qu’on « n’y retrouve pas les informations publiées par les Ordres », que la navigation y est « fastidieuse » et que des fonctionnalités ont « petit à petit disparu ». Il est surtout expliqué que ces données mises en Open Data ont été anonymisées, conformément au souhait de la CNIL. « Il restera donc impossible de faire la lumière sur les nombreux médecins qui touchent des dizaines de milliers d’euros de cadeaux et signent des dizaines de contrats avec l’industrie pharmaceutique, ou de leur permettre de s’en expliquer » conclut l’organisation, visiblement amère.
Regards Citoyens en profite donc pour suggérer aux parlementaires « d’imposer clairement au ministère et aux laboratoires de rendre publiques en Open Data les données collectées afin que toute la transparence soit faite sur les cadeaux et les contrats de l’industrie pharmaceutique ». Un vœu dont on devine qu'il pourrait être étendu au dispositif relatif aux professionnels du tabac. Alors que le gouvernement n’a de cesse de vanter les mérites de l’Open Data et que les députés ont récemment voté des mesures fortes dans ce domaine (s’agissant des données de transport ou des collectivités locales), prendre un chemin inverse pourrait sembler bien difficile à justifier.
[MàJ] Les industriels du tabac bientôt contraints à davantage de transparence
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Les industriels du tabac contraints de dévoiler leurs dépenses de lobbying
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De nombreuses zones d’ombre
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Le mauvais exemple « transparence.sante.gouv.fr »
Commentaires (34)
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Abonnez-vousLe 18/03/2015 à 15h05
50 000 lobbyiste à Bruxelles et c’est pas prêt de changer :)
Le 18/03/2015 à 15h07
Ils y a même surement un lobby pour les lobbys ^^
Le 18/03/2015 à 15h08
Mais du coup, les 25% de copie privé pour les spectacles vivants (entre autres), tu les fait entrer ou pas dans les pots de vin ou pas ?
Le 18/03/2015 à 15h08
Comment rendre la démocratie transparente. Les pays scandinave essaye de le faire.
Le 18/03/2015 à 15h09
Le 18/03/2015 à 15h13
mouais, ca sera juste un écran de fumée en plus
Le 18/03/2015 à 15h16
Le 18/03/2015 à 15h17
qu’un décret en Conseil d’État viendra fixer les conditions d’application de ce dispositif, et « notamment le modèle du rapport, ses modalités de transmission, la nature des informations qui sont rendues publiques et les modalités selon lesquelles elles le sont ». Vous avez bien lu : le gouvernement décidera quelles informations seront finalement portées à la connaissance de tous, et dans quelles conditions.
Ce sera un décret en Conseil d’Etat ou le gouvernement ? Ou le gouvernement fait passer des décret en Conseil d’Etat ?
Le 18/03/2015 à 15h17
Le 18/03/2015 à 15h32
Oui.
Y a aussi le fait de donner un salaire au parent qui reste à la maison élever leurs gosses….
ils sont en avance ces gens.
Le 18/03/2015 à 15h41
Le lobby n’est pas dangeureux, c’est son abus qu’il est. Avoir des associations citoyenne qui paye quelqu’un pour faire du lobby n’est pas néfaste. Mais savoir que l’entrise X dépense XXXmillions d€ pour faire du lobby permettrait de relativiser certaines orientations gouvernementale. " />
Le 18/03/2015 à 15h43
Le lobby ne serait donc qu’un débat avec un représentant payé pour le faire. Le souci c’est que certain en paye beaucoup pour avoir plus de porté et être bien plus entendu. Et du coup ce n’est plus de la démocratie.
Le 18/03/2015 à 16h00
Les décrets en Conseil d’Etat sont signés du gouvernement (même si le CE donne son avis, cf : http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Guide-de-legistique/II.-Etapes-de-l-elaboration-des-textes/2.4.-Decret/2.4.2.-Elaboration-d-un-decret-en-Conseil-d-Etat), donc ce sera bien l’exécutif qui décidera ;)
Le 18/03/2015 à 16h24
Au hasard parce qu’il y a le parlement européen ….
Le 18/03/2015 à 16h45
Le lobbying est parfaitement légal, ce sont les pots de vin qui ne le sont pas. Ne pas tout confondre.
On marche sur la tête quand même, on sait qu’il y a des pots de vin, on les accepte, par contre faut juste les déclarer.
“Je soussigné Mr. Philippe Morris déclare avoir donné 1 million d’euros au syndicat des médecins. Merci d’en prendre bonne note.”
Je caricature mais c’est presque ça.
Le 18/03/2015 à 20h19
Le 19/03/2015 à 08h03
Malheureusement oui " />
Le 19/03/2015 à 09h01
Bon, maintenant c’est clair, merci !
Le 19/03/2015 à 09h08
Le 19/03/2015 à 09h25
Bien, on va enfin être dans la même transparence qu’avec les cadeaux reçus par les médecins…….
Le 19/03/2015 à 09h48
C’est légal depuis quand les pots de vins en France? On parle de lobbying Français comme si c’était normal…
Le 19/03/2015 à 10h10
Le 19/03/2015 à 10h23
Le 19/03/2015 à 13h33
Le 19/03/2015 à 13h57
Le 19/03/2015 à 15h28
Le 19/03/2015 à 15h46
Le 18/03/2015 à 14h41
Lobby one Kenobi
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Le 18/03/2015 à 14h42
Le 18/03/2015 à 14h44
Le gouvernement veut contraindre les industriels du tabac à davantage de transparence.
Traduction : “J’ai pas reçu mon chèque du mois et ça va barder”. " />
Le 18/03/2015 à 14h46
Pourquoi on ce limite au tabac? Le lobby c’est dangereux. Toute forme de financement (de corruption) des politiques devrait être signalé a défaut d’être interdite!
Le 18/03/2015 à 14h51
Comment faire sans tomber sous le coup de “diffamation” …car trouver ou avoir des preuves de …je ne pense pas que cela soit si simple …
Les magouilles ,cela les connait…ils ont dû déjà se protéger et faire un lobbying “légal” aidé par les élus de haut vol ^^” tels que les ministres avec les lois “LobbyFriendly” " />
Le 18/03/2015 à 14h57
Pourquoi juste les industriels de tabac ?
Pourquoi pas l’industrie laitière, ou céréalière ?
Le 18/03/2015 à 14h58
Si on faisait pareil avec l’industrie de la musique.
Monsieur Pas Sale Nez aigre (non anonymisé)
Profession: Producteur
Montant du cadeau: Beaucoup d’€
Destinataire: Ministre de l’“in”culture X (mettre le nom du locataire au moment du lobbying ou pot de vin)
Entreprise Ca Sème (non anonymisé)
Profession: Racket Zéyandroi
Montant du cadeau: Beaucoup d’€ (mais moins que le total du racket faut bien dégager de la marge pour payer les Yachts).
Destinataire: Ministre de l’“in”culture X (mettre le nom du locataire au moment du lobbying ou pot de vin)
Et sinon pour en revenir à la news, je veux bien que le fait qu’on suggère que ça soit disponible depuis un site web donne un léger lien avec le numérique mais de là à en faire une news sur NXI c’est étrange non?
Parce qu’au final le sujet important de cette actu c’est quand même bien le fait qu’ils veulent de la transparence dans le lobying du tabac et ça n’a pas de rapport avec le numérique. Un peu comme l’interdiction de la e-cig en fait qui étrangement donne un article sur NXI.