Droit à l’oubli : la CNIL exige un déréférencement mondial chez Google
La CNIL met la gomme
Le 12 juin 2015 à 09h07
5 min
Droit
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La CNIL vient de mettre Google Inc. en demeure de muscler sa politique de droit à l’oubli (ou plutôt à l’effacement). Elle exige un nettoyage mondial du moteur dès lors qu’un français actionne ce droit. Google, en face, n’applique qu’une purge européenne.
Depuis un arrêt du 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne considère que les exploitants de moteur de recherche sont des gestionnaires de données personnelles. Résultat des courses ? Ils doivent appliquer la directive 95/46 sur la protection des données personnelles qui prévoit un certain niveau de qualité dans le traitement de ces informations :
- Les données à caractère personnel sont traitées loyalement et licitement
- Les données sont collectées pour des « finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne [sont pas] traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités »
- Les données sont « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement »,
- Les données sont « exactes et, si nécessaire, mises à jour »
- Les données sont « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement »
Conséquences ? Les moteurs sont tenus de déréférencer les données litigieuses. C’est ce qui a été résumé sous l’expression de « droit à l’oubli », qui permet par exemple à une personne de faire effacer de Google des mentions nominatives le concernant, mais jugées inadéquates, non pertinentes ou excessives.
Un droit à l'oubli limité aux extensions européennes selon Google
Le chantier ouvert par la Cour de Luxembourg a rapidement été pris en main par Google, qui a hérité d’un statut qu’il ne voulait pas. Et pour cause : le voilà tenu de se faire juge à la place des juges alors que les dossiers ne sont pas toujours bien simples. Autre chose, l’ADN de Google est la recherche, non l’effacement.
Histoire de ne pas se faire devancer par les autorités de contrôle, Google a ainsi instauré un comité de suivi pour plancher sur les problématiques juridiques, mais aussi philosophiques qu’impose ce « droit à l’oubli » (voir notre compte rendu d’une réunion organisée à Paris). Ces travaux se sont ensuite soldés par une série de recommandations, épaulant le formulaire dédié mis en ligne par l'entreprise américaine fin mai 2014.
Plusieurs mois plus tard après l’arrêt, la CNIL a cependant ébauché plusieurs critères pour considérer comme justifié le droit au déréférencement. Seulement, un point central oppose l’entreprise américaine et le gendarme des données personnelles : c’est celui du périmètre géographique du droit à l’oubli. Alors que Google ne l’applique qu’à l’encontre des extensions européennes de son moteur, au motif que les autres extensions ne sont que peu utilisées, la CNIL, elle, souhaite un droit à l’oubli de portée mondiale, même sur le .com.
Un droit à l'oubli mondial, selon la CNIL, qui met en demeure Google
Cette disharmonie s’est concrétisée aujourd’hui juridiquement : la CNIL vient d’adresser une mise en demeure à Google afin de le contraindre à appliquer ce coup de gomme sur toutes les extensions : .fr, .uk mais également .com et les autres extensions non européennes. Dans sa délibération, elle analyse les différents noms de domaine utilisés par Google comme « ne présentant que des chemins d’accès techniques » à un « traitement unique ». S’appuyant sur la logique des textes européens, elle en déduit donc que le déréférencement demandé par un Français ne peut qu’être planétaire.
Elle ordonne (PDF) à Google de mettre fin à cette problématique dans les 15 jours. À défaut ? Le moteur pourra être condamné à une amende pouvant aller jusqu’à 1,5 million d’euros, sans compter les 7 500 euros encourus dès lors qu’un responsable de traitement ne procède pas aux opérations demandées par une personne physique. Elle révèle d’ailleurs avoir été saisie déjà « de plusieurs centaines de demandes de particuliers s’étant vu refuser le déréférencement de liens Internet (ou adresses URL) par Google. »
Phénomène assez rare, la CNIL a aussi choisi de rendre publique cette mise en demeure. Comme elle l’explique (PDF), la décision se justifie « par la nécessité d’informer les exploitants de moteurs de recherche, les internautes ainsi que les éditeurs de contenus faisant l’objet d’un déréférencement, de l’étendue et de la portée des droits d’opposition et d’effacement des données » garantis par la loi de 1978, suite à l’arrêt de la CJUE.
Droit à l’oubli : la CNIL exige un déréférencement mondial chez Google
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Un droit à l'oubli limité aux extensions européennes selon Google
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Un droit à l'oubli mondial, selon la CNIL, qui met en demeure Google
Commentaires (41)
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Abonnez-vousLe 12/06/2015 à 09h11
Cela va finir à un tribunal mondial ?
Car comment la cnil peut obliger d’imposer sa “loi” à d’autres pays non Français /Européen vu qu’ils ont leur propres lois sur la question ,non ?
Je relis pour comprendre ce point.
Le 12/06/2015 à 09h24
Donc l’équivalent de la CNIL chinoise peut demander de déréférencer des pages sur Google.fr ?
Ca fait flipper un peu " />
Le 12/06/2015 à 09h25
A l’heure du tout cloud ou nos données personnelle transitent en permanence partout dans le monde, il est évident qu’un tel déréférencement ne peut être que mondial.
@Papa Panda : La CNIL n’impose pas sa loi à d’autres pays, mais à Google pour des internautes français. Il s’agit donc bien d’une affaire entre l’état français et une entreprise privée, et n’a rien à voir avec les lois éventuelles d’autres pays.
Le 12/06/2015 à 09h25
J’ai hate de voir Google appliquer au niveau mondial les demandes de déréférencement provenant de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord….
edit : arf grillé :x
Le 12/06/2015 à 09h26
Le 12/06/2015 à 09h28
Faut relire là.
Déjà d’une, ce n’est pas la Chine qui est concernée ici, et ensuite, on parle bien de déréférencer du contenu concernant une personne physique, pour peu que la demande soit motivée et légitime. Il ne s’agit pas pour les états de déréférencer ce qu’elles ne veulent pas voir.
D’ailleurs, pour la Chine, elle ne se gêne pas pour le faire déjà.
Le 12/06/2015 à 09h31
Pour un site que j’administre, j’avais reçu une notification de Google comme quoi un document PDF était déréférencé. En comparant les résultats de recherche sur chaque nom cité dans le PDF avec la version canadienne de Google, j’ai pu trouver qui avait fait la demande. Donc, en effet, je comprends la demande de la CNIL.
Le 12/06/2015 à 09h32
Le 12/06/2015 à 09h33
Humm ok…
Mais bon,si cela se trouve sur google.com qui est régie par les lois américaines…
Sinon les amendes /indemnités iront à la personne / entité concernée ? :)
Le 12/06/2015 à 10h27
ça ne s’applique pas à d’autres pays. Mais comme Google a une filiale française, ils sont soumis à la réglementation française.
Le 12/06/2015 à 11h31
Le droit français ne s’applique qu’au territoire français. Donc, on peut envisager que Google géolocalise la demande et ensuite, n’affiche pas ce résultat à l’écran.
Mais ce n’est même pas du déréférencement car la page existe toujours dans le moteur. C’est juste qu’elle n’est pas affiché quand on tape le nom de la personne.
Et cette histoire est impossible à gérer. Prenons 2 personnes Mr J. Martin (américain) et M. J. Martin (français) ayant tous les deux participer à une bacchanale. mots clés : “J. Martin Bacchanale”
M. J. Martin, français, demande la suppression de la page. Alors que Mr. J. Martin, américain, particulièrement fier de l’évènement souhaiterait que tout le monde soit au courant.
Qui gagne ?
Est-ce que l’on doit effacer les traces de cet évènement sur le moteur US ? Sur tous les moteurs. Ou Seulement, en fonction, de l’origine de la requête ? Ou en fonction de la nationalité de la personne qui fait la recherche ? Ou peut-être même en fonction de l’intention de la personne qui a fait la recherche ?
Le 12/06/2015 à 11h56
Merci " /> pour ces précisions .
Le 12/06/2015 à 12h27
Le 12/06/2015 à 12h29
Le 12/06/2015 à 12h30
Pourquoi ça ?
C’est impossible que 2 noms de domaines différents pointent sur le même site ?
Le 12/06/2015 à 12h31
Le 12/06/2015 à 13h44
c’est simple pourtant " />
google.us depuis les US, tu trouve
google.us depuis la France ca dépend du martin que tu cherche, sauf si les 2 étaient à la même teuf auquel cas bordel assuré pour raison d’homonymie
google.fr depuis us idem
google fr depuis europe, nada, circulez y’a plus rien à voir
bref casse-tête international en vue " />
Le 12/06/2015 à 13h57
Si une guinéenne se fait violer aux états-unis par un français, il ne sera jugé ni en france ni en guinée, mais aux états-unis, là où il a enfreint la loi. Et cela ne choque personne.
L’infraction de Google n’est pas d’indexer une page, mais de la référencer dans un résultat de recherche. Or, ceci ne se produit qu’hors de france. CQFD.
C’est bizarre de dire que la loi française protège les français partout dans le monde. Il parait normal, par exemple, qu’un proxénète ayant organisé l’exploitation sexuelle d’une belge en france soit jugé en france. La belgique ne crie pas à l’ingérence. La réciproque ne serait donc pas vrai ?
C’est presque d’aussi mauvaise foi que de condamner la BNP pour un virement depuis la france vers l’iran, en infraction avec la loi américaine, au motif que c’était en dollar.
Le 12/06/2015 à 15h05
Oui. Tu peux aussi donner un autre nom de fichier au document. J’ai pensé à le faire mais je me suis finalement dit que c’était mesquin.
Je ne sais pas ce qui a poussé le gars à demander le déréférencement mais s’il préfère qu’on ne puisse pas savoir qu’il a travaillé chez nous, ce ne sont pas mes oignons.
Le 12/06/2015 à 15h14
Il a des choses a cacher le pays des collabos et des mafieux en culotte
Le 12/06/2015 à 17h11
Le 12/06/2015 à 18h14
" />
Il fallait oser. " />
Le 12/06/2015 à 23h43
La CNIL a autorité dans toute la galaxie, l’univers tout entier doit se plier au droit à l’oubli !
Le 13/06/2015 à 05h08
Il ne faut pas que qu’un pays puisse le faire sinon après c’est porte ouverte à tout et n’importe quoi. Après ça dépend de la morale des pays, mais rien n’empêche des pays totalitaires d’avoir des demandes extravagantes.
Le 12/06/2015 à 09h34
Oui, la page reste là quoi qu’il arrive.
Et oui, le déréférencement est mondial, sur toutes les extensions de google. Si je peux me monter un VPN vers le mexique (très rapide) et accéder sans problème à la page référencée alors que la personne a fait appel au droit à l’oubli, ça ne sert pas à grand chose.
Le 12/06/2015 à 09h35
Le 12/06/2015 à 09h38
Si une loi Française peut demander à Google de retirer un lien partout dans le monde, qu’est ce qui empêche [mettre un pays totalitaire] de créer une loi qui demande à Google de déréférencer un lien partout dans le monde ?
Le 12/06/2015 à 09h42
C’est vague “qqch”. Tu peux sous entendre par là que n’importe quel pays va demander au niveau mondial de déréférencer tous les contenus qui ne lui plaisent pas.
Ce n’est pas le cas ici. Il s’agit bien de données à caractère personnel, encadrées par un certain nombre de spécifications (en haut de l’article).
Si tu reprends cette liste, tu te rends bien compte que ça ne concerne pas tout un tas de données, notamment toutes les données “informatives” comme tu le sous entend en parlant de la chine.
Si demain, la Chine émet une loi comme quoi toutes les données sur le web qui disent du mal de son gouvernement doivent être déréférencées mondialement, je pense que ce sera une autre histoire, et que des instances de droit international devront se pencher sur le sujet.
Le 12/06/2015 à 09h45
Le 12/06/2015 à 10h00
Comment Mme Michu peut réellement s’assurer que ces données sont bien effacées partout (or UE) ?
Si sa recherche se limite à regarder si ces données ne s’affichent pas en se bornant à taper “google.com” elle pensera, à tort, que le ménage est fait. Or Google relocalise de facto les demandes de type “google.com” vers google.fr.
Le 12/06/2015 à 10h01
Le 12/06/2015 à 10h07
Donc la Chine aura tous les droits de le demander, mais les instances internationales pourront faire la tête …
C’est super rassurant en fait " />
Le 12/06/2015 à 10h07
Le 12/06/2015 à 10h08
Le 12/06/2015 à 10h08
Le 12/06/2015 à 10h09
Le 12/06/2015 à 10h10
Le 12/06/2015 à 10h11
Comment ça pas juridiction ? Des liens qui parlent de cette horrible désinformation qu’est Tian’anmen !! C’est TOUT A FAIT dans la juridiction Chinoise !
Ces articles d’horrible propagandes qui supposent qu’il pourrait y avoir des manifestations en Chine ! C’est dans leur juridiction !
Et les liens qui violent la vie privée des dirigeants en supposant qu’ils sont corrompu !
Heureusement qu’on ne parle que de juridiction du Pays " />
Le 12/06/2015 à 10h19
Tout le monde ne va pas aller comparer avec une version de Google hors UE. En plus, dans mon cas, je savais quel fichier cibler.
Avec une recherche normale, quand Google te dit « Certains résultats peuvent avoir été supprimés conformément à la loi européenne sur la protection des données. », va-t-en pour comparer des pages et des pages de résultats. (Mais avec un bot, ça peut le faire…)
Le 12/06/2015 à 10h23
Le 15/06/2015 à 14h57