France Travail : le gouvernement crée un méga fichier de données sociales qui inquiète la CNIL
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Le 1er janvier, le gouvernement a publié un décret autorisant France Travail à rassembler énormément plus de données que l’institution ne le faisait auparavant lorsqu’elle s’appelait encore Pôle Emploi. La CNIL, formellement consultée, n’a pas eu le temps de se prononcer réellement sur le sujet. Dans son avis, elle s’en inquiète et n’est pas sûre que « l'ensemble des traitements concernés » soit légal. À Next, le commissaire de la CNIL et député Modem Philippe Latombe exprime ses craintes par rapport à l’utilisation du numéro d'inscription au répertoire (NIR) et à d’éventuelles fuites de données.
Le 08 janvier à 14h36
13 min
Droit
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La loi appelée « Pour le plein emploi » promulguée en décembre 2023 a prévu de changer de façon importante certaines missions de l’établissement public chargé de l’emploi, appelé jusque-là Pôle Emploi et maintenant France Travail.
Par exemple, en ce début janvier 2025, l’ensemble des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) et des jeunes de moins de 25 ans enregistrés auprès d’une mission locale s’apprêtent à être inscrits à l’établissement.
Le gouvernement a publié, le 1er janvier 2025 le décret qui permet à France Travail de modifier son système d’information pour l’adapter à ses nouvelles missions. Ce texte y ajoute six traitements de données à caractère personnel permettant à l’organisme de stocker et partager avec ses « partenaires » des données personnelles parfois sensibles, comme des données médicales.
Dans le texte de ce décret, le ministère du Travail justifie l’utilisation de ces données en évoquant six finalités de traitements. Les données doivent servir les nouvelles missions comme la gestion du RSA et de la prime d'activité. Mais elles doivent aussi lui donner de nouveaux moyens pour lutter contre la fraude et gérer les missions classiques héritées de Pôle Emploi. France Travail va aussi accumuler des données pour permettre les transmissions entre l’organisme et la Caisse nationale d'allocations familiales, l’évaluation du dispositif d'activité partielle créé par la loi et la plateforme de l'inclusion.
Des données d'ordre médical, économique et financier... et même la situation pénitentiaire
Dans les données que rassemblera le Système d'information de France Travail, pourront se retrouver des informations concernant le RSA, la prime d'activité, ainsi que des données relatives aux difficultés particulières rencontrées pour accéder à l'emploi, à la scolarité, au parcours de formation et au niveau de qualification et diplômes ainsi qu'aux compétences ou même aux « capacités en lecture ».
Mais le décret permet aussi à France Travail de rassembler et traiter des données que sont pêle-mêle l'Allocation aux adultes handicapés (AAH), l'état de santé des demandeurs d'emploi, mais aussi des données d'identification, de nationalité et titre de séjour, des données d'ordres économiques et financiers, fiscales, bancaires, la situation pénitentiaire, les données relatives au compte personnel de formation, les données relatives aux mesures de tutelle, de curatelle ou d'habilitation familiale, celles relatives au diagnostic, les contacts de la personne en charge de la protection juridique, données relatives à la situation familiale ou le type et l'origine du handicap. Et nous n’avons pas fait la liste exhaustive des données à caractère personnel que peut maintenant récolter France Travail.
La rédaction du document précise la plupart du temps (11 fois dans le texte) que ces données pourront être enregistrées « dans la mesure où elles sont nécessaires à la poursuite des finalités » prévues par la loi. Le décret prévoit que France Travail puisse conserver certaines données pendant 6, 10 , voire même 20 ans pour certains cas.
La CNIL n'a pas eu le temps d'étudier sérieusement le décret
Conformément à la loi, le gouvernement a demandé à la CNIL son avis sur son projet de décret et l’a publié en même temps. Il ne peut donc lui être reproché de ne pas l’avoir consultée. Mais dans son avis, la CNIL explique ne pas avoir eu le temps d’étudier sérieusement le dossier.
Cet avis commence d’ailleurs par cet avertissement : « au regard des conditions de saisine et notamment des délais laissés pour son analyse, l'avis de la CNIL et l'absence d'observation de sa part sur certaines dispositions du projet de décret, ne sauraient préjuger de la licéité de l'ensemble des traitements concernés ». La CNIL explique avoir eu un délai d'urgence d'un mois pour répondre avec, en plus une transmission de saisine rectificative et des éléments « transmis au fil de l’eau » qui « totalisent plus de mille pages de documents ».
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Commentaires (19)
Hier à 15h08
Hier à 22h30
Utilisons cette peur comme carburant pour la bonne chose : mobiliser les gens autour de soi qui envoient bouler l'idée-même de la politique, et poussons les idées qui nourrissent un espoir, permettront peut-être à terme d'obtenir des représentant se battant pour un pays au service de sa population, et non des autocrates égoïstes.
Hier à 15h25
La mesure dans la collecte et la conservation, on s'en fout. La sécurité, aussi, on fera comme tout le monde "oups déso pas déso".
Le rêve d'un fonctionnement à la chinoise se rapproche...
Modifié le 08/01/2025 à 15h55
Hier à 15h38
Aujourd'hui à 13h58
Donc du fichage par notre gouvernent, qui semble plus légitime que les Gafam, pas sûr que cela intéresse plus.
Hier à 17h25
Aujourd'hui à 13h48
Hier à 17h41
À l'époque il paraît que cela avait fait scandale, c'est ça qui a entraîné la naissance de la CNIL.
Aujourd'hui ça passe crème. C'était un autre temps...
Modifié le 09/01/2025 à 10h38
Aujourd'hui à 14h28
Hier à 19h26
*boulot à 1€ de l'heure à 1h de chez toi
*Inscription de force de ton conjoint et de tes enfants si tu devient chômeur
* droit de regard de l'agence de l'emploie sur le choix d'étude de tes enfant car il ne faudrait pas qu'il choisissent une voie les emmenant au chômage comme leur parents.....
.... Politiques de m
Modifié le 09/01/2025 à 08h52
Les pirates vont attendre un peu que la base de données se remplisse et "A l'attaque !"
Ils vont se gaver....
Aujourd'hui à 14h06
Je suis plutôt de ton avis, le RSA et ses conditions c'est un sujet politique, pour ma part ce que je trouve inquiétant dans le cadre de l'article, c'est de mettre un tel système en place sans la CNIL et, a priori, en négligeant le volet sécurité.
J'espère que la CNIL ne va pas lâcher et Next non plus
Aujourd'hui à 09h17
Ci dessous un texte de la LDH
RSA : déjà sous surveillance, les pauvres passent sous contrainte
La loi dite pour le plein emploi est entrée en vigueur le 1er janvier 2025. L’une de ses dispositions concerne le revenu de solidarité active (RSA) et impose aux bénéficiaires de ce minima social une condition de quinze heures hebdomadaires d’activité et d’être inscrits auprès de France travail, ainsi que leur conjoint-e.
Ces deux mesures qui concernent les populations les plus fragiles, vivant souvent la pauvreté et la précarité, introduisent une conditionnalité contraire au droit à un niveau de vie suffisant et mettent ces personnes et leur famille sous la contrainte d’être privées d’une partie ou de la totalité de leurs ressources.
Le RSA était déjà sous un régime de surveillance, au prétexte de s’opposer à une fraude sociale possible. La réalité n’est pas celle-là : compte tenu de la stigmatisation et des risques de discrimination que constatent les titulaires du RSA et aux multiples contrôles opérés par la caisse d’allocations familiales (CAF), avec des algorithmes dont les déviations ont été largement documentées, nombre des possibles demandeurs renoncent à faire valoir leurs droits. L’Etat devrait s’attacher au contraire à lutter contre ce non-recours qui concerne les plus précaires.
Le RSA conditionné, contenu dans la loi, fait passer l’ensemble des bénéficiaires sous la double contrainte de l’inscription à France Travail et de l’exercice d’un temps d’activité. Cette mise en rapport d’un droit et d’un devoir est fausse, et dangereuse dans la mesure où l’on ne devrait pas soumettre l’effectivité d’un droit à une limitation contractuelle et spécialement lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre le droit à des moyens convenables d’existence (le montant maximal du RSA, très en-dessous du seuil de pauvreté, ne répond d’ailleurs pas à l’exigence de « moyens convenables »).
Pour la LDH (Ligue des droits de l’Homme), cette double contrainte est le résultat de la conception du droit social et de la protection sociale uniquement comme un coût prohibitif, le fameux « pognon de dingue » dont l’énoncé est du président de la République. En reportant la responsabilité de leur état sur les personnes elles-mêmes, supposées avoir arbitré en faveur de l’assistance plutôt que de rechercher un emploi, la loi fait du fonctionnement du marché du travail le régulateur de la politique sociale. L’exigence de solidarité est totalement évacuée.
La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dans sa déclaration du 19 décembre 2024 sur le RSA conditionné, a demandé au gouvernement de surseoir à sa généralisation alors même que les évaluations de la période expérimentale n’ont pas encore été pris en compte. La LDH partage l’entièreté de cette déclaration.
Par ailleurs, ces nouvelles dispositions vont se traduire par une charge de travail supplémentaire pour les agents de la CAF et de France Travail, alors que ceux-ci ne cessent de dénoncer l’insuffisance des moyens dont ils disposent pour l’accompagnement social nécessité par la précarité de certains bénéficiaires. De plus, leur action sera davantage tournée vers le contrôle que vers une démarche pro-active d’aide.
Pressé de donner l’impression d’agir contre un fantasmatique « assistanat », le gouvernement va faire payer par les pauvres leur pauvreté.
Aujourd'hui à 09h26
(qui ne donne même plus l'impression de vouloir se rebeller)
Aujourd'hui à 11h32
Aujourd'hui à 12h16
A. mettre les moyens pour sécuriser le système selon l'état de l'art
B. faire en sorte que la prochaine fuite soit encore plus catastrophique
[*]: attention, le sempiternel et vide de lui-même "bon sens" qu'on nous rabâche à toutes les sauces dès qu'il s'agit de (ne pas) réfléchir à un sujet mais d'imposer sa grosse chiasse idéologique à la place n'a pas du tout été utilisé dans cette prise de décision.
Aujourd'hui à 17h37