« Jamais Plus » : l’actrice Blake Lively porte plainte pour harcèlement sexuel et astroturfing
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Blake Lively accuse son collègue Justin Baldoni de harcèlement sexuel sur le tournage du film « Jamais Plus », suivi d’une campagne d’astroturfing pour tenter de « détruire sa réputation ».
Le 23 décembre à 17h01
7 min
Société numérique
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Sorti le 14 août en salle, le film Jamais Plus (It Ends With Us en version originale) a créé la polémique dès sa sortie. Adaptation d’un roman de Colleen Hoover, le long-métrage a été très critiqué pour le traitement qu’il proposait de violences domestiques.
Le 20 décembre, son actrice principale et coproductrice Blake Lively (révélée dans la série Gossip Girl au tournant des années 2010) a déposé plainte contre son collègue, coproducteur et réalisateur Justin Baldoni. Elle l’accuse de harcèlement sexuel pendant le tournage du film, puis d’avoir mis en place une campagne de dénigrement incluant des pratiques d’astroturfing (c'est-à-dire la manipulation des discours, notamment en ligne, pour donner l'impression d'un mouvement populaire spontané) pendant la promotion du film.
Outre Baldoni, la plainte vise les producteurs Jamy Heath et Steve Sarowitz, le studio Wayfarer, et trois communicants dont Melissa Nathan. Avant d’être embauchée par Justin Baldoni, cette dernière avait géré les relations presse de l’acteur Johnny Depp, accusé de violences conjugales par son ex-compagne Amber Heard.
Déviations de relations presse
Dans sa plainte, à laquelle le New-York Times a eu accès, l’actrice détaille un « plan à plusieurs niveaux » mis en place par Justin Baldoni et la production du film pour nuire à sa réputation. Au cours du tournage, l’actrice indique s’être plainte auprès de la production d’outrepassements réguliers de son consentement et de commentaires inappropriés.
Elle accuse l’acteur Justin Baldoni de lui avoir imposé des baisers et de lui avoir imposé à plusieurs reprises des récits sur sa vie sexuelle – dont des rapports avec des partenaires dont il n’aurait pas obtenu le consentement –, et le producteur Jamey Heath de lui avoir montré des vidéos de sa femme nue. Elle accuse aussi les deux hommes d’être entrés plusieurs fois dans sa loge alors qu’elle y était déshabillée ou en train d’allaiter.
Après ses signalements, Blake Lively a obtenu plusieurs garanties, dont la présence d’un coordinateur d’intimité sur le tournage. Au printemps 2024, d’après le New-York Times, elle aurait indiqué à plusieurs collègues constater une amélioration de la situation.
Mais à l’approche de la sortie du film, Justin Baldoni et Jamey Heath ont embauché des spécialistes des relations presse et de la gestion de crise. Eux qui s’étaient présentés comme des alliés des féministes au moment de l’explosion du mouvement #MeToo craignaient que les accusations de Blake Lively ne deviennent publiques et leur causent du tort.
Selon les documents que cette dernière a obtenus par assignation, Justin Baldoni a demandé à ce que sa collègue soit « enterrée » publiquement, une requête à laquelle Melissa Nathan a déclaré pouvoir accéder. De fait, alors que « Jamais Plus » enregistrait un succès de box-office, Blake Lively s’est retrouvée au centre d’une intense campagne de dénigrement en ligne.
Manipulations numériques ciblées
Parmi ses précédents clients, Melissa Nathan a compté les rappeurs Drake, Travis Scott, et l’acteur Johnny Depp. La plainte pour diffamation déposée par ce dernier au Royaume-Uni a été rejetée (le tribunal a conclu que douze des quatorze faits de violences rapportés par le tabloid The Sun étaient « substantiellement » vrais). Un second procès, public et largement commenté en ligne, a conclu aux États-Unis que son ex-femme Amber Heard et lui s’étaient mutuellement diffamés.
Envisageant un temps de faire appel, Amber Heard a renoncé devant l’ampleur de la vague de haine qu’elle a subie en ligne. Cette dernière, comme l’a détaillé la documentariste Cécile Delarue dans une enquête diffusée sur France 5, avait atteint cette dimension inégalée à la suite de la coordination d'une poignée d’acteurs.
D’après les messages collectés par les conseils de Blake Lively et soumis à la Justice, les équipes de Melissa Nathan ont donc œuvré de deux manières : en s’arrangeant pour réduire la portée d’articles relatifs à la plainte de l’actrice aux services de ressources humaines au sujet de Justin Baldoni, et en promouvant en ligne tous les récits susceptibles de déprécier la réputation de Blake Lively.
En pratique, Melissa Nathan a notamment proposé d’embaucher des free-lances pour lancer des « théories » en ligne, théories qui, une fois reprises par le grand public, permettraient de « changer le récit ». Pour ce faire, elle a notamment travaillé avec Jed Wallace, un communicant qui s’est un temps présenté sur LinkedIn comme un « tueur à gages » dont l’entreprise Street Relations pouvait « créer des artistes et des tendances ».
Des effets concrets
Mariée à l’acteur Ryan Reynolds, proche de la chanteuse Taylor Swift, qui a elle-même dû gérer diverses campagnes de violences numériques, Blake Lively a, d’après le New-York Times, subi ici l’une des plus violentes attaques contre sa réputation et sa carrière.
Le Daily Mail a par exemple titré sur la possibilité qu’elle soit « cancelled » (effacée). L’actrice s’est vue accusée de ne pas considérer la réalité des violences domestiques et d’être une collègue horrible, entre autres. Blake Brown, son entreprise de produits capillaires, estime de son côté avoir perdu jusqu’à 78 % des ventes qu’elle aurait pu effectuer à partir d’août.
D’après la plainte, « des millions de personnes (dont de nombreux reporters et influenceurs) qui ont vu ces récits et ces publications de réseaux sociaux et autres contenus construits de toutes pièces n’avaient aucune conscience d’être les consommateurs non avertis d’une campagne de gestion de crise, d’astroturfing et des représailles créées et financés par M. Baldoni et Wayfarer pour s’en prendre à Mme Lively ». Les avocats de M. Baldoni et des studios Wayfarer nient ces accusations, qu’ils qualifient de « complètement fausses ».
Justin Baldoni, qui se présente régulièrement comme un défenseur des droits des femmes, a de son côté évité la majorité des attaques numériques. Ces dernières ont pourtant souvent tourné autour du propos du film « Jamais Plus », c’est-à-dire sur le fait que la relation entretenue par son personnage et celui de Blake Lively ne représenteraient pas correctement les violences conjugales.
« Jamais Plus » : l’actrice Blake Lively porte plainte pour harcèlement sexuel et astroturfing
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Déviations de relations presse
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Manipulations numériques ciblées
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Des effets concrets
Commentaires (20)
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Abonnez-vousHier à 08h06
En effet, je trouve les références au procès Depp/Heard) extrêmement partiale en ne prenant que les éléments qui vont dans le sens du sujet initial, oubliant de facto certains éléments très important (comme la condamnation unanime par les jurés de Heard et ses différents mensonges).
Si on ne peut nier que Heard ait été victime d'une campagne de dénigrement, je ne suis pas certains que cette couverture en présentant d'autres faits liés de manière très partiale soit des plus judicieux. D'autant plus après une brève présentant déjà de gros défaut de partialité, publiée pas plus tard que la veille.
@MathildeSaliou, sache qu'il n'y a rien de personnel dans ce que j'écris. J'apprécie en général tes articles et ton engagement. Seulement là, je trouve, et c'est un avis strictement personnel, que tu desserts tes convictions ainsi. Car, honnêtement, dans cet article, je ne sais plus ce qui relève du fait ou du combat militantiste.
Ce que je trouve dommage, c'est que le fond du sujet est hyper intéressant d'un point de vue sociétal, mais que là, j'ai du mal à y apporter du crédit en l'état...
Modifié le 24/12/2024 à 09h29
Comme le sujet qui nous intéresse ici est la désinformation, et que celle qui a eu lieu dans le cas Depp-Heard n'est pas toujours connue, j'ai ensuite expliqué les conséquences auxquelles Amber Heard s'est retrouvée exposée en ligne. Ça me paraît d'autant plus important qu'on retrouve la même communicante, Melissa Nathan, dans les deux affaires.
Hier à 08h35
Ne s'intéresser qu'aux conséquences sans recontextualiser me parait dangereux. Il me parait tout aussi dangereux ici de comparer Amber Heard à Blake Lively. La première a sciemment menti et fabriqué de fausses preuves pour nuire à son ex-conjoint (cf. la décision de justice). C'est dommage de parler de désinformation autour de Heard sans parler de la désinformation d'Heard elle-même !!!
Souhaites-tu sincèrement qu'on pense que Blake Lively est une menteuse manipulatrice ? Je ne pense pas.
Les conséquences pour Heard sont elles uniquement issus de cette campagne de désinformation, ou aussi de sa condamnation et/ou comportement ? Il me semble que tu fais quand même de sacrés raccourcis qui dessert ton propos.
Informer sur la désinformation, c'est bien. Très bien même. Mais attention à ne pas faire de la désinformation par omission en même temps.
Qui plus est, avec ton commentaire, tu sous-entends largement que Melissa Nathan serait à l'origine de la campagne de désinformation dans les deux cas. Je veux bien que cela soit le cas, mais pas sur une simple coïncidence.
Modifié le 24/12/2024 à 08h56
En revanche, comme dit à un autre lecteur il y a quelques semaines, je n'accepte pas les remarques sur de supposés sous-entendus. On entend tout ce qu'on veut derrière l'écrit.
Je ne suis pas en mesure d'établir l'ampleur précise du rôle de Melissa Nathan. Il me semble en revanche d'intérêt public de savoir qu'elle a défendu, par voie de communication, Depp et Baldoni.
Hier à 09h00
Le sous-entendu, n'est pas dans l'article, mais dans ton commentaire. Relis le 2e paragraphe.
Tu n'acceptes pas les supposés sous-entendus. Pourtant, celui-là, il m'a littéralement sauté aux yeux. Tu ne l'acceptes pas, c'est ton droit. Comme c'est mon droit de te prévenir que de mon côté, j'en vois un, très certainement involontaire, via la rhétorique que tu emploies, en créant une "dépendance cognitive" entre deux faits soulignée par le fait que "cela te paraisse d'autant plus important que".
Hier à 10h10
d'ailleurs, de tout ce que j'ai lu, le procès en diffamation porte sur la tribune de Heard, et pas sur l'ensemble de ses déclarations ; et c'est un jury de citoyens qui a traité l'affaire, et pas un juge professionnel comme au Royaume Uni (où Depp a bien perdu). Je me battrai pas pour savoir qui a tort ou raison (quand suffisamment de fric est impliqué ça devient difficile) mais ça me semble corsé d'affirmer que Heard est une menteuse.
Aussi, très bon article ! je le dis pas usuellement mais bon vu la petite pelletée de misogynes en commentaire faut bien le faire ^^
Hier à 11h27
Alors on est d'accord que cela ne veut pas dire que tout ce qu'elle dit est mensonge. Cela signifie juste qu'il y a des mensonges dans ce qu'elle dit. Suffisamment à mon gout pour qu'elle soit qualifié de menteuse.
Qui plus est, elle a été condamnée pour "diffamation avec réelle malveillance". Pour qu'une diffamation soit avec réelle malveillance, il faut qu'elle ait été faite "en sachant que ses allégations étaient fausses, ou en ayant un mépris total de savoir si elles étaient fausses ou non" (cf. Wikipedia)
Attention, je ne dis pas ça parce que je veux enfoncer Heard et soutenir Depp (je me fiche royalement de l'un comme de l'autre). Par contre, je m'attache aux faits et au contexte. Je n'approuve aucunement le harcèlement quel qu'il soit ni le dénigrement.
Hier à 17h10
Je ne m'intéresse pas du tout aux célébrités, mais quand l'affaire Depp/Heard est arrivée, mes flux de réseaux sociaux ont été inondés pendant des semaines de propagande visant à dénigrer Heard, d'une manière qui n'était pas "organique", c'était clairement une campagne organisée.
L'article parle de cette entreprise justement car c’est la même qui avait été embauchée par Depp.
Aujourd'hui ce type de manipulation en ligne est tellement courante que c'est devenu un problème de société.
Hier à 08h13
Hier à 09h37
Modifié le 24/12/2024 à 08h48
à la limite, si vous voulez abordé de plus en plus ces sujets, crée un nouveau media, "nextfemme" par exemple. Pleins de médias ont fait cela, le figaro avec madame figaro, frandroid avec survolté...etc.
Hier à 08h54
Fascinant...
Modifié le 24/12/2024 à 09h14
Sinon tu as absolument raison, la femme est un sujet important, voila pourquoi il est important d'y avoir un média exclusivement dédié. Plutot que de noyer ces news importante dans les médias qui parles de tech sur next.
Hier à 09h19
L'usage de réseaux sociaux et du numérique en général pour des campagnes de (dé)communication me parait être un lien bien suffisant pour en parler sur Next...
Hier à 11h13
Hier à 21h21
Hier à 08h49
C'est à force de montrer, décrypter, expliquer que les gens se rendront compte que les informations recueillies sur les réseaux sociaux (entre autres) sont à prendre avec d'énormes pincettes. Enfin on peut toujours espérer.
C'est d'autant plus intéressant qu'avec la chasse aux sorcières qui se profile une fois que Trump et surtout Musk seront arrivés au pouvoir, ce genre de pratiques va s'intensifier.
Modifié le 24/12/2024 à 10h22
Dire qu'un plat est bio parce qu'on a mis du sel bio est un peu trompeur...
Ce que je veux dire: aborder le sujet d'une manière générale, avec un dossier, une analyse du phénomène d'une manière macro, ET des exemples pour illustrer --> OK, c'est une très bonne chose.
Partir et rester sur un cas particulier tortueux et confu n'apporte pas grand chose et fait plus passer l'article pour un article de Paris Match.
On n'a plus l'impression que la place du numérique dans cet exemple est une excuse pour relater des faits qui finalement n'ont que peu de rapport avec la technologie.
Le problème est pris à l'envers quoi, ça ressemble à un article écrit plus avec l'émotion qu'avec une rigueur scientifique qui décrypterait justement le sujet important: " l'utilisation de moyens numériques pour détruire sciemment la réputation de personnes."
Hier à 09h20
https://fr.wiktionary.org/wiki/astroturfing
Hier à 09h40