Apple autorise puis supprime un émulateur Game Boy sur iOS
Quel est ce phoque ?
Apple a récemment autorisé les émulateurs sur iOS et iPadOS. La question était posée : l’entreprise allait-elle permettre les émulateurs pouvant récupérer des ROM depuis l’extérieur ? L’arrivée, puis le retrait sur la boutique d’iGBA permet d’y voir un peu plus clair.
Le 15 avril à 14h09
6 min
Logiciel
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Apple se prépare à une année 2024 mouvementée, et sans doute au-delà. Des deux côtés de l’Atlantique, la pression s’accumule. On le savait déjà en Europe, où l’arrivée du DMA s’est faite avec bien des remous, Apple ayant présenté une longue liste de changements pour iOS 17.4 et plus tard. Dans le même temps, elle s’est largement plainte des mesures imposées, qui entraineraient, selon elle, une baisse générale de la sécurité sur les iPhone européens. Aux États-Unis, la société doit maintenant faire face à une plainte pour abus de position dominante, déposée par le gouvernement.
Depuis, l’entreprise procède à certaines annonces, dans une volonté manifeste de détendre un peu l’atmosphère avant le début des enquêtes et des procédures. Des gestes de bonne volonté, en quelque sorte. Après avoir une fois encore assoupli la règle des liens externes dans les applications de streaming musical en Europe, Apple a surpris en autorisant les émulateurs de « jeux rétro » dans son App Store, cette fois à l’échelle mondiale.
Peu de détails étaient fournis et une question restait en suspens : les émulateurs permettant de charger des ROM depuis l’extérieur allaient-ils eux aussi être autorisés ? Il semblait que non, à la manière dont les termes étaient rédigés. Pourtant, la validation de GBA4iOS a surpris tout le monde. Son retrait beaucoup moins. Mais c’est là que l’affaire se complique : a priori, le retrait ne serait pas dû au fonctionnement de l’application.
Aller et retour d’un hobb émulateur
Samedi, l’émulateur est apparu sur l’App Store. Très rapidement, le nombre de téléchargements a explosé, faisait apparaître l’application dans le Top 10 de la boutique. Beaucoup avaient de quoi se réjouir : non seulement le premier émulateur n’avait mis qu’une semaine à arriver, mais il était en plus spécialisé dans les jeux Game Boy, donc particulièrement adapté à la taille des téléphones. Les titres Game Boy, Game Boy Color et Game Boy Advance étaient acceptés.
Mais l’élément le plus surprenant était qu’iGBA permettait de charger les fichiers ROM depuis des sources externes, notamment les volumes de stockage distants comme Google Drive ou OneDrive. Depuis l’application, on sélectionnait la source et le jeu se lançait, tout simplement.
La question sur la source des ROM semblait tranchée. Seulement voilà, Apple a supprimé l’application hier, sans donner d’explications. La firme se serait-elle trompée ? Aurait-elle accepté trop vite, avant de se rendre compte qu’elle entrait en territoire contesté ? Peut-être, mais la situation est un peu plus complexe que cela.
Un clone mort au combat
iGBA n’est pas une création originale. La petite semaine écoulée entre l’autorisation donnée par Apple et l’arrivée de l’application dans la boutique l’indiquait déjà. C’est en fait un clone d’un émulateur plus ancien nommé GBA4iOS. Ce dernier, créé par Riley Testut et open source, ne pouvait réellement s’installer que sur des iPhone « jailbreakés » ou via l’environnement de développement Xcode, en respectant les étapes données par le développeur sur le dépôt GitHub. Depuis, Testut est passé sur un émulateur remanié, appelé Delta.
Le développeur s’est fendu d’un message sur Threads : « Apparemment, Apple a approuvé une contrefaçon de GBA4iOS – le prédécesseur de Delta que j'ai créé au lycée – dans l'App Store. Je n'ai donné à personne la permission de le faire, et pourtant il est maintenant en tête des classements (bien qu'il soit rempli de publicités et de suivi) ».
Il a ajouté qu’il n’était pas en colère contre le développeur, mais bien contre Apple : « Je suis furieux qu'Apple ait pris le temps de modifier les règles de l'App Store pour autoriser les émulateurs, et qu'elle ait ensuite approuvé une copie de ma propre application, alors que j'étais prêt à la lancer ».
Et pour cause : le sideloading ayant été autorisé en Europe (sous une forme très stricte cependant), Riley Testut prépare le lancement de sa propre boutique alternative nommée AltStore. Dans un message publié il y a deux jours, le développeur indiquait d’ailleurs que cette boutique était en cours d’examen chez Apple. Si elle devait être acceptée au cours des prochains jours, elle serait la première. Chaque application proposée devrait quand même être validée par Apple, avec les mêmes règles que pour l’App Store. Y compris pour les émulateurs.
Pourquoi cette suppression ?
On ne sait pas vraiment pourquoi Apple a supprimé l’application. Elle pourrait s’être aperçue qu’elle était entrée dans un territoire dangereux, en particulier pour un émulateur visant les jeux Nintendo. Car l’entreprise japonaise est particulièrement jalouse de sa propriété intellectuelle et attaque régulièrement les sites proposant de télécharger des ROM, même quand il s’agit de titres issus de consoles aussi anciennes que la NES ou la première Game Boy.
Il pourrait donc s’agir d’une demande de Nintendo, auquel cas le retrait pourrait faire « jurisprudence » chez Apple, qui refuserait alors tous les émulateurs du même acabit. On ne sait pas cependant si la raison centrale de la suppression est la propriété intellectuelle de Nintendo ou le principe même de sélection d’un ROM depuis une source extérieure. Ce fonctionnement laisse après tout les portes du piratage grandes ouvertes, en autorisant le stockage d’un grand nombre de fichiers pour une utilisation illégale.
L’histoire est d’autant plus curieuse qu’Apple a autorisé cette application au premier examen. S’agissant du premier émulateur à être apparu, il serait logique qu’il ait fait l’objet d’une attention particulière. Auquel cas, le choix externe des ROM a été dûment validé par l’entreprise. Après tout, un jeu Game Boy peut être qualifié de « jeu rétro ». Sauf, bien sûr, s’il s’agit d’une erreur.
Il est probable qu’Apple ne s’exprimera pas sur le sujet. Il va falloir attendre que d’autres applications reviennent tenter leur chance.
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Pourquoi cette suppression ?
Commentaires (16)
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Abonnez-vousLe 15/04/2024 à 14h53
- Apple a approuvé une contrefaçon de GBA4IOS : impossible de parler de contrefaçon. Le logiciel est libre (sous GPLv2) et le nom a été changé.
- Je n'ai donné à personne la permission de le faire : et si, en mettant le logiciel sous licence libre, chaque utilisateur peut le redistribuer comme il l'entend. Un utilisateur n'a AUCUNE permission à demander à l'auteur (sinon, le logiciel ne serait pas libre)
- est-ce à Apple de vérifier si, pour chaque application Open Source, le titulaire des droits (dans la limite de ce que cela peut bien signifier) a pour objectif ou non la publication d'un application pour vérifier si un fork soumis doit être accepté ou non ? Pour moi, non.
Je serai Riley Testut, je serai bien en colère contre l'auteur du fork, et pas contre Apple. Son projet est effectivement parasité, et la présence de publicités et de trackers dans la version distribuée plaide pour une action plutôt volontaire voire malsaine et non pas pour un acte de quelqu'un d'un peu trop passionné ne pensant pas à mal.
Voilà, sinon, un point de détail : le dépôt actif semble être celui sur bitbucket. Celui sur github est archivé.
Le 15/04/2024 à 15h14
(cf. https://opensource.stackexchange.com/a/1721)
Le 15/04/2024 à 15h19
Le 15/04/2024 à 15h47
unless you plan to submit your app to Apple’s App Store, in which case written permission from me is explicitly required
Modifié le 15/04/2024 à 16h18
Mais aujourd'hui, c'est un logiciel libre et je pense que ce qu'il a écrit pour restreindre la diffusion par l'App Store est mal foutu (voir mon commentaire précédent).
En plus, comme c'est écrit hier, il a été maladroit en ne mettant la restriction que pour le store d'Apple. Les stores alternatifs et le téléchargement direct sont en dehors de sa restriction.
Le 15/04/2024 à 16h04
1) il commence par autoriser ce que la GPL V2 autorise déjà : utilisation, modification et distribution.
2) il met une limite à la distribution sur l'Apple App Store qui est d'avoir son autorisation écrite.
Mais la GPL V2 est plus permissive que cette restriction et il a dit que son code était distribué sous GPL V2. Donc sa restriction est en contradiction avec la première phrase. Cette restriction me semble inefficace. Elle l'aurait été s'il avait faite dans la même phrase et encore, je n'en suis pas sûr. Voilà ce que c'est quand un développeur, lycéen qui plus est, joue avec les licences logicielles, il se plante.
Modifié le 15/04/2024 à 16h34
https://www.fsf.org/blogs/licensing/more-about-the-app-store-gpl-enforcement
Le 15/04/2024 à 17h01
Ce n'est pas la distribution par l'Appl Store qui est incompatible avec la GPL. Ce sont les restrictions d'Apple liées à l'Appl Store qui sont incompatibles avec la GPL :
Il faut donc simplement considérer que les restrictions supplémentaires d'Apple incompatibles avec la GPL sont nulles et non avenues.
Remarque : celui qui fait la distribution du logiciel sous licence GPL sur l'App Store est Apple et pas le développeur. C'est donc bien Apple qui viole la GPL en ajoutant desrestrictions.
Mais comme l'a fait remarquer aureus, le logiciel jusqu'à hier n'était pas sous licence GPL.
Par contre, la partie que je cite renforce ce que je disais : on ne peut pas ajouter de restriction de distribution comme l'auteur l'a fait hier à un logiciel sous licence GPL V2.
Le 15/04/2024 à 16h52
- soit le code est sous GPL, et il n'est pas possible de restreindre la diffusion (sa limitation ne tient donc pas)
- soit la diffusion est restreinte, mais son code ne sera pas sous GPL (ni même une quelconque licence libre).
Les deux sont purement et simplement incompatibles. Tout au mieux, on pourrait dire qu'il fait un dérivé non libre de la GPL (et encore, pas sur que cela plaise à la FSF de dire cela )
Le 15/04/2024 à 17h04
Le 15/04/2024 à 18h00
Pour faire simple : une licence libre avec une clause "sauf si" dans le cadre de la jouissance d'une des 4 libertés fondamentales qui constitue le libre, n'est plus libre.
Le 15/04/2024 à 18h06
La GPL interdit les restrictions, mais encore faut-il que tu possèdes une licence sous GPL du code source. Or, si tu prévois de mettre sur l'App Store, il ne t'octroie pas de licence GPL. Trolltech fait ça avec Qt depuis une éternité par exemple.
Le 15/04/2024 à 18h17
Sauf que le choix de la licence à utiliser ne revient pas à l'auteur, mais à l'utilisateur :
- s'il peut distribuer son programme en respectant les termes de la licence GPL, il peut prendre la GPL ou la licence alternative, et l'auteur n'a rien à redire là-dessus
- s'il ne peut pas distribuer son programme en respectant les termes de la GPL, il ne dispose alors que de la solution de secours via le double-licensing.
Pour Qt, cela se traduit grosso modo par :
- si tu utilises Qt, que tu as apportés des modifications à la bibliothèque, alors soit ces modifications doivent être disponible en LGPL, soit tu dois acquérir la licence alternative
- si tu utilises Qt, que tu as apportés des modifications à la bibliothèque mais, que pour des raisons diverses, tu ne peux pas les rendre disponible en LGPL (utilisation d'une bibliothèque avec une licence incompatible avec la LGPL, code métier spécifique présentant une plus-value et devant resté confidentiel, etc.) alors tu dois acquérir une licence.
Le 15/04/2024 à 15h44
Sinon l'affaire est juste un peu dégueulasse de la part du forker qui profite du travail d'autrui à peu de frais mais c'est effectivement la règle.
Maintenant je ne me fais pas trop de soucis pour Delta qui a déjà une bonne réputation chez les bidouilleurs et qui si il est autorisé sur l'App Store, y trouvera son petit succès.
Le 15/04/2024 à 16h59
On est tout à fait d'accord. C'est d'ailleurs bien à cela que je réagissais quand je voyais que l'auteur n'en voulait pas au forkeur, mais à Apple.
C'est légal (si les conditions de la licence sont respectées comme la conservation du copyright), mais pas très moral...
Le 17/04/2024 à 19h14