En 2022, les humains ont produit 62 milliards de kg de déchets électroniques
Et n'en ont recyclé qu'un cinquième
Au rythme actuel, selon les estimations de l'Unitar, le volume de déchets de produits électriques et électroniques croit plus vite que les activités visant à les recycler.
Le 09 avril à 10h35
8 min
Hardware
Hardware
En 2022, nous avons produit 62 milliards de kg de déchets électriques et électroniques (e-waste) à l’échelle de la planète, soit une hausse de 82 % par rapport à leur niveau de 2010. La tendance n’est pas près de s’inverser : selon l’institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (Unitar), le volume de déchets électroniques devrait encore augmenter de 32 % d’ici 2030, pour atteindre une production annuelle de 82 milliards de kg.
L’Unitar a publié fin mars son dernier rapport sur la production de déchets électroniques à l’échelle mondiale. Son principal constat : le volume de déchets augmente vite, cinq fois plus vite, même, que leur recyclage. En 2022, selon les documentations disponibles, 22,3 % de ces déchets avaient été correctement collectés et recyclés. Sauf que chaque année, le volume de produits à traiter augmente de 2,6 milliards de kg et les Européens y jouent un grand rôle, eux qui produisent sept fois plus de déchets électroniques que les Africains.
Or, les processus de recyclage progressent plus lentement, si bien qu’au rythme actuel, l’Unitar prévoit une baisse de la part recyclée à horizon 2030, pour ne plus concerner que 20 % du total des déchets électroniques produits. Pour le moment, note par ailleurs son rapport, le recyclage ne permet de répondre qu’à 1 % de la demande en terres rares.
Des indicateurs standardisés à l’échelle de la planète
Auteurs de l’étude en partenariat avec la Fondation Carmignac, l’Union internationale des télécommunications et l’Unitar font partie depuis 2017 du Global E-waste Statistics Partnership (GESP), qui vise à récolter des données sur les déchets numériques de manière standardisée à travers le monde.
Leur méthodologie de travail est celle établie par le Programme SCYCLE et le groupe de travail de l’ONU dédié à la mesure des déchets électroniques en 2015 (.pdf), en partenariat avec une variété d’organismes internationaux (Eurostat, l’OCDE, la Conférence des nations unies sur le commerce et le développement, le Programme des Nations unies pour l’environnement, etc) puis révisée en 2018.
Elle consiste à appréhender les flux d’équipements électriques et électroniques, puis à observer la manière dont ceux-ci sont traités après usage, en admettant que quatre principaux processus sont observés : la collecte et le recyclage dans des circuits formels ; le fait de les jeter à la poubelle sans autre considération ; la collecte et le recyclage en dehors des circuits formels du pays, via une infrastructure de gestion de ces déchets ; la collecte et le recyclage en dehors des circuits formels et sans infrastructure (revente, échange de pair à pair, etc).
Quant aux principaux indicateurs de travail, ils concernent le total des déchets électroniques produits, le total de déchets électroniques formellement collectés et gérés, et le taux de collecte et de recyclage que ces deux premiers indicateurs permettent de calculer.
7,8 kg de déchets par tête et par an
Rapportée à la population, la production de déchets électriques et électroniques revient à 7,8 kg par tête et par an. En pratique, environ un tiers (20 milliards de kg) des produits à l’origine des déchets électroniques concerne de petits équipements : des jeux, des micro-ondes, des aspirateurs ou des vapoteuses. Cela dit, ce type de produits n’est que très peu recyclé (12 % du total produit dans le monde).
5 milliards de kg de déchets sont constitués de petits équipements IT (ordinateurs portables, téléphones, routeurs, GPS), dont seulement 22 % sont collectés et recyclés via des circuits formels. Près de six autres milliards de kg sont constitués d’écrans et de moniteurs. Ceci, sachant que 2,6 milliards de personnes à travers la planète n’ont pas de connexion à internet.
Le recyclage de terres rares loin de s’être généralisé
Dans le détail, les déchets générés en 2022 sont composés pour moitié de métaux, 27 % de plastique (17 milliards de kilos) et 22 % d’autres matériaux (14 milliards de kilos).
Sur le total, 19 milliards de kilos de déchets, principalement des métaux comme le fer, ont été transformés en ressources secondaires. Dans le lot, 300 000 kilos de métaux précieux, notamment du groupe du platine (ruthénium, rhodium, palladium, osmium, iridium et platine), sont estimés avoir été réutilisés, que ce soit via des pratiques de recyclage formelles ou informelles.
En valeur, l’Unitar estime que les déchets contiennent de l’ordre de 19 milliards de dollars en cuivre, 15 milliards de dollars en or et 16 milliards de dollars de fer.
« Bien que les terres rares aient des propriétés uniques qui sont cruciales pour les technologies futures, y compris la production d’énergie renouvelables et l'e-mobilité, le monde reste étonnamment dépendant des chaînes de production de quelques pays », note le rapport, avant de préciser que leur recyclage présente un « défi économique ». « Le prix des terres rares reste trop bas pour soutenir des opérations commerciales de recyclage à grande échelle. »
Pratiques de recyclage disparates
À travers le monde, les pratiques de recyclage sont adoptées de manière très variable. L’Union européenne mène la danse, avec 42 % de taux de recyclage de ses équipements. Pour autant, souligne l’Unitar, les membres de l’Union restent loin de leurs propres objectifs légaux, et leurs progrès pour les atteindre sont très lents.
Les pays d’Afrique produisent nettement moins de déchets électroniques que tout le reste du monde, mais ils en recyclent aussi moins d’1 %. Quant aux pays d’Asie, leur population fait qu’ils produisent près de la moitié des déchets du monde. Ils sont en revanche derrière l’Europe, l’Océanie et les États-Unis en matière d’infrastructure et de gestion du recyclage.
L’Unitar constate par ailleurs que 42 % des pays du monde représentant 72 % de la population ont des politiques ou des régulations spécifiques à la gestion des déchets numériques, mais aussi que seulement 46 sur les 81 États concernés ont établi des cibles de collectes, et 36 des cibles de recyclage.
À l’échelle du globe, le rapport s’attarde par ailleurs sur les transferts de déchets électroniques, dont 5,1 milliards de kilos ont été déplacés en 2022. De ce total, l’Unitar estime à plus des deux tiers (3,3 milliards de kg) la part d’éléments envoyés de pays à hauts revenus vers des pays à revenu modérés ou faibles, via des processus qui manquent de cadres comme de contrôles.
Recyclage et économie verte, loin d’être des solutions miracle
À l’heure actuelle, le rapport estime que les activités de recyclage permettent de réinjecter pour 28 milliards de dollars de matières premières dans l’économie, contre un potentiel de 91 milliards de dollars. Il s’attarde d’ailleurs sur les coûts cachés de cette économie pour la population et l’environnement.
Ceux-ci proviennent « des émissions de plomb et de mercure, des fuites de plastique et de la pollution de l'air qui contribue au réchauffement de la planète, en particulier dans les cas où les substances dangereuses ne sont pas correctement gérées », notamment dans le cas de filières informelles de recyclage.
L’Unitar souligne par ailleurs que les efforts accomplis en faveur d’une connectivité universelle et du passage de combustibles fossiles à des énergies plus « propres » « finiront par produire davantage de déchets électroniques ».
Et de souligner que les objectifs 7 (énergie abordable et propre) et 13 (action pour le climat) des objectifs de développement durable de l’ONU ont un rôle direct en la matière. Le rapport prend l’exemple des panneaux photovoltaïques, dont les déchets « devraient quadrupler, passant de 0,6 milliard de kg en 2022 à 2,4 milliards de kg en 2030 ».
Trois scénarios de gestion des déchets
Au terme de son étude, l’Unitar propose trois scénarios de gestion et de recyclage des déchets électroniques. En cas de poursuite des activités comme actuellement, la part d’éléments recyclés devrait se contracter à 20 % du total. Dans un scénario progressif, dans lequel les pays les plus riches atteignent les objectifs européens de 85 % de collecte et les autres pays développent collecte et recyclage de 10 % de leurs déchets, le taux global de collecte et de recyclage pourrait atteindre 38 % du total des déchets produits.
Le dernier scénario, décrit comme « aspirationnel », prévoit que le monde œuvre pour atteindre 60 % de collecte et de recyclage de ses déchets électroniques. L’économie du secteur deviendrait alors bénéficiaire grâce à la réduction des coûts externes pour les populations et l’environnement, et l’augmentation de la valeur tirée des ressources réemployées.
Pour y parvenir, il faudrait que tous les pays ayant une infrastructure de collecte et recyclage atteignent la cible européenne de 85 % de collecte, que la moitié la plus riche des pays n’ayant pas d’infrastructure la développe, et renonce donc à laisser ses déchets dans des décharges. Il faudrait, enfin, que les pays aux revenus les plus faibles améliorent les conditions de travail du secteur informel, de sorte à collecter 40 % de leurs déchets électroniques.
En 2022, les humains ont produit 62 milliards de kg de déchets électroniques
-
Des indicateurs standardisés à l’échelle de la planète
-
7,8 kg de déchets par tête et par an
-
Le recyclage de terres rares loin de s’être généralisé
-
Pratiques de recyclage disparates
-
Recyclage et économie verte, loin d’être des solutions miracle
-
Trois scénarios de gestion des déchets
Commentaires (16)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousModifié le 09/04/2024 à 12h42
(le circuit est noyé dans le plastique).
Peut-être une collabe avec Monsieur Bidouille sur le cycle de traitement de ce type de déchets ?
Le 09/04/2024 à 13h22
Le 09/04/2024 à 13h38
Répétez après moi : les terres rares ne sont pas rares.
Le 09/04/2024 à 14h29
Le 09/04/2024 à 14h41
Le 10/04/2024 à 21h37
Le 09/04/2024 à 18h25
Mais par contre j'ai pas d'autre terme en tête pour qualifier ces métaux en question.
Une idée ?
Le 09/04/2024 à 22h29
Le 09/04/2024 à 13h55
Il y aura bien de la récupération pour don par exemple aux asso qui savent gérer Linux mais j'imagine que ce sera qu'un infime pourcentage.
ce gâchis me
Modifié le 09/04/2024 à 15h24
Mais avant le recyclage, il y a le réemploi des objets électroniques et électriques (dont le reconditionnement, le rétrofit).
D'ailleurs, en parlant de recyclage des DEEE ou D3E (Déchets d'équipements électriques et électroniques), une vidéo YouTube à ce sujet et un lien Wikipedia sur Agbogbloshie (Ghana)
Modifié le 09/04/2024 à 15h27
J'ai du mal à voir ce qu'on pourrait jeter pour arriver à ce poids ? ils comptent une machine à laver comme un produit électronique ?
Un smartphone OK, 90% de son poids c'est de l'électronique, mais un lave-linge :p
Modifié le 09/04/2024 à 16h28
Le 09/04/2024 à 22h48
On peut aussi se dire qu'un seul système d'IA hyper puissant peut remplacer des dizaines de datacenter aux données souvent redondantes, sacré gros frangin.
Le 10/04/2024 à 07h31
Le 10/04/2024 à 09h34
Je ne vois pas le rapport.
A mon niveau de connaissance, l'analogie que je fait à cette phrase serait : "
"On peut aussi se dire qu'un seul PROCESSEUR hyper puissant peut remplacer des dizaines de DISQUES DURS aux données souvent redondantes, [...]
Si mon analogie est juste, et bien ça ne veut pas dire grand chose ?
Le 11/04/2024 à 07h39