Grand Collisionneur de Hadrons : des données à foison, mais pas de nouvelle particule
Un boson peut en cacher un autre
Le 08 août 2016 à 15h34
8 min
Sciences et espace
Sciences
Alors que la communauté scientifique attendait l'annonce de la détection d'une nouvelle particule par le Grand Collisionneur de Hadrons, ce n'est finalement pas le cas. La montée en puissance du LHC a tout de même permis de récolter et traiter plus de 25 Po de données depuis le début de l'année.
Après une interruption de deux ans, le Grand Collisionneur de Hadrons a repris du service l'année dernière. Les travaux ont permis d'augmenter l'énergie de collision de l'accélérateur de particules en passant de 8 TeV à 13 TeV (Tera électronvolts). Les mesures scientifiques ont donc recommencé et, alors que les chercheurs pensaient avoir trouvé des indices de particules prédites par des théories allant au-delà du modèle standard, il n'en est rien. Les « pics » observés ne semblent en effet être qu'une « fluctuation statistique » admet le CERN.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, commençons par quelques rappels sur la physique des particules, les accélérateurs, les expériences scientifiques et les avancées qui ont déjà eu lieu.
Le modèle standard de la physique des particules
Première étape, le modèle standard. Le CERN le définit comme étant « la théorie qui décrit les particules élémentaires et leurs interactions ». Mais celle-ci laisse de nombreuses questions sans réponse, ce qui ne plait évidemment pas aux physiciens qui cherchent donc « des signes d’une physique au-delà du modèle standard ».
Le grand absent du modèle standard est sans aucun doute la gravite : bien que ce soit la « force qui nous est la plus familière, elle ne fait pas partie du modèle standard » explique le CERN. Mais cela n'a que peu d'importance à l'échelle des particules, car son effet est négligeable : « C’est pourquoi le modèle standard fonctionne encore bien, malgré le fait qu'il exclut l'une des forces fondamentales ». Mais l'idéal serait évidemment de trouver un autre modèle physique qui englobe le tout. C'est notamment dans ce but que de nombreuses expériences sont menées un peu partout dans le monde.
Du Grand Collisionneur de Hadrons au boson de Higgs en passant par un prix Nobel
Le LHC, ou Grand Collisionneur de Hadrons, est un accélérateur de particules qui étudie la collision entre des protons à très haute énergie. « La collision des particules crée de nouvelles particules que l’on peut alors étudier » explique l'institut national de physiques nucléaires et de physique des particules. N’hésitez d'ailleurs pas à consulter leur présentation (PowerPoint) qui, bien que vieille, n'en reste pas moins intéressante pour appréhender certains concepts. Le CERN a également mis en ligne un guide complet du LHC.
Le LHC n'est pas nouveau et il a déjà permis de faire des avancées spectaculaires dans le domaine de la physique des particules, notamment le 4 juillet 2012. En effet, les expériences ATLAS et CMS du Grand Collisionneur de Hadrons ont toutes les deux annoncé la découverte d'une « nouvelle particule dont la masse se situait dans la région des 126 GeV ».
De plus, elle présente des caractéristiques techniques compatibles avec celles du boson de Higgs, qui avait d'ailleurs valu le prix Nobel de physique au belge François Englert et à l'anglais Peter Higgs en 2013.
A 13 TeV, le LHC donne des résultats encore plus précis et confirme des mesures
Quoi qu'il en soit, les nouvelles mesures récoltées par le LHC à 13 TeV ont déjà conduit à des résultats intéressants. Elles ont par exemple permis d'observer le boson de Higgs avec « une signification statistique plus élevée ». Mais ce n'est évidemment pas tout et les expériences ATLAS et CMS ont aussi « réalisé de nouvelles mesures précises de processus du modèle standard ».
Pour Eckhard Elsen, directeur de recherche au CERN, « c’est l’un des moments les plus passionnants de la période récente pour les physiciens, car nous nous aventurons vraiment en territoire inconnu : la physique des particules à une énergie encore jamais explorée auparavant ».
Le LHC laissait entrevoir des mesures permettant d'aller au-delà du modèle standard
Maintenant que l'énergie de collision du LHC a grimpé d'un cran, les deux détecteurs que sont ATLAS et CMS ont continué à chercher des signes directs de la production de nouvelles particules prédites par d'autres théories. Elles vont au-delà du modèle standard et il en existe plusieurs comme la supersymétrie. Mais, comme dans le cas de la supposée neuvième planète, il faut pouvoir en observer des éléments probants avant de la valider. Et c'est là qu'intervient de nouveau le LHC.
En décembre 2015, la présentation de la première salve de résultats à 13 TeV avait fait beaucoup de bruit. Alors que les scientifiques dévoilaient des séries de mesures qui ne laissaient entrevoir rien de nouveau dans le petit monde des particules... la fin de la conférence était plus animée. Les relevés d'ATLAS et de CMS faisaient état d'une fluctuation que l'on pouvait qualifier d'intéressante... mais rien de plus.
Des fluctuations intéressantes dans les mesures, mais qui demandent confirmation
Pour Andy Parker, directeur du Laboratoire Cavendish de Cambridge cité par nos confrères de The Conversation, cette mesure pourrait être la signature d'un boson : « Si le pic donne bien naissance, en se décomposant, à deux photons, il s’agit forcément d’un boson, sans doute un boson de Higgs » ajoutait-il. En effet, certaines théories (mais pas le modèle standard) prédisent l'existence de plusieurs bosons de Higgs.
Pour mettre en perspective les attentes des scientifiques face à cette possible découverte, Andy Parker expliquait que, certes il s'agit de résultats préliminaires et non significatifs, mais que s'il devait être confirmé par la suite, « ce serait – rétrospectivement – un événement historique ».
Plus prudente, Corinne Pralavorio, responsable de la communication au CERN, expliquait pour sa part que les variations dans les mesures étaient « encore trop minimes pour conclure quoi que ce soit ». Elle ajoutait également qu'il fallait attendre une nouvelle moisson de données avant d'en tirer des conclusions. En l'état donc, il était impossible de dire si ce léger excès était « une fluctuation sans importance ou, au contraire, signale l’existence d’un nouveau phénomène ». Comme souvent, il n'en fallait pas moins pour enflammer le web et une partie de la communauté scientifique.
Beaucoup de bruit pour rien
Mais les espoirs ont été atomisés lors de la 38e Conférence internationale sur la physique des hautes énergies à Chicago aux États-Unis. Dans son compte rendu, le CERN explique en effet que les nouvelles mesures effectuées en 2016 (avec une moisson de données bien plus conséquente qu'en 2015) n'ont pas permis de confirmer l'hypothèse de l'existence d'une nouvelle particule.
Les premiers résultats de l'année dernière « semblent donc être une fluctuation statistique ». « Aucun indice convaincant d’une nouvelle physique n’a encore été observé » précise le CERN pour bien enfoncer le clou.
Le LHC fonctionne à plein régime, une montée en puissance arrivera plus tard
Malgré cette déconvenue (ou plutôt ce rendez-vous manqué avec l'Histoire), le LHC continue de tourner à plein régime et, après quelques mois de fonctionnement seulement, cinq fois plus de données ont déjà été enregistrées en 2016 par rapport à 2015. Plus de 25 Po de données ont été enregistrées et traitées depuis le début de l'année.
En juin le Grand Collisionneur de Hadrons a dépassé sa « luminosité nominale », il s'agit d'un paramètre mesurant le nombre de collisions par seconde. Il est monté à environ un milliard, « ce qui signifie que même les processus les plus rares à l’énergie la plus élevée effectivement atteinte pourraient se produire » explique le CERN.
Et ce n'est pas fini. Plus tard durant la seconde phase d'exploitation du LHC qui a débuté l'année dernière, l'énergie de collision sera portée de 13 à 14 TeV, le maximum théorique pour lequel le collisionneur a été construit. Aucune date n'a été précisée pour le moment.
Il ne reste maintenant plus qu'à attendre la « bonne » collision qui pourrait donner naissance à une nouvelle particule... si cela se produit un jour. Augmenter la puissance aidera certainement, mais est-ce que cela sera suffisant ? Faudra-t-il dépasser les 14 TeV ? L'avenir nous le dira.
Grand Collisionneur de Hadrons : des données à foison, mais pas de nouvelle particule
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Le modèle standard de la physique des particules
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Du Grand Collisionneur de Hadrons au boson de Higgs en passant par un prix Nobel
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A 13 TeV, le LHC donne des résultats encore plus précis et confirme des mesures
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Le LHC laissait entrevoir des mesures permettant d'aller au-delà du modèle standard
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Des fluctuations intéressantes dans les mesures, mais qui demandent confirmation
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Beaucoup de bruit pour rien
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Le LHC fonctionne à plein régime, une montée en puissance arrivera plus tard
Commentaires (37)
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Abonnez-vousLe 08/08/2016 à 18h06
Ton dieu est nul, le mien il le créa en 5 jours.
Le 08/08/2016 à 18h08
Il a fait quoi le reste de la semaine ? Il s’est fait des pâtes pour tromper la faim ?
Le 08/08/2016 à 18h09
Le 08/08/2016 à 18h38
Le plus drôle la dedans c’est qu’il y avait un énorme article spéculatif la dessus dans S&V il y a quelque mois alors que finalement ce n’est que du rien " /> Mais ça fait parti du jeu.
Le 08/08/2016 à 18h51
Le 08/08/2016 à 18h54
> bien que ce soit la « force qui nous est la plus familière, elle ne fait pas partie du modèle standard » explique le CERN.
Ouais enfin la gravité n’est pas une force. C’est quand même ballot de la part du CERN de dire cela. Même pour vulgariser il aurait pu trouver un autre mot en restant compréhensible.
Le 08/08/2016 à 18h57
Quelqu’un connaît des vraies revues scientifique qui ne pond pas des hypothèses de sf tous les quatre du mois?
Le 08/08/2016 à 19h11
Le 08/08/2016 à 19h16
Le 08/08/2016 à 19h41
L’attraction gravitationelle, cest la théorie de la gravitation de newton, et dans ce cas, en effet on parle de force.
Par contre, Einstein décrit la gravitation comme une déformation de l’espace-temps, et les objects ne se meuvent plus à cause d’une force, mais parce qu’ils ont un mouvement inertiel qui suit les géodésiques de l’espace temps.
d’ailleurs, si c’était une force au sens de newton, la lumière n’y serait pas affectée, car elle n’a pas de masse.
Or la lumière est déviée par les champs gravitationnels !
Le 08/08/2016 à 19h57
Gravitation, il y a une théorie de JP Petit qui n’est pas admis par le CERN mais qui tient la route, ça bouleverseraient trop les scientifiques qui devront remettre toute les conceptions de l’univers …
Le 08/08/2016 à 20h02
Les présentations “scientifiques” données au grand public dans ce domaine sont toujours aussi moches. Fond non uni avec une image dégueulasse, polices d’il y a 10 ans, couleurs ton sur ton rendant la lecture encore plus dure, on dirait qu’ils sont restés figé ya 15 ans… ça fait tout sauf sérieux.
Le 08/08/2016 à 20h37
Le 08/08/2016 à 23h43
La gravité est une force, on l’appelle même la force gravitationnelle ;)
Le 08/08/2016 à 23h51
Exact! Le concept de force est intuitif et c’est pour ça qu’on le garde pour parler d’interactions.
Puis c’est comme en mécanique, il n’y pas vraiment de force mais une interaction par échange de boson vecteur. Cependant on parle encore bien de force électromagnétique, faible, forte dans le langage courant en physique.
Le 09/08/2016 à 07h19
Pourquoi, tu sous-entends quoi ?
Le 08/08/2016 à 15h39
rah lala ces vieux monsieur un rien ne les amuses 2 billes qui se tapent dedans et ils te pondent des théories de fou
Le 08/08/2016 à 16h00
Faut leur laisser le temps, le monde ne sait pas fait en 1 jour.
Le 08/08/2016 à 16h05
Merci pour le suivi! Toujours passionnant;)
Le 08/08/2016 à 17h16
«alors que les chercheurs pensaient avoir trouvé des indices de
particules prédites par des théories allant au-delà du modèle standard »
raaahhh, même vous…
non, jamais les chercheurs n’ont pensé ça, enfin pensé, peut être, mais jamais ils ne l’ont dit. Dès le début ça ressemblait beaucoup à un artefact, dès le début ils indiquaient qu’il fallait plus de données, qu’il n’était pas possible de savoir quoi que ce soit pour le moment… (je parle des chercheurs, pas des attachés de presse…)
arretez de faire de la sciencation … s’il vous plait…
Le 08/08/2016 à 17h17
ca fait surtout “petit chimiste du riche” ou tu vas faire des collisions entre deux trucs regarder la réaction, si il y en a une refaire et regarder si ca reréagit.
Le 08/08/2016 à 17h36
Le 08/08/2016 à 17h37
Sans doute, pour cela que l’humanité à plein de bug." />
Le 08/08/2016 à 18h03
“pensaient avoir trouvé des indices”
Tu lis toi aussi trop vite. Les clitbait scientifiques sont plus “des nouvelles particules découvertes”.
Là je lis juste “des indices”, donc pas des preuves, et “pensaient avoir” cad que certains ont évoqués l’idée que p-e.
Bref, dans le processus scientifique, c’est normal d’émettre des hypothèses, de lancer d’autres expériences pour les valider ou les infirmer. Et il faut bien avoir “pensaient avoir trouvé des indices” pour orienter des expériences, qui se sont avérées utiles, en montrant les artefacts statistiques.
Bref, mauvais procès à la mauvaise rédac’.
Le 09/08/2016 à 07h27
Ils ont mis en place Linky ? Ca pourrait les aider à gérer leur consommation électrique " />
Le 09/08/2016 à 07h51
la grammaire et l’orthographe non plus
Le 09/08/2016 à 07h55
“Il ne reste maintenant plus qu’à attendre la « bonne » collision”
Ou les bonnes (ou répétition de la “bonne”), de manière a obtenir une quantité de données statistiquement significative?
Le 09/08/2016 à 08h01
Si tu vas dans un labo de science les ordis sont souvent sous win xp, et autre vielle techno sans parler des outils qui sont souvent de haut niveau mais qui vieillit car renouveler les laser détecteur et autre coute très chère donc les labos sont pas les memes que ceux des films…
Donc deja qu’il y est des diapos pp c’est deja pas mal car avant c’était sur du transparent ou on imprimait dessus la diapo.
D’ailleurs ça me fait penser qu’en science le truc important c’est pas que ça soit jolie mais que ça soit scientifique, clair, synthétique et compréhensible par ceux ayant peu de connaissance théorique de la chose.
Le 09/08/2016 à 08h16
En Français, tu as Pour la Science en magasine papier: http://www.pourlascience.fr/
Sinon, en bon site Internet (enfin sauf leur maquette… :p), il y a Futura Science: http://www.futura-sciences.com/
J’espère que tu trouveras ton bonheur!
Le 09/08/2016 à 08h36
+1, ici on a encore un DOS.
Faut raquer 10000€ pour changer la bécanne … (enfin la bécanne et l’appareil qui va avec ;) ).
Bon après en bio les présentations sont quand même plus jolie hein :)
Le 09/08/2016 à 09h05
http://www.europe1.fr/sciences/une-fouine-provoque-une-panne-dans-le-plus-grand-accelerateur-de-particules-du-monde-2733070
Le 09/08/2016 à 09h08
et ainsi naquit Pikachu " />
Le 09/08/2016 à 09h31
Je suis d’accord que le fond compte plus que pour la forme… mais ça c’est vrai seulement en interne. Quand on a la prétention de montrer au grand public des résultats, on fait l’effort de publier de belles présentations. Je parle pas ici de renouveler du matériel de laboratoire. Je parle juste de faire l’effort de passer 1 heure de plus sur un diaporama ppt…
Quand bien même tu n’aurais qu’un office 2003 sur un vieux pc XP, tu peux parfaitement pondre de belles présentation. Ça ne changera pas tes résultats sur le fond, mais ça les rendra plus percutant et surtout plus crédible.
Cette remarque, je me la fait à chaque publication scientifique venant de la recherche. Pourtant en interne, là où je bosse, les présentations que je fait, et celle auxquelles j’assiste avec -entre autres- des chercheurs des Bell Labs, elles sont “au goût du jour”. Ne serait-ce que par les templates fournis par l’entreprise qui sont simple et sobre.
Le 09/08/2016 à 12h06
Merci pour l’article.
Le 09/08/2016 à 14h14
petit rappel historique…
Le 09/08/2016 à 14h24
Le 09/08/2016 à 17h08
Pour être allé dans un labo de mathématique, et avoir bossé avec des chercheurs, ben le ppt présenté par le CERN est franchement pas mal.