Les sondes Voyager, notre système solaire et la voie lactée : quelques ordres de grandeur
C’est pas gagné pour faire coucou à Proxima
Le 17 août 2023 à 09h33
7 min
Sciences et espace
Sciences
Imaginons : nous sommes aux commandes d’une des sondes Voyagers et on voudrait se déplacer dans le système solaire. Combien de temps cela nous prendrait d’aller voir Proxima du Centaure ou notre centre galactique à la vitesse actuelle ? Et si on veut passer faire coucou aux galaxies proches de nous ?
Il y a quelques jours, nous expliquions comment les sondes Voyager de la NASA font pour communiquer avec la Terre alors qu’elles se trouvent à 20 milliards de km. Un exploit pour des vaisseaux lancés dans les années 70 avec une antenne de 3,66 mètres seulement et une alimentation de quelques centaines de watts. Pour autant, cela fonctionne, et même plutôt bien.
Les km c’est so-terrestre, voici les années-lumière
Mais 20 milliards de km, cela représente quoi exactement ? Difficile de se rendre compte avec des nombres aussi grands. On peut comparer cette distance à la circonférence de la Terre, environ 40 000 km : cela fait donc 500 000 fois le tour de notre planète… mais ce n’est pas forcément plus parlant.
On pourrait également utiliser une autre unité de distance, l’année-lumière ou al (avec la vitesse de la lumière à 300 000 km/s environ dans le vide). On multiplie donc une vitesse par une durée, ce qui donne bien une distance. Elle est d’un peu moins de 10 000 milliards de km pour une année-lumière. On va commencer avec des sous-multiples que sont les heures-lumière (environ 1,1 milliard de km) et jours-lumière (environ 26 milliards de km).
Entre les sondes de la NASA et la Terre, la lumière met une vingtaine d’heures. Oui, ce n’est pas très précis – 18 h 30 avec Voyager 2 et 22 h 15 pour Voyager 1 – mais cela permet de planter le décor et on verra par la suite qu'on n’est pas à quelques heures-lumière près, très (très) loin de là même.
À titre de comparaison, entre la Terre et le Soleil, la lumière ne met que huit minutes à faire le trajet. On dépasse l’heure avec Saturne et on arrive à 5,5 heures pour Pluton, la planète déchue de notre système Solaire.
Voyager : près de 30 000 ans pour sortir du nuage de Oort
Pour un peu mieux se rendre compte des distances et du temps, revenons au lancement des sondes Voyager, en 1977. Elles survolent ensuite Jupiter et Saturne, mais on n’est seulement alors qu’en 1981. Il faudra attendre 1986 et 1989 pour que Voyager 2 passe à proximité d’Uranus et de Neptune. Et depuis ? Rien… les sondes n'ont pas croisé le chemin d'un objet stellaire depuis plus de 30 ans, et elles ne risquent pas d’en voir un de sitôt, sauf surprise.
Les derniers faits marquants remontent à respectivement 2013 et 2018 lorsque la NASA annonce que Voyager 1 et 2 ont dépassées l’héliopause pour entrer « dans l'espace interstellaire ». Quand sera le prochain rendez-vous ? Dans très longtemps…
Dans notre dossier sur le Système solaire, nous avons expliqué que le nuage de Oort se trouve aux confins et forme en quelque sorte une « coquille ». Les sondes Voyager en sont encore très loin.
- À la découverte du Système solaire : le Soleil, élément central et « catalyseur » de la vie
- À la découverte du nuage de Oort, aux confins du Système solaire
Le bord intérieur du nuage d’Oort est, selon la NASA, « estimé entre 2 000 et 5 000 ua [unité astronomique correspondant à la distance Terre-Soleil] du Soleil. Le bord extérieur pourrait être à 10 000 ou même 100 000 ua du Soleil », soit entre une dizaine et une trentaine de jours-lumière, alors que, pour rappel, les sondes sont à moins d’une journée-lumière de la Terre pour le moment. Quant au bord extérieur du nuage, il se trouve entre une soixantaine de jours-lumière et 1,5 année-lumière.
À la vitesse actuelle de la sonde – environ 60 000 km/h, soit une quinzaine de km… par seconde tout de même – il faudrait environ 28 000 ans aux sondes pour sortir du nuage de Oort (en prenant environ 100 000 ua comme limite). Dans 28 000 ans, les sondes ne seront donc qu’aux portes de notre système Solaire. Elles seront alors à 15 000 000 000 000 km, contre 20 000 000 000 km actuellement (50 ans après leur lancement).
Dans l’espace, c’est le vide qui règne en maitre. Les sondes ne sont donc pas ralenties comme cela aurait été le cas sur Terre à cause de l’air. Sauf surprise très surprenante, elles vont ainsi continuer à avancer en gardant leur cap et leur vitesse pendant encore très très longtemps.
75 000 ans pour atteindre l’étoile Proxima
En imaginant que les sondes soient dans la bonne direction pour rendre visite à l’étoile la plus proche de nous – Proxima du système triple Alpha Centauri –, elles devraient parcourir 4,2 années-lumière. C’est presque trois fois plus que pour atteindre la limite extérieure du nuage de Oort, ce qui nous amène à 75 000 ans environ.
Rappelons qu’il existe un projet un peu fou de « nano-vaisseaux » (pesant un gramme seulement) propulsés grâce à des rayons laser venant frapper de petites « voiles ». De 75 000 ans, on passerait ainsi à 20 ans seulement. Reste un problème : la latence des transmissions entre la sonde et la Terre. À la vitesse de la lumière (ce qu’il y a de plus rapide dans l’Univers), cela prendrait 4,2 années aller et autant pour le retour.
De son côté, Trappist-1 qui faisait les gros titres en 2017 se trouve 10 fois plus loin que Proxima, à environ 40 années-lumière. On s’approcherait du million d’années pour qu’une sonde comme Voyager s’y rende.
Nous sommes ici au niveau du petit point marqué « Soleil ». Crédits : ESA
500 millions d’années pour le centre de notre galaxie
Et si on voulait pousser le voyage un peu plus loin en nous rendant simplement au centre galactique, c’est-à-dire au milieu de la Voie lactée (notre Galaxie) ? Il faudrait parcourir 28 000 années-lumière, soit 500 millions d’années, excusez du peu. Avec des approximations d’approximations certes, mais l’idée générale est là. On n’est de toute façon plus à quelques dizaines de millions d’années à ce stade.
Et nous ne serions qu’au centre de notre galaxie. Pour rejoindre notre plus proche voisine, la galaxie naine du Sagittaire découverte en 1994, il faudrait parcourir 75 000 années-lumière, soit 2,7 fois plus que notre centre galactique. On passerait alors à 1,3 milliard d’années de temps de trajet. Cela en se basant sur les distances actuelles, qui changent forcément sur une aussi longue période.
Vous voulez vous rendre dans une galaxie proche de la nôtre avec une sonde Voyager ? Andromède vous tend les bras à 2 500 000 d’années-lumière, ce qui nous donnerait plus de 40 milliards d’années pour nous y rendre, soit bien plus que l’age de l’Univers qui a 13,8 milliards d’années environ.
Et on ne parle ici que de galaxies à quelques millions d’années-lumière de la nôtre, imaginez pour des galaxies à des milliards d’années-lumière de la Terre, et c’est sans prendre en compte l’expansion de l’Univers.
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Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 17/08/2023 à 10h43
Vu le poids des machins on peut difficilement envisager que ça gueule les données dans l’espace, l’alignement avec la Terre pendant les 24 ans nécessaires à la récupération d’infos de là bas sera aussi un sacré challenge outre la vitesse. Rien n’est plus considérable comme statique à ces échelles…
Le 17/08/2023 à 11h02
Avec le nombre d’articles sur les sujets d’astronomie et cosmologie, avez vous pensé à éditer ça sous forme de bouquin ?
Le 17/08/2023 à 11h08
Ou ouvrir un site consacré :
SpaceDeepINpactLe 17/08/2023 à 11h15
Très bonne mise en perspective et merci pour le rappel des articles existants.
DeepINpactNine
Le 17/08/2023 à 12h29
INtéressante cette approche par le temps de trajet , ça confirme qu’on est quand même bien impatients à râler dès qu’il faut attendre 10 minutes pour choper un métro
Le 17/08/2023 à 12h48
Notre vision du sytème solaire est biaisée par tous les modèles super simplifiés montrés dans les livres ou autres mobiles à suspendre au plafond qui ne tiennent pas compte des distances inimaginables entre les corps célestes.
Pour appréhender un peu mieux la taille du système solaire, je vous conseille l’excellent site web “If the moon were 1 pixel”. Bon, il est lui-même biaisé puisqu’il considère un alignement parfait de toutes les planètes, mais il donne une bien meilleure idée de taille que tout ce que j’ai pu voir avant.
Comme le dit l’adage, “il y a beaucoup d’espace dans l’espace. C’est dans doute pour cela qu’on l’appelle l’espace!”
Le 17/08/2023 à 13h22
Dans un autre genre, la taille comparée de quelques étoiles célèbres :
Le 17/08/2023 à 14h00
On n’est pas prêt de rencontrer quelqu’un dans l’espace… Vivement la téléportation!
Le 17/08/2023 à 14h42
Vivement la découverte d’un trou de ver… Mais c’est pas pour demain, car ils n’existent aujourd’hui qu’en mathématiques !
Le 17/08/2023 à 14h46
Concernant la “conversation” avec les sondes Voyager, voir les récentes vidéos de eevblog :
https://odysee.com/@eevblog:7/eevblog-1547-contacting-the-voyager-2:7
https://odysee.com/@eevblog:7/eevblog-1547-(part-2)-pinging-the:d
https://odysee.com/@eevblog:7/eevblog-1547-(part-3)-tour-of-the-nasa:9
Le 17/08/2023 à 21h58
je sais plus où j’en ai entendu parler, mais y a des jeunes qui s’amusent à fabriquer un système solaire à l’échelle. ils ont choisie de faire un soleil de 6m (il me semble). jupiter fait 60cm, la terre presque 6cm… et les distances sont… grande. ils placent neptune à 20km du soleil ! Ça m’avait vraiment impressionné de voir ces distances.
edit :
J’ai retrouvé, ils ont appelé ça sol50.fr.
ils sont mineurs, et c’est déjà des grands malades.
Le 18/08/2023 à 07h14
En quoi leurs âges importeraient de quelque manière que ce soit ? Tu as oublié le proverbe « La valeur n’attend pas le nombre des années » ? J’avais d’ailleurs lu que les humains acquièrent un intellect d’adulte à partir de 8 ans (pour ce qui est de la maturité de cet intellect, on est d’accord que c’est une autre histoire), donc oui : même en-dessous de 18 ans, ils peuvent être parfaitement capables de concevoir et réaliser un tel projet.
Le 18/08/2023 à 10h27
Surtout que ça n’est guère qu’une application de la règle de trois, un collégien moyen sait faire ça, je pense, surtout avec une calculette.
Le 18/08/2023 à 10h47
Juste pour info, la “règle de trois” en tant que telle ne s’enseigne plus depuis bien longtemps. Au collège, c’est la notion de proportionnalité qui est utilisée.
Et concernant les puissances de 10, c’est Terra Incognita pour une grande partie des collègiens, d’où des difficultés dans les ordres de grandeur en sciences au lycée…
Le 18/08/2023 à 10h58
Non, l’utilisation de la calculatrice n’est pas maîtrisée, avec une confusion fréquente entre la touche puissance [ ^ ] et la touche [ x10^x ].
Le 18/08/2023 à 12h28
“Dans l’espace, c’est le vide qui règne en maître. Les sondes ne sont donc pas ralenties comme cela aurait été le cas sur Terre à cause de l’air. Sauf surprise très surprenante, elles vont ainsi continuer à avancer en gardant leur cap et leur vitesse pendant encore très très longtemps”
Tout à fait, c’est pour ça que quand je vois dans un film de science-fiction, un vaisseau spatial qui passe à l’écran avec ses moteurs allumés plein pot (et en plus qui font un bruit pas possible, argh…“Dans l’espace personne ne vous entendra crier” Alien-1979), bref c’est plié…
Aucun souvenir dans aucun film d’avoir vu un vaisseau spatial faire un 180° et allumer ses moteurs avant d’arriver à destination…
Même chose pour les rayons laser… qu’on voit toujours et qui font aussi du bruit en général …
ce qui est physiquement impossible… sauf si plasma (le son, on n’en parle même pas…)
Seulement 2 films à ma connaissance ont respecté les lois de l’optique: Dune (2021), forcément y’a tellement plein de poussière et de sable là-bas
et
James Bond - SPECTRE oû les 2 méchants du début se grillent une cigarette et soufflent une grosse bouffée de fumée… et James se fait griller… (bon après les 2 méchants se prennent tout un immeuble sur la tronche…)
Bref…
Le 18/08/2023 à 12h38
Il faut faire la part des choses, dans les films, il est rare que l’auteur veuille respecter une quelconque vérité scientifique, mais plus s’orienter vers du divertissement, surtout pour le cinéma.
Sauf à vouloir donner un effet angoissant comme dans Gravity ou il me semble que toute la scène d’explosion est dans un silence total, il y aura du son (surtout lorsqu’il s’agit de gros vaisseaux futuristes, avec de gros lasers improbables :))
Le 18/08/2023 à 19h42
Oui en effet, J. J. Abrams, réalisateur des derniers StarWars et StarTrek avait bien souligné que sans le son, ça la pétait aussi beaucoup moins grave sur grand écran…
Je remarque quand même un petit effort dans le dernier StarWars quand une des hauts gradés de la Résistance utilise le vaisseau abandonné par ses occupants en mode Kamikaze en passant en hyperespace au travers de la flotte impériale. La scène devient complètement silencieuse.
Stanley Kubrick, un perfectionniste, avait bien fait respirer son acteur principal très fort pour marquer comment la scène “je reviens sans mon casque” était oppressante.
Sinon, je rectifie: dès qu’il s’agit d’aller cambrioler une banque ou un musée, alors là d’un coup les lasers deviennent invisibles… avant qu’on balance du mascara l’Oréal à tour de bras…
Le 18/08/2023 à 13h09
il me semble que dans battlestar galactica (le reboot (?) début 2000) au moins l’aspect physique avait l’air cohérent, de mémoire lors des combats spatiaux avec les chasseurs les réacteurs s’allument et s’éteignent en accord avec les manoeuvres (et je suis pas certain, mais y’a peut-être que la musique d’ambiance, pas de son de moteur ou de “tir laser”)
faudrait vérifier dans firefly (et / ou le film serenity), mais là y’a de la triche vu que les réacteurs sont orientables
Le 18/08/2023 à 14h46
Regarde la série The Expanse, c’est pour le coup très bien niveau science de l’espace justement. Les vaisseaux se retournent pour décélérer, pas de voyage par trou de verre ou plus vite que la lumière… je sais plus si il y a du son pour les explosions dans l’espace mais bon, la série a été félicitée pour le réalisme du voyage dans l’espace.
En plus la série est vraiment top!
Le 18/08/2023 à 19h47
Le 18/08/2023 à 21h27
A signaler, un (vraiment) magnifique docu-fiction en quatre parties sur Arte, à savourer absolument (ou à repiquer) avant qu’ils le virent !
Dans ce docu ils parlent justement du problème des distances et des Voyagers, en plus d’évoquer ce fameux projet (fou, mais aussi très sérieux) de nano-satellites dont parle l’article.
Ils imaginent qu’en 2157, on construira dans l’espace et enverra un vaisseau inhabité vers une planète (peut-être habitable, en tous cas réunissant de bonnes conditions pour la vie) située dans le système Proxima.
Pour que cette fiction soit la plus réaliste possible, ils ont interrogé pas mal de vrais ingénieurs, chefs de projets et scientifiques. A ne pas rater : lorsqu’un ingénieur parle du paradoxe de la masse de l’engin, et de l’énergie qu’il faut pour propulser le bouzin !
Hypothèse : si le Big-Bang avait été moins puissant, les distances entre les objets seraient plus courtes…
Le 19/08/2023 à 08h03
Ça a un nom le fait de ne rencontrer personne pour l’instant : le paradoxe de Fermi.
Le 19/08/2023 à 11h40
Merci pour cet article, c’est toujours aussi difficile de visualiser ces échelles de grandeur.. C’est absolument pas intuitif et les comparaisons présentées aident beaucoup..
Je pense qu’il y a une coquille dans cette partie concernant le bord extérieur du nuage de Oort :
La quelle des deux valeurs est correcte ?
Merci !
Le 21/08/2023 à 13h50
C’est vrai que ce paragraphe est… assez mal tourné
De ce que je comprends, ce passage “Le bord intérieur du nuage d’Oort est, selon la NASA, « estimé entre 2 000 et 5 000 ua [unité astronomique correspondant à la distance Terre-Soleil] du Soleil.” est à rapprocher de “soit entre une dizaine et une trentaine de jours-lumière, alors que, pour rappel, les sondes sont à moins d’une journée-lumière de la Terre pour le moment.”
Tandis que ce passage “Le bord extérieur pourrait être à 10 000 ou même 100 000 ua du Soleil »” serait à rapprocher de “Quant au bord extérieur du nuage, il se trouve entre une soixantaine de jours-lumière et 1,5 année-lumière.”…
Les phrases sont coupées en deux, mais pas dans le bon ordre j’ai l’impression, c’est perturbant
Le 21/08/2023 à 21h22
Marrant : je viens de tomber justement sur un équivalent de cet article mais de 1880 (Astronomie populaire de Camille Flammarion). Il y manque Kuiper, Oort et les autres galaxies, et au lieu de Voyager l’auteur utilisait un train express (60 km/h), mais l’essentiel de l’article est très voisin ! On doit en trouver l équivalent à chaque époque.