Orange rejoint la Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique, qui a récemment répudié SFR Collectivités, dont la maison-mère menacerait les réseaux de collectivités. L'organisation se défend de tout lien entre les deux décisions.
Le secteur du très haut débit est en pleine fébrilité, en pleines négociations entre le gouvernement et les grands opérateurs sur un « new deal » autour du plan France THD. Dans ce climat, la Fédération des industriels des réseaux publics (Firip), le lobby des opérateurs qui déploient les réseaux de départements et régions, a exclu SFR Collectivités à la mi-octobre.
Sa maison-mère, SFR, est accusée de menacer les réseaux de collectivités, soit leur gagne-pain. Aujourd'hui, en ouverture du Salon des maires et des collectivités locales, Orange annonce son entrée à la Firip. L'opérateur exploite toujours ses liens forts avec les élus, avec les faveurs de l'Agence du numérique, qui pilote le plan. Désormais, il a le blanc-seing d'une fédération initialement montée pour représenter les acteurs mineurs du marché.
Pour le président de la Firip, Étienne Dugas, intégrer Orange permet d'obtenir des garanties. « Ils s'engagent assez fermement : pas de coinvestissement en zone d'initiative publique avec quiconque investirait en parallèle du réseau public. Donc pas de coinvestissement avec SFR » lance-t-il. La contrainte gêne peu Orange, qui n'a jamais suggéré de telles manœuvres. La Firip annonce aussi un fonds de filière « destiné à anticiper et à accompagner la forte montée en charge des sous-traitants dans les années à venir ».
L'opérateur historique s'engagerait enfin à fournir des offres activées (clés-en-main pour les fournisseurs d'accès) sur ses prochains réseaux publics, ce qui n'était pas toujours le cas jusqu'ici. Malgré tout, l'entreprise restera libre de pratiques qui déplaisent au lobby.
Politique et jeux de positions
Le gouvernement négocie un nouvel équilibre pour le plan France THD, avec les quatre grands opérateurs. Ces discussions ont été déclenchées par la promesse de SFR en juillet de fibrer lui-même toute la France d'ici 2025, quitte à concurrencer les réseaux d'initiative publique, montés par les départements et régions en zones rurales.
Les collectivités ont donc peur pour leurs projets, qu'elles doivent mener dans les prochaines années pour un budget de 13 milliards d'euros. Il y a quelques jours, le sénateur Patrick Chaize a déposé une proposition de loi pour protéger ces investissements (voir notre analyse), qu'Orange et SFR tentent de rogner petit à petit, en reprenant des déploiements à leur compte.
La Firip le certifie, l'entrée du mastodonte Orange n'a « pas de lien de cause à effet » avec la sortie de SFR Collectivités. Selon Étienne Dugas, les discussions auraient débuté il y a un an et demi, la demande formelle étant posée pendant l'été, avant le cataclysme initié par SFR. Une information que nous n'avons pas pu vérifier pour le moment.
« En termes d'échelle, il y a dix divisions d'écart » entre Orange et la filiale de SFR, pense la Firip. Elle se défend de tout contrôle par l'opérateur historique, qui aura (formellement) une seule voix, comme les 200 autres membres du lobby. « Il n'y a aucune dépendance financière. Demain si on les sort, ce sera totalement indolore » assure son président.
#SMCL2017 Signature d’Adhésion à @FI_RIP «Heureux de l’adhésion d’#Orange à la Fédé. des Industriels des RIP, nous confirmons notre intention de continuer à augmenter notre empreinte de co-investissement en zone RIP au delà des prises FTTH RIP déjà cofinancées» 💬 @LouettePierre pic.twitter.com/7nBrK88Vuq
— Cyril Luneau (@cyrilluneau) 21 novembre 2017
Orange drague les départements, SFR cible aussi l'échelon inférieur
Il reste pourtant des sujets qui fâchent. Depuis début 2017, Orange démarche activement les départements pour prendre à sa charge des travaux prévus sur des réseaux publics. La démarche a fonctionné dans le territoire de Belfort et dans les Hautes-Pyrénées (90 % des lignes prévues), quand deux autres départements ont refusé.
Les négociations sont chapeautées par l'Agence du numérique, ravie de voir l'opérateur historique accepter les défaites sans menacer de poser sa fibre en parallèle des réseaux publics.
En face, SFR démarche nombre de communautés de communes (voir notre actualité sur l'Alsace), en contournant certains réseaux publics, au risque de déployer en parallèle. Au Salon des maires, l'entreprise a signé quatre nouveaux accords avec des villes (Cognac et Wittelsheim) et départements (Rhône et Seine-Maritime). Trois de ces projets seront menés sur les fonds de SFR.
En Seine-Maritime, SFR obtient la délégation de service public initiée par le département, qui vise « à raccorder progressivement 230 000 foyers de la Seine-Maritime à un horizon d'environ 15 ans »... Soit 2032. Quand le gouvernement promet maintenant 100 % de fibre en 2025.
Orange reste maître en ses terres
Les accords de « reprise » passés par Orange viennent de démarchages du groupe vers les collectivités, sans mise en concurrence. De quoi agacer la Firip.
« Les collectivités sont maitres chez elles. Pour autant que ça se fasse selon des règles de saine concurrence, pas d'arrangements entre amis. Il faudrait qu'une collectivité qui décide de lancer un appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII) le fasse et que tout le monde puisse concourir », petits opérateurs compris, pense le président de la fédération.
Récemment, il se plaignait de ces incursions d'Orange et SFR dans les zones rurales des réseaux publics, alors que les membres de la Firip s'étaient engagés à ne pas s'étendre dans les zones de coinvestissement privé (les agglomérations moyennes). Aucun changement en vue sur ce plan, l'une des frustrations du lobby.
Orange pourra donc toujours courtiser individuellement chaque département, au détriment d'autres membres de la Firip. « Les faire entrer permet de dialoguer avec eux collectivement » se rassure tout de même Étienne Dugas.
Cette intégration est accueillie froidement par l'AOTA, une association de petits opérateurs, qui s'estiment peu représentés par la Firip. « Nous notons simplement que les intérêts des opérateurs alternatifs clients des RIP sont suffisamment importants pour justifier une structure qui leur est dédiée et qui permet d'exprimer des points de vue face à l'opérateur dominant jusqu'ici peu connu pour apprécier les RIP qu'il n'opère pas » nous répond Nicolas Guillaume, son secrétaire général.
Commentaires (9)
#1
Ça fait quand même un peu loup qui rentre dans la bergerie…
#2
Quel panier de crabes !
#3
j’imagine que la Firip ne peut pas se passer d’un des 2 réseaux nationaux omnipotents de l’Hexagone (en tout cas s’agit-il d’un avantage certain pour leurs activités de construction de RIP).
Orange ou SFR, qu’importe le flacon réseau pourvu qu’on ait l’ivresse les tuyaux.
#4
Disons qu’avant que SFR ne se mette à faire des annonces tonitruantes, c’était Orange la bête noire qui venait susurrer à l’oreille des collectivités pour les dissuader de monter des RIP, donc le discours du président de la FIRIP fait sourire.
#5
On devrait retrouver tous les articles dans lequels ces gens de la Firip tapent sur Orange !
C’est les concurrents d’Orange qui doivent être verts de cette annonce " />
Il y a un smiley qui représente bien cette annonce : " />
Au fait on connait les boites sous traitantes sur le RIP Orange en Mayenne ? …
#6
comme quoi. : “ce” qui n’est pas bon “un jour”peut le devenir le lendemain !!! " />
“Monde de m" />
#7
J’avoue être un peu étonné aussi…. d’autant qu’en pratique, sur le terrain, le comportement d’orange n’a rigoureusement pas changé : Mettre en avant le PRM, et imposer leurs propres contraintes de déploiement “nivellement par le bas” même sur des RIP sur lesquels ils n’ont pas promis de venir….
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#9