Devant la CJUE, les obligations de Facebook face au filtrage des discours haineux
Je t'haine moi non plus
Le 16 août 2018 à 16h15
4 min
Droit
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Peut-on engager la responsabilité de Facebook en cas de publication de messages haineux similaires à de précédents messages illicites ? C’est à cette question épineuse que la Cour de justice est invitée à répondre dans un dossier qui oppose le réseau social à une femme politique autrichienne.
Dans cette affaire, un internaute caché sous le pseudonyme « Michaela Jašková » avait posté en avril 2016 un message injurieux à l’encontre d’Eva Glawischnig-Piesczek, une femme politique autrichienne affiliée aux Verts. Il l’accusait d’être une malhonnête, une « clocharde corrompue » issue d’un « parti fasciste », dézinguant ses positions au regard de la politique migratoire.
Après avoir tardé à réagir, Facebook a bien voulu retirer cette prose en décembre 2016, en la rendant inaccessible uniquement sur le territoire autrichien, pas au-delà. Cette décision a été prise après publication d’une ordonnance à son encontre.
Cependant, Eva Glawischnig-Piesczek a également attaqué le réseau social pour cibler les messages reprenant des contenus analogues ou similaires à la publication litigieuse. C’est sur ce point que le bras de fer avec le réseau social est le plus rude.
Et pour cause, une mesure de suppression trop chirurgicale facilite le contournement des décisions de justice par des modifications mineures apportées au texte litigieux. Inversement, une mesure trop vaste met en marche un filtrage généralisé des contenus, avec un risque inévitable de faux positifs. Comment résoudre cette équation ?
La directive de 2000 et la responsabilité des hébergeurs
Après des décisions de première instance laissant entrevoir cette possibilité au regard du droit interne, la Cour suprême autrichienne est revenue aux fondamentaux, à savoir les dispositions de la directive de 2000 sur la société de l’information.
C’est ce texte qui encadre la responsabilité des intermédiaires techniques. Le principe est connu : face à un contenu dont l’illicéité est frappante, l’intermédiaire technique devient directement responsable s’il ne prend pas les mesures qui s’imposent dès l’instant où il en a eu connaissance. Après le chaud, l’article 15 souffle le froid puisqu’il interdit toute obligation générale de surveillance.
Ainsi, « les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires (…) une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».
Cependant, le considérant 48 de la même directive ouvre une brèche puisqu'il permet aux États membres d'exiger des hébergeurs d’agir « avec les précautions que l'on peut raisonnablement attendre d'eux et qui sont définies dans la législation nationale, et ce afin de détecter et d'empêcher certains types d'activités illicites ».
Les précisions jurisprudentielles
Ces dispositions ont déjà fait couler beaucoup d’encre à la Cour de justice de l’Union européenne, en particulier dans le secteur de la propriété intellectuelle.
Invités à définir le spectre de l’article 15, les juges ont posé dans deux arrêts dits Sabam que le droit européen s’oppose à tout système de filtrage :
- des informations stockées sur les serveurs d’un hébergeur par les utilisateurs,
- qui s’applique indistinctement à l’égard de l’ensemble d’entre eux,
- à titre préventif,
- aux frais exclusifs de cet intermédiaire,
- sans limitation dans le temps.
A contrario, cela signifie qu’est compatible un mécanisme ne cumulant pas ces cinq critères.
En 2011, dans l’affaire L’Oréal vs eBay, la Cour a ajouté qu’un exploitant de place de marché ne peut pas toujours se prévaloir du régime de l’hébergeur. C’est le cas d’une part lorsqu’il a eu connaissance de faits face auxquels un opérateur diligent aurait dû constater l'illicéité des offres à la vente, et d’autre part n'a pas agi promptement pour rendre l'accès impossible à ces offres.
Ces décisions rendues dans le secteur de la propriété intellectuelle n’apportent pas de réponses solides face aux discours haineux. La justice autrichienne a ainsi profité de l’occasion pour adresser une série de questions préjudicielles à la Cour européenne.
Un filtrage étendu aux contenus similaires ?
Elle veut savoir en substance si l’article 15 s’oppose à ce que l’hébergeur soit astreint à retirer non seulement des contenus illicites, mais également des informations identiques voire des informations simplement équivalentes trouvées dans l’État membre concerné voire au niveau mondial.
Les solutions attendues dans quelques mois seront d’un apport important pour la lutte contre les contenus haineux, sans faire l’impasse avec la nécessaire liberté d’expression et d’information.
Devant la CJUE, les obligations de Facebook face au filtrage des discours haineux
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La directive de 2000 et la responsabilité des hébergeurs
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Les précisions jurisprudentielles
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Un filtrage étendu aux contenus similaires ?
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 17/08/2018 à 06h30
Le 17/08/2018 à 06h38
Le 17/08/2018 à 07h16
Le 17/08/2018 à 07h31
Le 17/08/2018 à 07h35
Le 17/08/2018 à 07h46
Le 17/08/2018 à 08h08
Le 17/08/2018 à 08h16
Reste la question subsidiaire : a-t-on vu le moindre bout de condamnation ou même de mise en examen pour le mystérieux (ou la mystérieuse ?) « Michaela Jašková » ? Car c’est bien beau de taper sur les messages, mais si rien n’est fait contre les auteurs, ça rappelle le mythe de Sisyphe…
Le 17/08/2018 à 09h20
@palactu @darkbeast
Les maires de l’AMF riaient aussi l’an dernier quand le président de l’UPR leur a expliqué que la baisse des dotations de l’état aux communes, et le regroupement de ces dernières, était la conséquence directe des GOPÉ.
Un an après, entre les démissions de maires qui se succèdent, et ceux qui se plaignent, on ne peut pas dire qu’ils n’avaient pas été prévenus.
Riez seulement : les attaques sur les réseaux sociaux visent bel et bien à tuer le dernier espace d’expression qu’est l’internet, et surtout à faire taire les partis anti-UE qui se développent précisément sur ces réseaux, parce qu’on les censure sur les grands médias. Et l’absence totale d’Asselineau dans nos médias de prouver à quel point le système totalitaire européen nous tient déjà en laisse.
Pendant ce temps là, la destruction de la secu à commencer, avec l’enfoiré de banquier qui est en train de forcer la main aux entreprises pour qu’elles paient la santé de ses employés à la place de l’état. Vous voulez d’un système à l’américaine où les gens sans argent crèvent dans la rue ? Continuez seulement à rire stupidement et à voter les clowns qu’on vous présente ! Mais ne venez surtout pas vous plaindre demain que vous ne saviez pas.
Le 17/08/2018 à 09h45
Le 17/08/2018 à 10h10
Le 17/08/2018 à 12h23
Ce n’est pas qu’en France malheureusement.
Faudrait qu’on applique les mêmes traitement aux extremistes de gauche.
Si une personne dit n’importe quoi en public, il faut qu’elle accepte les conséquences.
Tout ça n’est bon qu’à exacerber les frustrations des extrêmes (gauche et droite confondues)
Le 17/08/2018 à 13h38
Le 17/08/2018 à 13h41
Le 17/08/2018 à 13h42
Le 17/08/2018 à 13h48
Apparemment c’est compliqué et plus ou moins contradictoire :http://www.liberation.fr/societe/2014/08/29/l-appel-au-boycott-est-il-illegal_10…
Le 17/08/2018 à 14h06
Un peu plus de lecture…
http://europa.eu/rapid/press-release_IP-96-732_en.htm
et
http://osonscauser.com/boycott-interdit-en-france-ce-scandale-explique-en-5-minu…
Le 17/08/2018 à 14h37
Le 17/08/2018 à 14h47
“sans faire l’impasse avec la nécessaire liberté d’expression et d’information.”
Oui parce que le risque est malgré tout important.
Si je ne comprends pas les arbitrages de FB qui laissent sans mal un propos haineux, raciste, sexiste etc… malgré le signalement (ce qui devrait conduire à sa condamnation), je suis très perplexe sur l’idée de filtrage par avance, lequel conduira inévitablement à censurer des textes qui ne sont en rien problématiques.
Le 20/08/2018 à 12h43
C’est dommage de transformer un argumentaire qui peut être intéressant en propagande pour une personne politique. M’enfin …
Le 16/08/2018 à 20h30
Pour ceux qui n’auraient pas encore compris pourquoi la dictature européiste, qui s’est assise sur le référendum français de 2005, attaque les réseaux sociaux à coup de hache, demandez-vous pourquoi François Asselineau, le candidat du Frexit de la présidentielle de 2017, n’est plus apparu ni à la télé, ni dans les radios d’état, ni dans aucun titre papier aux mains de la mafia de milliardaires et du CSA, et ce depuis la fin du 1er tour.
Car pour ceux et celles qui l’ignoreraient, il faut savoir que l’UPR et ses 31000 adhérents continue de se développer essentiellement grâce à facebook, vu que la “pluralité politique” est réservée aux seuls copains de l’oligarchie. Pas la peine d’être un génie pour comprendre ce qui se passe : nous assistons à la mort en direct de la démocratie numérique sur internet, après la mort de la démocratie réelle via la loi Urvoas qui a truqué l’élection de 2017, en changeant le temps de parole des candidats ayant obtenus leur 500 signatures.
Comprenez que la chasse aux sorcières contre soit-disant fake news ou les discours haineux (dont tout le monde se tape : personne ne vous oblige à lire une prose qui ne vous plaît pas) sont de la poudre aux yeux. La stasi européiste veille à ce que les moutons ne voient surtout pas les vraies informations passer : il ne faut surtout pas que les lieutenants de l’UPR et son président puissent accéder aux grands médias pour s’exprimer et expliquer aux français ce qui se passe réellement derrière les articles à la con de journalistes complices.
Le 16/08/2018 à 21h36
Quand on rentre dans l’engrenage de lutte contre les propos “haineux”, on contrevient à la liberté d’expression.
Mais bon, la France, contrairement à des Etats plus respectueux de cette notion fondamentale, est loin d’être un exemple à ce sujet.
Le 17/08/2018 à 05h26