Renseignement téléphonique : Google doit clarifier d’urgence ses règles publicitaires
Non mais allô !
Le 31 janvier 2019 à 16h55
6 min
Droit
Droit
Une entreprise toulousaine a obtenu de l’Autorité de la concurrence une décision conservatoire. Elle contraint Google à adopter des règles plus intelligibles et transparentes encadrant les publicités en ligne au profit des services de renseignements en ligne.
En mai 2018, Amadeus a saisi l’Autorité de la concurrence, doigt pointé sur Google Ireland Limited et Google LLC. L’entreprise, installée à Toulouse, exploite un service de renseignement téléphonique, à tarification majorée.
Épaulé par une ribambelle de petits sites, il est mis en avant sur Google, via des campagnes Ads qui engloutissent 70 % du chiffre d’affaires de la structure. Elle avait par exemple réalisé 12 476 548 euros de C.A. en 2017, pour un bénéfice de 1 385 234 euros, avec plus de 9 millions d’euros de dépenses publicitaires.
Seul hic, après avoir travaillé de près avec cette entreprise, Google a suspendu plusieurs comptes Google Ads d’Amadeus « en raison de déclarations trompeuses » ou parce qu’ils présenteraient « des cas graves ou récurrents de non-respect de nos règles en matière de publicité ».
L’instruction de l’Autorité de la Concurrence a révélé que Google a été alerté par les pouvoirs publics en 2017 de certaines pratiques publicitaires contraires aux règles de son service en ligne. En mars 2018, les comptes sont finalement réactivés, mais non les annonces au motif qu’elles reposent sur une « vente d’articles gratuits ».
Des comptes suspendus pour ventes d'articles gratuits ou de contournement
Dans une lettre adressée à l’entreprise, Google a été plus bavarde. Amadeus se voit accusée d’avoir publié des annonces « à destination de sites et d’urls dont l’intitulé ne correspond en rien au contenu proposé sur les pages de destination ».
Avec une telle pratique, relate l’Autorité, « l’utilisateur qui clique sur l’annonce est redirigé vers un site qui ne fournit pas l’information à laquelle il peut s’attendre à la lecture du texte de l’annonce, mais qui le conduit à appeler le 118 001 ».
Le service de renseignements téléphoniques payants d’Amadeus est facturé 2,99 euros par connexion et 2,99 euros par minute, « y compris pendant toute la durée de l’appel en cas de mise en relation avec le numéro recherché ».
À l’été 2018, les comptes sont à nouveau suspendus cette fois pour « contournement des systèmes ». Amadeus est accusée en substance d’avoir créé de nouveaux sites, accompagnés de nouvelles campagnes pour échapper aux verrous imposés par Google.
Google, en position prépondérante sur le marché publicitaire
Dans sa décision, rendue sous urgence, l’Autorité de la concurrence a considéré sans grande difficulté que Google était bel et bien en position prépondérante sur le marché français de la publicité en ligne.
Même analyse sur le marché de la recherche où le géant se taille 90 % des parts de marché. Avec la puissance de cette structure, et l’absence de contrepouvoir dans les mains des annonceurs, elle considère que Google est « susceptible de détenir une position dominante » sur le marché publicitaire français.
Pour autant, les pratiques reprochées à Google étaient-elles légitimes ? En l’état des débats, l’Adlc a considéré que oui. « Les pratiques de Google vis-à-vis d'Amadeus sont susceptibles de caractériser une rupture brutale des relations commerciales dans des conditions qui ne sont ni objectives, ni transparentes ».
Elle cite plusieurs exemples. Lorsque Google a suspendu les comptes, il n’a procédé à aucun avertissement préalable et ses courriers n’étaient pas explicites sur les causes exactes. De plus, ayant travaillé de concert avec Amadeus, Google ne pouvait pas « légitimement soutenir qu’elle aurait découvert « en janvier 2018 » que certains comptes d’Amadeus étaient utilisés pour mettre en œuvre des pratiques qu’elle estime contraires aux Règles Google Ads. »
Autre chose. Les décisions prises par Google sont potentiellement discriminatoires, au motif que des services concurrents « ont effectivement été en mesure de diffuser des annonces via Google Ads alors même qu’Amadeus était privée de cette possibilité », pour des annonces identiques.
Une série d'injonctions, à titre conservatoire
Dans sa décision conservatoire, rendue en attente d’un examen au fond, l’Autorité a pris en compte la situation actuelle et critique d’Amadeus. Ainsi, « le volume d’appels vers le 118 001 a diminué de plus de 90 %, passant de 1 201 495 appels entre janvier et août 2017 à 115 934 appels sur la même période en 2018 (cotes 3368 et 3370) ».
Son chiffre d’affaires a de même diminué de 8 381 500 euros entre janvier et août 2017 à 820 109 euros sur la même période en 2018. Un « effondrement », constate l’autorité qui a décidé d’enjoindre Google a plusieurs mesures conservatoires :
- Faire la lumière sur les Règles Google Ads applicables aux services payants de renseignements par voie électronique « en définissant en termes clairs les notions générales de « déclarations trompeuses », de « comportements non fiables ou promotions indignes de confiance » de « pratiques commerciales inacceptables » ».
- Prévoir un système d’avertissement, lorsqu’une procédure peut conduire à une suspension, sauf hypothèse de risque pour la sécurité des personnes ou des biens ou d’atteinte grave à l’ordre public.
- Mettre en place une formation à destination des personnels chargés de l’accompagnement personnalisé des entreprises actives dans le secteur des services payants de renseignements par voie électronique.
- Lancer « une revue manuelle de la conformité des campagnes proposées par les comptes non suspendus d’Amadeus aux Règles ainsi clarifiées », et d’autoriser Amadeus à faire des campagnes si ses annonces sont conformes.
- Adresser enfin à l’Autorité un rapport d’exécution.
La décision ne concerne que cette entité, dans le secteur concerné, mais elle peut apporter des arguments pour des tierces personnes. L’Open Internet Project (OIP), cofondé par Éric Léandri, le numéro un de Qwant, applaudit en tout cas cette mesure.
Dans un communiqué, l’organisation « encourage la Commission Européenne à utiliser le même instrument juridique pour lutter contre les abus de position dominante des GAFA, seul moyen effectif pour interrompre sans délais une pratique anticoncurrentielle ».
Dans son esprit, les mesures décidées devraient apporter à titre temporaire « une réponse aux situations d’urgence dans lesquelles se trouvent placés des concurrents subissant des abus de position dominante ». Un abus qui n’a pas été constaté pour l’heure et dans le cas présent par l’Autorité de la concurrence.
Renseignement téléphonique : Google doit clarifier d’urgence ses règles publicitaires
-
Des comptes suspendus pour ventes d'articles gratuits ou de contournement
-
Google, en position prépondérante sur le marché publicitaire
-
Une série d'injonctions, à titre conservatoire
Commentaires (16)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 31/01/2019 à 17h13
La question de fond est très intéressante, et l’opacité voire l’arbitraire (faute d’arriver à l’attraire devant une Juridiction) de Google sur ses motifs de rupture ont été souvent évoqués.
Par contre je suis pas certain d’aimer plus les pratiques de Google que l’activité intrinsèque de “service de renseignement téléphonique, à tarification majorée” " />
Le 31/01/2019 à 17h19
+1.
3€ par appel, et 3€ par minute PENDANT L’APPEL, c’est du gros abus je trouve.
Le 31/01/2019 à 17h27
Pareil que les précédents. J’aimerais assez que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) se penche sur les pratiques inventives de cette société.
En recherchant (sur google " />) “Amadeus 118 001”, je trouve beaucoup d’endroits où l’on parle d’arnaque.
Ils ont l’air d’utiliser la mise en relation de façon très fructueuse. À la limite, le coût du service de renseignement, peut correspondre à au fait qu’il y a un humain qui traite la demande.
Le 31/01/2019 à 17h48
Comment peut on bâtir un busines modèle sur le web en donnant 70% de son CA à une seule entreprise pour acquérir ses leads. C’est du suicide.
Le 31/01/2019 à 18h58
Avec «un bénéfice de 1 385 234 euros» les prétendants à ce genre de suicide doivent être nombreux " />
Le 31/01/2019 à 19h19
Le 31/01/2019 à 19h38
C’est un classique des services de renseignement téléphoniques de proposer la mise en relation sans en indiquer le coût ni dire que c’est payé à la durée.
Donc, oui, je pense qu’il le font, surtout quand je vois de nombreux messages de personnes se plaignant d’avoir payé 20 à 30 euros pour un appel. Ils ne s’attendaient pas à cette tarification et cela n’est possible que par une mise en relation.
La description de leur utilisation détournée du service de google, me fait penser qu’ils attirent des gens par tous les moyens pour appeler leur service et faire payer les gens surtout pour la mise en relation. C’est proche des pratiques trompeuses et c’est pour cela que je pense que la DGCCRF devrait se pencher sur leurs pratiques. C’est ce service qui pourra qualifier plus sûrement que moi leurs pratiques. Moi, je n’ai qu’une intuition à partir de quelques éléments.
Le 31/01/2019 à 20h09
J’étais allé les voir sur un stand, ils m’avaient tellement semblé louches que j’ai même pas daigné les chercher sur internet.
Ils se voient un peu comme les nouveaux Criteo.
J’espère aussi que la DGCCRF va aller les voir mais j’ai peu d’espoir.
Le 01/02/2019 à 08h18
C’est très simple, ce sont des arnaqueurs qui ont besoin d’apparaître partout pour attraper de nouveaux pigeons. Vu leur business model, peu de chance que tu réutilise leur service une fois ratissé.
Le 01/02/2019 à 08h34
Le 01/02/2019 à 09h06
« assigner » est pour le quidam.
« attraire » fait partie du jargon juridique : par ex. https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/40906-attraire-en-justice-definit…
Le 01/02/2019 à 09h50
Le 01/02/2019 à 09h56
Le 01/02/2019 à 09h58
Le 01/02/2019 à 09h59
Le 01/02/2019 à 10h01
Oui, effectivement, dans leur cas…