La protection des mineurs sur les réseaux sociaux est une des priorités du DSA, le règlement européen sur les services numériques. La Commission européenne questionne à ce sujet TikTok (pour la seconde fois) et YouTube. Alors que les applications Meta et TikTok intègrent le numéro gratuit 3018, une autre application à fait couler beaucoup d’encre, car elle visait les 10 à 21 ans : « Crush, trouve ton crush secret ».
Menaces et demandes d’explications, en trois actes
Il y a un mois quasiment jour pour jour, Thierry Breton menaçait à tour de rôle Twitter, Meta, TikTok et YouTube de sanctions, dans le cadre du DSA. Ce n’était que le premier acte d’une pièce qui est très loin d’être terminée.
Le 19 octobre, la Commission européenne adressait à TikTok une demande officielle d’information dans le cadre du DSA. Le réseau social devait fournir des détails sur les mesures mises en place « pour se conformer aux obligations liées à l’évaluation des risques et aux mesures d’atténuation contre la diffusion de contenus illégaux, en particulier la diffusion de contenus terroristes et violents et de discours de haine, ainsi que la diffusion présumée de désinformation ». TikTok avait jusqu’au 25 octobre pour répondre.
D’autres questions portaient sur les « dispositions relatives à la protection des mineurs en ligne », avec un délai de réponse un peu plus long, porté au 8 novembre au plus tard. En fonction des réponses, la Commission se réservait le droit d’ouvrir une procédure formelle.
« En cas de violation du DSA, l’amende qui sera infligée à la plateforme ne pourra excéder 6 % de son chiffre d’affaires mondial annuel au cours de l’exercice précédent. De plus, en cas de manquements graves et répétés par une plateforme, une restriction temporaire de l'accès au service peut être appliquée », rappelle le Service Public.
La Commission n’a pas fait de commentaire officiel sur les réponses obtenues. TikTok a de son côté mis en ligne son premier rapport de transparence. En début de semaine, Thierry Breton s’est fendu d’une déclaration, après un échange en visio avec le patron de TikTok (Shou Zi Chew), comme le rapporte l’AFP :
« Nous avons constaté des changements sur la plateforme TikTok au cours des derniers mois, avec la mise en place de nouvelles fonctionnalités visant à protéger les utilisateurs et des investissements dans la modération de contenus et la sécurité. »
Des demandes à TikTok et YouTube sur la protection des mineurs
Des questions subsistent néanmoins et la Commission remet une pièce dans la machine. En effet, elle vient d’annoncer l’envoi d’une nouvelle demande officielle d’informations à TikTok, ainsi qu’à YouTube cette fois-ci. Les points abordés sont les mêmes dans les deux cas.
Les demandes concernent uniquement la protection des mineurs, notamment sur « les obligations liées à l’évaluation des risques et aux mesures d’atténuation visant à protéger les mineurs en ligne, en particulier en ce qui concerne les risques pour la santé mentale et la santé physique, ainsi que sur l’utilisation de leurs services par des mineurs ». Les deux plateformes ont désormais jusqu’au 30 novembre pour y répondre, avec les mêmes risques encourus.
3018 dans les applications Meta et TikTok, Snapchat en embuscade
RTL rapporte que, cette semaine, Messenger, Instagram et TikTok ont mis en avant le 3018 dans le parcours de signalement d’un contenu pour haine ou harcèlement. C’est un numéro gratuit et anonyme de l'association e-Enfance, disponible tous les jours de 9 h à 23 h.
TikTok à ouvert le bal mardi : « Désormais, le numéro 3018 sera affiché dès le signalement effectué depuis l’application TikTok, dans la catégorie "haine et harcèlement". Il permettra d'accéder très facilement à une aide, des conseils, une écoute ».
Meta lui a emboité le pas hier, avec un bouton d’appel accessible depuis Instagram et Messenger : « Désormais, lorsqu’une personne effectue un signalement pour cause de harcèlement, une fenêtre s’affiche automatiquement pour lui proposer par un simple bouton disponible sur l’application d’être mis en relation téléphonique avec les professionnels du 3018 ».
Pour Justine Atlan, présidente de l'association e-Enfance, c’est une bonne chose, même si elle arrive bien tard, comme elle l’explique auprès de RTL : « On demande depuis plusieurs années qu'un "safe button" soit proposé spécifiquement aux comptes qui se déclarent de moins de 18 ans afin qu'ils puissent contacter directement le 3018 et leurs homologues européens dans les autres pays. C'est un progrès pour la protection des mineurs sur les réseaux sociaux. Cela permet aux adolescents d'avoir directement un contact avec nous sans avoir à sortir de l'endroit où ils ont un problème ».
Toujours selon nos confrères, des discussions sont en cours avec Snapchat pour faire de même, ainsi qu’avec les opérateurs français pour « que le 3018 soit directement ajouté aux répertoires des téléphones des jeunes ».
Application WTF en cinq mots : « Crush, trouve ton crush secret »
Cette semaine également, l’influenceuse Ophenya (4,8 millions d’abonnés sur TikTok) a beaucoup fait parler d’elle pour avoir fait la promotion, sans le mentionner dans un premier temps, de l’application « Crush, trouve ton crush secret ». Premier point problématique : cette application est ouverte aux jeunes… de 10 à 21 ans !
« Cette collaboration a suscité un tollé auprès de nombreux internautes, qui ont appelé à signaler l’application, perçue comme une porte ouverte aux pédocriminels. Des réactions qui ont conduit au retrait, ce mardi, des vidéos par Ophenya », explique Le Figaro.
Sur X/Twitter, Julien Queffelec analyse l’application, qui pose de nombreux problèmes : aucune vérification sur l’age (on le sélectionne et c’est tout), « l'app demande l'accès à la géoloc et aux contacts pour localiser les collèges et lycée aux alentours » et on peut alors voir la liste des membres déjà inscrits.
Ensuite, « Il faut après remplir des sondages randoms et on a une question sur qui on admire en secret. Cela doit faire le match entre 2 personnes », qui peuvent donc avoir entre 10 et 21 ans. Vous en voulez encore ? « Pour savoir qui nous a like, on se mange un paywall où des gosses de 12 ans doivent payer un abonnement. Oui oui un abonnement [de 3,99 €, par semaine, ndlr]. On sait très bien qu'ils vont utiliser la CB des parents et ils vont oublier les prélèvements ».
L’application change de nom, deux fois
Selon Le Figaro, l’application a été retirée « du magasin d'applications de Google », et a fait l’objet d’une « saisine de la justice par le ministre délégué au numérique, Jean-Noël Barrot ». Son créateur, Marc Allain, se justifie au Parisien en affirmant qu’il « n’y a sur l’application aucune fonctionnalité qui puisse mener à des dérives puisque les utilisateurs ne peuvent pas se parler directement ».
Samuel Comblez, directeur des opérations chez e-Enfance, fait part de son inquiétude auprès de nos confrères : « À dix ans, on parle d’enfants qui sont en CM2, pas d’adolescents. Ils ont plein de choses à apprendre avant de flirter ou d’être en relation. Ce genre d’application met dans la tête des enfants que la sexualité doit faire partie de leurs préoccupations ».
L’application est ensuite revenue sous le nom « Crush, sondages entre amis » avec un minimum de 13 ans et un nouveau logo. Elle a de nouveau changé de logo et de nom récemment, pour devenir « Friendzy, sondages entre amis », aussi bien chez Apple que Google.
Ophenya se défend
Dans une communication récente, l’avocate d’Ophenya affirme qu’elle n’a « reçu aucune contrepartie financière » pour ses vidéos. Elle ajoute « avoir été jetée en pâture sans la moindre réserve sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes et chaines de télévision l’accusent de faire la promotion de la pédophilie "en incitant les jeunes à s’inscrire sur une application de rencontre dédiée aux 10 - 21 ans" ». Son avocate explique qu’elle est depuis « la cible d’une campagne de cyberharcèlement et de diffamation alarmante » et ajoute qu’elle trainera « systématiquement » en justice les auteurs de ces faits contre elle.
Elle rappelle l’« engagement notoire » d’Ophenya « contre le harcèlement à l’école », et au sujet duquel elle avait créé un signe permettant aux victimes de se déclarer discrètement, repris depuis par Gabriel Attal et Brigitte Macron, et dont la vidéo a été vue près de 2 millions de fois sur TikTok.
Elle se justifie en expliquant que l’application lui a été présentée par son créateur comme « un outil de lutte contre l’exclusion scolaire inspiré de la plateforme américaine "GAS" ». Son avocate ajoute enfin que, avec ses vidéos, elle a voulu mettre en avant « le caractère bienveillant qui lui avait été vanté » par le créateur.
Cette semaine, l’influenceuse, avec d’autres, était invitée à un échange avec Gabriel Attal contre le harcèlement à l’école.
Commentaires (14)
#1
Donc, savoir qui à le béguin de toi, c’est lutter contre l’exclusion scolaire ?
J’ai loupé un épisode ?
Et il faut payer pour savoir qui (jusqu’à 5 euros pour le contenu premium ?
Après je connais pas spécialement l’AppStore mais c’est normal de voir ça ?
#2
C’est l’histoire d’une influenceuse qui c’est faite influencer
#3
Mais sans déconner.
T’as 23 ans et tu fais la promotion d’une appli de rencontre dédiée aux 10 - 21 ans ?
Et tu ne vois pas le problème ?
“jetée en pâture sur les réseaux sociaux” c’est pas cher payé je trouve…
#4
Ce monde est juste fou… Entre des influenceurs qui ont le QI d’un rouleau de Sopalin, et des créateurs d’appli qui feraient rougir Lucifer en personne, on n’est pas dans la merde…
#4.1
Tu as oublié les avocats qui disent qu’il n’y a pas de contrepartie financière alors qu’on a la copie d’écran d’une vidéo qui marque : partenariat commercial.
#4.2
Le QI d’un rouleau de Sopalin !
#4.3
Je trouve que c’est insultant pour le rouleau de Sopalin…
#4.4
Le Sopalin a une utilité prouvée depuis 1946.
Les influenceurs… Bref, je m’arrête là
#5
Qui a le pire QI: les influenceurs qui profitent de leur notoriété à des fins financières, ou ceux qui les suivent et en ont fait des influenceurs ?
#6
C’est à NOUS, les adultes, de tout faire pour les protéger de toutes sortes de prédateurs (et j’inclue les influenceurs dans les prédateurs… mais commerciaux cette fois : avides de reconnaissance, de sponsoring, de pub et de pognon) et de dangers.
#7
Une rapide remarque
“Dans une communication récente, l’avocate Ophenya affirme” fait penser que Ophenya serait avocate
La profession a déjà suffisamment de problèmes, si vous pouviez corriger en disant qu’il s’agit de l’avocate d’Ophenya 😅
#7.1
Je leur ai déjà signalé cette erreur via le bouton dédié (pas de retour, ce qui est rare de leur part).
#7.2
J’ai le souvenir de l’avoir déjà corrigée, mais visiblement non… Je refais, merci !
#8
“Influenceurs” en soi ne veut strictement rien dire. On y a place aussi bien des imbéciles au QI inférieur à celui d’une huître desséchée, que des passonnés du jeu vidéo comme Benzaie ou Joueur du grenier, ou des adorateurs de l’Histoire ou de la Culture comme Nota Bene, e-Penser ou Manon Bril…