Chez Iliad, les clients comme les actions, ça s’en va et ça revient
Xavier Niel, gardien des clés
Le 12 novembre 2019 à 14h22
10 min
Économie
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Au troisième trimestre, Free a gagné des abonnés sur le fixe, mais en perd toujours sur le mobile. Le groupe affiche une croissance annuelle de 8,1 %, poussée par le mobile et l'Italie. Afin de redorer son blason en bourse, Iliad va lancer une offre publique de rachat d'actions, financée par une augmentation de capital « garantie » par Xavier Niel.
Iliad (maison mère de Free) vient de dévoiler son bilan pour le troisième trimestre de l'année. La société met en avant « une accélération de la croissance en France » et affirme que « ces résultats illustrent les efforts entrepris par le Groupe depuis un an et la réussite du plan de transformation initié au cours de l’été 2018 », notamment avec l'arrêt des promotions très (trop) agressives, qui étaient descendues à moins d'un euro sur le mobile et de cinq euros sur le fixe.
Au-delà des grandes lignes du bilan comptable, il est intéressant d'analyser de près les chiffres du fixe et du mobile, qui cachent aussi bien des points communs que des différences.
Dans le même temps, le groupe annonce la mise en place d'une vaste opération visant à brasser près de 20 % de ses actions. Iliad va en effet en racheter 11 666 666 à 120 euros (pour un total de 1,4 milliard d'euros), dont le financement sera assuré par une levée de fonds « sécurisée » par Xavier Niel. Ce dernier pourra grimper jusqu'à plus de 71 % de participation suivant le déroulement des événements.
Jaguar Network sauve les meubles sur le fixe
Après plusieurs trimestres de baisse, l'opérateur renoue avec une petite croissance sur le fixe avec 1,1 % de hausse sur un an (661 millions d'euros)... sauvé par le rachat de Jaguar Network. Pour rappel, Iliad a récupéré 75 % de cet opérateur pour les professionnels au début de l'année. En effet, sans tenir compte des 11 millions d'euros de revenus de Jaguar Network sur le troisième trimestre, la croissance aurait été en baisse de 0,6 % pour un chiffre d'affaires sur le fixe de 650 millions d'euros (654 millions l'année dernière).
Sur le mobile par contre, les revenus grimpent de 6,3 % sur un an, avec 524 millions d'euros, poussés par les services facturés aux abonnés en hausse de 9,9 % à 423 millions d'euros.
Les 101 millions restants sont classés dans la catégorie « Autres » et sont en baisse de 5,6 % sur un an. Ils sont « principalement composés des revenus d’interconnexions entre opérateurs sur les services de voix et de SMS ». « Peu contributeur en termes de marge », cette activité est « négativement impactée par la baisse du nombre de SMS au profit de la hausse des usages Internet mobiles ».
Quoi qu'il en soit, le chiffre d'affaires total consolidé au troisième trimestre est de 1,336 milliard d'euros (+ 8,1 %), dont 1,229 milliard en France (+ 3,3 %) ; sans le rachat de Jaguar Network, cette dernière hausse n'aurait été que de 2,4 %. Sur les neuf premiers mois de l'année, le chiffre d'affaires est de 3,944 milliards d'euros (+ 8,4 %).
Les revenus en Italie sont de 109 millions d'euros sur le troisième trimestre 2019, avec 4,541 millions de clients, soit 700 000 de plus en trois mois.
La société ne dévoile par contre pas son résultat opérationnel courant ni son résultat net avec son bilan trimestriel. Pour rappel, ils étaient en chute libre au premier semestre avec respectivement 40,1 et 60,8 % de moins, malgré une hausse du chiffre d'affaires de près de 8 %.
210 000 abonnés fibre en trois mois
Sur le fixe, 6,428 millions de clients disposent d'une Freebox, en hausse de 32 000 sur trois mois. C'est quasiment autant d'abonnés que fin 2018 (6,427 millions), mais bien moins que fin 2017 (6,520 millions). Pour le FAI cette croissance de la base d'abonnés vient notamment de la « fin de la dépendance aux offres très promotionnelles [...] la base d’abonnés sous promotions agressives a été divisée par deux en un an, entraînant une réduction significative du churn ».
Fini les Freebox à moins de 5 euros par mois, maintenant il faut compter au minimum 10 euros par mois en ADSL (sans TV) et 15 euros en fibre avec la Mini 4K. La dernière vente privée de la Freebox Révolution était à 10 euros en août dernier. Notez qu'il s'agit d'un mouvement global à la hausse chez tous les FAI, aussi bien sur le fixe que le mobile.
Le fournisseur d'accès continue par contre de recruter à tour de bras sur la fibre, avec 1,515 millions d'abonnés, soit 210 000 de plus en trois mois. Iliad se félicite ainsi de la « meilleure performance jamais réalisée tous opérateurs confondus » et aussi d'être le « premier recruteur depuis le début de l’année » sur le FTTH. Au total, 12 millions de prises étaient raccordables au réseau d'Iliad fin septembre.
On note enfin une stabilisation de l'ARPU sur le fixe à 32,5 euros ce trimestre, alors qu'il était de 32,1 euros il y a un an.
18 000 abonnés en moins sur le mobile
Ce trimestre, Free Mobile a de nouveau perdu des abonnés sur le mobile (- 18 000) pour arriver à 13,296 millions de clients au total, dont 8,075 millions avec un forfait 4G à 15,99/19,99 euros par mois. Il y a trois mois, ils étaient respectivement 13,314 millions et 7,928 millions. Pour l'opérateur, sur le mobile comme sur le fixe, « les effets bénéfiques de l’arrêt des promotions très agressives se matérialisent par une baisse du churn ». L'opérateur met également en avant un autre point : « l’amélioration de la qualité du réseau mobile ».
Dans tous les cas, l'augmentation de 147 000 clients sur le forfait à 15,99/19,99 euros ne suffit toujours pas à compenser la baisse sur celui à 0/2 euro. L'ARPU est cette fois-ci en nette augmentation avec 10,6 euros par abonné au lieu de 10,1 euros il y a trois mois, notamment car « la base d’abonnés sous promotions très agressives a été divisée par huit en un an ».
Sur la 4G, Free revendique une couverture de 95 % de la population, quatre points en dessous de ses concurrents qui sont à 99 %, parfois depuis plusieurs mois. L'ensemble des clients mobiles consomme en moyenne 12,8 Go de data par mois, contre 11,9 Go fin juin 2019.
Moins de smartphones vendus, « remplacés » par les Freebox Delta
Enfin, les ventes d’équipements « sont relativement stables sur le trimestre, à 46 millions d’euros », mais elles sont soumises à deux effets contraires : « Les ventes de terminaux mobiles continuent de diminuer significativement, en raison de la politique plus stricte mise en place sur les offres de location en 2018. Le chiffre d’affaires généré par la vente du Player de la Freebox Delta compense cette baisse ». Par deux fois dans son communiqué, Free parle d'un « succès de la Freebox Delta », sans donner de chiffre.
Concernant les ventes/acquisitions en cours, « les opérations avec Cellnex et Infravia sont soumises aux conditions usuelles pour ce type de transactions en France. La clôture de ces opérations devrait avoir lieu au 4e trimestre 2019, une fois les approbations réglementaires obtenues ». Pour rappel, Cellnex récupère des pylônes pour la téléphonie mobile, Infravia de la fibre optique.
Pour résumer, Iliad estime qu'il a obtenu de « bonnes performances opérationnelles » ce trimestre. La société « confirme l’ensemble de ses objectifs et la mise en place d’une politique de dividende de 2,60 euros par action représentant un montant total de l’ordre de 150 millions d'euros ». Pêle-mêle il est question d'arriver à 2 millions d'abonnés FTTH en 2020 et 4,5 millions en 2024, 80 % d'abonnés à son forfait Free à 15,99/19,99 euros, 4 à 5 % de part de marché sur les entreprises, etc. Ils sont détaillés page 7 de ce document.
Rachat d'actions pour 1,4 milliard d'euros...
Mais ce n'est pas tout. En même temps que la présentation de son bilan, Iliad annonce la mise en place d'une offre publique de rachat de ses propres actions. Le montant maximum est de 1,4 milliard d'euros, soit 11 666 666 actions Iliad (environ 20%) au tarif de 120 euros. Selon les calculs d'Iliad, c'est « une prime significative de 26 % par rapport au cours de clôture du 11 novembre 2019 et une prime de 38% par rapport au cours moyen pondéré par les volumes sur une période de trois mois précédant le 11 novembre 2019 ».
Puisque Xavier Niel a déjà annoncé qu'il ne participera pas à cette offre publique de rachat (il gardera donc les 52,1 % qu'il détient), cette opération conduira mécaniquement à augmenter sa participation dans Iliad. Les proportions dépendront de la quantité d'actions récupérée. Si 25 % des 11 666 666 sont rachetées par Iliad, Xavier Niel passera à 54,8 %, contre 64,9 % si l'opération est un succès total.
...financé via une augmentation de capital avec Xavier Niel en « caution »
Cette opération de rachat « sera intégralement financée par une augmentation de capital » ouverte à tous les actionnaires d'Iliad et d'un montant équivalent, là encore avec des actions à 120 euros ; un bon moyen donc pour l'opérateur de remonter le cours de son action. Tous les détails sont expliqués dans cette brochure et dans ce document.
Pour s'assurer de son succès, Xavier Niel en personne se veut rassurant et met la main au portefeuille en garantissant « la totalité du montant de l’augmentation de capital » par l’intermédiaire d'Holdco, une société qu'il détient à 100 %. Ainsi, « ces opérations n’auront aucun impact sur l’endettement d’Iliad et lui permettront de poursuivre ses ambitions de croissance ».
Thomas Reynaud, directeur général d’Iliad, ce projet laisse ainsi trois choix aux actionnaires : « bénéficier d’une liquidité avec une prime importante au travers de l’OPRA, demeurer actionnaire sans aucune dilution ou encore renforcer leur participation en souscrivant à l’augmentation de capital dans les mêmes conditions que l’actionnaire de référence ».
Il complétera ainsi l'éventuel reste entre le 1,4 milliard d'euros attendu et le montant récolté, allant jusqu'à 1,4 milliard si besoin. « En tant que premier actionnaire du groupe, j'ai été déçu de la performance de l'action ces derniers mois. Mais je crois en Iliad, ses dirigeants, ses perspectives en France et évidemment en Italie », explique le fondateur d'Iliad lors d'une conférence téléphonique ce matin.
Là encore, il s'agit donc d'une variable d'ajustement sur le pourcentage d'actions détenues qui sera au final détenu par Xavier Niel. Il oscillera entre 54,8 % (25 % des actions récupérées, augmentation de capital réalisée à 100 % sans apport de Xavier Niel), à 71,79 % si l'ensemble des 11 666 666 actions est récupéré par Iliad et si aucune personne ne souhaite participer à l'augmentation de capital, qui sera alors intégralement financée par Xavier Niel (mais les probabilités sont tout de même assez faibles).
Lancement des hostilités en décembre
Ce jour, l'offre publique d'achat a été déposée à l'AMF et approuvé par le conseil d'administration. Les actionnaires devront se prononcer lors d'une assemblée générale extraordinaire le 20 décembre, avant l'ouverture de l'offre le 23 décembre pour une vingtaine de jours (elle prendra fin le 13 janvier). Le résultat de l'opération sera dévoilé le 16 janvier et l'augmentation du capital lancée dans la foulée, le 17 janvier.
Sans aucune surprise, cette annonce a pour effet de faire bondir le titre en bourse, qui passe ainsi de 95 euros à plus de 110 euros (+ 17 %). Pour rappel, le groupe s'était pris quasiment la même variation, mais à la baisse, lors de la publication des résultats de son deuxième trimestre.
Le cours de l'action d'Iliad reste largement en dessous des plus de 200 euros d'il y a un an. L'action a ainsi perdu près de 50 % de sa valeur en l'espace de 12 mois seulement. « L'échange » des actions présentées ce jour pourrait permettre à certains actionnaires mécontents de s'en sortir à moindres frais.
Chez Iliad, les clients comme les actions, ça s’en va et ça revient
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Jaguar Network sauve les meubles sur le fixe
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210 000 abonnés fibre en trois mois
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18 000 abonnés en moins sur le mobile
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Moins de smartphones vendus, « remplacés » par les Freebox Delta
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Rachat d'actions pour 1,4 milliard d'euros...
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...financé via une augmentation de capital avec Xavier Niel en « caution »
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Lancement des hostilités en décembre
Commentaires (14)
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Abonnez-vousLe 12/11/2019 à 14h29
Je crois que l’idée lui est venue quand il a vu que ce weekend je faisais une portabilité de mon zéro € vers un truc payant
Il a du se dire ya un truc
" />
Le 12/11/2019 à 16h00
A voir si ils sortent leur box “milieu de gamme” qui fait rêver d’ici à la fin de l’année… Car leur delta est trop chère pour faire rêver, et la one n’est pas particulièrement sympa…
La mini 4K et la V6 ont eut leurs prix augmentés de 5 euros par rapport aux prix de 2014… qui sont toujours disponibles si on connait le lien…
Le 12/11/2019 à 16h24
Le 12/11/2019 à 16h32
Hem…
… fiancé via une augmentation de capital avec Xavier Niel en « caution »
La mariée n’est-elle pas si belle ^^ ??? Je dirais plutôt… Financé non ? " />
Le 12/11/2019 à 17h51
Le 12/11/2019 à 21h40
Je crois que c’est pas possible… ?
C’est pas forcément spécialement avantageux non niveau prix si t’as le tarif 29,99 non ?
Il y avait android tv rumors qui avait sorti que free avait commandé à un oem une box android pour le bas de gamme histoire de contrer ces pertes d’abonnés. Cette source a été par le passé relativement fiable.
Ils arrivent à recruter à nouveau à cause de la fibre, mais au niveau de leurs offres, rien n’est moins clair qu’aujourd’hui par rapport à l’offre unique d’avant, ou les deux offres avec la révo.
Le 13/11/2019 à 06h28
Le 13/11/2019 à 07h16
En fait en 2019 les opérateurs se rendent compte qu’investir dans les infrastructures ça paie. (/troll)
Le 13/11/2019 à 15h16
c’est même un bien dans le sens où ils n’ont plus à fournir un service pour lequel ils ne touchent rien
Le 13/11/2019 à 20h58
On pourrait aussi dire que ça “gonfle” leur ARPU. " />
Le 13/11/2019 à 22h15
Le 14/11/2019 à 07h27
« fin de la dépendance aux offres très promotionnelles […] la base d’abonnés sous promotions agressives a été divisée par deux en un an, entraînant une réduction significative du churn ».
Enfin ! Ces offres étaient parfaitement ridicules, et profitent à une poignée de “clients” changeant d’opérateurs constamment tous les 6mois.
Ça n’avait que des effets négatifs :
Maintenant espérons que ces sous soient correctement employer :
Le 14/11/2019 à 14h08
Ben là ils se délestent plutôt de cette partie non via la vente à cellnex et infravia?
Le 17/11/2019 à 08h59
En ce qui concerne le “succès de la Delta”, ce serait intéressant de connaitre la répartition entre Delta S et Delta + Devialet. Depuis Septembre, que la migration en Delta S est devenue possible, je l’ai faite, et je paye 40 €/mois. Avant je payais 38 € (sans Canal Panorama). Donc il n’y a pas beaucoup d’augmentation d’ARPU…