Le succès de Long March-5 ouvre grand les portes de l’espace à la Chine
Le « GPS » chinois BeiDou bientôt terminé
Le 03 janvier 2020 à 16h43
6 min
Sciences et espace
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2020 devrait être une année importante pour la Chine. Le succès du lancement de sa fusée Long March-5 ouvre la voie à l’exploration spatiale habitée et au retour d’échantillons lunaires pour 2020. D‘ici juin, les deux derniers satellites du système de positionnement BeiDou devraient être placés en orbite.
Au cours des derniers mois, les États-Unis et l’Europe ont beaucoup fait parler d’eux dans le domaine spatial. Arianespace a lancé sa 250e fusée Ariane 5 fin novembre et fêtait les 40 ans d’Ariane tout en préparant l’arrivée d’Ariane 6, tandis que SpaceX multiplie les lancements et récupérations avec Falcon 9 tout en préparant les vols habités avec Crew Dragon.
Mais un autre pays compte bien occuper une place importante sur ce marché : la Chine. En plus de son programme d’exploration de la Lune, le pays a lancé avec succès une fusée Long March-5 le 27 décembre. Une étape importante puisque son lanceur n’avait pas décollé depuis près de 30 mois.
Une défaillance du premier étage avait en effet signé une fin de mission prématurée en juillet 2017.
Long March-5 face à Ariane 5, Falcon 9/Heavy et Delta IV Heavy
Long March-5 est un gros lanceur de 57 mètres de haut, 5 mètres de diamètre et 867 tonnes sur la balance. Il est capable d’emporter 25 tonnes de charge utile en orbite basse dans sa version « 5B », sans second étage.
Avec le second étage, la charge utile est de 14 tonnes sur une orbite géostationnaire et de 8,2 tonnes sur une trajectoire d’insertion en orbite lunaire. Un troisième étage Yuanzheng-2 peut être ajouté si besoin en fonction des missions. La China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC) explique qu’il sera notamment utilisé pour envoyer des sondes vers d’autres planètes du système solaire.
À titre de comparaison, Falcon 9 ne peut emporter « que » 8,3 tonnes sur une orbite géostationnaire, contre 10,9 tonnes pour Ariane 5 ECA (la plus grosse version), et 14,2 tonnes pour Delta IV Heavy. Pour le moment, Falcon Heavy (Falcon 9 avec deux boosters latéraux) met tout le monde d’accord avec 26,7 tonnes à une altitude de 36 000 km environ.
Deux ans et demi après un échec, Long March-5 prend son envol
Avec plusieurs mois de retard sur le calendrier initial (il était au départ question de l’été 2019), Long March-5 s‘est envolée pour un troisième vol. La mission s’est déroulée sans accroc avec le largage du satellite expérimental de télécommunication Shijian 20 d'un peu plus de 8 tonnes. Une étape importante pour la Chine.
En effet, si le vol inaugural s’était déroulé sans encombre en novembre 2016 – le satellite Shijian 17 était arrivé à bon port – ce n’était pas le cas de la seconde mission qui s’est soldée par un cuisant échec en juillet 2017. Un dysfonctionnement du premier étage un peu moins de six minutes après le décollage a causé la perte du satellite Shijian 18.
La cause avait été identifiée et des correctifs appliqués : « nous avons amélioré la conception, les matériaux et les technologies du moteur » affirme Yang Hujun, concepteur en chef adjoint de la fusée. Il ajoute que cette version retravaillée du moteur a subi plus de dix essais de mises à feu statique pour une durée totale de 50 minutes.
Les Chinois visent Mars, la Lune et la construction d‘une station spatiale
La Chine en profite pour faire part de ses ambitions : « Le succès du vol ouvre les portes à une série de futurs projets spatiaux pour le pays, y compris l'exploration de Mars, le retour d'échantillons lunaires et la construction de sa propre station spatiale », explique l’agence de presse Xinhuanet en s’appuyant sur les déclarations de Wu Yanhua, directeur adjoint de la China National Space Administration (CNSA).
Nous pouvons par exemple citer les prochaines missions « Chang’e », qui seront réalisées en partenariat avec le CNES. Pour rappel, Chang'e 4 s‘est posé début 2019 sur la face cachée de la Lune et a transmis des photos et un panorama. Une bonne opération pour l’agence spatiale chinoise, car il n‘est pas si facile de se poser sur la Lune… les Indiens ne diront pas le contraire. Après le crash de Vikram, ils pourraient néanmoins retenter leur chance prochainement.
Chang’e 5 doit donc assurer la relève, mais la masse de cet engin est telle qu’il faut un lanceur plus gros que pour Chang‘e 4, et c’est là que Long March-5 entre en piste. De fin 2019, le lancement a glissé à mi-2020 (voire fin 2020). Il faudra ensuite attendre 2023/2024 pour Chang’e 6 qui embarquera des expériences françaises en partenariat avec le CNES.
Probablement durant le premier semestre de l’année, un lanceur Long March-5B (sans second étage donc) devrait décoller avec une capsule chinoise habitable. Si tout se passe comme prévu, les préparatifs pour la construction d’une station spatiale chinoise devraient alors continuer. Le premier module serait baptisé « Tianhe » et pèserait 20 tonnes.
Tous les satellites de BeiDou-3 en orbite avant juin 2020
BeiDou – ou COMPASS – est un système de géolocalisation par satellite, concurrent du GPS américain, du Galileo européen et du GLONASS russe. Il n’est pas nouveau puisque les premiers lancements ont eu lieu dans les années 2000.
Il s’agissait alors d’une expérimentation. Il a été remplacé par BeiDou-2 à partir de 2012, mais la constellation ne permet d’obtenir sa position qu’en Chine et dans des pays limitrophes. Depuis maintenant un an, BeiDou-3 propose des services à l'échelle mondiale, mais sa construction n’est toujours pas terminée.
Actuellement, la constellation compte plus d’une vingtaine de satellites et deux de plus devraient être lancés « avant juin 2020 » sur une orbite géostationnaire, c’est du moins ce qu’affirme le responsable du programme Ran Chengqi, comme le rapporte Associated Press. Il n’est pas question d’un lanceur Long March-5 ici, mais d’un plus petit : Long March-3.
« Beidou-3 sera alors entièrement achevé », ajoute le responsable. Il ne sera par contre pas pleinement opérationnel et il faudra probablement attendre 2035 pour que cela soit le cas indique-t-il.
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Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 04/01/2020 à 07h58
C’est génial chaque pays aura son système.
Le 04/01/2020 à 10h55
Je dirais que ça offre une redondance, une independence de la politique de chacun des acteurs pour les utilisateurs moyens, et peut-etre une specialisation geographique. C’est pas si mal IMO.
Le 04/01/2020 à 11h32
Cela permet de stimuler la concurrence et les avancés technologiques.
Le 04/01/2020 à 12h20
Et c’est un modèle de stratégie de répartition des ressources.
Le 04/01/2020 à 13h06
Ces systèmes ont surtout été motivés par la volonté de se défaire de la dépendance au GPS américain. Le positionnement par satellite est un atout stratégique non négligeable.
Et quand on voit l’imprévisibilité de l’administration US actuelle, ça ne peut que conforter les décisions de ce genre je pense.
Le 04/01/2020 à 15h46
Un truc me surprend: ils ont des géostationnaires et ne fournissent que l’Asie pour l’instant;
C’est à la fois contre productif pour le militaire, et aussi surprenant quand à leur vision du monde;
pour moi tous les autres systèmes sont basés sur des satellites à déplacements à haute vitesse et une couverture globale du globe.
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Le 04/01/2020 à 16h23
D’apres wikipedia, ils sont surtout sur des MEO :
The third phase of the Beidou system (BDS-3) will include three GEO satellites, three IGSO satellites, and twenty-four MEO satellites which introduce new signal frequencies (…)
Le 04/01/2020 à 19h32
Ils ont commencé comme nous avec EGNOS, des satellites pour améliorer le GPS et se faire la main avant de déployer un système global.
C’est cool, ça veut dire qu’on va avoir 4 constellations accessibles avec nos smartphones, donc encore plus de précision.
Et la vision de la Chine dans le monde, c’est avant tout de s’occuper de ses oignons (et ce qui se passe assez près des frontières) plutôt que d’aller casser les burnes au monde entier en considérant qu’on a Dieu pour soi.
Le 04/01/2020 à 22h02
Ils conquérent économiquement que militairement pour l’instant.
Le 05/01/2020 à 10h59
+1
Le 05/01/2020 à 11h14
Le 05/01/2020 à 13h21
Le 05/01/2020 à 13h36
Le 05/01/2020 à 16h32
Le 05/01/2020 à 16h37
sa force*
Le 06/01/2020 à 07h14
Le 06/01/2020 à 18h00
Constructive, dans le sens de “construire des infrastructures puis d’avoir la dette de ces pays pour ensuite acheter les ports/aéroports/mines ?” " />
Mais sinon je partage ta vision, c’est d’ailleurs comme ça que les chinois se présentent : un pays du tiers monde qui a réussi. Ce qui n’est pas faux #perceval
Le 06/01/2020 à 18h55
Le 06/01/2020 à 19h18
Le 07/01/2020 à 20h00
Ils n’auront pas jamais la même puissance militaire. Ils l’ont s’il s’agit de se défendre (dans ce cas, c’est la taille qui compte, il suffit de voir l’OTAN engluée au MO pour en être convaincu). D’autre part, ils conservent une industrie de la défense et une armée avec un budget réaliste, qui augmentera tant que l’économie augmentera (pour effectivement éviter l’erreur de l’URSS) et qui peut un jour converger avec les USA.
Leur talon d’Achille actuel est de manquer d’expérience (ils ne passent pas leur temps à attaquer d’autres pays contrairement à l’OTAN), mais ce n’est pas figé dans le marbre (entre la Russie de 2010 et l’opération tempête rouge en Syrie, on a pu voir une sacrée montée en compétence des forces russes, avec des performances qui nous ont ridiculisé). On a même vu plus rapide comme la montée en gamme de l’armée française les 6 premiers mois de la guerre de 14-18.
Par ailleurs, je pense sincèrement que ce qu’il se passe au delà du premier voisinage ne les intéresse pas réellement (user de soft power et de fric pour avoir des ressources oui, mais pas de la force), parce que ça n’a jamais été dans la nature de la Chine (en 5000 ans d’histoire en tant que société), la force de la Chine étant sa démographie et sa capacité à encaisser qui en découle (ils ont toujours assimilé leurs envahisseurs rien que par le poids démographique).
Le 07/01/2020 à 20h03
Les sommes et les efforts en jeu n’ont malheureusement rien à voir. J’ai travaillé à un partenariat entre le Togo et la France sur des parcours de master. Des représentants de mon université sont allés à Lomé accompagnés de contacts du ministère des affaires étrangères. Pendant qu’ils discutaillaient combien la France pouvait y mettre (on parle de qqch autour de 30000€ par an), la Chine était en train de construire un institut Confucius (investissement de pls millions d’euros) dans le quartier voisin.
Quand la Chine veut quelque chose, elle pose les billets sur la table et c’est fait.
Le 07/01/2020 à 20h11
Comme l’a dit Patch, de leur point de vue c’est leurs oignons (et ce n’est pas totalement faux d’ailleurs). En mer de Chine, c’est surtout les anciens dirigeants chinois qui ont été des sacrés salopards avec leurs successeurs. Mao ou Deng Xiaoping, je ne suis plus sûr duquel, a dit lorsque les accords au sujet de la mer de Chine ont été signés, et dont les clauses ne les satisfaisaient pas vraiment, que ce serait la tâche de leurs successeurs de remettre ces îles sur la table des négociations (raison pour laquelle ils renforcent leur présence militaire et industrielle dans la mesure du possible pour avoir des moyens de pression, vu que négocier quand on est creux comme un radis ne sert à rien).
Et ça leur permet surtout de mettre en place une zone d’exclusion autour de leur territoire national pour essayer de limiter l’envahissement américain (il faut quand même voir que la Chine qui s’installe sur une île déserte à 1000 km de ses côtes est un vrai scandale, par contre, que les USA aient des bases militaires dans un tas de pays voisins de la Chine, valable aussi avec la Russie, aucun problème puisque ce sont les défenseurs du monde libre).
Le 08/01/2020 à 07h49
Le 08/01/2020 à 10h35
La situation du Tibet et de la Chine n’a rien à voir avec celle de la France et de ses colonies (à l’époque où elles nous appartenaient encore). Le Tibet n’est même pas reconnu comme un pays par l’ONU (ni par des pays seuls).
En mer de Chine, des accords ont été signés à la sortie de la guerre (notamment avec les USA). Si tu ne vois pas ce que ces derniers viennent faire dans l’histoire, je ne sais pas ce qu’il te faut.
Et les USA ont imposé à peu près ce qu’ils voulaient au monde entier car ce sont les seuls à ne pas s’être trop mouillés dans le conflit (ils ont attendu que les autres se soient bien entretués avant d’intervenir) et qu’ils étaient donc en position de force pour négocier (bien que vainqueurs également, l’URSS et la Chine étaient saignés pas la guerre et ne pouvaient pas rentrer dans un nouveau conflit sur des sujets à l’époque trop peu stratégiques)
Le 09/01/2020 à 10h00
Et oui, pour donner son avis sur un sujet c’est mieux de regarder les 80 dernières années, n’est ce pas frog " />. Ca arrange les américain de pointer du doigt un problème qu’ils ont un peu crée volontairement.
Avec tout le monde qui suit les yeux fermé, car ce sont les gentils défenseurs de la démocratie dans le monde on n’est pas rendu !
Le 09/01/2020 à 15h31