Le projet de loi sur l’audiovisuel sera examiné à partir du 31 mars en séance à l’Assemblée nationale. Le texte engage une profonde réforme de la régulation de ces acteurs. Les plateformes de partage de vidéos personnelles vont désormais tomber dans le giron du CSA et demain de l’Arcom. Mais pas toutes. Explications détaillées.
Souvenez-vous. En décembre 2016, le CSA mettait en garde « Les Recettes Pompettes » accusée d’encourager le public à consommer de l’alcool. Mais avant de remettre cette chaîne YouTube dans le droit chemin de l’eau ferrugineuse, l’autorité a dû déterminer qu’elle relevait bien du régime des services de médias audiovisuels à la demande (SMàD). Elle s’est appuyée à cette fin sur son caractère professionnel.
« Est considéré comme service de médias audiovisuels à la demande tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande, à partir d'un catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de ce service ». Voilà la définition de l’expression, par l’article 2 de la loi de 1986 sur la communication audiovisuelle. Le même texte exclut de ce régime « les services qui ne relèvent pas d'une activité économique ».
Cette étiquette vérifiée lui a ensuite permis de piocher dans différents textes avant d’adresser sa « mise en garde » : le décret de 2010 sur la classification des contenus, la délibération de 2011 relative à la protection du jeune public, et celle de 2008 relative à l' exposition des produits du tabac, des boissons alcooliques et des drogues illicites...
Dans le même temps, il ne fait pas de secret que le CSA réclame de longue date la remise en cause de ce régime, afin d’étendre sa régulation sur les vidéos générées par les utilisateurs. Une extension déjà prônée par le rapport Lescure en 2013.
Pour modifier ce régime, une initiative franco-française eut été impossible. La stratégie a donc été de monter au stade européen avec la directive du 14 novembre 2018. Celle « visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels compte tenu de l'évolution des réalités du marché ».
La définition des plateformes de partage de vidéo
Ce véhicule européen publié au Journal officiel de l’UE est désormais en voie de transposition par le projet de loi français « relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ». En son article 50, la future loi française, modifiée en commission, pose les briques de la régulation « des plateformes de partage vidéo » comme Dailymotion et les autres solutions concurrentes ou équivalentes.
Qu’est qu’un « service de plateforme de partage de vidéo » ? Le texte retient plusieurs critères.
- Il doit s’agir d’un service fourni au moyen d’un réseau de communications électroniques.
- Ensuite, son objet principal (ou une partie dissociable ou sa fonctionnalité essentielle) doit être la fourniture de programme ou de vidéos créées par l’utilisateur « pour informer, divertir ou éduquer ».
- En outre, si la plateforme ne doit pas disposer de responsabilité éditoriale, elle doit déterminer « l’organisation » (et donc le classement, la promotion, etc.) de ces contenus.
- Enfin, le service en ligne doit relever d’une activité économique.
Ces points vérifiés, l’Arcom, soit le CSA rhabillé, se voit érigée en autorité chargée d’encadrer cet univers. Que pourrait-il faire ? La réponse est à l’article 52 du projet de loi. Mais avant de plonger plus en avant, le projet de loi, piloté par la directive, est contraint par des règles territoriales. Seront concernés, tous les services dont le siège social effectif est en France. Aucun doute pour Dailymotion, mais quid de YouTube ?
Le critère de la compétence territoriale, l'exclusion de YouTube
Le projet de loi, dans le sillage de la directive, prévoit tout un panel de règles visant à rattacher un service hors UE à la législation française.
Ce service sera réputé être établi en France dans une série de situations. Principalement, si la personne morale qui le contrôle a son siège social effectif en France ou si l’une de ses filiales a son siège social effectif en France (à condition qu’aucune autre filiale n’ait son siège social effectif antérieur dans un autre État membre de l’UE et que le siège social effectif de la personne morale qui le contrôle ne se situe dans un autre État membre).
En clair, c’est la législation du pays d’origine qui s’appliquera. Si Dailymotion, et d’autres plateformes françaises plus modestes tombent dans le spectre, ce ne sera sans doute pas le cas de YouTube. L’Arcom tiendra de toute manière une liste des plateformes relevant de la compétence française. Cette liste sera communiquée à la Commission européenne (et si elle n’est pas diffusée, nous lancerons bien entendu une procédure CADA).
Quels seront les pouvoirs de l’Arcom ?
Elle devra veiller à ce que les plateformes concernées respectent les règles inscrites à l’article 15 de la loi de 1986. Celles-ci sont relatives à « la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne ».
Ainsi, la plateforme devra s’assurer que les « programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ». Des exceptions sont prévues : elle aura à faire en sorte que des mineurs ne soient normalement pas susceptibles de voir ou entendre ces contenus. Comment ? En jouant sur l’heure ou tout autre procédé technique. Ces programmes devront être « précédés d'un avertissement au public et qu'ils soient identifiés par la présence d'un symbole visuel tout au long de leur durée ».
En outre, les programmes susceptibles « de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs » ne pourront pas être mis à disposition, tout comme ceux contenant une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité.
Les plateformes devront encore informer « clairement les utilisateurs » de l’existence de communications commerciales au sein des programmes et des vidéos créés par les utilisateurs, du moins, « lorsque ces communications ont été déclarées par les utilisateurs qui les mettent en ligne ou lorsque [les fournisseurs] en ont connaissance ».
Pour assurer ces obligations, les fournisseurs devront notamment « mettre à la disposition des utilisateurs des mécanismes de classification et de notification des contenus » et « mettre en place des dispositifs de vérification d’âge et de contrôle parental ».
Le projet de loi interdit au passage l’utilisation à des fins commerciales des données personnelles des mineurs collectées ou générées par les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos, y compris après la majorité des intéressés.
YouTube ne sera pas totalement exempt puisque deux lois vont se greffer où la règle du pays de destination l’emportera : c’est la loi contre les fake news (dont l’application est aujourd’hui très délicate) et celle contre la haine en ligne, actuellement en discussion finale à l’Assemblée nationale.
Commentaires (10)
#1
J’étais passé à coté des critères de rattachement à la législation française et/ou européenne. Déjà que Dailymotion est pas bien brillant, lui mettre des contraintes supplémentaires que n’aura pas son principal “concurrent” qu’est youtube, va pas franchement l’aider. (Bon pour être honnête, j’ai le sentiment que Daily n’est même plus en l’état d’être qualifié de challenger face à youtube)
Au-delà de la crétinerie du texte, adopté dans les conditions que l’on sait hélas, je m’étonne toujours qu’on arrive à échafauder des réglementations qui nous désavantagent face à nos concurrents.
#2
Donc, si on résume, Dailymotion est mort.
#3
En outre, si la plateforme ne doit pas disposer de responsabilité éditoriale, elle doit déterminer « l’organisation » (et donc le classement, la promotion, etc.) de ces contenus.
Du coup si YT ne fait plus de recommandations aux IPs venant d’Europe, alors il échappe à cette réglementation ?
#4
en gros, y aura un badge “10” comme à la tv dès qu’il y a un N-word ou des boobs dans une vidéo ? ça promet …
#5
C’est tout l’art de se tirer une balle dans le pied
“On n’a pas de ….. mais on a des idées pour …..”
#6
Mais kissoncon mais kissoncon mais kissoncon.
Bon dimanche torchez vous avec les bulletins larem modem restent plus que ça. Ils ont bien fait la gueule le week-end dernier quand je leur ai refait un costard au marché
#7
Je vois :
Donc mon instance PeerTube n’ayant pas d’activité économique, je suis pas dedans. Par contre une autre instance PeerTube avec abonnement ou publicité oui.
Ça va bien bien être drôle ce bordel 😅
#8
Oui, mais ça n’a rien à voir avec cette future loi " />
#9
“Comment vont être régulées les plateformes de partage de vidéos en France”
> mal
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#10