Station spatiale internationale : inquiétudes et pannes en série dans la partie russe, jugée trop vétuste
Je vais bien… tout va bien…
Le 26 octobre 2020 à 07h30
7 min
Sciences et espace
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Y a-t-il une recrudescence de pannes dans le segment russe de la Station spatiale internationale (ISS) ? Pour certains observateurs, il semblerait que oui : vétusté, modules « à bout »… La Russie affirme que tout va bien, mais elle n’a pas forcément l’habitude de tout dire.
L'ISS est un immense patchwork de modules provenant de plusieurs pays. Cela tient au principe même de sa construction : « Tout a commencé le 25 janvier 1984, lorsque les États-Unis ont invité d’autres nations à participer à la construction d’une station spatiale habitée en permanence », explique l’Agence spatiale européenne (ESA).
« L’Europe, représentée par l’ESA, le Canada et le Japon ont répondu à cette invitation avec un grand enthousiasme et ont commencé à collaborer à la définition du projet ». En 1993, la Russie devient le cinquième partenaire. Américains et Russes l'ont depuis développé conjointement et sont les deux principaux contributeurs.
Segment russe vs américain : deux salles, deux ambiances
On retrouve cette bicéphalité dans la Station actuellement en orbite autour de nous. On parle en effet des segments orbitaux américain (USOS) et russe (ROS), respectivement exploités par la NASA et Roscosmos.
Le second, inspiré de la station spatiale Mir, est moins imposant que le premier qui abrite notamment le laboratoire de recherche Columbus développé par l’Europe. Des réparations ont régulièrement lieu un peu partout sur l'ISS (parfois avec des sorties dans l’espace, toujours impressionnantes), mais les pannes et autres petits soucis techniques s’enchainent ces derniers temps sur le segment russe, soulevant des inquiétudes…
D’autant que les Russes ont un certain passif.
Des pannes à répétitions… Les Russes se veulent rassurants
Il y a quelques jours « le système d’approvisionnement en oxygène Elektron-VM qui se trouve dans le module Zvezda, sur le segment russe de l’ISS, s’est éteint […] Un deuxième système, sur le segment américain, fonctionne normalement et rien ne menace la sécurité de l’équipage et de l’ISS », expliquait le service de presse de Roscosmos.
Des réparations ont depuis été faites. Mais une autre panne a « perturbé le fonctionnement des toilettes [pendant plusieurs heures, ndlr], et un aspirateur a senti le brûlé », détaille l’AFP reprenant des déclarations de l’agence de presse publique RIA Novosti, elle-même se basant sur des échanges entre les astronautes russes dans l’ISS et le Centre de contrôle des vols spatiaux russe (TsUP).
Une fuite d’air avait pour rappel été détectée en août : « Il a été établi que le problème se trouve dans le module de service Zvezda, qui contient des matériels scientifiques », ont confirmé les Russes. Elle a été réparée « temporairement avec les moyens disponibles », affirmait Roscosmos le 19 octobre, sans donner plus de détails.
Depuis, le centre de contrôle et le chef russe d’équipage de l’ISS « travaillent à un programme d’opérations visant à sceller de façon permanente l’emplacement des fuites », là encore sans information supplémentaire. Roscosmos se veut rassurante dans un communiqué transmis à l’AFP : « Les défaillances survenues à bord de l’ISS dans la nuit du 19 au 20 octobre ont été entièrement réparées de manière opérationnelle par l’équipage […] Tous les systèmes de la station fonctionnent normalement, rien ne menace la sécurité de l’équipage et du vol de l’ISS ».
La « communication » aléatoire de la Russie sur les incidents
Un des problèmes avec la Russie dans ce genre de situation est le manque de communication officielle claire et précise, sauf à se faire prendre en flagrant délit, ou presque. Dans le cas de l’explosion d‘un lanceur Soyouz en route vers l’ISS (heureusement sans perte humaine), il était par exemple difficile de faire l’autruche.
Mais ce n’est pas toujours aussi simple. On se souvient à ce sujet du lancement de la mission ExoMars de l’ESA avec l’explosion du dernier étage du lanceur Proton juste après avoir largué sa charge utile. Cet incident était sans gravité pour le reste de la mission, mais « les Russes se sont bien gardés de nous le dire », lâchait Francis Rocard, responsable du programme d'exploration du système solaire au CNES, durant une conférence de presse.
Une autre obscure affaire s’est déroulée en 2019, suite à une fuite sur un vaisseau Soyouz en 2018. Plusieurs hypothèses avaient été soulevées par les Russes, y compris celles d‘un sabotage. Lors de l’annonce de la fin de l’enquête, Dmitri Rogozine (patron de l’agence spatiale russe) déclarait, comme le rapporte Le Parisien : « Ce qui est arrivé est clair pour nous, mais nous ne vous dirons rien […] Il doit y avoir des secrets entre nous ».
La NASA confirmait et regrettait cette situation : « Ils ne m'ont rien dit […] Il n'est clairement pas acceptable qu'il y ait des trous dans la Station spatiale internationale », lâchait ainsi Jim Bridenstine, administrateur de la NASA. Ambiance… Pour ajouter une touche symbolique, le commandement de la Station spatiale internationale vient de passer de l’Américain Christopher Cassidy au Russe Sergueï Ryjikov, avec un échange de clé.
Bonjour 🔑
Hier soir, changement de commandement à l' #ISS.
Chris Cassidy a remis à Sergey Ryzhikov la clé symbolique de la Station Spatiale internationale.
📷 @roscosmos pic.twitter.com/o70tyGlhNv— Rêves d'Espace (@RevesdEspace) October 21, 2020
« Tous les modules du segment russe sont à bout »
Mais dans cet imbroglio, le pire vient certainement de la déclaration d’un Russe – Guennadi Padalka (62 ans) – une légende locale qui a été dans Mir et l’ISS, et qui compte plus de 800 jours dans l’espace à son actif : « Tous les modules du segment russe sont à bout », affirme-t-il sans détour à l'agence RIA Novosti, repris par l’AFP.
Il précise que les équipements sont vieux de 20 ans et qu’ils ont donc déjà dépassé de cinq ans leur durée de vie. De son côté, l’AFP rappelle que « le secteur spatial russe a traversé une série de scandales de corruption, de détournements de fonds, mais il est aussi miné par les coupes budgétaires ». Pas de quoi arranger la situation…
D’autant que la Russie vient de perdre un monopole dont elle disposait depuis longtemps, n'étant plus seule à envoyer des humains dans l’espace. SpaceX fait de même avec Crew Dragon et Boeing se prépare avec Starliner.
Pour rappel, la construction de l’ISS a débuté en novembre 1998 « à l'occasion de la mise sur orbite du module de contrôle russe ZARYA, pierre inaugurale de la station », explique le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation. Elle est occupée en permanence depuis novembre 2000.
La question de son avenir a souvent été soulevée, mais sa mise à mort n’est pas actée pour le moment. Le tourisme spatial – aussi bien par les États-Unis que la Russie – pourrait être une source de revenus importante.
Station spatiale internationale : inquiétudes et pannes en série dans la partie russe, jugée trop vétuste
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Segment russe vs américain : deux salles, deux ambiances
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Des pannes à répétitions… Les Russes se veulent rassurants
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La « communication » aléatoire de la Russie sur les incidents
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« Tous les modules du segment russe sont à bout »
Commentaires (31)
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Abonnez-vousLe 26/10/2020 à 08h07
Tout cosmonaute a un Chewing gum (et une coupe mulet)
Le 26/10/2020 à 08h11
Le schéma central est cool, mais pour un néophyte, difficile de comprendre ce qui relève de la Russie et des autres pays.
En tout cas, merci pour cet article qui montre combien dans l’Espace, personne ne vous entendra râler
Le 26/10/2020 à 08h34
Pluzun.
Le diagramme sur Wikipedia permet d’avoir la répartition avec le nom des modules et le lien indique le pays d’origine.
Wikipedia
En fait ce qui manque au schéma de la NASA, c’est le nom des modules. Il n’y a que celui du laboratoire européen Columbus.
Le 26/10/2020 à 08h31
De toutes façon en 2023-2024 elle sera en fin de vie.
Le 26/10/2020 à 08h36
Je viens d’avoir la vision d’une explosion de l’ISS, ça mettrait en état de choc des millions de personnes et chamboulerait les calendriers de tous les acteurs du milieu spatial, car j’imagine que la recréer serait le priorité numéro 1.
Je ne sais pas ce qu’ils y font exactement, et si j’avais le temps faudrait que je lise quelques papiers sur son but, sur les découvertes qui y ont eu lieu, et pourquoi on ne peut pas les faire sur Terre
Le 26/10/2020 à 09h12
La fin d’exploitation prévue de l’ISS est 2030, mais entre temps la Lunar Orbital Platform Gateway (en orbite autour de la lune) prendra plus ou moins le relai, son assemblage est prévu pour commencer en 2024. Roscosmos n’est pas inclus dans le projet pour le moment ceci dit.
Le 26/10/2020 à 09h07
Si la station venait a disparaitre je ne suis pas sur quelle serait reconstruite cas sans volonté politique ni budgets c’est un peut compliqué
Le 26/10/2020 à 09h32
t’es sur de tes chiffres, 2030 ca fait long et partout ou je regarde, c’est entre 2024 et 2028.
Le 26/10/2020 à 09h40
J’ai bien l’impression, c’est peut être juste une intention, la baseline est peut être plus 2028 en effet (Là je bosse “shall” est un requirement):
“The International Space Station, as long as it is safe and functional, shall operate through at least September 30, 2030, or until a demonstrated and sustainable lower cost alternative low-Earth orbit platform can achieve the mission objectives of the National Aeronautics and Space Administration, including but not limited to”
Source
Le 26/10/2020 à 09h40
La situation actuelle de l’ISS est particulière. Nous sommes sur le bout théorique de la durée de vie (15 ans) et les américains semblent vouloir se décaler vers la lune via la station “Lunar Gateway”, mais même si des contrats semblent avoir été validé (et une bonne partie des modules pressurisés pourraient venir de constructeurs européens), la mise en place pourrait durer encore quelques années (et la politique américaine peut entrer en jeu et compliquer la chose…).
Cependant le prolongement de la durée de vie de l’ISS semble être plus ou moins tacitement acté pour le moment (au moins jusqu’au milieux de la décennie ?). Les russes devraient, enfin, envoyer un “nouveau” module sur place en 2021 (après plus de dix ans de retard…) appelé “Nauka” (il aura fallut faire quelques réparations et modifications, certaines parties ont été utilisées comme réserve de pièces détachées…).
Le tourisme spatial pourrait aider, mais cela ne fera pas tout. Les tarifs peuvent être très limitant (on parle de dizaines de millions de dollars pour quelques jours !). Il y a également des limitations légale, les russes et américains n’aiment pas trop d’un touriste “du camp d’en face” vienne se balader dans leur section… ce qui peut donc limiter les possibilités, à voir comment cela va être géré pour le tournage d’un film dans l’ISS (2021?) et pour la sortie spatiale d’un touriste russe dans les années qui arrivent (2021-2022?).
Une autre optique étudiée serait la privatisation partielle de la station, avec ou sans module rajouté et possiblement privés. Soit dans le but de donner des accès spécifiques pour des expériences ou de la publicité (possiblement avec des astronautes qui devraient avoir X% de leur temps de réservé pour cela), soit pour du tourisme.
Le 26/10/2020 à 10h01
elle date de 1998 l’iss, donc elle est déjà plus sur du 22 ans la ce que est énorme pour un objet dans l’espace
Le 26/10/2020 à 10h12
Les premiers modules datent bien de 1998, mais les plus récent ont à peine 15 ans (voir même pas plus de 10 ans).
Mais l’ISS s’en tire bien pour le moment, profitant de l’expérience acquises pendant les années Mir (qui a faillit mal finir à quelques reprises - incendie et collision) et qui, elle, n’a pas passée plus de 15 ans (1986 - 2001).
Mais il est clair que certains modules accusent le coût de l’âge et du temps passer là-haut, malgré l’entretient et les changements ayant eu lieux (changement des batteries externes, des toilettes, des systèmes de recyclage…).
Le 26/10/2020 à 12h48
Mir et Skylab, mais ça date un peu maintenant quand on parle d’expérience :)
L’ISS profite surtout de l’expérience hors pair de ses visiteurs.
Le 26/10/2020 à 10h10
Vas dire ça aux Voyagers ^^
Le 26/10/2020 à 10h25
En cas d’exposition (même partielle) de l’ISS, la priorité n1 serai de gérer les débris spatiaux qui sont déjà un problème aujourd’hui, avec des conséquences désastreuses pour l’exploitation des satellites actuellement en orbite basse.
Le 26/10/2020 à 10h43
voyageur elle a pris cher, il n’a plus rien qui fonctionne presque (pour economiser de l’energie).
Le 26/10/2020 à 10h46
La situation ne serait peut-être pas aussi dramatique que cela pour les débris si cela vient d’une séparation “douce” des modules ou de la structure. L’une des particularités d’une orbite telle que celle utilisée par l’ISS (~400km par 400km) et qu’elle peut être considérée comme “auto-nettoyante”. Il reste encore suffisamment d’atmosphère pour assurer un “retour” sur terre des éléments en orbite en quelques années. L’ISS elle-même doit régulièrement être “remontée” pour éviter qu’elle ne retombe sur terre (Cf la station spatiale chinoise d’il y a quelques années, qui, sans boost régulier, est retombée sur terre).
Si par contre, c’est une explosion telle qu’il est possible de le voir dans les films&cie, il est probable que des débris soient éjectés plus haut et puissent rester des décennies, voir siècles, sur des orbites potentiellement utilisées ou utilisable…
Mais il est clair que pendant ce temps, l’orbite basse deviendrait plus complexe à utiliser et/ou traverser.
Le 26/10/2020 à 11h25
Au vu du manque actuel de volonté de politique internationale, du développement spatial militaire pour menacer ou saboter les autres, avec toutes les puissances spatiales qui essayent de « faire mieux que les autres », je dirais que rien n’est moins sûr …
Pour faire simple on y fait beaucoup d’expériences en apesanteur, soumises (en partie) aux radiations cosmiques, et autres conditions qu’on ne retrouve pas sur Terre.
T’inquiète pas qu’au vu du coût financier de telles expériences, celles qui peuvent être faites sur Terre le sont.
Le 26/10/2020 à 11h33
En effet, elles ont un coût astronomique
Le 26/10/2020 à 16h29
J’aime cet euphémisme… La fuite a été localisée en laissant flotter des feuilles de thé et en regardant vers où elles se dirigeaient, puis elle a été “réparée” avec du ruban adhésif !
Le 26/10/2020 à 16h51
C’est exactement ce à quoi j’ai pensé quand ils ont parlé de “réparation” :p
Le 27/10/2020 à 08h23
“If it moves and it shouldn’t, use duct tape. If it doesn’t move and it should, use WD40.”
Le 26/10/2020 à 17h36
Note : même lavée avec Mir, une serviette ne colmate pas.
Le 26/10/2020 à 18h02
Bonsoir,
Les chinois prennent la suite pour l’orbite terrestre ;-)
Le 26/10/2020 à 18h07
N’empêche que ça marche !
Le 27/10/2020 à 10h38
Tant qu’il y a de la vodka à bord, tout va bien
Le 27/10/2020 à 12h21
Le ruban adhésif ça répare tout.
Le 27/10/2020 à 17h18
(bel euphémisme, qui m’a fait rigoler)
Le 27/10/2020 à 19h21
So true.
Ca me rappelle un des épisodes de ST Discovery : “I can fix that with duct tape” dit l’ingé Reno
Le 28/10/2020 à 08h08
Si ca ne tient pas avec du duct tape, c’est qu’il n’y a pas assez de duct tape
Le 28/10/2020 à 13h36
Et au passage, le ruban adhésif qu’ils utilisent là haut c’est certainement du kapton.