Courrier et colis : l’Arcep dresse un bilan du secteur suite à la crise sanitaire
Le colis rit, la lettre pleure
Le 25 octobre 2021 à 06h08
9 min
Économie
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L’Arcep n'est pas que le régulateur des télécoms. Elle a également chargée « des postes et de la distribution de la presse », notamment pour les questions tarifaires. Elle vient de publier son observatoire et, sans surprise, la tendance générale est à la baisse, sauf sur la livraison de colis. Avec quelques surprises.
L’année 2020 a été marquée par de profonds (et très probablement durables) changements dans nos habitudes. La Covid-19 a entrainé des confinements plus ou moins stricts de la population un peu partout dans le monde ces 18 derniers mois. Les usages sur le fixe et le mobile ont explosé, il en est de même dans la distribution des colis.
9,5 milliards de lettres, colis et presse, en forte baisse…
Une tendance qui suit la montée en puissance des commandes en ligne pendant les différentes phases de confinement. La question pour l'Arcep était de savoir dans quelle mesure exactement, avec quel impact concret, mais aussi ce qu’il en est des autres secteurs de la distribution du courrier (lettres, presse, etc.).
Dans la synthèse de son observatoire, le régulateur dresse les grandes lignes : « En 2020, les services postaux représentent 9,5 milliards d’objets adressés en France et à l’étranger (plis, colis, presse par circuit postal) ». Il y avait pour rappel 11,2 milliards d’envois en 2019 et plus de 12,6 milliards en 2016.
Depuis 12 ans, le marché des envois de correspondance – c’est-à-dire les lettres, mais pas les colis et la presse – se contracte en France. 2020 ne déroge pas à la règle, avec une accentuation du phénomène :
« Après un recul modéré entre 2008 et 2012 (- 3 à- 4 % par an) et une contraction plus soutenue entre 2013 et 2019 (- 6,5 % par an en moyenne), le volume de plis distribués en France (7 milliards en 2020) enregistre une chute sans précédent, de près de - 20 % en un an, soit un nombre d’objets inférieur de 1,7 milliard par rapport à l’année 2019 ».
…mais des revenus quasiment stables
Malgré une chute importante des objets adressés, les revenus sont quasiment stables : 14,963 milliards d‘euros HT en 2020, contre 14,8 à 15,1 milliards entre 2016 et 2019. La baisse des revenus liés aux envois de lettres de 14,6 % est en effet contrebalancé par la hausse de 13,1 % des revenus liés aux expéditions de colis.
Ces derniers représentent 1,4 milliard d’objets envoyés rien que l’année dernière, la distribution de la presse 822 millions et les 300 millions restants sont les exportations (on arrive ainsi bien à 9,5 milliards environ). Notez que les publicités non adressées sont au nombre de 12,3 milliards, mais comptabilisées à part. Nous y reviendrons.
L’Arcep rentre dans le détail des envois en fonction du niveau « d’urgence » : la grosse majorité des expéditions de plis (4,887 milliards sur près de 7 milliards, en baisse de 17,7 %) se fait en mode « trafic non urgent », c’est-à-dire remis à J+3 ou plus. Le trafic rapide représente 1,5 milliard de plis (- 18 %). Enfin les envois urgents en J+1 sont ceux qui baissent le plus (- 39,7 %), mais aussi ceux avec le plus faible volume avec 500 millions.
Cela représente tout de même plus de 1,3 million de plis en J+1 par jour en moyenne.
La publicité adressée et les correspondances chutent
Le régulateur s’attarde ensuite sur la publicité adressée, aussi appelée publipostage ou marketing direct. En 2020, elle est en chute libre (- 20,3 %) pour arriver à « 1,9 milliard d’envois, soit un peu moins de 30 % du volume total des envois de correspondance. Ce type de courrier diminue pour la quatorzième année consécutive et à un rythme compris entre - 7 et - 9 % entre 2017 et 2019 ». La crise sanitaire a là aussi accéléré les choses.
Le nombre des autres envois (plis hors publicité adressée) diminue également d’année en année, avec des irrégularités. En effet, les années 2017 et 2019 correspondent à des baisses bien moins importantes que les autres années, car il y a eu la distribution de courrier électoral : présidentielles et législatives en 2017, européennes en 2019 ». En 2020 aussi il y a eu des élections municipales, mais elles n’ont pas permis de limiter la chute.
Des colis toujours plus nombreux
Les colis – ils étaient 1,389 milliard en 2020 – affichent deux courants contraires : « D’un côté, la crise sanitaire a fortement intensifié le recours au e-commerce : d’après la dernière édition du Baromètre du numérique, en 2020, 76 % des personnes interrogées déclarent avoir réalisé au moins un achat de biens sur internet au cours des 12 derniers mois (+ 12 points en un an), dont 48 % au moins une fois par mois (+ 13 points un an) ».
Mais « de l’autre côté, l’envoi de colis entre entreprises (segment BtoB) a pu impacter partiellement à la baisse le marché du colis, avec la suspension ou la limitation de l’activité de certaines entreprises ». Il n'en reste pas moins que le différentiel est largement positif : « Au total, le volume de colis domestiques (en provenance et distribués en France) dépasse le milliard en 2020, soit une croissance de + 16,3 %, deux fois supérieure à celle de 2019 ».
Cela ne surprendra pas grand monde, mais « l’import de colis connait une hausse plus contenue (+ 3,4 % en un an en 2020) que celle des colis domestiques en raison des restrictions de flux à l’import, notamment lors du premier confinement ». En 2020, il y a eu 367 millions de colis importés.
L'Arcep rappelle que les années précédentes, les petits paquets, « notamment en provenance d’Asie » avaient largement contribué à l’augmentation du nombre de colis distribués en France en provenance de l’étranger. L'observatoire de l'année prochaine sera intéressant à analyser pour voir si le régulateur identifie des changements suite aux nouvelles règles mises en place par l'Union européenne concernant la TVA.
Certains – notamment les dropshippers – profitaient en effet de « dispositifs obsolètes pour échapper au paiement de la TVA ». Auraient-ils trouvé de nouvelles parades ou se seraient-ils pliés aux règles ?
L’Union européenne en tête de l’import-export
Le régulateur se penche au passage sur l'activité internationale du secteur : « Le nombre d’objets envoyés ou en provenance des pays étrangers (import et export) s’élève à 840 millions d’objets en 2020, en baisse de - 7,8 % en un an ». Il ajoute que « la majorité du trafic postal international est à destination ou provient de l’Union européenne ».
La part de l'Europe était en baisse année après année au profit d'importations chinoises et asiatiques, mais la crise sanitaire et la fermeture des frontières a rebattu les cartes (temporairement ?). En effet, cette tendance baissière « ne se confirme pas en 2020, en raison de la baisse des échanges hors Union européenne liés à la pandémie ».
Tous types d’envois confondus (courrier, presse, colis), les exportations descendent ainsi à 298 millions « seulement » en 2020. « La contraction de ces flux s’accélère depuis trois ans (- 9,7 % en 2020, contre - 5,9 % en 2019 et - 2 % en 2018). Ce recul accru provient majoritairement de la baisse plus intense des flux de correspondance hors publicité adressée (- 21,7 % en un an en 2020) », explique le régulateur.
Concernant les importations, deux mouvements s'opposent : « le nombre d’objets importés en France diminue pour la deuxième année consécutive (- 6,8% en 2020, après - 0,4% en 2019) », tandis que « l’augmentation du nombre de colis importés (+ 3,4% en un an) ne compense pas cette baisse », d'autant en cette période de crise sanitaire.
La presse en baisse, le portage aux abonnés absents
En 2020, la distribution de la presse aux abonnés par circuit postal continue sa baisse, avec 7,4 % de moins (dans la lignée des années précédentes) pour arriver à 822 millions d'exemplaires.
« Globalement, la distribution de presse aux abonnés est impactée, à l’instar de la vente au numéro, par la diffusion de la presse numérique », ajoute le régulateur. Les chiffres du « portage » ne sont pas communiqués, car les volumes « ne sont pas disponibles sur l'ensemble de l'année ».
Il s’agit pour rappel du deuxième canal de distribution, spécifique à ce secteur, en plus de celui de La Poste : « Certains éditeurs de presse ont créé leur propre réseau de distribution (sur liste d’abonnés). Les distributions gratuites de presse écrite sont exclues du champ de la publication », précise l’Arcep.
40 % de baisse sur la publicité non adressée
Continuons avec le marché de la publicité non adressée, c'est-à-dire « distribution des messages sans référence personnelle, sans adresse et sans nom ». Depuis quatre ans la tendance est faiblement baissière, mais elle s'est effondrée en 2020, là aussi « sous l’effet de la crise sanitaire ».
De plus de 20 milliards d'objets les années précédentes, on passe à un peu moins de 13 milliards, soit quasiment 40 % de moins. Les revenus suivent évidemment la même pente savonneuse.
Enfin, l'Arcep propose un point sur les investissements : ils étaient de 720 millions d'euros en 2020, en baisse de 11,6 %. Ils se décomposent en deux parties : « La contraction des investissements (- 95 millions d’euros en un an) est répercutée de manière équilibrée entre investissements corporels, avec une baisse de - 11,8 % en un an (infrastructures, équipements, machines de tri, bâtiments, etc.) et investissements incorporels, avec une baisse de - 10,9 % en un an (brevets, licences, logiciels, etc.) ».
Même chose sur l'emploi : « Le nombre d’emplois des opérateurs autorisés et de colis s’élève, au 31 décembre 2020, à 208 000. L’année 2020 est marquée par un recul de 8 000 emplois contre - 6 000 en 2019 et - 1 000 en 2018 ». Sur le long terme, le différentiel est impressionnant : « Entre 2010 et 2018, l’effectif salarié des seuls opérateurs autorisés a diminué d’environ 30 000 ».
Le rapport complet du régulateur se trouve par ici.
Courrier et colis : l’Arcep dresse un bilan du secteur suite à la crise sanitaire
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9,5 milliards de lettres, colis et presse, en forte baisse…
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…mais des revenus quasiment stables
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La publicité adressée et les correspondances chutent
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Des colis toujours plus nombreux
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L’Union européenne en tête de l’import-export
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La presse en baisse, le portage aux abonnés absents
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40 % de baisse sur la publicité non adressée
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 25/10/2021 à 06h42
La baisse du courrier est je pense pas mal lié à l’obligation de dématérialisation des factures et fiche de paie (obligatoire depuis 2017 pour les grosses sociétés et en cours pour les plus petites structures jusqu’à 2023).
Avec les impôts 10ans plus tôt, c’étaient les seuls courriers récurrents que je recevais.
Le 25/10/2021 à 07h18
Franchement pour la pub ça fait du bien :) Même avec un stop pub dificile d’y échapper parfois.
Pour le courrier, entre les délais et le prix du timbre qui augmente (soit disant pour compenser la baisse du courrier) il est tellement plus simple d’envoyer un mail, d’autant que presque toutes les démarches se font en ligne maintenant.
Le 26/10/2021 à 08h49
Le stop pub fonctionne très bien par chez moi. Les seuls qui l’ignorent sont certaines agences immobilières, ce qui est un argument en leur defaveur.
Le 25/10/2021 à 07h25
Il y aurait une autre raison ?
Le 25/10/2021 à 07h48
Que le prix du timbre suive le prix d’exploitation des services postaux (énergie, carburant…) c’est normal, mais qu’ils se mettent à monter les prix parce qu’ils ont moins de clients, c’est un peu… “étrange”.
Ils ne se disent pas que c’est (en partie) parce que le prix a plus que triplé depuis 2000 que les gens envoient moins ? C’est quand même passé de 0,46 € en 2000 à 1,46 € au premier janvier 2022…
Donc forcément, à la fin il ne reste que ceux qui peuvent payer des envois à >1,5 €, ou ceux qui ne peuvent s’en passer (banques, etc.).
Le 25/10/2021 à 07h57
Le prix du timbre doit couvrir le coût du service courrier. S’il y a moins de courrier alors le prix unitaire de chaque courrier doit augmenter.
Après je ne comprends absolument pas pourquoi on maintient des tournées très onéreuses sur 6 jours. Pour ceux qui ont besoin d’une délivrance quotidienne il y a les boites postales, pour les autres des tournées un jour sur deux seraient largement suffisantes.
Le 25/10/2021 à 08h42
Peut être pour les courriers recommandés avec AR qui ont une valeur légale. Le courrier est un service public.
Il faudrait faire reposer le prix du timbre sur le transport de colis…
Le 25/10/2021 à 08h59
Après, je ne comprends pas pourquoi on maintient des tournées
très onéreuses sur 6 jours, pour ceux qui ont besoin d’une délivrance quotidienne, il y a
les boites postales, pour les autres une tournée un jour sur deux serait largement suffisante
Le 27/10/2021 à 08h58
Euh c’est déjà le cas pour les tournées facteurs, j’ai travaillé sur ce projet afin d’avoir du un jour sur 2 dans beaucoup de communes.
Le 25/10/2021 à 10h49
Peut-être parce que les tournées servent aussi bien à distribuer les colis que le courrier. Si le volume de courrier diminue, mais que celui des colis augmente, diminuer le nombre de tournées n’est pas nécessairement une solution très pertinente pour résoudre le problème de coût de distribution du courrier.
Le 25/10/2021 à 11h54
Par chez moi, les colis ne sont absolument pas distribués par la même tournée que le courrier. Le facteur est en vélo, le matin. Les colis arrivent en général l’après-midi, en camionnette.
Le 25/10/2021 à 12h12
Le 25/10/2021 à 14h16
J’ai habité dans plusieurs coins de France en ville et à la campagne et hormis quelques rares petits colis affranchis en courrier, j’ai toujours eu deux tournées différentes pour les colis et le courrier.
Le 26/10/2021 à 05h59
ça n’a jamais été livré en même temps, l’unique exception est (était ?) les petits colis affranchis au tarif lettre (càd petite taille et affranchissement très cher, qui passent avec les lettres).
Tout le reste (de l’ecopli à chronopost), c’est une tournée différente. Après il y’a peut être des exceptions (tournées très longues avec très peu de courrier) ou le facteur qui fait aussi la tournée colis arrive à tout mutualiser mais c’est franchement l’exception.
Le 26/10/2021 à 08h11
J’ai été facteur dans une petite ville il y a une dizaine d’année. Ma tournée comportait aussi bien du courrier que des colis de tous types (de la lettre papier-bulle de 5g jusqu’à la tondeuse complète de 30kg, qui est la limite max). Toutes les tournées de tous le bureau à au moins 40km aux alentours fonctionnaient identiquement.
Les seuls endroits que je connaisse qui n’appliquent pas ce système sont les grandes villes.
Le 25/10/2021 à 08h49
J’ai - beaucoup - ramé pour réduire la publicité nominative en faisant pression sur les différentes entreprises DPO qui avaient à tort mes coordonnées (EDF, Engie,…) et lancent des campagnes de recrutement de clients intempestives.
De cette façon, j’ai pu réduire le courrier non souhaité/sollicité dans ma Bàl mais aussi le nombre d’entreprises (dataneo, zecible…) qui vendent et revendent mes données sans mon accord et sans que je sois informé.
Le 25/10/2021 à 08h51
Le courrier prioritaire et les recommandés c’est J+1, donc obligé de livrer tous les jours tant qu’il ne sera pas décidé de rallonger ce délai.
Le 25/10/2021 à 09h36
Il n’y a que la lettre prioritaire qui est à J+1, le recommandé est à J+2. Et ce sont des délais indicatifs, absolument pas un engagement de la poste de délivrer les courriers dans ces délais.
Un courrier recommandé qui arrive le mardi au lieu du lundi ça va changer quoi dans la vie des gens ? Dans la vraie vie, il suffit que la pochette des recommandés arrive au dispatching apès les courriers classique pour qu’ils soient distribués le jour d’après donc il y a une probabilité que le recommandé tant attendu arrive le mardi au lieu du mardi :p
Le 25/10/2021 à 09h20
En ville, la plupart des facteurs sont à vélo (souvent VAE)
Le 25/10/2021 à 09h44
Le 25/10/2021 à 10h02
Précisons que le courrier était à cette époque le seul moyen de communication à distance pour la très grande majorité de la population. Le seul moyen de prévenir sa maman qui vivait à 15 km qu’on ne venait pas pour le repas dominicale car les travaux aux champs prendraient plus de temps était le courrier.
Le 26/10/2021 à 19h59
Bientôt l’affranchissement de la lettre de 20 g au prix du colis d’1 kg ?
La Poste n’en n’est pas loin, le physique se met presque à ressembler presque au numérique, où l’email coûte que le même prix qu’il contienne “yo!” ou 25 MB de photos.
Le 27/10/2021 à 14h20
Je pense que la taille compte de moins en moins dans le coût du traitement. C’est toujours une prise en charge, un transport et une distribution, comme pour le courriel en effet.
Le 29/10/2021 à 19h22
Oui car les plateformes de tri sont rentabilisées, objet matériel ou pas.
La suite c’est que la conclusion salariale relativise trop vite ce gain et ce partout :
Donc la croisée de courbes entre les investissements|effectifs|volumes est tout sauf à l’équilibre pour les clients : les livraisons c’est maintenant avec une qualité de service aléatoire pour ne pas dire médiocre lorsqu’on ne parle pas de mauvaise foi.