Lois et numérique : une rentrée parlementaire 2014 encore chargée
Petit tour d'horizon des textes attendus
Le 21 août 2014 à 10h00
6 min
Droit
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La rentrée parlementaire concernant les textes liés aux nouvelles technologies sera aussi riche cette année qu’en 2013. Tour d’horizon des textes bientôt débattus dans l’hémicycle et ceux dont le sort reste encore bien vague.
La guerre des taxis et des VTC
L’un des premiers textes examinés sera la proposition de loi de Thomas Thévenoud sur les taxis et voitures de tourisme avec chauffeur. Le texte déjà adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, sera réexaminé en commission du développement durable le 10 septembre prochain par les députés.
Dans ses grandes lignes, il veut interdire la géolocalisation et la prise à la volée des VTC, alors qu’il tente d’insuffler l’open data dans l’univers des taxis. Les taxis qui le veulent pourront en effet partager leur identification, leur disponibilité et leur géolocalisation en temps réel afin d’améliorer le confort des clients. Les députés devront cependant arbitrer en seconde lecture plusieurs points votés par les sénateurs, notamment l’obligation pour les VTC de retourner au siège social ou dans un parking dès l’achèvement de leur prestation. Les sénateurs ont jugé la mesure antiéconomique et polluante à souhait et ont ouvert la possibilité pour un VTC de prendre une autre course dans la foulée, si elle est préalablement réservée.
Lutte contre le terrorisme
Un autre texte, d’ampleur plus importante, est celui porté par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Le projet de loi « Police et sécurité : dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme » a déjà été examiné en commission des lois. Il attend donc son examen en séance, à l’Assemblée nationale. Le texte va notamment instaurer un mécanisme de blocage administratif des sites d’apologie au terrorisme, mesure contre laquelle le PS s’était toujours opposé lorsque l’UMP était aux manettes.
C’est une autorité administrative qui viendra décider si tel ou tel site fait de l’apologie, avant d’ordonner aux FAI le blocage de son accès. Pour arrondir les angles, il a été décidé en commission que la CNIL entrera dans la boucle. Une personnalité désignée par ses soins vérifiera la régularité des demandes de retrait et les conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste des sites à bloquer. Au besoin, elle pourra alors attaquer la mesure de blocage devant les juridictions administratives. Le cas échéant, le juge n'interviendra donc qu'après la décision de blocage, non avant pour l'autoriser. Mieux, le rapporteur du texte a déjà admis qu’il y aura des risques de contournements, mais aussi de surblocage. Néanmoins, tempère-t-il, « je considère là-dessus que la politique ne peut pas rester passive face à des difficultés d’ordre technique ».
Le PS veut également profiter des futurs textes d’application de cette loi pour activer le blocage administratif des sites pédopornographiques. Dénoncé par le Conseil national du numérique, le Syndicat des Magistrats ou encore la Commission sur les libertés numériques, le projet de loi dépasse largement la question du blocage administratif. Il veut par exemple tenir compte de la recherche de plan de bombes dans les moteurs pour sanctionner un nouveau délit d’entreprise terroriste individuelle. Ce n’est pas tout, puisque l’échelle des peines en matière de piratage informatique sera accentuée. Une autre disposition avalisée en Commission des lois va quant à elle, sanctionner d’une certaine manière, le vol de données informatiques, ou encore la provocation au terrorisme tenue sur des réseaux fermés.
Économie numérique et données publiques
Les parlementaires seront également appelés à ratifier l’ordonnance du 12 mars 2014 relative à l’économie numérique. Un texte là encore très dense qui concerne la gestion des noms de domaine, les pouvoirs de sanction de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ou encore la fibre optique dans les logements et les locaux à usage professionnel.
Le 10 septembre prochain, la commission des finances examinera également le projet de loi « portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ». Une des mesures visera à habiliter le gouvernement à transposer par ordonnance, encore, la directive sur la réutilisation des informations du secteur public. Selon l’étude d’impact annexée au projet, l’exécutif promet de profonds changements quant à la tarification applicables à la réutilisation des informations du secteur public.
Deux inconnues : la loi sur le numérique et la loi création
Deux inconnues persistent dans le calendrier parlementaire. C’est d’une part, la loi sur le numérique où sont promises des mesures sur l’innovation, la protection des données personnelles ou encore la modernisation de l’action publique.
Une grande concertation est attendue au sein du Conseil national du numérique à la rentrée, mais sans plus de détail. « Nous sommes encore en interaction avec les différents ministères afin de cadrer le périmètre de la saisine (enjeux législatifs, aspects européens et internationaux) et les sujets abordés. L'idéal serait que la phase de concertation du CNNum débute concrètement en septembre » nous expliquait le Conseil fin juillet.
L’autre grand flou porte sur la loi sur la Création promise de longue date par Aurélie Filipetti. Le texte, désormais fort de 89 articles, a été reporté à maintes reprises par le ministère de la Culture tant le chantier parait très ou trop ambitieux. Malgré l’agacement des ayants droit sur l’indécision politique, il est maintenant attendu pour début 2015
Parmi les principales dispositions, il s’agira notamment de mettre en mouvement les préconisations du rapport Lescure. Cette loi ne devrait cependant pas améliorer le maigre bilan de celui-ci et notamment sur l’une des mesures phares attendues : le transfert des missions de la Hadopi au CSA. Et pour cause, ce transfert semble désormais enterré – Aurélie Filippetti ne l’évoque plus depuis plusieurs mois. Plus certainement, les préconisations du rapport Imbert Quaretta contre le piratage à échelle commerciale devrait trouver meilleure fortune, pourquoi pas dans un autre véhicule législatif. On pourra relire à ce titre notre interview de l’actuelle présidente de la Commission de protection des droits sur les mesures qu’elle souhaite voir en œuvre contre les sites de streaming et de direct download.
Lois et numérique : une rentrée parlementaire 2014 encore chargée
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La guerre des taxis et des VTC
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Lutte contre le terrorisme
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Économie numérique et données publiques
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Deux inconnues : la loi sur le numérique et la loi création
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 21/08/2014 à 10h16
Sur la loi pour la lutte contre le terrorisme, la vraie question c’est de savoir s’il y aura, dans l’opposition ou non, des parlementaires assez intelligents pour saisir le Conseil Constitutionnel notamment en ce qui concerne le blocage décidé par une autorité administrative.
C’est toujours déplorable de constater que ce sont les lois au nom de la sécurité qui touchent le plus aux libertés individuelles. Le législateur, cet ami qui nous veut du bien.
Sinon la loi sanctionne déjà le vol de données puisqu’elle en sanctionne la suppression, en revanche elle n’en sanctionne pas la copie. 323-1 Code pénal.
Leynas.
Le 21/08/2014 à 10h25
“C’est toujours déplorable de constater que ce sont les lois au nom de la sécurité qui touchent le plus aux libertés individuelles”
La réciproque étant que la seule façon de toucher aux libertés individuelles sans se faire taxer de dictateur (même si in fine, le résultat est le même), c’est de se draper des oripaux de la sécurité
Le 21/08/2014 à 10h29
La réciproque étant que la seule façon de toucher aux libertés individuelles sans se faire taxer de dictateur (même si in fine, le résultat est le même), c’est de se draper des oripaux de la sécurité
Non, cela peut être aussi pour faire respecter d’autres libertés individuelles, ou encore la présomption d’innocence, par exemple.
Leynas.
Le 21/08/2014 à 10h35
Et c’est reparti pour une nouvelle saison de «civilisation d’internet»…
Le 21/08/2014 à 10h43
Le 21/08/2014 à 11h00
Le 21/08/2014 à 11h13
Le 21/08/2014 à 11h23
Le 21/08/2014 à 11h33
Le 21/08/2014 à 11h42
Le 21/08/2014 à 15h02
Pour l’exécutif fort et le rôle plus important du Président de la République, c’est vrai mais ça n’implique aucunement une domination de l’exécutif sur le législatif.
Et qui décide des dissolutions ?
Le Président de la République, donc pas le gouvernement. J’ajoute que la nouvelle assemblée parlementaire n’est pas formée par le gouvernement, et que la nouvelle majorité peut donc être d’un bord différent. Permettant donc ainsi à l’Assemblée de voter une motion de censure si nécessaire pour forcer le gouvernement à démissionner. C’est un contrôle mutuel, et dans l’absolu c’est de la majorité à l’Assemblée dont dépend le gouvernement, comme on a pu le voir lors des cohabitations.
De qui provient majoritairement l’initiative parlementaire actuellement ?
Le gouvernement, mais cela ne signifie pas qu’il a une exclusivité.
Si constitutionnellement l’exécutif n’est pas maître du législatif, en pratique, c’est quand même un peu le cas, non ?
Ça l’est uniquement parce que le gouvernement et la majorité parlementaire sont dans le même camp, rien à voir avec la manière dont est formée la Ve République. En pratique, les cohabitations feraient presque pencher la barre du côté inverse.
Enfin, si tu regardes des régimes bien plus parlementaires avec l’exemple évident du système Britannique, je ne suis vraiment pas sûr que notre gouvernement ait beaucoup plus de pouvoirs que celui du Royaume-Uni.
Leynas.
Le 21/08/2014 à 11h47
Le 21/08/2014 à 11h58
Le 21/08/2014 à 12h13
Le 21/08/2014 à 12h17
Le 21/08/2014 à 12h23
Le 21/08/2014 à 12h42
Le 21/08/2014 à 13h23
Le 21/08/2014 à 13h40
Si ça ne fait pas avancer les idées proprement dit, ça montre à quel point le lobbying est efficace, et à quel point la Vème république est une blague.
Pour le lobbying, certainement, mais ça n’a rien à voir avec la Cinquième République. L’opportunisme politique existe en République et en dehors depuis qu’on fait de la politique et il y en aura probablement toujours. En soi, le fait que le législateur se moque de la Constitution n’est pas suffisant pour la qualifier de mauvaise et encore moins de “blague”.
Leynas.
Le 21/08/2014 à 13h43
Le 21/08/2014 à 14h03
Le 21/08/2014 à 14h36