Difficile autonomie universitaire dans le numérique
Alors imaginez la souveraineté…
Le 24 mars 2022 à 13h50
13 min
Sciences et espace
Sciences
Les universités françaises sont-elles en capacité de se passer des outils des GAFAM ? Alors que le milieu universitaire est l’un des berceaux d’internet et des infrastructures physiques du réseau, les millions d’utilisateurs qu’elles brassent attirent les géants du numérique comme Google, Microsoft ou Zoom.
Si les universités françaises ont vu depuis quelques années les GAFAM s’intéresser à elles, elles ont pu construire, depuis les années 90, des outils numériques avec beaucoup d’autonomie. C’est très atypique pour une gestion de politique publique française du numérique par rapport aux autres ministères.
« C’est la communauté qui gère » appuie Bertrand Mocquet, expert numérique à l’AMUE (Agence de mutualisation des universités et des établissements) et chercheur au laboratoire MICA à l’université Bordeaux Montaigne. Certaines universités ont décidé de laisser leur Direction des systèmes informatiques (DSI) gérer seules ces outils mais beaucoup ont décidé de participer à des groupements d’intérêt public comme Renater (fédération des réseaux de la communauté française de la recherche et de l’enseignement) et AMUE.
Ça a fonctionné pour les infrastructures physiques et dans une certaine mesure pour les logiciels qui s’appuient sur la communauté du libre. Mais c’est beaucoup plus difficile quand il s’agit de services numériques en ligne qui consomment des besoins énormes en puissance et de bande passante.
Des réseaux physiques indépendants
L’accès à internet est la première couche d’autonomie numérique des universités. Si la bibliothèque scientifique clandestine Sci-hub reste accessible sur les campus français, par exemple, c’est que Renater ne fait pas partie des quatre fournisseurs d’accès internet visés par les attaques en justice des éditeurs scientifiques.
Ce groupement d’intérêt public a eu pour mission dans les années 90 d’unifier et gérer la plupart des réseaux physiques de l’enseignement supérieur et de la recherche français. Il a ensuite participé à la création de la fédération des réseaux académiques GÉANT (Gigabit European Academic Network Technology) dans les années 2000.
Pour la création de datacenters, le ministère a récemment choisi de faire un appel d’offres auprès des universités pour s’assurer qu’il en existe un dans chaque région, labellisé et géré de façon professionnelle. Mais c’est toujours Renater qui s’occupe de créer et d’entretenir les backbones qui relient ces datacenters au réseau.
Mais Renater a connu une remise en question importante à l’été 2021 : « "Insincérité chronique des budgets prévisionnels", "situation financière particulièrement instable", "menaces de dégradation voire de suspensions de certains services engendrées par les risques de 'cessation de paiement'"» listait l’agence de presse AEF résumant le rapport d’audit de l’Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche.
La Conférence des présidents d’université (renommée depuis France Universités) plaidait déjà en 2020 pour « une évolution radicale de la gouvernance » et de son cœur de métier pour le tourner vers « une offre de services souverains de qualité (visioconférence, stockage de données, partage de documents, etc.) ». D’après le ministère les difficultés budgétaires sont en train d’être réglées et les changements au niveau de la gouvernance en train de se faire.
« Ce n’est pas complètement derrière nous mais on a un bilan 2021 qui est bien moins catastrophique que ce qu’on aurait pu craindre et des projections 2022 assez optimiste » veut rassurer Mehdi Gharsallah, conseiller stratégique pour le numérique à la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, « c’est vrai que ça a tangué un peu, je ne vais pas vous dire le contraire mais nous n’avons pas du tout lâché ni Renater ni ses missions ».
« Le cœur de métier de Renater est le transport de la donnée pour la recherche, c’est ce qu’ils savent faire très très bien », juge-t-il encore, « il y a pas mal de pays dans le monde qui nous envient Renater parce que, quand il y a un accélérateur de particules qui se met en route, quand il y a une fusée qui décolle à Kourou ou un observatoire qui décharge ses données spatiales sur le réseau, ça fait un paquet de données à transporter et à traiter très vite et c’est à ça que sert Renater ». Reste que Renater n’a pas voulu répondre à nos questions.
Des progiciels « maisons » mais parfois basés sur des solutions propriétaires
Les universités ont aussi eu l’ambition de gérer leurs propres progiciels. Au sein de l’association Coktail, les petites universités ont créé leur logiciel de gestion administrative des étudiants Scolarix. De leur côté,avec l’AMUE, les plus grosses universités ont créé le leur, Apogée mais aussi des logiciels de gestion budgétaire et comptable SiFacet de gestion RH, et SIHAM.
Mais si ces logiciels étaient d’abord développés par l’AMUE et les DSI des universités « from scratch », depuis les années 2000, SiFac et SIHAM s’appuient sur les logiciels propriétaires SAP et HR access pour « ne pas prendre de risque sur les fonctions régaliennes » précise Bertrand Mocquet et Scolarix et Apogée sont en train de fusionner dans une nouvelle solution appelée Pégase.
Une hétérogénéité des DSI...
Mais les progiciels sont loin d’être les seuls logiciels utilisés massivement à l’université. Les services de messagerie, de travail collaboratif, de visioconférence et de classes virtuelles ont maintenant une place centrale dans l’enseignement supérieur. Et les moyens pour lutter contre les propositions des GAFAM comme Google for Education ou Office365 ne sont pas les mêmes selon les universités.
Cédric Foll, directeur de l’infrastructure et du support à l’université de Lille, l’une des plus importantes universités de France en nombre d’étudiants (80 000) explique que son université a les moyens de gérer une bonne partie de ces services elle-même : « Dans mon service il y a un peu plus d’une centaine de personnes aujourd’hui. Nous gérons de manière interne la plupart de nos applications qui tournent dans la très grande majorité des cas sur notre propre data center. Nous avons à peu près 2 000 machines virtuelles pour faire tourner l’ensemble du système d’information ». Sur ces machines, tournent notamment Zimbra pour l’email, Moodle pour l’interaction enseignant-étudiant, NextCloud et Collabora pour le travail sur documents collaboratifs.
« Nous avons 130 000 comptes à gérer : 80 000 étudiants, 10 000 personnels plus tous les vacataires » commente Cédric Foll, « et nous devons aussi faire avec le turnover étudiant avec, chaque année, plusieurs milliers d’étudiants qui rentrent et sortent de l’université ». D’autres universités de la même envergure comme Aix-Marseille Université ou l’Université de Strasbourg ont les moyens d’offrir les mêmes services à leurs personnels et étudiants.
Toutes ne le peuvent pas. Pour les petites universités comme La Rochelle, ce n’est pas envisageable tout simplement par leur taille. L’association Esup fédère les différentes DSI universitaires pour qu’elles puissent profiter des développements et de services mutualisés entre elles.
Avec un service de 37 (et bientôt 45) personnes, Francis Forbeau, DSI de l'université de La Rochelle et président d’ESUP, considère qu’il ne peut pas assurer seul les services demandés par le président de l’université. Mais l’association Esup qui fédère les différentes DSI des universités et dont il est président permet à son service de profiter des développements et des services mutualisés des autres universités. « Nous pouvons être porteurs sur certains domaines que l’on choisit et utiliser les solutions créer par les collègues d’autres universités pour d’autres services en ligne » explique-t-il. Renater s’est aussi diversifié et propose des services comme une messagerie collaborative (messagerie, agenda, documents collaboratifs,...) nommée « Partage ». 430 000 personnes de l’enseignement supérieur et de la recherche français ont accès à cette solution.
… qui ouvre des portes aux GAFAM
Mais les DSI universitaires font aussi face à un marché du travail sur lequel elles ne peuvent pas lutter : « On a un problème de recrutements dans les universités » explique Cédric Foll, « et les problèmes les plus importants sont dans la région parisienne où la différence de rémunération est beaucoup plus importante entre l’université et le privé qu’en province ».
Une bonne partie des universités parisiennes est passée sur Office 365 pour simplifier la gestion de leurs services. D’autres sont passés à Google Suite ou Gmail. En 2018, l’université de Nanterre a voulu passer toute la gestion des emails de l’université sur la messagerie de Google arguant de la simplicité et de la gratuité du produit. Mais les personnels n’ont pas apprécié que leurs emails passent sur les serveurs du géant du web et l’université a finalement décidé de ne passer que les comptes des étudiants sur cette solution. Résultat, les emails des personnels sont restés sur une solution qui périclite gérée par un prestataire local extérieur à l’université.
En 2016, la direction de l’université Sorbonne-Nouvelle a pris la décision de passer contrat avec Google pour sa suite relative aux emails et documents partagés utilisée par les étudiants et le personnel. Le personnel de cette université ne peut donc pas éviter les services de la multinationale pour travailler.
Valérie Robert, Maître de conférences en Études germaniques qui a publié un billet de blog en 2018 voulait boycotter son adresse email universitaire pour ne pas utiliser les services de Google mais s’est bien vite rendu compte qu’il lui était impossible de travailler sans son adresse email institutionnelle.
« Ce que je ne comprends pas », proteste Frédéric Erard représentant CGT de l’établissement qui travaille à la Direction du Numérique de l’établissement, « c’est que la CNIL et l’État français ne prennent pas ces choses-là plus au sérieux parce qu’il y a un réel problème de protection des données en général et la confier aux GAFAM est surprenant. Nous n’avons aucune manière de nous en prémunir puisque l’outil général de communication est l’email ».
Finalement, suite à l’invalidation du Privacy Shield par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la CNIL a rendu un avis en mai 2021 « appelant à des évolutions dans l’emploi de ces outils et accompagnera les organismes concernés pour identifier les alternatives possibles » mais il est difficile pour les universités qui ont mis le pied dans les systèmes des GAFAM d’en sortir.
Covid, visio et continuité pédagogique
Mais cette position française face au GAFAM n’est pas si catastrophique par rapport aux autres pays. « Nous avons constaté que la France était complètement atypique au moment de la gestion de la crise du Covid : dans beaucoup de pays, ils n’avaient pas une solution simple donc ils ont utilisé Google Classroom, du Google Education etc. » explique Bertrand Mocquet co-auteur d’un article sur l’interruption de l’éducation à travers le monde pendant la crise dans la revue scientifique « Asian Journal of Distance Education .
« Mais en France, sur le learning managment system, il y a eu une certaine stabilité qui nous a permis d’absorber la crise mais c’est devenu un problème d’infrastructure », ajoute-t-il, « la plupart des universités françaises ont une tradition d’aller sur Moodle. Ce qu’on n’a pas vu venir, c’est qu’au 15 mars avec l’injonction à fermer les universités, nos outils n’étaient pas dimensionnés et un problème d’infrastructure est apparu ».
Le réseau Renater a effectivement subi des pannes, son outil de visioconférence aussi et l’outil de visioconférence libre qui fait consensus Big Blue Button nécessite des investissements en serveurs locaux qui n’ont pas pu être fait assez rapidement. « Résultat, les utilisateurs se sont réfugiés vers des services en ligne en SaaS comme Zoom et Teams » déplore le chercheur.
Depuis, le ministère veut apprendre de cet épisode. Il a décidé en début d’année 2021 d’attribuer 4,2 millions d’euros du plan de relance au GIP France Université Numérique pour créer un « Zoom » de l’enseignement supérieur français.
Cet outil en cours de développement et de test s’appuit sur des solutions peu utilisée jusqu’ici dans l’enseignement supérieur et la recherche français : les services de cloud computing privés tels que les français OVHcloud, Scaleway mais aussi le CDN d’AWS.
« Sur des volumes de vidéos importants qu’on sert chez FUN, nous ne nous interdisons pas de travailler avec Amazon et nous ne trouvons pas ça contradictoire avec la notion de souveraineté », assume Samuel Paccoud, responsable technique chez FUN, « nous revendiquons même que ce soit beaucoup plus « souverain » de maîtriser son code et son infrastructure (Amazon ce sont des infrastructures techniques mises à disposition des développeurs qui savent ce qu’ils mettent ou pas) que, parfois, d’héberger un outil dont on pense avoir la maîtrise totale mais qui ne répond pas au besoin et qui fait fuir les utilisateurs ».
Cette solution permet d’avoir une certaine assurance d’avoir une infrastructure à l’échelle de la charge demandée. Si l’équipe de FUN dit ne pas vouloir imposer sa solution comme l’unique possibilité de visioconférence dans l’enseignement supérieur français, l’efficacité du cloud pourrait lui permettre de prendre le pas rapidement.
Si c’est le cas, la question sera de savoir si, à long terme, une solution nationale centrale dépendant du CDN d’AWS n’est pas plus problématique pour les infrastructures de l’enseignement supérieur français que d’avoir diverses solutions plus fragiles mais plus indépendantes d’une des plus grosses entreprises du numérique.
Difficile autonomie universitaire dans le numérique
-
Des réseaux physiques indépendants
-
Des progiciels « maisons » mais parfois basés sur des solutions propriétaires
-
Une hétérogénéité des DSI...
-
… qui ouvre des portes aux GAFAM
-
Covid, visio et continuité pédagogique
Commentaires (14)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 24/03/2022 à 16h45
Vous pensez qu’ils seraient preneurs de personnes motivées à contribuer au bien commun ? :sifflotte:
Merci pour l’article en tout cas, ça fait plaisir de voir qu’en dépit des inégalités de moyens et d’implication il y a une tendance de fond depuis des années pour se réapproprier les outils de gestion. :)
Bravo et bonne continuation à toutes les personnes impliquées
Le 24/03/2022 à 18h59
Qui ça « ils » ? Une des infos de l’article c’est que les DSI universitaires ont du mal à recruter parce que leurs salaires sont trop faibles par rapport au privé, à qualification équivalente. Donc si la question est de savoir s’il y a des postes ouverts, oui, mais à quel prix ?
Le 24/03/2022 à 20h12
Ce que je trouve fou, c’est qu’en France on a des boîtes qui font du soft opensource de qualité (Tracim, Xwiki), en Europe aussi, on a des projets open qui ne demandent qu’à être soutenus (VLC, Peertube), d’autres plus internationaux mais ouverts (Big Blue Button, Jitsi Meet, etc), on a soit disant des SS2I parmi les leaders mondiaux, et pourtant nos administrations se précipitent chez les GAFAM où “quand tu ne payes pas, c’est toi le produits…”.
La crise du Covid peut probablement expliquer en partie la situation, mais j’espère qu’il y aura à l’avenir un changement de cap pour éviter de se retrouver piégés par les grosses plate-formes US.
Pas d’anti-amercanisme de ma part, ils font de très bonnes innovations. Juste que même si la France et l’Europe sont un peu moins avancés, c’est peut-être aussi parce que le soutien à l’innovation nationale y est moins bon…
Le 25/03/2022 à 06h05
Comme dit dans l’article, il existe un problème réel de maintien des talents. Depuis dix ans que le point d’indice est gelé dans la fonction publique, tous les emplois publics (prof, juge, infirmier, etc.) ont perdu 20% de pouvoir d’achat par rapport à des emplois équivalents dans le privé. Et ceux dans l’informatique sont encore plus rémunérateurs, donc les grilles sont complètement inadaptées.
Même avec l’intérêt public en vue, les personnes ont des familles à nourrir. Mutualiser les développements (Esup, etc.) est une très bonne idée, mais il faut des bras localement pour mettre en œuvre, et des infrastructures aussi.
Le but des gouvernements depuis 2009 et l’“autonomie des universités” est de passer sur un modèle payant à l’américaine. D’où la destruction plus ou moins insidieuse des services publics, par sous-financement, alors qu’on subventionne massivement le privé avec les impôts des pauvres (CICE, baisse de la fiscalité, etc.). Et on monte la population contre ces “feignasses de fonctionnaires”, pour qu’elle n’aille surtout pas critiquer les politiques à l’origine des dysfonctionnements qui en résultent.
Le 25/03/2022 à 08h58
J’ai fait plusieurs stages et emplois saisonniers dans le public, où on m’a dit, je cite : “tu travailles trop vite, il faut en faire moins sinon après on nous demandera d’en faire autant tous les jours”.
Certes, c’était un emploi de catégorie C (vérification des demandes de passeports et cartes d’identités), mais d’expérience, une partie du fonctionnariat (catégories C et B) est en réalité de l’emploi aidé.
Alors oui, il vaut clairement mieux employer des personnes que de fabriquer des chômeurs, mais certaines critiques sont justifiées.
Le 25/03/2022 à 09h13
D’accord avec le constat. Pour autant, je pense que ce n’est pas/plus le cas dans les secteurs dont on parle. Les DSI universitaires, si elles peuvent avoir à gérer un passif sur certaines catégories d’emplois, sont sous une pression continue pour mettre en œuvre des technologies de plus en plus pointues, ce qui nécessite des compétences spécifiques. Ça n’empêchera pas des cas individuels de flemme (ni dans le privé, d’ailleurs, contrairement à un mythe tenace), mais ce n’est pas une raison pour détruire l’ensemble du système.
Comme le disait @Follc, la question est : comment investir dans les budgets universitaires (entre autres), au niveau des usagers “pull”, en tant que leviers de souveraineté, plutôt que de filer 150 millions d’un coup en “push” à des potes pour monter un pseudo-cloud souverain qui ne marchera pas car le marché n’a pas été traité (remember CloudWatt et Numergy).
Le 25/03/2022 à 09h44
Et tu penses que dans les grandes entreprises privées, les employés du même type pensent ou agissent différemment ?
Perso, j’ai fait des petits boulots d’été dans le secteur bancaire privé (service financier) et j’ai eu droit aux mêmes remarques.
Le 25/03/2022 à 07h08
Ce qui n’est pas indiqué dans l’article, et qui explique le choix des GAFAM par beaucoup d’universités, est que les budgets des univ est ridiculement faible et que les géants du numérique peuvent se permettre de vendre à perte.
Microsoft 365, de même que Google Workspace est gratuit pour les universités, une licence Zoom me coûte 1€/utilisateur/an pour mes 130.000 utilisateurs.
Typiquement, un éditeur qui me proposerait pour de la messagerie ou de la visio, ne serait ce que 5€ par user/an, n’aurait aucune chance, je n’ai tout simplement pas le budget..
Donc les universités font tout en interne avec un maximum de briques open source quand elles ont (encore) les ressources humaines, ou vont vers les GAFAM qui les accueillent à bras ouverts.
Le 25/03/2022 à 08h53
Effectivement, il faudrait que les aurorités de la concurrence enquêtent fortement sur les pratiques de dumping des Big Techs, qui détruisent toute concurrence, secteur par secteur, tout en se finançant sur ceux pour lesquels la concurrence a déjà été détruite ou sur des rentes régaliennes (type : contrat “open bar” entre Microsoft et le ministère de la défense, en dehors de tout cadre légal).
Le 25/03/2022 à 09h06
Le problème est multiple. Il y a un manque flagrant de soutien à l’innovation (on cherche à faire des licornes sur des business model pourris plutôt que de retrouver le contrôle d’outils réellement utiles dans les administrations et services publics), mais aussi des problèmes d’optimisation des ressources parce que les structures publiques sont souvent en roue libre.
Petit exemple illustratif : la Bourgogne et la Franche-Comté fusionnent en région Bourgogne Franche-Comté. Au lieu de fusionner les établissements (3 ou 4 écoles d’ing et 2 universités), une COMUE a été montée, donc on a rajouté une strate administrative par dessus les établissements (30 fonctionnaires cat. A pour gérer une structure avec très peu de moyens propres, quasiment tout étant resté prérogatives des établissements). Ça aurait été le moment rêvé pour fusionner les DSI, et dédier des équipes à divers aspects (mail, ENT, etc.) pour garantir une qualité de service et une évolution des outils plus rapide (à moyens constants).
En fait non, chacun a tiré vers soi, tout le monde a inventé milles excuses pour ne pas faire le premier pas vers un compromis où tout le monde s’y serait retrouvé, et on parle aujourd’hui d’externaliser les mails chez MS parce que vous comprenez, on n’a pas les moyens de continuer à gérer Zimbra et tous les autres services.
Je ne pense pas que ce soit aussi lamentable dans tous les ministères, mais les universités (dont les MCF et les PU sont nommés par le ministre/président de la République, et donc ingérables) sont championnes du n’importe quoi, en confondant l’indépendance qui leur est nécessaire en termes de recherche/enseignement, avec une indépendance absolue (notamment administrative). Ajoutez à ça le fait que, contrairement à ce qu’on imagine, les chercheurs sont toujours en train de se tirer dans les pattes au lieu de coopérer, vous avez une institution complètement inefficace.
Je suis d’accord au sujet des budgets, mais leur usage est en plus très mal géré (notamment les moyens affectés aux DSI et le manque de coopération, qui, même si elle est parfois voulue par les DSI, est refusée par leurs établissements, cf. ci dessus l’exemple de la COMUE BFC).
PS : pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi les DSI sont soumises à des décisions arbitraires : les universités ont un VP numérique qui n’est pas du métier (au mieux, chercheur en info, au pire en SHS) et qui chapeaute les activités numériques de l’établissement. Il y en a des biens, il y en a des très mauvais.
Le 25/03/2022 à 09h16
Et c’est normal, ça n’est pas la même chose de travailler à fond un mois quand tu es jeune, que plus de 40 ans à faire la même chose…
Le 25/03/2022 à 09h24
Tout dépend de ce que tu appelles “normal”.
Je me rappelle durant mon BTS, un camarade de classe qui a fait son stage auprès de la Banque de France a dû ralentir à 10% de ses capacités, sinon en 3 jours il aurait fini son boulot pour le mois complet (il a quand même malgré tout fini une bonne semaine avant). Pourtant, il ne forcait pas, il y allait tranquillement. Et une contractuelle était aussi mal vue par les autres car elle peinait à ralentir autant…
Après, c’est loin d’être ainsi partout dans la FP, il y a des services où ils ne sont clairement pas assez nombreux et prennent du retard malgré tous leurs efforts…
Le 26/03/2022 à 12h31
Le sujet c’est pas le hardware, c’est le software.
Le plus important c’est la qualité de service et les DSI internes des universités ne sont pas en mesure de fournir un niveau de service professionnel. Ce n’est pas grave, c’est pas forcément un problème car elle n’ont pas la taille critique, le problème c’est qu’elles n’ont pas d’offre concurrente réellement au niveau.
Donc soit elles utilisent les Google où Microsoft et elles gardent quand même la main sur les policies, soit elles proposent un SI qui ne répond pas aux attentes et elles ouvrent la porte à la shadow IT.
J’enseigne à l’université de Lille cité en exemple, les enseignements s’organisent sur Discord, Zoom et GitHub pour contourner des outils inadaptés…
Le 27/03/2022 à 13h08
Qu’on dise qu’un outil libre n’est pas parfaitement adapté à un besoin, soit. Mais son code étant ouvert, n’importe qui peut le retravailler et le compléter si besoin, et ce n’est pas les ingénieurs informatiques compétents qui manquent en France. Juste la volonté politique de couper le cordon avec les GAFAM, et de défendre sa souveraineté numérique, en allouant de réels budgets de développements, et en faisant travailler nos EDL françaises qui n’attendent que ça ! Si les marchés publics n’étaient pas si truqués par le copinage, ça fait longtemps qu’on aurait des perles parfaitement adaptées à nos besoins !
Ensuite ceux qui choisissent la trahison en imposant des outils numériques non libres et inutiles le font soit par bêtise et ignorance, soit en parfaite connaissance de cause.
Attention : je ne nie que dans certains cas particuliers, il n’existe pas d’équivalent libre à un logiciel privateur de liberté, obligeant à faire une exception.
Mais bien souvent, les gens s’enferment eux-mêmes dans une croyance absurde qu’il n’y a pas d’autres solutions, et n’ont pas le réflexe ou la curiosité d’aller chercher sur le web un plan B. Et quand ce plan B existe, ils rechignent encore à apprendre le nouveau logiciel par simple paresse ou facilité immédiate. Sans parler de cette grande mode française qui consiste à se créer des cahiers des charges impossibles, alors que sur le terrain, seules 10% des fonctionnalités attendues seront réellement utilisées.
“L’autonomie” est d’abord une philosophie de travail à imprimer dans la tête des gens, en leur apprenant l’informatique, et en leur expliquant que leur utilisation de l’ordinateur dans le foyer n’a rien à voir avec les contraintes d’un groupe de travail.
Quand je vois des gens sous mac qui ne jurent que par les outils cloud privateurs de liberté, parce qu’ils sont nourris par apple dans ce sens, il faudra beaucoup de temps pour les sevrer de leur dictateur adoré, et leur faire comprendre les contraintes minimales de sécurité et de confidentialité dans le monde professionnel. Et côté cloud, c’est pourtant simple à retenir : tout ce que vous mettez sur internet est perdu !