La France active le déréférencement administratif des sites
La boucle est bouclée
Le 05 mars 2015 à 08h41
5 min
Droit
Droit
Un mois à peine après avoir publié le décret activant le blocage des sites « terroristes » et pédopornographiques, le gouvernement vient de faire paraître celui relatif au déréférencement administratif de ces mêmes sites, qui pourront donc disparaître des Google, Bing et autres « annuaires » Internet. Explications.
Mise en musique de la LOPPSI et de la loi anti-terroriste de novembre 2014
Parmi la batterie de mesures adoptées au travers de la dernière loi anti-terroriste, figurait deux dispositifs complémentaires : le blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme (telle que réprimée par l’article 421-2-5 du Code pénal), ainsi que le déréférencement, toujours sans passer par la case du juge, de ces mêmes sites. En somme, l'idée était de faire en sorte que ces pages soient inaccessibles tant en passant par un moteur de recherche qu’en s’y rendant directement, en tapotant leur URL dans un navigateur.
Alors que les décrets d’application de ces dispositifs contestés tardaient à être pris par le gouvernement, les tragiques événements du mois de janvier sont venus en accélérer l’activation. Dès le lendemain des attentats contre Charlie Hebdo, l’exécutif notifiait son projet de décret sur le blocage administratif des sites terroristes et pédopornographiques (prévu par la LOPPSI de 2011, mais jamais appliqué faute de texte d’application) à la Commission européenne. Le 6 février, c’était au tour de celui sur le déréférencement administratif de ces mêmes sites d’être transmis à Bruxelles.
Des sites déréférencés dans les 48 heures suivant la notification de l’OCLCTIC
Ce matin, le décret signé notamment de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a été publié au Journal officiel. Il entrera donc en vigueur dès demain. Calqué sur celui relatif au blocage administratif, qui fait en quelque sorte figure de grand frère, ce texte d’application n’a guère changé depuis sa notification à Bruxelles. Le déréférencement au sein des « moteurs de recherche » et « annuaires » (comme l’indique la loi, sans que le décret ne définisse ce qu’est un « annuaire »), se fera en deux étapes.
Premièrement, l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) transmettra « aux exploitants de moteurs de recherche ou d’annuaires les adresses électroniques » à déréférencer. Ce service composé de gendarmes et de policiers – le même qui gère la blocage administratif des sites – devra avertir par la même occasion et « sans délai » la personnalité qualifiée désignée par la CNIL, Alexandre Linden.
Deuxièmement, les moteurs et annuaires seront tenus de prendre « toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement de ces adresses », et ce « dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification ». Autrement dit, ces intermédiaires devront se débrouiller pour que les sites litigieux disparaissent de leurs écrans... Très peu bavard sur ce point, le décret ajoute simplement que ces acteurs mis à contribution ne devront pas modifier « les adresses électroniques, que ce soit par ajout, suppression ou altération ».
Une vérification tous les trimestres
Une fois les sites déréférencés, l’OCLCTIC vérifiera « au moins chaque trimestre que les adresses électroniques notifiées ont toujours un contenu présentant un caractère illicite ». Si tel n’est pas le cas, l’institution avertira les moteurs et annuaires afin que ceux-ci « rétablissent par tout moyen approprié le référencement de ces adresses électroniques », à nouveau dans un délai de 48 heures.
S’agissant du contrôle exercé par la personnalité qualifiée désignée par la CNIL, Alexandre Linden, la loi de novembre dernier lui confère des pouvoirs identiques à ceux qui prévalent pour les blocages de sites : il pourra « recommander » à l’OCLCTIC de mettre fin à une mesure de déréférencement s’il « constate une irrégularité ». En cas d’opposition de l’institution, l’intéressé aura la capacité de « saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête ».
Les moteurs et annuaires pourront obtenir le remboursement de leurs « surcoûts »
Au niveau de la compensation du coût de ces mesures pour les intermédiaires, le décret renvoie comme prévu à celui sur le blocage administratif. Seuls les « surcoûts » éventuels seront pris en charge par l’État, ceux-ci étant entendus comme les « investissements et interventions spécifiques supplémentaires » résultant de ces nouvelles obligations.
Pour obtenir un remboursement, les moteurs et annuaires devront tout d’abord envoyer à l’OCLCTIC « un document détaillant le nombre et la nature des interventions nécessaires ainsi que le coût de l'investissement éventuellement réalisé ». Ce récapitulatif sera ensuite passé au peigne fin par le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies. Et ce n’est qu’au vu de cette analyse que le Trésor public procèdera au paiement des « surcoûts justifiés », sur présentation d'une facture.
Plusieurs QPC bientôt déposées devant les tribunaux ?
Si le dispositif pourra officiellement prendre son envol dès demain, il n’en demeure pas moins menacé. Maintenant que ce décret est paru, il peut être attaqué devant les tribunaux. Alors que le législateur n’a pas jugé utile de déférer la dernière loi anti-terroriste devant le Conseil constitutionnel, plusieurs organisations ont d’ores et déjà fait savoir qu’elles tenteraient de porter une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) jusque devant les Sages de la Rue Montpensier. C’est notamment le cas de La Quadrature du Net et de l’Association des sites Internet communautaires, qui réunit en son sein Google, Microsoft ou Dailymotion.
La France active le déréférencement administratif des sites
-
Mise en musique de la LOPPSI et de la loi anti-terroriste de novembre 2014
-
Des sites déréférencés dans les 48 heures suivant la notification de l’OCLCTIC
-
Une vérification tous les trimestres
-
Les moteurs et annuaires pourront obtenir le remboursement de leurs « surcoûts »
-
Plusieurs QPC bientôt déposées devant les tribunaux ?
Commentaires (29)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 05/03/2015 à 08h49
du coup, samedi, on a une modif des DNS des box qui se met en place… j’ai tout compris ?
Le 05/03/2015 à 08h56
Non, c’est juste un déréférencement, rien à voir avec les DNS, c’est juste qu’on trouvera plus ces sites en tapant leur nom sur google, bing, etc…
Le 05/03/2015 à 09h17
Est-ce que ça fera comme dans le bon vieux temps avec les Pages Jaunes :
? " />
Le 05/03/2015 à 09h22
Cool, donc les sites d’opposition politique pourront être classés comme terroriste!
Les prochaines campagnes sur Tor!
Le 05/03/2015 à 09h24
Les DNS c’était le mois dernier.
Le 05/03/2015 à 09h27
Le 05/03/2015 à 09h33
Gageons que les moteurs de recherche puissent donner des résultats différents suivant les lieux de connexion.
Ainsi, nous n’auront qu’à passer par un simple proxy étranger pour avoir des résultats déréférencés en France.
Le 05/03/2015 à 09h48
“le blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme (telle que réprimée par l’article 421-2-5 du Code pénal), ainsi que le déréférencement, toujours sans passer par la case du juge, de ces mêmes sites.”
Moi je trouve ça perturbant qu’un truc réprimé par le code pénal puissent être sanctionné sans juge. Ce qui est dans le code pénal ce sont des délit non? Donc soumis à un jugement à la base pour être sanctionné? Je ne suis pas expert en droit.
Ca me fait un peu penser aux Etats Uniens qui autorisé (ou autorise) les gardes à vue sans délai max (24/48h) si suspicion de terrorisme. Bref c’est toujours le côté très arbitraire de la définition de terrorisme (pour la pédophilie il y a pas photos la frontière est claire).
Un groupe alter mondialiste pourrait donc être classé comme terroriste et se voir privé de liberté d’expression sur le net sur une simple décision de l’OCLTCIC alors qu’au final ce n’est que de l’opposition. C’est un cas extrême mais on pourrait même l’amener à des organes plus gentillets d’oppositions qu’on voudrait museler.
A la limite même Dieudonné qui tout en restant un con pourrait être classé de terroriste et interdit de liberté de parole…. ho wait…. ça c’est déjà le cas mais par les tribunaux.
Assez paradoxale en fait de voir qu’il y a 2 mois des millions de gens ont foulés les pavés des rues de France un beau dimanche après midi pour crier leur soutien à la liberté d’expression et la défendre et 2 mois plus tard tout le monde se fout complètement qu’une bande de fonctionnaire dans une office avec un nom impossible à retenir (OCLTCIC plus chiant tu meurs) puisse décider de qui ou quoi à le droit de s’exprimer sur le Net.
Faites gaffe NXI vous risquez d’être déférencé avec tout les coms opposés à ce bourbier qui vont fleurir ici. On est des vilains geek terroristes contre la censure des terroristes et pédophiles, contre les ayants droits et pour le piratage (raccourci made in gouvernement).
Le 05/03/2015 à 09h58
Le 05/03/2015 à 10h33
Pas besoin d’élire des partis extrémistes, les autres font aussi bien. " />
Le 05/03/2015 à 10h35
Le 05/03/2015 à 10h37
Le 05/03/2015 à 10h39
Le 05/03/2015 à 10h40
Le 05/03/2015 à 11h45
Alexandre Linden, alias Mr Single Point of Failure
Le 05/03/2015 à 11h55
C’est à partir de la majorité sexuelle que on considère que c’est plus de la pédophilie ? (Donc que on considère plus comme un enfant).
(Vraie question pour ma culture.)
Le 05/03/2015 à 12h11
Il doit y avoir un truc comme ça. En dessous de la majorité sexuel consentant ou non c’est de la pédophilie (si le/la suspect est majeur bien sûr sinon) à partir de la majorité sexuel appelé aussi “âge de consentement” si la relation est consentit un/une adulte un/une mineur peuvent avoir des relations sexuels. Si pas de consentement bah on rentre dans la catégorie du viol.
En fait l’article wikipédia sur la majorité sexuelle résume assez bien je pense toutes les nuances.
Le 05/03/2015 à 12h32
Il n’y a ni “majorité sexuelle” ni “âge de consentement” en droit français. Ce ne sont que des notions populaires visant à simplifier la condamnation d’actes réalisés avec un “mineur de 15 ans” (personne de moins de 15 ans).
Comme le montre la jurisprudence, le consentement peut être reconnu avant 15 ans. C’est juste que dans la pratique, c’est rarissime. Même lorsque le jeune déclare consentir, on retient en général les notions d’autorité ou de “surprise” permettant de qualifier l’acte d’agression sexuelle. Et c’est pourquoi l’“atteinte sexuelle” n’est quasiment jamais prononcée.
Le 05/03/2015 à 14h00
Mais pourquoi ne pas effacer ce genre de site (je parle des sites pédophile) à la source, et demander simplement le blocage/suppression auprès de l’hébergeur concerné.
Moi je comprend pas comment ont peut faire des truc aussi inefficace !!!
Le 05/03/2015 à 14h04
Le 05/03/2015 à 14h25
Enfin un gouvernement de droite qui tient ses promesses " />
Le 05/03/2015 à 14h37
Le 05/03/2015 à 15h57
Le 05/03/2015 à 16h06
Le NOM devrait régler le problème !
Ça craint, je sais !
Le 05/03/2015 à 17h16
Le 05/03/2015 à 19h44
Je pense (instinctivement, sans source à l’appui) que la majorité sexuelle telle qu’elle est définie pour la vie de tous les jours n’est pas suffisante pour tourner un film porno. À priori il faut être obligatoirement majeur pour produire du contenu pornographique.
Le 06/03/2015 à 07h29
Le 06/03/2015 à 08h41
C’est parce que la diffusion d’image à caractères sexuels de mineur est interdite. Majorité sexuel ou non.
Ont interdira pas à Monsieux X 25 ans et Mademoiselle Y 17 ans (Mademoiselle peut avoir 25 et monsieur 17 ans c’est pareil) de coucher ensemble mais par contre de diffuser les images oui c’est interdit.
Et puis bon voir du porno avec des ados de 16 ans très peu pour moi ça me ferait surtout flipper quand même.
Le 06/03/2015 à 08h59
Ah mais quand je parlais de pédophilie c’est au sens large, pas seulement dans la pornographie.
Et sinon merci de vos réponses.