C’est aujourd’hui que Google Cloud ouvre sa région en France. Pour l’occasion, Thales annonce le lancement de S3ns, son « cloud de confiance » en partenariat avec Google. Hier, trois hébergeurs français (Clever Cloud, OVHcloud et Scaleway) ont publié une tribune commune pour rappeler qu’il existe des acteurs français trop souvent oubliés.
La question de la souveraineté n’est pas nouvelle dans le cloud (au sens large du terme). Il y a eu diverses tentatives, notamment avec le cloud souverain (soldé par deux échecs) et le plus récent « cloud de confiance » avec les acteurs américains comme partenaires. De manière générale, les acteurs français n’ont pas toujours l’impression d'être mis en avant ou appréciés à leur juste valeur par les pouvoirs publics.
La question de la concurrence se pose aussi dans ce domaine avec des acteurs américains qui occupent une place très importante, au moins pour deux d’entre eux : Amazon et Microsoft. Une situation qui a poussé l’Autorité de la concurrence à s’auto-saisir de ce dossier. Quelques mois plus tard, Microsoft reconnaissait que certaines inquiétudes étaient « justifiées » et en profitait pour faire de vagues annonces.
- Cloud de confiance : derrière le vernis souverain, le pied dans la porte des Américains
- Cloud : l’Autorité de la concurrence s’auto-saisit… sous vos applaudissements
- Cloud : Microsoft reconnait que certaines inquiétudes « sont justifiées », ce qu’en pensent les acteurs français
C’est donc dans un climat tendu que Google Cloud fait son entrée sur le territoire en ouvrant aujourd’hui sa première région dans l’Hexagone. Pour rappel, deux autres géants américains sont déjà présents en France depuis plusieurs années : Amazon (2017) et Microsoft (2018).
Des pépites françaises méconnues
Juste avant la conférence du géant américain, trois acteurs français se sont mobilisés hier pour publier une tribune dans Les Echos commune, co-signée par Quentin Adam (PDG de Clever Cloud ), Yann Lechelle (PDG de Scaleway) et Michel Paulin (directeur général d’OVHCloud). Ils partagent évidemment notre analyse sur le manque de reconnaissance par la France de « ses champions » :
« Bluemind, Clever Cloud, Docaposte, Jamespot, Murena, Oodrive, OVHcloud, Outscale, Platform.sh, Qarnot, Rapid. space, Scaleway, Talkspirit, Vates, Whaller, Wimi… ces pépites françaises, résistent aux assauts hégémoniques de quelques géants internationaux sans pour autant être connues du grand public ».
Alexandre Archambault (avocat spécialisé dans le numérique, ex-responsable des affaires réglementaires d’Iliad) en rajoute une couche : « La formidable méconnaissance de l'écosystème numérique […] par les décideurs publics fait le jeu des acteurs non européens, qui captent ainsi près de 99 % de la commande publique ».
Il explique qu’Orange « est totalement marginalisée au niveau international sur le Cloud […] supplantée par les OVHcloud / Scaleway / 3DOutscale (+ d'autres pépites de proximité au niveau local) […] Saviez-vous par exemple que la majorité de l'Internet sud-américain, notamment brésilien, est hébergé chez ces trois-là ? ».
Jean-Paul Smets (fondateur Nexedi et co-fondateur d’Euclidia) expliquait récemment que, en France, « on a tout d'un pays colonisé […] On reconnait [cette situation] quand l’élite d'un pays n'arrive plus à reconnaitre les talents de son pays […] La première bataille c’est de faire en sorte que notre élite reconnaisse notre talent ».
Quentin Adam, Yann Lechelle et Michel Paulin persistent et signent : « le cloud à la française n’a donc pas besoin d’être réinventé : il existe déjà ! […] Face aux sirènes marketing des géants de la Tech, il est indispensable que l’excellence technologique de cette ’équipe de France du Cloud’ soit, enfin, reconnue à sa juste valeur, et encouragée ».
Une région Google c’est trois datacenters à plus de 10 km
Nous avons suivi la conférence de Google Cloud France… qui était assez étrange. Après les présentations d’usage, Magite Tech est monté sur scène avec un robot Pepper pour une présentation « tech et magie »… une animation dont on cherche encore le rapport avec l’ouverture de la région française de Google Cloud. C’était l’occasion pour l’intervenant d’expliquer qu’en « France on est un peu complotiste » et de faire bien rigoler le robot lorsqu’il explique que « l’homme est en contrôle de ce qu’il fait ». Bref, passons.
Anthony Cirot (directeur général Google Cloud France) reprend la main et revient sur le cœur du sujet. Il ajoute qu’une région est « la somme de trois datacenters répartis à plus de 10 km » et que dans chaque datacenter « il y a un certain nombre de services ». L’avantage d’avoir une région en France est de permettre « plus de proximité […], moins de latence et plus de disponibilité ».
« La nouvelle région France vient se connecter aux 30 régions existantes et repose sur la même infrastructure et les mêmes services de sécurité utilisés pour nos propres opérations chez Google », explique la société. Des détails techniques ? « On a des interfaces non soviétiques », se félicite Anthony Cirot.
Le directeur général affirme que Google Cloud « est en avance » sur ses concurrents… bien qu’elle soit en retrait sur les parts de marché face à Amazon et Microsoft. Il ajoute que Google serait « en train de dépasser tous les autres », sans donner la moindre précision sur ce qu’il entend par là.
S3ns (SecNumCloud) de Google Cloud et Thales arrivera en 2024
Marc Darmon (directeur général adjoint de Thales) monte sur scène pour revenir sur l’accord annoncé en octobre dernier avec Google autour du « Cloud de Confiance ». Il explique que ce partenariat permet de « réunir le meilleur des deux mondes ».
Une déclaration qui va malheureusement dans le sens d’un message d’Alexandre Archambault qui explique que, en France, « on n'arrive toujours pas […] se défaire de cette délétère culture du champion national, qui fait que des projets stratégiques ne peuvent être portés que par des mastodontes fort peu agiles ».
Quoi qu’il en soit, cette offre de « cloud de confiance » permet selon Thales de profiter de la « puissance de Google Cloud Plateform » avec « le niveau le plus élevé de sécurité d’un cloud qui n’est pas classifié défense ». Cette offre sera labélisée SecNumCloud par l’ANSSI. Marc Darmon tient à « rappeler au marché et aux haters qu’on a bien compris ce qu’était la norme SecNumCloud, on sera conforme ».
L’offre et la société se partagent le même nom : S3ns. Il s’agit du mot sens avec un e à l’envers pour faire un 3. L’idée n’est officiellement pas de vous « la faire à l’envers », mais d’aller dans « le sens de l’histoire » (quelle histoire ?) et de mettre en avant un trilogue entre Google, Thales et les clients. « Tout Google Cloud Plateform [GCP, ndlr] est offert par S3ns », affirme Marc Darmon, qui ajoute ainsi que la « migration GCP vers S3ns est extrêmement simple »… mais sans préciser ce qu’il en est pour partir de S3ns ou de GCP.
« S3ns sera en service au deuxième trimestre de 2024 », le temps pour Thales de déployer l’ensemble de l’infrastructure, et pour Google de « faire les évolutions logicielles nécessaires » et d’obtenir la certification SecNumCloud de l’ANSSI.
Une offre Thales avec « contrôles locaux » dès maintenant
En attendant 2024, une offre intermédiaire est dès à présent disponible. Il s’agit de GCP avec des « contrôles locaux opérés par S3ns », des « données gérées en France » dans des datacenters Google et un « niveau de sécurité important ». Par contre, cette offre « n’est pas labélisée et ne sera pas certifiée ».
S3ns propose un comparatif maison entre l’offre actuellement disponible (à gauche) et celle qui sera disponible en 2024 (à droite) :
Commentaires (18)
#1
C’est très vrai.
Il nous faudrait une loi telle que le “Small Business Act” américain.
Mais à mon avis Bruxelles ne laissera pas passer, il faudrait y aller en force
#1.1
Bruxelles est plutôt majoritairement libérale pour le moment.
Donc effectivement peut de chance…
#1.2
Il me semble que ça existe. C’est le “Pacte PME”, mais ce n’est pas contraignant, ça permet juste d’avoir un logo pour avoir une bonne image.
Il faudrait surtout un “Buy European Act”. Quand je vois que ma boite s’allie à Google Cloud, ça me hérisse les poils
#2
Du pur marketing bullshit: le but étant de faire disparaitre Google dans les négociations en créant un nouveau nom.
Sinon cela voudra dire que Google va finalement payer des impôts en France ?
#2.1
+1 je pense
Ha bein non tout de suite
#3
Tout ce blabla pour cacher que Thales est un distributeur de Google Cloud
#4
Un marchand d’armes (entre autres) qui
prêtevend son nom pour entuber le marché du cloud, et un acteur privé monopolistique qui abuse régulièrement de sa position.Le « meilleur » qu’on vous dit ! (et encore, ils auraient pu y inclure les génies qui ont pondu SecNumCloud) 🥴
#5
J’avais en tête que le fait de vouloir avoir un Google Cloud “francais” était de pouvoir héberger Google Workspace en France pour les entreprises, me trompe-je ?
Après je ne suis pas expert cloud, il y a peut-être d’autres services que fournit Google qui sont difficilement remplaçables.
#6
Je dirais plutôt le contraire, l’intérêt c’est de vendre du Google Cloud (techniquement c’est rassurant) avec un label (bullshit du point de vu technique mais solide coté légale) 100% made in france.
#7
Les décideurs sont rarement des techs.
C’est des mecs de 50 ans qui n’ont jamais vu une ligne de code parfois. Je caricature a peine.
Les 3 acteurs fr ont qu’à avoir une politique agressive et faire de la pub commune… A la TV dans le métro, et faire qqes produits btoc.
Ils seront visibles, rentreront detans la tête des gens, et entreront ds les appels d’offres IT
Cest ce que font les gafam.
Toutes les start-up demarrent sur Google c’est pénible j’avoue.
#8
Toujours ce raisonnement à petite échelle… Toujours vouloir une notion “française” dans tout. Pas étonnant qu’il n’y ait pas de vraie volonté d’adopter ce genre de chose si c’est pour rester focalisé sur son seul nombril en tentant de glisser un “cocorico” dans tout.
Ne serait-il pas infiniment plus pertinent d’avoir déjà un cloud au niveau européen ? Les Etats, c’est du passé… France incluse. Vouloir faire rentrer une notion d’Etat à l’heure d’Internet, c’est comme tenter de construire une navette spatiale avec des roues en bois. Totalement dépassé et antédiluvien.
Un pays seul ne pourra jamais résister aux géants américains, faut en faire le deuil. C’est une chimère. Déjà que même un cloud européen, il aurait du mal…
#8.1
Ah ouais quand même. T’as même pas réfléchi 1 minute avant de sortir de telles bêtises, si ?
T’as oublié qu’Internet c’est du concret, de la géographie, du matériel, donc ça se situe dans des territoires, où vivent des peuples s’organisant autour d’États, chacun avec ses lois ? Ce sont des humains aussi qui utilisent Internet et y déposent des données ? Donc que tu le veuilles ou non, des lois s’appliquent par rapport au territoire où ces données terminent, ou à l’appartenance nationale de leurs propriétaires et gestionnaires.
Un peu comme l’argent en fait, où par exemple le monde redécouvre régulièrement que l’Occident peut voler des centaines de milliards de dollars ou euros des pays qu’elle cible, du jour au lendemain, parce qu’elle l’a décidé, en agrémentant ça d’une couche moraliste pour ne pas laisser entendre que c’est du vol. Parce que derrière une monnaie, il y a une souveraineté, un pouvoir. Pour les données c’est pareil. Et aller fricoter avec un pays voyou tel que les États-Unis et leurs multinationales quand on s’appelle Thalès c’est vraiment se moquer du monde. Sortir l’élément de langage bouclier “complotiste” pour faire croire qu’il n’y a aucune réalité derrière la méfiance, c’est vraiment cacher leur fait qu’ils ont une mentalité de colonisés (ou alors ils font la même avec un Yandex Cloud et un Baidu Cloud, en expliquant que les atlantistes sont un peu “complotistes”).
#9
Un vulgaire rebrand de GCP, soit. Ils ne sont pas les seuls à le faire et ne seront pas les derniers.
Par contre, Google Cloud leader mondial du Public Cloud à moins d’oublier l’existence des petites startups méconnues que sont AWS et Azure ou de concentrer derrière ce nom l’entièreté des services Google. (et l’article fait bien de le rappeler, on est à la limite de la pub mensongère)
Comme le rappelle l’article, on a déjà des fournisseurs de Public Cloud en France (et aussi en Europe). Ne serait-ce que OVHCloud et Scaleway pour les plus gros. Donc pas la peine de chercher à construire ou créer, suffit de se pencher et de regarder à ses pieds.
#10
Que ce soit cette co-entreprise Thales/GCP, celle entre OVH et le même GCP ou Bleu (Microsoft Azure + Capgemini + Orange), c’est dresser le tapis rouge à des concurrents déjà hégémoniques au détriment de l’indépendance et du développement de leurs partenaires franco-européens qui “s’auto-vassalisent” en quelque sorte.
Même un dirigeant de Capgemini a lui même reconnu publiquement cette semaine que le cloud souverain ou de confiance estampillé FR n’était finalement qu’une chimère :
https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6945696968589373441/
La société Bleu, née de l’alliance entre Orange, Capgemini et Microsoft, devrait proposer son offre de cloud dit “souverain” en 2024, sous réserve des approbations réglementaires. L’objectif est de proposer les services de Microsoft Azure tout en hébergeant les données sur le sol français afin qu’elles ne puissent – en théorie – pas être examinées par les autorités américaines dans le cadre du CLOUD Act.
C’est bien ce que vise le consortium Gaïa-X non ?
Mais bon c’est la même arnaque politiquo-économique, il n’y a pas grand chose d’européen là-dedans, ça sert plus de cheval de Troie pour que les géants américains et chinois fassent des affaires sur le marché européen au détriment des acteurs locaux (j’entends européens DEJA existants) avec la bénédiction de l’UE…
Voir les articles publiés comme celui-ci
https://www.nextinpact.com/article/68927/projet-europeen-gaia-x-il-ne-faut-pas-se-moquer-monde
#11
Ce délai de 5 minutes pendant lequel un commentaire reste modifiable
Et puis bon même si les géants américains et dans une moindre mesure chinois, grâce à leur marché domestique, ont une avance certaine notamment en matière de part de marché et d’offres de services, est-ce une raison pour abandonner en 2022 ? Le fonctionnement du monde va continuer à être de plus en plus technique et scientifique, nos sociétés modernes à reposer toujours plus sur la technologie, est-ce que ça ne vaut pas le coup de continuer à se battre pour garder un minimum de contrôle sur les briques numériques sur lesquelles reposent notre environnement ?
Parce que le jour où on va se fâcher avec les américains pour un oui ou non et qu’ils nous diront “OK, bye-bye les licences d’utilisation de nos produits sur lesquels vous avez bâtis maintenant une part non négligeable de votre business” ou alors “OK + 200% pour utiliser nos services à partir de la prochaine année de contrat”, on y réfléchira à deux fois avant de contrarier le parrain
Puis bon sans parler de tout ce qui est espionnage ou intelligence économique, quand on on voit des organisations française tout mettre chez les américains sans se poser plus de question que ça, franchement ça fait peur.
Un exemple personnel qui vaut ce qu’il vaut à son échelle : mon cabinet dentaire utilise Gmail, quand on voit toutes les informations/documents qui peuvent être amenées à circuler par mail, c’est sympa de tout donner à Google sans contrepartie ou garanties quelles qu’elles soient.
Je fais tout pour éviter les services de ces géants, ce n’est pas pour que des tiers envoie MES données chez eux, données qui après pourront être réutilisées/revendues à d’autres tiers qui seraient intéressés de savoir que j’ai tel problème aux dents, tel dispositif dans la bouche, etc.
Mais bon comme dit dans l’article “les français sont trop complotistes”
#12
Il faudrait créer un S4NS pour leur faire la nique
#13
La guerre en Ukraine nous le rappelle chaque jour
Et sinon google cloud c’est de l’ingénierie faite dans une région des USA qui est plus petite que chaque grand pays d’Europe de l’ouest, rien d’inaccessible, on ne parle pas d’investir dans de la fonderie de processeurs ou de bâtir une industrie de zéro.
(Sachant que si on parle de cloud souverain c’est justement parce que les règles européennes de safe harbour étaient notoirement insuffisantes en termes de sécurité, invoquer l’Europe sur ce sujet est farfelu)
#14
C’est quand même rigolo de voir tout le monde se plaindre alors que l’ensemble du cloud mondial est régit par le bon vouloir de google. Kubernetes est devenu une norme, etc … Le cloud à la française je ne sais pas trop ce que cela veut dire, un datacentre en France avec du matériel chinois qui fait tourner des logiciels américains ? Le plus pénible dans tout ça, c’est que ce sont des notions importante qui sont complètement vérolés par des marketeux.
Y a dassault il me semble qui a une solution maison après, les OVH, scaleway et consort ne font qu’intégrer des solutions américaines dans des DC français.