Le projet de loi Santé, future brèche au profit du Dr Google ?
Healthfest
Le 09 septembre 2015 à 07h00
6 min
Droit
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Le projet de loi relatif à la santé sera discuté à partir du 14 septembre au Sénat. Là, un parlementaire s’inquiète toutefois d’une des dispositions qui pourraient permettre à des géants comme Google de butiner trop facilement des données personnelles sensibles, faute de garde-fous jugés suffisants. Explications.
Le projet de loi relatif à la santé a été enregistré à l’Assemblée nationale le 15 octobre 2014. L’article 25 du texte attire les attentions. Il veut en effet « modifier les conditions de partage des données. Il a également pour objet de refonder le dossier médical personnel désormais rebaptisé dossier médical partagé (DMP) » explique le gouvernement, dans la présentation du texte.
En pratique, cette disposition reformule la notion de secret médical « pour indiquer qu'elle pèse, non seulement sur les professionnels de santé mais également sur l'ensemble des structures de santé ainsi que sur les services sociaux et médico-sociaux » poursuit un rapport au Sénat.
Pour faire simple, un professionnel peut échanger des données relatives à une personne « dans la mesure où ces informations sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, ou au suivi médico-social et social ». Seulement, les choses se complexifient ensuite : l’échange est libre quand les personnes appartiennent à la même équipe, un staff médical dans un service hospitalier par exemple. Mais ce même échange est soumis au consentement préalable de la personne dans les autres cas, c’est-à-dire avec des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins. Le consentement de la personne concernée peut alors être exprimé par tout moyen et c’est un décret en Conseil d’État qui viendra préciser tout cela, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Enfin, le patient dispose d’un droit d’opposition qu’il peut exprimer à tout moment.
L'échange de données de santé entre professionnels
Le point VI de l’article 25 envisage toutefois une hypothèse : celle de l’échange ou du partage d’informations entre des professionnels de santé et des non professionnels de santé du champ social et médico-social. C’est là encore un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL qui viendra préciser l’encadrement.
Il est ajouté que pour garantir la confidentialité des données de santé à caractère personnel et leur protection, « les professionnels de santé, les établissements et services de santé, les hébergeurs de données de santé à caractère personnel et tout autre organisme participant à la prévention, aux soins ou au suivi médico-social et social utilisent, pour leur traitement, leur conservation sur support informatique et leur transmission par voie électronique, des systèmes d’information conformes aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité » élaborés par le groupement d'intérêt public chargé du développement des systèmes d'information de santé partagés (alinéas 17 et 18).
Enfin, un futur article L.1110 - 12 du Code de la Santé, introduit par cette diposition, définit ce qu’est une équipe de soin. C'est un professionnel qui réalise un acte de diagnostic, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes, et qui s’est vu soit qualifé comme tel par le patient, soit exerce dans l’établissement de santé, soit, dernière hypothèse, exerce « dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé » (alinéa 23).
Une porte ouverte à de très grandes entreprises de réseaux
C’est l’économie de ce dispositif qui, bien que suivi de près par la CNIL, inquiète François Commeinhes, sénateur LR. Il a déposé un amendement de suppression de ces alinéas 17, 18 et 23 du texte. Pourquoi ? Selon ce sénateur, également gynécologue de profession et PDG d’une polyclinique, la notion d'équipe de soins est définie « de façon trop large, sans prise en compte de l'impact d'une vaste définition pour les patients ».
Ce qui l’inquiète précisément c’est que cette définition jugée trop floue « ouvre la porte à l'intervention de très grandes entreprises de réseaux, capables de développer des systèmes d'information puissants et efficaces, mais dont l'entrée dans le système de santé mérite pour le moins d'être évaluée ». Une hypothèse ? « Si le géant de l'internet Google, déjà investi sur la santé, pénètre le système français par ce biais, les conséquences de la détention de données de santé par un tel acteur ont-elles été véritablement estimées ? C'est pourtant ce qu'il en est de l'alinéa 18 ». Des reproches similaires sont exprimés à l’encontre de l’alinéa 23, jugé beaucoup trop extensible.
Contacté, le bureau parlementaire se refuse à être dans une démarche « anti » e-santé ou Google. Simplement, le sénateur réclame « des garde-fous dans le parcours des données de santé, car le texte laisse une brèche ouverte. Rien n’empêcherait Google de se constituer une équipe de praticiens pour entrer dans les conditions de cet article. »
« Sur le numérique, poursuit ce collaborateur parlementaire, les problématiques évoluent très rapidement et les solutions ne devraient pas être glissées dans une loi de 57 articles (58 en l’état, ndlr). Si on veut vraiment aborder cette question, celle du virage numérique de la santé, il faudrait plutôt un texte spécifique. »
Google s’investit sur le créneau de la santé par différentes portes. Certaines sont étroites, comme la récente mise à jour son encyclopédie médicale qui porte désormais à 900 le nombre de maladies référencées. D’autres sont plus larges : Google Fit veut par exemple capter vos activités physiques, via une application de santé et fitness. Le fonds d’investissement Google Ventures, une des tentacules de la firme, a aussi pris sous son aile « 23andMe (tests génétiques), Foundation Medicine (profilage génétique des cancers), ou encore DNAnexus (échange et analyse de données génétiques) » rappelait le Monde en avril dernier, dans un article intitulé « La santé, nouvel eldorado de Google. »
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L'échange de données de santé entre professionnels
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Une porte ouverte à de très grandes entreprises de réseaux
Commentaires (41)
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Abonnez-vousLe 09/09/2015 à 07h20
" /> Le sous-titre
Sinon, ils y a pas un truc qui dit que tu es un médecin professionnel reconnu par l’état avec un vrai diplôme de médecin qui t’oblige à faire preuve de discrétion ?
Le 09/09/2015 à 07h38
Le problème c’est que Google n’a pas prêté serment " />
Le 09/09/2015 à 07h40
mon dieu, le sous titre " />
merci pour ce fou rire " />
en tout cas, oui cette idée que Google ou autre puisse éventuellement taper dans des données médicales fout assez les jetons " />
je suis un peu rassuré quand même, mon médecin est de l’école papier/crayon avec l’écriture digne des hiéroglyphes qui vont avec, ce qui ne l’empêche pas de très bien faire son boulot
Le 09/09/2015 à 07h42
Le paragraphe “pour faire simple” n’est pas très clair, avec l’accumulation du terme “personne”:
“l’échange est libre quand les personnes (les professionnels je suppose) appartiennent à la même équipe,
un staff médical dans un service hospitalier par exemple. Mais ce même
échange est soumis au consentement préalable de la personne (le patient ?) dans les
autres cas, c’est-à-dire avec des professionnels ne faisant pas partie
de la même équipe de soins. Le consentement de la personne (à nouveau le patient ?) concernée
peut alors être exprimé par tout moyen”
Le 09/09/2015 à 07h52
“un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé”
du coup si le cahier des charges est solide, je vois pas le problème …
Le 09/09/2015 à 07h53
Les mecs sont en train de s’apercevoir qu’ils ne contrôlent plus rien … " /> (certains ont compris)
Le 09/09/2015 à 07h55
Si je comprend bien, il faudrait à Google le consentement du patient pour accéder aux données, et que la structure en question respecte un cahier des charges fixé par le Ministère de la Santé… donc je ne vois pas vraiment où est le problème…
Le 09/09/2015 à 07h56
?
Carte vitale etc : il n’a pas d’ordinateur ?
.. le dernier des mohicans, en somme, ton docteur " />
Le 09/09/2015 à 08h11
Google and Co qui veulent tout récupérer sur nos vies … Si seulement on pouvait s’en débarrasser …
Le 09/09/2015 à 08h16
Effectivement il faut que le ministère de la santé approuve l’organisme, ce qui en limite l’accès. Même si Google embauche des médecins ce n’est pas suffisant pour pouvoir collecter des infos. Heureusement.
De mon point de vue (je suis médecin) l’intérêt de pouvoir ouvrir les données médicales à des non-médecins est de permettre un contrôle accru sur les médecins. Il y a une tendance lourde a punir les médecins qui ne sont pas dans les normes statistiques (par exemple plus d’arrêt de travail que les confrères) et à l’inverse à donner une rémunération complémentaire aux “bons” médecins.
Par exemple certains patch anesthésiques coutent 85E la boite. Si le médecin la prescrit d’une mauvaise manière, il doit rembourser la boite à la sécu.
Pour l’instant seule la sécu contrôle les médecins, mais dans un avenir proche ce sera les mutuelles. Elles auront un droit d’accès a nos informations médicales et pourront décider si tel soin est justifié ou non, c’est à dire remboursé ou non. Le contrôle de l’information médicale par des non médecins sera donc bénéfique aux mutuelles qui auront facilement l’accord du ministère de la santé et pourront mieux “contrôler le risque” (c’est leur métier). L’avenir est probablement aux réseaux de santé organisé par les mutuelles, comme ce qui se passe aux USA, et cette loi va dans ce sens.
Le 09/09/2015 à 12h43
Le 09/09/2015 à 13h51
Le 09/09/2015 à 14h00
Le 09/09/2015 à 14h08
" />
Le 09/09/2015 à 14h35
:constructif: (ah mince, ça marche pas)
" /> alors " />
Le 09/09/2015 à 14h50
et toi t’es du genre à te tromper de combat…
le trou de la sécu il est essentiellement dû aux entreprises qui ne payent pas leurs cotisations sociales, non pardon, qui font de l’optimisation fiscale.
Ensuite pour les mutuelles, ce sont simplements les plus gros arnaqueurs du monde, leur plus gros poste de dépenses c’est la publicité, pas le remboursement des patients (loin de là, ca représente genre 20-30%). Alors quand on me dit que les mutuelles vont avoir un droit de regard sur les pratiques des médecins, je ne vois pas ça d’un très bon oeuil…
Le 09/09/2015 à 16h21
Les contrôles sont généralement bénéfiques pour les finances de la sécu mais je n’aimerai pas du tout qu’on arrive à une situation identique à celle des USA en matière de système de santé.
Le problème des quotas est récurrent et la sécurité sociale est parfois peu “humaine”.
Le 09/09/2015 à 16h24
Surtout si on en vient à des pratiques du style :
Le 09/09/2015 à 22h26
Le 10/09/2015 à 05h18
Le 10/09/2015 à 06h43
Merci, ça c’est un commentaire constructif auquel je peux répondre.
Donc non je ne me trompe pas de combat, je réponds à un commentaire précédent en approuvant le fait que je suis pour le contrôle des médecins et en donnant des exemples d’abus à ce niveau.
J’ai bien conscience que ce ne sont pas les raisons principales du “trou de la sécu”, que les mutuelles ne sont pas de enfants de chœur, que beaucoup d’entreprises et gens riches font de “l’optimisation fiscale” et qu’on se fait bien plus entuber par ça que par les magouilleurs du dimanche.
Après , c’est pas une raison pour dire “Ah mais non lui c’est ok qu’il ne m’ait volé que 10€ dans mon portefeuille, parce que y en a un autre qui m’a volé ma voiture”.
Le 10/09/2015 à 12h58
Le 10/09/2015 à 13h00
Le 10/09/2015 à 13h08
Le 10/09/2015 à 15h25
Le 09/09/2015 à 08h23
Le 09/09/2015 à 08h30
Il tient dans un mot de 2 lettres de ta dernière phrase: si
Le 09/09/2015 à 08h34
tout comme ses amendements de suppression .. Préciser mieux doit pêtre possible, sans tout virer par peur du méchant G, non? Car bon si google respecte les règles, je vois mal pourquoi les empêcher alors qu’on autorise tout le reste de l’industrie pharma à fonctionner ainsi…
Le 09/09/2015 à 08h39
Mais ils font justement ça pour t’en débarrasser… de ta vie. Ils en feront bien meilleur usage que toi ! " />
Sinon, je constate qu’on paye nos députés à se foutre de notre gueule, ça fait plaisir.
Le mec on lui dit “fais gaffe, il y a un trou potentiel dans ta loi”
Et lui au lieu de réagir et de vérifier il répond qu’on va pas lui rallonger son texte qu’il trouve déjà trop long, qu’il vaut mieux faire une autre loi…
La prochaine fois que je paye mes impôts, j’en oublierai la moitié et puis j’enverrai un mail pour dire “non mais je complèterai l’an prochain, vous inquiétez pas”. (enfin… jsuis pas député, alors je suis pas sûr que ça passera " />)
Le 09/09/2015 à 08h41
Le 09/09/2015 à 08h47
si, il a le terminal pour la carte vitale, sinon rien d’autre en terme de “high tech” " />
Le 09/09/2015 à 08h51
Personnellement, je ne vois pas la faille.
Ces données, elles ne sont pas en “libre accès”, il faut en faire la demande vis-à-vis d’un patient que l’on suit.
Donc il faut que le patient donne à ce réseau (google) son identifiant médical… pas très malin.
Le 09/09/2015 à 08h54
Question idiote : Quid des assurances ?
SI j’ai tout comprite, elles ne sont pas (encore) dans le circuit mais ca ne saurais tarder … " />
Le 09/09/2015 à 08h56
Le 09/09/2015 à 08h56
Est-ce une mauvaise chose le contrôle des médecins?
Il y en a qui font de la merde, ils méritent d’être sanctionnés.
L’ordre est censé être là pour ça, mais le corporatisme des médecins est tellement mal placé qu’ils en viennent à défendre les indéfendables.(tout comme les magistrats et leur CSM qui est plus une parodie de justice qu’autre chose)
Du coup, on est bien obligé d’agir à leur encontre d’une autre manière.
Faut arrêter avec cette mentalité du médecin “bon père de famille”: le médecin n’est au-dessus de personne et il doit rendre des comptes comme tout le monde.
Le 09/09/2015 à 09h18
Le 09/09/2015 à 10h51
Il a raison de poser ces questions. On peut se passer de Google à titre personnel, mais si on les retrouve dans des services sensibles comme la santé, on n’aura plus le choix " />
Le 09/09/2015 à 11h18
Le 09/09/2015 à 11h52
Sauf si la demande d’autorisation est écrite en petits caractère en base de page au milieu d’un pavé qu’on te fait signer à l’entrée à l’hôpital…
C’est un peu parano comme réflexion je sais mais c’est un moyen de rendre possible à Google l’accès à tes données avec ton approbation.
Sinon pour le contrôle des médecins de la part des mutuelles ou de la CPAM je suis pas du tout contre. Aucune envie de payer par une augmentation de mutuelle ou par le trou de la sécu les vacances d’un grugeur qui est en “arrêt maladie” à la mer avec des “lunettes de vue” solaires sur les yeux.
Le 09/09/2015 à 11h53
le problème c’est la mesure de la “performance” d’un medecin en fonction de statistiques.
Si dans la ville où exerce le medecin il y a plus d’asthmatiques qu’ailleurs (exemple à la con), on va le sanctionner car il donne trop tel ou tel médicament. C’est un peu comme les quotas pour la police, ca part peut etre d’une bonne intention mais c’est totalement contre productif.
Le 09/09/2015 à 12h24