Aux États-Unis, la neutralité du net prend à nouveau du plomb dans l’aile
Pour l'innovation
Trois juges ont invalidé hier le principe de neutralité du net aux États-Unis. Le dossier n’en finit plus de trainer, au gré des gouvernements. Mais avec la décision rendue, une Cour suprême conservatrice et le retour de Donald Trump au pouvoir, la neutralité du net ne devrait pas revenir de sitôt sur le tapis.
Le 03 janvier à 17h37
4 min
Internet
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C’est un véritable serpent de mer. La neutralité du net est débattue aux États-Unis depuis une quinzaine d’années. Activement souhaitée par la FCC (Federal Communications Commission), elle est constamment attaquée par une industrie qui n’en veut pas.
De quoi parle-t-on ? Du principe selon lequel les fournisseurs d’accès n’offrent qu’une simple tuyauterie pour internet. Tous les flux sont considérés comme d’égale importance et ils ne peuvent pas en privilégier certains, ni demander à être davantage payés pour un type de flux spécifique.
La FCC a outrepassé ses fonctions
Le cœur du litige résidait dans la façon de considérer les FAI américains : s’agissait-il de services de télécommunication ou d’informations ? Pour le juge Richard Allen Griffin, du sixième circuit d’appel, la décision est claire : les fournisseurs constituent un service d’information. En conséquence, le « haut débit mobile est un service mobile privé » et les lois en cours sur la neutralité du net ne s’appliquent pas.
Pour le juge, « la FCC a outrepassé son autorité statutaire » et aurait eu une « interprétation trop large de la loi ». La cour ordonne ainsi la suspension de l'ordonnance de la FCC imposant la neutralité du réseau, un décret baptisé « Safeguarding and Securing the Open Internet Order ».
Ce décret avait été pris sous Barack Obama, en 2015, après des années de vives discussions. L’industrie des télécommunications était vent debout contre le principe, tandis que celle de la tech l’appelait de ses vœux. Et pour cause : elles vivent des services en ligne. L’essor de Netflix et d'autres plateformes de streaming n’a fait que raviver les tensions. Donald Trump l’avait aboli en 2018, mais la FCC l’avait rétabli en avril 2024.
Quel avenir pour la neutralité aux États-Unis ?
L’avenir du principe de neutralité est actuellement obscurci chez l’Oncle Sam. En Europe, il est sanctuarisé depuis 2015. Outre-Atlantique, il fait l’objet d’âpres discussions entre républicains et démocrates.
Jessica Rosenworcel, actuelle présidente de la FCC, regrette la décision de la cour d’appel. Elle estime désormais que seule la voie législative peut sauver la neutralité. « Les consommateurs de tout le pays nous ont dit encore et encore qu'ils voulaient un internet rapide, ouvert et équitable. Avec cette décision, il est clair que le Congrès doit maintenant tenir compte de leur appel, prendre en charge la neutralité du réseau et inscrire les principes de l'internet ouvert dans la loi fédérale », a-t-elle déclaré dans un communiqué, cité par Reuters.
La FCC pourrait porter le dossier devant la Cour suprême, mais le pari est risqué. Depuis la nomination de Brett Kavanaugh comme juge à la plus haute juridiction du pays, celle-ci est à majorité conservatrice.
En outre, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir pour son deuxième mandat le 20 janvier marquera la fin de la présidence de Jessica Rosenworcel. Elle sera remplacée par Brendan Carr, opposant notoire à la neutralité du net. Il estime en effet que ce principe revient à considérer les fournisseurs d’accès comme un service public, réduisant alors les investissements dans l’infrastructure.
À noter que si la neutralité n’est désormais plus un principe au niveau fédéral, rien n’empêche les États d’avoir leurs propres lois dans ce domaine. C’est notamment le cas en Californie et dans le Colorado qui ont inscrit la neutralité dans leur législation.
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La FCC a outrepassé ses fonctions
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Quel avenir pour la neutralité aux États-Unis ?
Commentaires (16)
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Abonnez-vousModifié le 03/01/2025 à 19h41
"Low-angle photography of metal structure" publiée par Alina Grubnyak sur Unsplash en 2018.
Sinon il y a aussi celle-ci: Internet @ Wikipédia
Le 03/01/2025 à 19h58
Un opérateur de réseau mobile n'est pas un fournisseur de service internet (un opérateur internet ça n'existe pas, c'est un opérateur télécom qui transporte l'internet).
Le 04/01/2025 à 08h30
Ils mettent en place des tuyaux pour fournir un débit correcte mais les services Google et autres demandent toujours plus, à la fin comme tu ne veux pas prioriser le traffic pour ceux qui payent plus tu dois investir dans un trou sans fond, c compliqué.
Une des propositions que je trouve intéressante est de demander au source(youtube, Netflix,...) d'investir dans un fond qui sert aux opérateur réseau pour investir, comme cela on maintient un accès ouvert à tous et neutre avec un bon niveau .
Modifié le 04/01/2025 à 12h09
Ça ne coûte rien ou presque d’échanger des données avec les gafams, qui viennent jusqu’à les livrer dans votre coeur de réseau gratuitement.
Le transport sur le backbone opérateur n’est pas beaucoup plus couteux.
La neutralité du net est indispensable, et les opérateurs qui la combattent sont des bandits.
Edit : j'ajoute un point, si les coûts de transport étaient insoutenables, pourquoi ne pas augmenter le tarif de l'abonnement comme le ferait n'importe quelle entreprise logiquement gérée ? Tous les opérateurs sont à égalité sur ce point en plus, la concurrence est libre et équitable.
La réponse : parce que les coûts ne sont pas insoutenables du tout, et que ces opérateurs veulent gagner sur les deux tableaux.
Le 04/01/2025 à 12h33
Il faut aussi garder la possibilité de monter des réseaux privés sur une infra publique, comme ça c'est toujours fait avec le multiplexage temporel ou le MPLS ou les vlan en ethernet et les vpn, un opérateur ne facture pas tous les réseaux privés au même tarif, mais bon, ça n'est plus l'internet, ce sont des services télécom, le net c'est à côté de ça et doit rester en best effort, ceux qui exigent plus que le best effort se montent un réseau privé.
Le 04/01/2025 à 12h59
On parle ici de pur routage L3, pas de réseaux privés nécessaires pour le sujet qui nous occupe, à savoir la bonne délivrance de paquets over Internet entre les fournisseurs de contenu et les opérateurs - les premiers ne demandant rien de plus que d'avoir des paquets correctement délivrés par les seconds à l'utilisateur final.
Sur Internet, les paquets sont routés en First In First Out, et sur un réseau correctement dimensionné, bah c'est pas du tout un problème.
C'est comme ça que nous fonctionnons chez moji pour l'anecdote y compris sur les réseaux privés, aucune QoS en cœur de réseau, juste des segments suffisamment capacitifs sur les backbones.
Ces technos étaient utiles il y a 15 ans lorsque chaque octet coutait, moins maintenant vu la démocratisation des technos de transport capacitives.
Modifié le 04/01/2025 à 18h01
Il va falloir un jour se poser la question du bien fondé de zozos lobotomisés devant des vidéos à la con plein les transports (voir au volant) et pour qui cela doit marcher même en passant dans un tunnel, emmerdant leurs voisins au passage.
Sur le fixe, en effet, le débat a moins lieu d'être. Reste que ces règles ont été établies à une époque ou on était loin d'envisager les usages présents, souvent inutilement lourds, en prime d'une génération qui ose vous faire des leçons: Tiens en cette fin d'année pendant les fêtes une arrière grand mère a mouché bien du branleur en famille en leur racontant les aléas qu'elle a pu vivre (après 1ère guerre mondiale, la seconde et ses suites) et une vie passée à faire attention à tout car c'était devenu naturel, quand un jeune branleur a amené le débat sur l'héritage laissé par les générations précédentes et ce fameux changement climatique dont on nous rabat autant les oreilles qu'il est mal compris.
Elle n'a pas de téléphone 5G pour regarder ses coreligionnaires en 4K sur un écran de 6", c’est sans doute ce qui l'empêche de comprendre le monde actuel!
Le 04/01/2025 à 19h58
Si effectivement ce jugement ne concerne que les réseaux mobiles, je suis d'accord avec toi sur la suite concernant les réseaux mobiles.
En fait, en lisant une partie du jugement, je ne suis pas sûr qu'ils fassent une différence entre les fournisseurs d'accès internet par mobile ou sur le fixe.
Par contre, ils font une différence entre les services d'information et les services de télécommunications. Et c'est sur cette différence qu'ils ont pris leur décision qui s'applique donc probablement à la fois au fixe et au mobile.
Ils ont malgré tout étudié spécifiquement les services mobiles en fin du jugement pour voir s'ils ne tombaient pas sous la régulation de la FCC (je passe les détails), d'où probablement ce que Vincent a écrit en début d'article en parlant de mobile.
Mais, je ne suis pas vraiment sûr de moi, comme le jugement fait références à des notions de droit US concernant les réseaux que je ne maîtrise pas.
Si quelqu'un a mieux lu le jugement que moi et peut confirmer ou infirmer, il est le bienvenu.
Modifié le 05/01/2025 à 11h49
Ce débat ne date pas de l'Internet mobile, les opérateurs ont toujours essayé de gratter sur les deux tableaux.
Comme je le dis souvent ici, transporter des flux, même vidéos, n'est pas vraiment un problème technologique, aujourd'hui ça ne consomme pas grand-chose en énergie, en footprint, et ce n'est même plus si cher. Le sujet est éminemment politique et financier (entendre "rentabilité pour les actionnaires").
Modifié le 05/01/2025 à 12h01
Maintenant la quasi totalité des nouveaux câbles fibre optique sous marins installés appartiennent à des GAFAMs, notamment Google, Microsoft et Facebook.
Après, ils ne sont pas fournisseurs d'accès internet non plus et je pense ne le souhaitent pas le devenir mais maintenant propriétaires de backbones dont les capacités mondiales sont de plus en plus significatives (les nouveaux câbles ayant souvent à la fois plus de fibres et une bande passante bien plus élevée que les anciens - multiplexage par couleur)
(Le dernier câble posé par Microsoft - Méta - autres, surnommé "Amitié" fournit du 400 Terabits/s...)
Vont-ils restés neutres ou avoir la tentation de tourner (légèrement) un p'tit bouton pour donner une p'tite priorité à leurs flux à eux plutôt que celui qui veut juste aller sur Wikipédia (ok c'est que du texte et images ici) ?
Hier à 11h44
Tant que les GAFAMs ne sont pas eux-mêmes opérateurs, ils ne maitrisent pas la priorité du delivery final, mais s'ils mettent leurs flux gratuitement à disposition des opérateurs en place, ça diminue la tentation et la légitimité de ces derniers de facturer le transport, le coût du transport longue distance étant effacé par les fournisseurs de contenu.
Accessoirement, ils maitrisent mieux la qualité puisque ça leur évite de dépendre de transitaires, et vu leurs volumes, ça doit aussi réduire leurs coûts.
Modifié le 05/01/2025 à 12h10
Sinon j'imagine aussi que quand un opérateur de backbone reçoit un paquet d'un ISP 1 pour le délivrer à un ISP 2, il doit savoir qui est le destinataire final ou la provenance et l'origine de ce paquet ?
Après, fournissant un service entre 2 pays par exemple, et étant enregistré dans un 3ieme, quelle législation devrait s'appliquer aussi ?
Hier à 12h50
Hier à 13h00
Internet c'est du L3, mais les télécoms ne se limitent pas à internet.
Modifié le 06/01/2025 à 02h50
- La 1ère partie: Ok
- Fibre Noire: Ok (je connaissais la définition auparavant)
- C'est après que j'ai perdu pied...
Et c'est là qu'on voit que sur Next, les intervenants dans les commentaires sont vraiment super calés, avec des connaissances pointues du sujet et savent de quoi faire ils parlent.
En tout cas, ça fait plaisir à lire (même si pas tout compris)
Hier à 13h15
#PrenezLeTempsD'yPenser