Astérix : il y a 50 ans, la France mettait en orbite son premier satellite
Idefix l'a rejoint en 2002
Le 26 novembre 2015 à 16h57
9 min
Sciences et espace
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Il y a tout juste 50 ans, la France envoyait son premier satellite en orbite : Astérix. La mise en place de cette mission s'appuyait sur « la mise au point des missiles de la force de dissuasion nucléaire » et a permis à la France de prendre la 3e place des nations spatiales.
Comme nous avons régulièrement l'occasion de l'évoquer, la conquête spatiale n'est pas nouvelle, loin de là, mais il faut parfois attendre des années avant que les sondes envoyées dans l'espace atteignent leur(s) cible(s). C'était récemment le cas de New Horizons qui a frôlé Pluton, mais aussi de Voyager 1 après plus de 30 ans de voyage et 20 milliards de kilomètres parcourus. Depuis, il continue d'envoyer de précieuses informations à la Terre.
26 novembre 1965, la France prend la place de 3e nation spatiale
Mais le 26 novembre est une date particulière pour la conquête spatiale française. C'est en effet ce même jour, mais en 1965, que la France a envoyé en orbite son premier satellite. Son nom : Astérix, qui fait donc office d'irréductible gaulois dans cette histoire et qui n'a même pas peur que le ciel lui tombe sur la tête ! Il a été construit par Matra, sur un contrat militaire. Notez qu'à l'origine, le satellite ne s'appelait pas Astérix, mais simplement A-1, avec un « A » pour Armé.
Astérix est important pour la France, et ce, à plus d'un titre. Tout d'abord, car il nous hissait alors dans le club très restreint des pays qui ont réalisé la mise en orbite d'un satellite avec leur propre fusée. Les deux premières nations étant évidemment l'URSS et les États-Unis. Ce que confirme d'ailleurs André Lebeau, un ancien président du CNES : « La notion de troisième nation spatiale est essentiellement attachée au fait que le pays a réalisé une mise en orbite ». Précisions tout de même que nous n'étions alors que la sixième nation à disposer d'un satellite en orbite. L'Angleterre, le Canada et l'Italie avaient par contre eu recours à des fusées d'autres pays pour arriver à leurs fins.
Un lancer né sur les cendres des missiles nucléaires
Pour réaliser ce lancement, il fallait bien évidemment que la France dispose de sa propre fusée capable de mettre en orbite des satellites. Pour cela, le programme « Pierres Précieuses » a été mis sur pied sous l'impulsion de Charles de Gaulle, alors président de la République. Plusieurs fusées expérimentales se sont succédées (Agate, Topaze, Émeraude, Rubis et Sapphire) afin de mettre au point les différents étages du lanceur. Il aboutira finalement à trois fusées : Diamant A (utilisé pour mettre en orbite Astérix), Diamant B et Diamant BP4. Douze lancements au compteur, avec trois échecs.
Diamant A mesurait 19 mètres de haut, pesait 15 tonnes et avait une charge utile de 80 kg seulement et ne pouvait déposer des satellites que sur une orbite basse, ce qui étaient des performances inférieures à ce que proposait à l'époque la fusée Scout des Américains.
Le premier étage est composé d'un moteur-fusée à propergols liquides, tandis que les deuxième et troisième étages sont à propulsion solide. Pour la première fois, le troisième étage utilise la technique du roving qui « consiste à remplacer l’enveloppe en acier du propulseur par un enrobage du bloc de poudre en fibre de verre » explique la NASA.
Dans tous les cas, la première fusée Diamant A s'élancera du centre interarmées d'essais d'engins spéciaux à Hammaguir, en Algérie. Le CNES explique que « cette base saharienne a été conservée par la France jusqu'en 1967 selon les termes des Accords d'Evian de 1962 ».
Quatre fusées y décolleront entre novembre 1965 et février 1967. Par la suite, tous les lancements seront effectués depuis la Guyane. Le premier sur ce territoire d'outre-mer a eu lieu le 10 mars 1970 avec une fusée Diamant-B. Il faudra par contre attendre 1979 pour qu'Ariane fasse son premier voyage dans l'espace, avec le satellite CAT-1 à son bord.
Jacques-Emile Blamont, un des pionniers à l'origine la conquête spatiale française et aussi ancien directeur du CNES, explique que la conception avait été confiée à la SEREB, la Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques qui avait été créée en 1959, une « société plus ou moins privée, qui était chargée de mettre au point les missiles de la force de frappe ». Pour résumer, il ajoute que, « des missiles, ils avaient déduit un lanceur de satellite ».
Pour résumer, le CNES explique que le programme des lanceurs français, et donc la mise sur orbite d'Astérix, découle directement de « la mise au point des missiles de la force de dissuasion nucléaire ».
Un lancement réussi, mais un satellite muet
Il y a 50 ans, le décollage s'effectuait donc sans encombre jusqu'au point de largage d'Astérix. Mais tout ce n'est pas passé comme prévu, comme l'explique Jacques-Émile Blamont : « ils lancent Astérix et manque de chance, enfin mauvaise analyse d'ingénieurs, lorsque la coiffe a été éjectée, elle a emporté les antennes. Du coup, le satellite a peut-être marché, mais ce qu'il émettait n'était pas recevable ».
Coup dur pour la mission, mais tout n'est pas perdu pour autant. Comme le précise en effet André Lebeau, Astérix était simplement une « capsule technologique attachée au lanceur et qui était chargée de vérifier les conditions de la mise en orbite », rien de plus. Antennes cassées ou pas, si la mise en orbite était réussie, la mission serait un succès malgré tout.
Le CNES, créé en 1961, en profite alors pour se mettre en avant. Un ancien président du centre spatial français explique ainsi que, grâce à ses capacités de calcul et connaissances techniques, le CNES avait alors « démontré immédiatement (en 16 ou 17 minutes) et transmis au ministre que nous avions un diagnostic d'orbite certain ». Même muet, Astérix était donc bel et bien en orbite autour de la Terre.
Le CNES enchaine les succès et reprend la main sur la SEREB
Hasard ou pas du calendrier, à peine une dizaine de jours plus tard (le 6 décembre 1965), le CNES envoyait son propre satellite FR-1 dans l'espace, mais avec une mise en orbite depuis une fusée américaine Scout. Suite à cela, se posait alors la question pour la France de savoir qui serait en charge des trois prochains lancements des fusées Diamant B : « est-ce que ça allait être aussi des satellites SEREB ou est-ce que ce serait aussi des satellites CNES ? » résume Jacques-Emile Blamont.
Bien évidemment, ce dernier prêchait pour sa paroisse et souhaitait que la seconde proposition soit acceptée. « Nous l'avons obtenu à partir du moment où on a démontré successivement avec le succès de FR-1, suivi de notre succès de détection d'Astérix, que nous existions et que nous avions une capacité technique » indique-t-il. Par la suite, les satellites Diapason, Diadème 1 et 2 ont effectivement été développés par le CNES. Le Centre national d'études spatiales prenait alors son envol dans la cour des grands.
Idéfix a rejoint Astérix en 2002
Plus tard, des radio-amateurs de l'association Amsat-France ont mis sur pied un pico-satellite dénommé... Idéfix, en hommage évidemment au Astérix de la bande dessinée d'Uderzo qui a donné son nom au satellite. Le CNES explique qu'il s'agit d'un satellite « captif » qui prend la forme d'un gros boîtier de 6 kg boulonné sur le 3e étage de la fusée Ariane-4 qui a servi au lancement.
Depuis maintenant près de 13 ans, Idéfix tourne en orbite, même s'il n'émet plus depuis aucun signal depuis presque aussi longtemps, la faute à ses batteries qui se sont vidées en l'espace d'un mois. « Ce n'est donc pas le ciel qui risque un jour de nous tomber sur la tête, mais Astérix ou Idéfix ! » lance le CNES en guise de conclusion.
Ariane 6 en embuscade
Maintenant, la France et l'Europe continuent d'avancer dans l'exploration spatiale avec une nouvelle fusée Ariane 6 dévoilée et validée par l'ESA fin 2014. Il faudra encore être patient avant qu'elle n'arrive sur la piste de décollage puisque le premier vol n'est prévu que pour 2020.
Deux versions seront proposées : Ariane 62 et 64 avec une capacité de charge de respectivement 5 et 10,5 tonnes. Jean-Yves Le Gall, président du CNES, ne cache pas son enthousiasme face à cette fusée de nouvelle génération : « ce lanceur, nous l’avons rêvé, l’Europe va le faire ».
Mais l'Europe n'est pas seule dans cette course à la conquête spatiale et les autres nations que sont les États-Unis et la Russie continuent également d'avancer. Outre-Atlantique, des sociétés privées sont même sous contrats avec la NASA pour envoyer des astronautes dans l'espace, notamment afin de réduire les coûts et d'être moins dépendant de la Russie. La plus médiatique ces derniers mois et certainement SpaceX, mais il y a également Boeing.
Dans un domaine un peu différent, la fusée de Blue Origin (une société qui appartient à Jeff Bezos, le patron d'Amazon) vient de réaliser un essai concluant d'une montée à 100 km d'altitude, avant de revenir sur Terre. Le but : proposer à terme un voyage en apesanteur à une poignée de riches personnes en manque de sensations fortes.
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Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 26/11/2015 à 17h00
Astérix : il y a 50 ans, la France mettait en orbite son premier satellite : Excellent quand on sait que dans la BD, il y à : Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ." />
Le 26/11/2015 à 17h11
3 lignes sur Blue Origin alors qu’on se tape des articles entiers à chaque crash de SpaceX, c’est chiche.
Le 26/11/2015 à 17h27
C’est prévu d’y revenir plus tard sur le succés de Blue Origin " />
Le 26/11/2015 à 17h43
« ils lancent Astérix et manque de chance, enfin mauvaise analyse d’ingénieurs, lorsque la coiffe a été éjectée, elle a emporté les antennes.
Cela me rappelle mes débuts dans KSP… " />
Le 26/11/2015 à 17h48
Astérix : il y a 50 ans, la France mettait en orbite son premier satellite
Et à cette époque, Jethro disait déjà que ça servait à rien la conquête spatiale…
" />" />" />" />" />
Le 26/11/2015 à 17h48
quand j ai entendu l´info en voiture a la radio me suis dit “Sebastien est a fond ecriture la” " />
Article top merci " />
Le 26/11/2015 à 20h11
”…le satellite CAT-1 à son bord.”
Oh put" />…!
Pardon aux familles, ingénieurs, toussa… " />
Le 26/11/2015 à 20h13
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Le 26/11/2015 à 20h18
Ariane 62 et 64 avec une capacité de charge de respectivement 5 et 10,5 tonnes.
Laquelle des 2 mettra en orbite Obélix ? " />
Le 26/11/2015 à 20h41
En même temps, la performance n’a rien à voir puisqu’il s’agit d’une fusée suborbitale qui reste dans l’atmosphère terrestre, et non d’un lanceur capable d’atteindre l’espace. La plupart des médias américains s’excitent de la prouesse de BlueOrigin uniquement parce que c’est sexy pour la TV, alors qu’il ne s’agit que d’une montgolfière modernisée…
La différence de charge utile et d’altitude nécessaire à autre chose que faire mumuse 4 minutes en apesanteur (due à, je le rappelle, la chute de la capsule et non l’échappement de la gravité terrestre) fait que les avancées réalisées par SpaceX prendront au moins 5 ans à rattraper pour BlueO. Le fait que la Nasa ne les considère même pas pour le ralliement de l’ISS est assez parlant, d’ailleurs.
TL;DR : SpaceX a déjà atteint l’espace alors que BlueOrigin ne monte pas plus haut que 100km soit 3.5x moins que nécessaire.
Le 26/11/2015 à 21h03
Asterix, Idefix…
A quand l’envoi d’Obelix?
On attend qu’un menhir de l’espace nous tombe dessus pour le faire?
Le 26/11/2015 à 21h16
C’est sur qu’envoyer un gode géant pour faire spring break pendant 4minutes, on est pas loin du parc d’attraction.
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Le 26/11/2015 à 21h44
Ah, cool ! " />
Le 26/11/2015 à 21h50
Il n’empêche qu’ils ont réussi à faire atterrir le lanceur, leur reste plus qu’à passer au pallier supérieur.
Leur démarche (commencer petit) est à mon sens plus raisonnable que celle de SpaceX qui “grille les étapes”.
Ne pas oublier non plus que SpaceX a aussi pour objectif de faire du spatial civil.
Quoi qu’il en soit, ce que font ces deux entreprises est tout bonnement génial.
Le 27/11/2015 à 07h50
SpaceX a déjà réalisé des vol suborbitaux avec atterrissage (Cherchez Grasshopper en 2013).
La différence de forme et de poids pour une fusée spatiale et une fusée suborbital est aussi plutôt conséquente : se rattraper d’une chute de 100km ou d’une chute de 200km c’est pas tout à fait pareil.
Le 27/11/2015 à 07h54
Ouaip, c’est ce que Elon Musk a gentiment précisé après avoir félicité Jeff Bezos :
It is, however, important to clear up the difference between “space” and “orbit”, as described well by what-if.xkcd.com/58/
Getting to space needs ~Mach 3, but GTO orbit requires ~Mach 30. The energy needed is the square, i.e. 9 units for space and 900 for orbit.
Puis quand on voit ce genre d’essai raté de SpaceX, on peut être admiratif quand même.
Le 27/11/2015 à 09h01
Le 27/11/2015 à 10h28
Le 27/11/2015 à 12h05
Le mec qui se lache, on est dredi mais quand même " />" />
Le 27/11/2015 à 16h57
Le 27/11/2015 à 17h40
Même si je suis admiratif de ce que viens de réussir BlueOrigin (leur vidéo me colle des frissons), il est clair que l’on ne peut pas complètement comparer avec ce qu’essaye d’achever SpaceX.
Faire du VTOL avec une fusée en pleine mer, c’est juste autre chose…
Le 29/11/2015 à 10h41
Quoi ?! Les ayants-droits ont subit le “lancement” d’un produit tiers portant atteinte à leur “image” ? Sortez vite les armées d’avocats pour réparer cette injustice ! ;) A moins bien entendu que la BD ait parue après le lancement, ce qui permettrait au CNES de remplir ses caisses côté droit d’auteur… :)