[MàJ] Loi Numérique : le Code de la consommation, cheval de Troie de la lutte anti-piratage
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Le 21 janvier 2016 à 17h49
8 min
Droit
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La loi Lemaire sur le numérique débutera son examen parlementaire cet après-midi. Plus de 800 amendements sont sur le tremplin. L’un est à retenir particulièrement, pas seulement parce qu’il a été signé par l’ensemble du groupe socialiste.
L’amendement 268 dont il est ici question, frappe ceux de ces sites, à partir d'un seuil de connexion déterminé par décret, qui sont également qualifiés de « plateforme » au sens du projet de loi Lemaire (article 22, 23 et 24). C’est-à-dire soit un moteur de recherche soit un site de mise en relation de plusieurs personnes « en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ». Notez là encore, l'usage de critères très larges, spécialement celui du « partage de contenu. »
Plusieurs obligations, dont des efforts en matière de filtrage
Et donc, concrètement ? Un tel site professionnel, qu’il soit gratuit ou non, aurait alors l’obligation de :
- Désigner une personne physique pour être son représentant légal en France.
- Élaborer « des bonnes pratiques visant à lutter contre la mise à disposition du public, par leur entremise, de contenus illicites »,
- Élaborer des bonnes pratiques visant à lutter contre la mise à disposition de contenus illicites, notamment par « la mise en œuvre de dispositifs techniques de reconnaissance automatisée de tels contenus », c’est-à-dire du filtrage.
- Définir des indicateurs « permettant d’apprécier le respect des lois et règlements relatifs aux contenus qu’ils mettent à disposition du public ».
- Rendre périodiquement publics les résultats de l’évaluation de ces indicateurs.
L’ensemble de ces obligations serait alors communiqué à une autorité administrative désignée par décret (on ne sait pas encore laquelle, la DGCCRF ou pourquoi pas la Hadopi, etc.).
Cet amendement repose essentiellement sur de la soft law, c’est-à-dire un engagement où chaque acteur devra faire preuve de bonne volonté, sans obligation de résultat. Seulement, l’enchevêtrement des articles de la loi Lemaire avec l’actuel Code de la consommation fera tout de même encourir à l'acteur de mauvaise volonté, une amende administrative de 75 000 euros (personne physique) ou 375 000 euros (personne morale). Bref, de la soft law, mais avec un soupçon de hard law…
Un contenu illicite susceptible d’être diffusé à grande échelle
Pour ajouter un peu de piment, remarquons que toutes les plateformes ne seront pas concernées par ces obligations. Un dernier filtre est en effet prévu : ces règles frapperont certes les moteurs et les sites de partage mais à la dernière condition que par leur intermédiaire « des contenus illicites [soient] susceptibles d’être diffusés à grande échelle à destination des consommateurs résidant en France. »
C’est donc une fois l’ensemble de ces critères vérifiés, que ces obligations devront être respectées, notamment celles relatives aux efforts en matière de filtrage ou encore de représentation physique (à supposer que ce soit bien compatible avec la liberté d’établissement européenne).
À cela, plusieurs remarques.
Tout contenu illicite est susceptible d’être diffusé à grande échelle
D'un, malgré l’empilement des filtres apparents, qui pourrait laisser croire à une application rarissime de ces futures obligations, nombreux sites pourront être visés par l’amendement socialiste. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’un contenu illicite publié sur un site est par définition toujours « susceptible d’être diffusé à grande échelle ». C’est en effet simple : un contenu diffusé publiquement est potentiellement appelé à se propager comme une trainée de poudre : un post sur un forum, des tweets, des liens depuis des sites tiers, etc., il existe mille possibilités pour diffuser un contenu en ligne !
Aujourd'hui, pour espérer bloquer un site, un titulaire de droit doit démontrer, à l’aide des milliers de constats d’huissiers, qu’un très fort pourcentage de contenus hébergés sont illicites sur l'autel du Code de la propriété intellectuelle (voir sur cette difficulté, notre échange avec Mireille Imbert-Quaretta, l’ancienne présidente de la commission de protection des droits à la Hadopi).
Demain, avec cet amendement, une autorité administrative pourrait infliger une amende jusqu’à 375 000 euros aux acteurs peu regardants. Cela sera extrêmement simple. Il faudra certes démontrer la présence de quelques « contenus illicites » (soit plus qu'un), et cette démonstration emportera par elle-même la preuve d'une susceptible diffusion à grande échelle. Comme la plupart des sites n'ont pas de représentant physique en France, la plateforme en cause sera qualifiée d'illégale dans sa totalité, sur l'autel du droit de la consommation.
Instrumentaliser le droit de la consommation
De deux, cet amendement est le fruit des travaux en Commission des affaires culturelles (amendement AC20), laquelle a clairement laissé entendre tout l’intérêt de passer par la porte du droit de la consommation pour faire évoluer le statut des intermédiaires techniques.
La réforme de ce statut, encadré par le droit européen, est une cible de premier ordre des ayants droit français qui cherchent par tous moyens une astuce pour accentuer la responsabilité des hébergeurs sur les contenus mis en ligne par les internautes. « Si les marges de manœuvre sont aujourd’hui étroites, il importe de les exploiter autant que possible pour mieux encadrer les pratiques dommageables des plateformes dans l’attente d’une évolution du droit européen ». Ce plan est celui du député PS Emeric Brehier, auteur du rapport pour avis sur le projet de loi Lemaire, en commission des affaires culturelles. Son nom se retrouve d’ailleurs en tête du fameux amendement 268, cosigné par l’ensemble du groupe socialiste, dont le président de la commission précitée, Patrick Bloche.
Cet élu a donc clairement expliqué qu’il comptait profiter de la loi Lemaire pour « accompagner la révolution numérique en matière culturelle en responsabilisant les plateformes », le tout « dans le respect du droit européen » : « Les articles 22 et 23 du projet de loi [Lemaire, NDLR], qui imposent aux plateformes certaines obligations vis-à-vis des consommateurs, pourraient ainsi constituer le support d’une politique visant à favoriser la passation d’accords entre les plateformes et les ayants droit ou les sociétés d’auteur » espère-t-il.
Ce n'est pas assez clair ? Cette stratégie qui consiste à faire évoluer le droit de la consommation au profit des ayants droit est encore très bien expliqué dans ce long passage, puisé là aussi dans son rapport :
« Les opérateurs de plateforme en ligne seraient soumis, en application de l’article 22 du présent projet de loi, à l’obligation de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur « les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, biens ou services auxquels ce service permet d’accéder ». Les opérateurs de plateforme en ligne devraient notamment faire apparaître « clairement l’existence ou non d’une relation contractuelle ou de liens capitalistiques avec les personnes référencées, l’existence ou non d’une rémunération par lesdites personnes et, le cas échéant, l’impact de celle-ci sur le classement des contenus, biens et services proposés ».
Dès lors, les plateformes de vidéos et musiques en ligne seraient dans l’obligation de signaler au consommateur les contenus faisant l’objet d’un contrat avec les ayants droit ou les sociétés d’auteur, ce qui permettrait à ce dernier de s’assurer que le contenu visionné est licite. Il est en effet loisible de considérer que dès lors que de tels accords existent, le consommateur est en droit d’être informé du caractère licite du contenu auquel il a accès. Ainsi, sans obliger les plateformes à surveiller l’ensemble des contenus mis en ligne par les utilisateurs, une telle disposition permettrait aux consommateurs d’identifier, par défaut, les contenus dont la licéité n’est pas nécessairement acquise.
L’article 23 du présent projet de loi tend à soumettre les opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité est particulièrement importante à des obligations supplémentaires. Notamment, ces derniers devraient élaborer et diffuser auprès des consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer leurs obligations de loyauté, de clarté et de transparence, définir des indicateurs permettant de mesurer le respect de ces obligations et en rendre périodiquement publics les résultats. Le rapporteur estime que l’autorégulation ainsi encouragée pourrait également concerner la lutte contre les contenus illicites. »
[MàJ] Loi Numérique : le Code de la consommation, cheval de Troie de la lutte anti-piratage
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Plusieurs obligations, dont des efforts en matière de filtrage
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Un contenu illicite susceptible d’être diffusé à grande échelle
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Tout contenu illicite est susceptible d’être diffusé à grande échelle
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Instrumentaliser le droit de la consommation
Commentaires (46)
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Abonnez-vousLe 21/01/2016 à 23h09
Pour gagner les élections faut avoir les médias de son coté.
Pour avoir les médias de son coté, faut être gentil avec le monde de l’audio-visuel.
Pour être gentil avec le monde de l’audio-visuel, faut faire plaisir aux ayant-droits.
Pour faire plaisir aux ayant-droits, faut lutter contre le téléchargement illicite.
Liberté, Égalité, Fraternité, règle de Transitivité
Le 21/01/2016 à 23h09
Je pense de plus en plus avec les années que nos responsables politiques sont davantage nuisibles que la mafia. C’est dire… La mafia, elle, elle est au moins combattue (enfin, du moins, quand ça ne dérange pas trop les politiques et leurs propres magouilles). Par contre, les hommes et femmes politiques qui, pourtant en théorie devraient servir le peuple français et la Nation, se votent eux-mêmes leurs “droits” à magouiller et entuber sans vaseline des pays, un continent entier (l’Europe) devenu le pire ramassis de parasites et traîtres envers l’avenir de nos enfants. Une époque aussi pourrie par le fric, la lâcheté, le léchage et j’en passe comme qualificatifs, est une insulte permanente aux citoyens.
Le 22/01/2016 à 08h23
Le 22/01/2016 à 08h46
Bon je sais que c’est pas le genre de “plateforme” visées…
Mais vis à vis des critères exceptionnellement large, un simple “fanbase” hébergé sur un PhpBB tomberait sous le coup de toutes ces obligation (avis sur un produit, plateforme d’échange de mod/sauvegardes, risque de publication de contenu protégé)
Donc la liste des obligations gonfle
Affichage du bandeau pour autoriser les cookies en France
Archivage des logs pour identifier les utilisateurs
Page de contact avec mentions légales et représentants sur le territoire
Algorithme de filtrage type Content ID ou assimilé
Statistiques d’usages comparé au droit de la propriété intellectuelle
Afficher clairement ses relations contractuelles avec une régie publicitaire ou un programme de référencement
… Et j’en oubli surement !
Il ne manque plus grand chose pour soumettre la moindre mise en service d’un site web perso, ou d’un autre service sur internet, à une déclaration préalable ou la possession d’un SIRET !
Une des meilleure façon que j’ai trouvé pour être sûr d’échapper à tout ce merdier : Publier en Anglais !
Mais à part ça on a l’exception culturelle pour faire briller notre patrimoine…
Le 22/01/2016 à 09h00
Mais quand vont-ils une fois pour toute s’attaquer aux avatars copyrightés ? (ils m’énervent)
" />
" />
(humour, je plaisantais) (mais qui sait, un jour ?)" />
Le 22/01/2016 à 09h49
Le 22/01/2016 à 13h23
Le 22/01/2016 à 13h35
moi j’attend la liste des bonnes pratiques et le tableau des indicateurs de NXI." />
Le 22/01/2016 à 14h23
Georges c’est…
Le 22/01/2016 à 15h17
Le 22/01/2016 à 19h51
Le 22/01/2016 à 20h02
" />
En fait, et après mûre reflexion, NXi pourrait rentrer dans le collimateur de la loi pour diffusion de contenu(s) …
ou pas ?
Le 19/01/2016 à 15h10
Je propose de monter une cagnotte pour financer les thermos de café pour Marc " />
Il va en bouffer de la retransmission du parlement
Le 19/01/2016 à 15h12
Ok donc pour sortir de ce cas de figure, il suffirait donc de retirer la possibilité pour les utilisateurs de laisser un avis.
entre ça et la palanquée d’obligations imposées par la loi, on voit vite quel sera le choix des “plateformes” en question.
étant donnée la largeur extrème du projet, on se doute qu’un site comme NextInpact est du coup concerné, non?
Le 19/01/2016 à 15h14
C’est ce que je me suis laissé aller à penser, on pourra même plus dire que XXX c’est de la merde. " /> (et quand je dis XXX c’est un placeholder, pas les supers films avec Vin Diesel)
Le 19/01/2016 à 15h15
C’est bon pour la réduction du nombre de chômeur vu le amendements et autres joyeuseté sur la loi numérique il va y avoir besoin de tels stocks de popcorn qui va y avoir de l’embauche monstre dans toute la filière
Le 19/01/2016 à 15h19
Le 19/01/2016 à 15h20
J’ai rien compris " />
Le 19/01/2016 à 15h22
“ces derniers devraient élaborer et diffuser auprès des consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer leurs obligations de loyauté, de clarté et de transparence”
Mais que diable veut dire cette bouillie de mots?
Le 19/01/2016 à 15h23
Au temps pour moi en effet. Du coup je considère que le 2 (State of the Union) ne rentre pas vraiment dans le canon du premier. Et puis désamorcer des missiles c’est un peu gros comme ficelle. En tout cas jamais vu un film aussi difficile à trouver sur les réseaux (curieusement XXX ça renvoie plein d’autres choses sur Google " />)
Le 19/01/2016 à 15h23
" />" /> faut ajouter l’année à ta recherche, ça passe mieux. Ou aller trouver le nom d’une release bien précise, mais je m’égare " />
Le 19/01/2016 à 15h23
Clémentines " />
" />
Le 19/01/2016 à 15h24
Le 19/01/2016 à 15h25
Nan mais en fait je trouvais les résultats de Google plus pertinents avec mes goûts. Maintenant je tape “pron” devant tout ce que je cherche. :)
Le 19/01/2016 à 15h32
ça veut dire que youtube va te donner des astuces pour ne pas que tu poste un truc illicite par inadvertance.
et - si j’ai bien compris - que NextInpact devra aussi nous sortir un zoli tuto sur “comment faire pour ne pas poster un contenu illicite à l’insu de votre plein gré”.
on voit aussi que ce texte impose en gros à tout l’internet francophone d’avoir un représentant légal en France.
Le 19/01/2016 à 15h32
" /> bien vu
Le 19/01/2016 à 15h33
" />
Le 19/01/2016 à 15h35
si on imposait autant de règles aux commerces physiques, la plupart aurait fermé et tout le monde aurait crié au scandale ! Décidément les députés n’ont toujours rien compris (vu leur age cela ne m’étonne pas) à Internet.
Le 19/01/2016 à 15h35
Il me semble, qu’à l’époque où j’utilisais Tumblr, quand tu voulais mettre un mp3 en ligne (écoute en streaming via le lecteur du blog) il y avait une case qui te demandait de valider le fait que tu étais bien l’heureux propriétaire dudit mp3 suite à un achat " />
Le 19/01/2016 à 15h37
Ouah on prend cher aujourd’hui, Corée du Nord style… " />
Le 19/01/2016 à 15h38
Le 19/01/2016 à 15h47
C’est marrant quand même … tout ce qu’ils vont faire c’est me pousser encore plus loin des plate-formes légales … ballot pour une loi qui veut faire le contraire " />
PS : et le streaming c’est mignon, mais vu l’ambiance, rien ne vaut un bon HDD et du torrent " />
Le 19/01/2016 à 15h50
Ah les fourbes!!!!! En même temps en mettant ça en ligne ça revient à faire la pub d’un artiste sans frais pour eux " />
Le 19/01/2016 à 16h36
La mafia de la “culture”, qui vit très grassement d’argent public et de taxes créés pour ses profits (et pour arroser les politiciens), veut faire tomber l’Internet libre et participatif pour revenir au minitel, sous les applaudissements des politiciens " />
Boycott de la consommation française ! " />
Le 19/01/2016 à 16h49
S’il n’y a pas de représentant légal de la plate-forme en France, comment les sanctions seront-elles appliquées ?
Le 19/01/2016 à 17h02
J’ai une proposition d’algo pour lutter contre le piratage :
isIllicite(file):
“””
retourne si un fichier est illicite ou pas
“””
Le 19/01/2016 à 17h11
C’est une proposition d’algo illicite vu que c’est déjà breveté par Apple.
Je demande les sanctions les plus sévères devant un tel priratage (ou pas " />).
Le 19/01/2016 à 18h46
Le 19/01/2016 à 19h13
Le 19/01/2016 à 19h15
J’ai toujours su que je m’étais gouré d’orientation " />
Le 20/01/2016 à 09h50
Le 21/01/2016 à 19h23
Ce qui est bien avec nos gouvernants, c’est que dès qu’on pense avoir touché le fond y en a toujours un pour creuser…
Le 21/01/2016 à 19h25
Comme d’habitude en France, on pond des réglementations qui sont de véritables usines à gaz qui avantagent les très grandes entreprises étrangères au détriment de nos petites PME.
Le 21/01/2016 à 20h44
Du lobbying discret…
Le 21/01/2016 à 21h29
A la place d’OVH je partirais looooooin de ce pays où tout est fait pour empêcher l’innovation et favoriser les vieux rentiers dépassés " />
Le 21/01/2016 à 21h53
Bon en fait, il ne faut plus rien héberger en France, aucun site perso, rien qui ne sorte des clous.
les opérateurs téléphonique avec une IP fixe obligatoire qui centralisera
toutes les demandes, l’art de se tirer dans le pied avec un canon electromagnétique.