Les vidéos TikTok ont de réelles conséquences sur l’image qu’ont les femmes d’elles-mêmes
TikTok Mirror
Des chercheuses australiennes ont montré récemment dans un article scientifique que les femmes exposées aux vidéos de TikTok perdent de l'estime pour leur propre corps. Elles expliquent que les vidéos du mouvement pro-anorexie profitent particulièrement de l'algorithme de recommandation « Pour vous » de l'application.
Le 19 septembre à 14h41
5 min
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TikTok est souvent critiqué à propos de la toxicité des contenus poussés par ses algorithmes. Les chercheuses de l'Université australienne de Charles Sturt Madison Blackburn et Rachel Hogg ont voulu étudier les conséquences d'une exposition aux vidéos du mouvement « pro-ana » (mouvement qui promeut des régimes extrêmes, l'exercice physique excessif et incite à s'imposer des troubles du comportement alimentaire) qui circulent allègrement sur le réseau social de ByteDance.
Leur article, publié début août dans la revue scientifique PLOS One, conclut à un effet réel des vidéos « pro-ana » sur l'estime des femmes pour leurs propres corps et l'internalisation des standards de beauté. Mais il constate aussi, dans une moindre mesure, que les femmes exposées aux autres vidéos publiées sur TikTok subissent aussi ces problèmes.
TikTok, un réseau où se développent plus facilement les contenus « pro-ana »
Le mouvement « pro-ana », qui s'est développé dans les années 2000, n'a pas eu besoin de l'existence de TikTok pour connaître un certain succès, mais la plateforme de vidéos est maintenant une de ses cibles particulières. « Contrairement à d'autres plateformes de médias sociaux qui présentent implicitement des idéaux corporels, TikTok contient des contenus explicites sur les troubles de l'alimentation », expliquent les chercheuses. Shannon Herrick, Laura Hallward et Lindsay Duncan, trois chercheuses canadiennes, faisaient déjà ce constat fin 2020.
Les chercheuses pointent une autre particularité de TikTok : la page "Pour Vous" est encore plus mise en avant sur l'application de ByteDance et elle met en avant des contenus de tout un chacun. « La page d'exploration d'Instagram continue de mettre l'accent sur la culture d'influence établie et de promouvoir les comptes de personnalités publiques ou d'influenceurs très suivis », expliquent-elles.
Mais elles ajoutent qu' « à l'inverse, l'algorithme unique de TikTok rend la découverte de contenu équitable, car le contenu de n'importe quel utilisateur a le potentiel d'atteindre un vaste public, indépendamment du nombre de followers ou du statut de célébrité ». Ce qui permet à des comptes « pro-ana » d'influencer beaucoup d'utilisateurs sans être très suivis, même si la plateforme fait des efforts pour censurer les contenus de ce genre.
Exposées pendant 7 à 8 minutes
Elles ont étudié le comportement de 273 utilisatrices de TikTok âgées de 18 à 28 ans (principalement australiennes) réparties en deux : un groupe expérimental et un groupe témoin.
Les membres des deux groupes ont été exposées à un tunnel de vidéos TikTok de 7 à 8 minutes. Les femmes du groupe expérimental ont visionné une compilation de vidéos TikTok contenant des messages explicites sur les troubles de l'alimentation, tels que des jeunes femmes restreignant leur alimentation, faisant de l'humour sur leur comportement alimentaire désordonné, se privant de nourriture et donnant des conseils pour perdre du poids, comme manger des glaçons et mâcher du chewing-gum pour calmer la faim. Les membres du groupe témoin, elles, ont visionné des vidéos TikTok « normales ».
Un effet significatif, même pour le groupe témoin
Résultat, les femmes du groupe expérimental se sont déclarées nettement moins satisfaites de leur image corporelle après avoir été exposées au contenu TikTok pro-ana. Ces effets sont aussi visibles et statistiquement significatifs lorsqu'on compare ce ressenti à celui des femmes qui ont regardé le contenu de contrôle. Mais, comme le soulignent les chercheuses, « il est intéressant de noter que les femmes du groupe de contrôle ont également signalé une diminution statistiquement significative de leur satisfaction à l'égard de leur image corporelle après avoir regardé le contenu neutre de TikTok ».
Les chercheuses expliquent que, sur TikTok les vidéos sont généralement cadrées de manière à ce que le corps entier du sujet soit visible contrairement à ce qu'on voit sur Instagram, en particulier dans les vidéos de danse et dans les contenus #GymTok.
Elles font l'hypothèse que TikTok peut fournir plus de stimulus liés au corps « même lorsque l'intention du contenu n'est pas liée à l'image du corps ou à la #fitspiration (contenus liés au fitness). Elles ajoutent qu' « il est important de noter que l'algorithme de TikTok fonctionne de telle manière que les personnes qui recherchent activement des contenus positifs pour le corps peuvent également être exposés à des contenus néfastes liés au corps, tels que le body checking, un type de contenu compétitif et d'autosurveillance dans lequel les utilisateurs sont encouragés à tester leur poids en essayant de boire dans un verre d'eau pendant que leur bras entoure la taille d'un autre utilisateur ».
Interrogée par le média PsyPost, Rachel Hogg a déclaré : « j'ai été surprise de constater que la "dose" de moins de 10 minutes de visionnage de contenus TikTok de comportements désordonnés était suffisante pour avoir un effet ».
La chercheuse explique aussi que l'étude excluait toute personne ayant reçu un diagnostic de trouble alimentaire passé ou présent, il ne faut donc pas en tenir compte pour tirer des conclusions sur des populations cliniques. Les autrices de l'étude sont aussi bien conscientes que leur travail n'a évalué que l'impact à court terme des vidéos TikTok en ne mesurant que les changements dans la perception par les femmes de leur corps et l'intériorisation des normes de beauté qu'immédiatement après le visionnage des vidéos.
Les vidéos TikTok ont de réelles conséquences sur l’image qu’ont les femmes d’elles-mêmes
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TikTok, un réseau où se développent plus facilement les contenus « pro-ana »
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Exposées pendant 7 à 8 minutes
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Un effet significatif, même pour le groupe témoin
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 19/09/2024 à 15h40
Le 19/09/2024 à 15h49
Modifié le 19/09/2024 à 16h10
Modifié le 20/09/2024 à 10h43
Ce commentaire en dit finalement plus sur les a priori de son auteur qu'il ne répond à la question.
Modifié le 20/09/2024 à 10h57
Le 20/09/2024 à 15h42
Modifié le 22/09/2024 à 20h17
édit: parler des violences sexistes (sur des femmes ou sur des hommes) sans misandrie sans misogynie, est plutôt sain. Lire les reproches de Fred42 de hors-sujet, pas seulement à mon égard, lorsque le propos ne lui convient pas est ridicule. Qui parle des a priori ? A-t-on le droit d'exprimer un avis ici sans que le propos soit ridiculisé ? Je ne m'abaisserais jamais à ce type de comportement.
Modifié le 20/09/2024 à 15h49
Mon commentaire 4.2 a le même défaut. Ça me semble général.
Avec le nombre de fois que j'ai mis le mot commentaire ici, on va voir si une IA arrive à suivre.
Ça nuit fortement à la compréhension des enchaînements.
Le 20/09/2024 à 08h50
Plus sérieusement, je m'inquiète de ce que les messages répétés fassent leur chemin dans la tête des enfants. Notamment, quand on est un "mâle" identifié par les algo YT/Tiktok, les pubs qui te disent que tu peux gagner 3000€ depuis ton canapé en faisant des likes.
Le 19/09/2024 à 17h07
Peut être qu'un jour on aura aussi un petit bandeau obligatoire sur la page d'inscription à ces réseaux marquant : Les réseaux sociaux nuisent à la santé mentale, utilisez les avec modération.
Ce qui ne changera rien mais sera rigolo.
Le 20/09/2024 à 08h52
Le 20/09/2024 à 09h30
Nous voyons tous les jours que ces médias causent des problèmes profonds et sérieux dans le monde. Sans ces réseaux sociaux, très peu de chances que le capitole américain ait été envahi par exemple. Pour des sujets de santé mentale, on peut aborder le harcèlement, les fakeporn, les problèmes pour rencontrer un partenaire, les redpills/incel etc...
Cela dit, je ne confonds pas l'internet avec les réseaux sociaux. L'internet reste une invention positive à mon humble sens.
Modifié le 20/09/2024 à 11h07
Concernant la suppression de C8 de la TNT, c'est une larme dans un océan : l'empire médiatique du groupe auquel appartient cette chaine est beaucoup plus vaste, C8 a largement dépassé les limites de l'ignominie pendant des années avant d'être censurée et la "bêtise" audiovisuelle s’étend bien plus largement que l'espace de la TNT (l'objet de mon commentaire). Il n'est pas question de confondre internet et réseaux sociaux, on parle bien d'espaces médiatiques.
Le 20/09/2024 à 15h25
En plus des débordement tels que ceux décrits dans l'article, on n'a pas encore réussi à résoudre les problème clés : gouvernance (c'est Facebook, Elon et ByteDance qui décident), le financement (de la pub à foison) et la modération (quel contenu est censuré, par quel process et avec quels moyens). Résultat : c'est le boxon et ça fait des dégâts.
J'aime beaucoup la pierre que Mastodon a apporté sur ces sujets, même si côté gouvernance des instances, il y a quelques ratés.
Le 19/09/2024 à 23h26
En théorie, c'est ce qu'il faut faire ?
Le 20/09/2024 à 08h23
Le 20/09/2024 à 10h41
En fait, le problème n'est pas la diversité des vidéo proposées mais l'échec de la censure sur ce genre de vidéo.
Le 20/09/2024 à 11h11
Modifié le 19/09/2024 à 23h43
Et aussi sur les conséquences mentales de s'en passer. Genre ici pour des adolescentes et jeunes femmes sans réseaux sociaux pendant une semaine, ou encore celle-ci où on limite l'usage à 30 minutes par jour. C'est généralement positif.
Et pourtant dans mes deux liens, il n'y fait pas mention d'une fixation sur un sujet précis pendant plusieurs minutes comme dans l'étude de l'article. Les sujets faisaient juste une exploitation standard et on s'est contenté de les limiter, car sans limite même un usage normal cause des dégats.
En même temps, on va forcément y rencontrer des élements nuisibles à un moment ou un autre, ou à l'inverse des images de perfection caricaturale qui au final nous dépriment car on ne s'y reconnaît pas, et on se considère à terme comme une anomalie.
Le 20/09/2024 à 08h38
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Le 20/09/2024 à 12h13
Le 20/09/2024 à 08h53
Tous ces médias (un peu moins YT) sont basés sur l'image de celui qui envoie le message, et au final la comparaison entre soi-même et l'émetteur.
Mais avec une vision très améliorée du quotidien de l'émetteur.
(Je mets YT pour la quasi intégralité des vidéos où le mec nous parle en face 100% du temps alors qu'on n'a rien à faire de lui - ou qui tentent de se donner de la contenance par des blagounettes. Cela inclut aussi ceux qui ont du vrai talent pour le faire mais on un message au fond: JDG, Nota Bene, Colin Furze)