De la « peau » de champignon comme substrat pour une électronique verte et recyclable ?

De la « peau » de champignon comme substrat pour une électronique verte et recyclable ?

Faites frire à plus de 250°C

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Martin Clavey

Publié dansHardware

25/11/2022
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De la « peau » de champignon comme substrat pour une électronique verte et recyclable ?

Pour de l'électronique moins polluante, des chercheurs essayent de créer des matériaux biodégradables pour les composants. Des Autrichiens ont publié dans Science Advance un article expliquant comment ils créent du substrat pour carte de circuits imprimés en « peau » de champignon. Reste à voir si le processus est industrialisable.

Le matériel numérique est responsable de beaucoup de déchets à travers le monde. L'ADEME estime qu'il y a « 20 millions de tonnes de déchets produits par an sur l’ensemble du cycle de vie ». Des efforts sont faits pour créer des filières de recyclage et de « seconde vie ».

Mais l'équipe de recherche autrichienne de Doris Danninger (chercheuse à l'Université de Johannes Kepler) pense, notamment à cause de la difficulté du recyclage des matériaux très imbriqués dans nos appareils, que ça ne suffira pas et essaye de pousser vers l'utilisation de matériaux biodégradables.

Elle propose, dans un article scientifique publié dans la revue Science Advance, de s'attaquer par exemple au substrat des cartes de circuits imprimés (PCB), actuellement fait à partir de plastiques, et d'utiliser la « peau » d'un champignon bien particulier – le ganoderme luisant – pour les remplacer.

Un matériau biodégradable et résistant

Cette « peau » permet, selon eux, des traitements électroniques courants comme le dépôt physique par phase vapeur et le façonnage au laser pour obtenir des traces électroniques. La conductivité peut atteindre 9.75 ± 1.44 × 104 S cm−1 et est stable à plus de 250°C, sachant que les substrats habituels résistent à une température de 135 à 150°C.

Le ganoderme luisant pousse sur du bois en décomposition et, particularité chez les champignons, forme une sorte de « peau » protégeant son mycélium, qui produit ses spores. Cette « peau » est très facilement biodégradable. Après utilisation dans un circuit imprimé et retrait (facile avec pistolet thermique ou un fer à souder, selon les chercheurs) des autres composants, elle se désintègre facilement dans du compost et perd 93,4 % de sa masse sèche en 11 jours.

PCB biodégradableDégradation de la « peau » du champignon dans du compost Crédits : Doris Danninger & al.

De la pousse jusqu'à soutenir la puce

Pour créer leur PCB, les chercheurs autrichiens font donc pousser des échantillons de champignons dans une salle humide dont la température est à 25°C. Il leur faut deux semaines pour commencer à obtenir la création de la « peau » et deux autres semaines pour que celle-ci soit mature. Il ne reste plus qu'à la laisser sécher et la chauffer pour supprimer le mycélium resté collé à elle. On obtient une feuille plus ou moins beige selon la maturité.

PCB biodégradable Crédits : Doris Danninger & al.

Il ne reste plus qu'à insérer de manières traditionnelles (par vaporisation, zingage et laser) les composants conducteurs du PCB.

Doris Danninger et ses collègues ont réussi à créer, avec cette « peau » de champignon, une batterie d'environ 3,8 mAh/cm² de puissance ainsi qu'un module Bluetooth de téléphone portable.

Potentiel matériau, industrialisable ?

La « peau » du ganoderme luisant traitée de la sorte est, logiquement, sensible à l'humidité. On peut se poser la question de la dégradation involontaire des composants l'utilisant dans notre matériel. Si leur environnement n'est certes pas aussi humide qu'un compost, on peut imaginer que celui dans lequel on utilise notre matériel dégrade doucement ce PCB.

La question de l'industrialisation de la méthode de création des peaux, plutôt éloignée de ce que les industriels ont l'habitude de faire, peut aussi se poser. Néanmoins, les auteurs de l'étude semblent confiants dans la possibilité d'utiliser leurs « peaux » de champignons qui, selon eux, « pourraient apparaître comme une classe de matériaux alternatifs durables pour un avenir électronique vert ».

PCB biodégradable Crédits : Doris Danninger & al.

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Écrit par Martin Clavey

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Sommaire de l'article

Introduction

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De la pousse jusqu'à soutenir la puce

Potentiel matériau, industrialisable ?

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Commentaires (13)


esver Abonné
Le 25/11/2022 à 08h21

Biodégradable => Ah ben bravo, encore de obsolescence programmée !!! :pastaper:


jpaul Abonné
Le 25/11/2022 à 08h23

Y’a pas mal de recherches sur les applications potentielles du mycelium. Je ne trouve plus la source mais j’étais tombé sur un papier qui démontrait la faisabilité de production de briques pour la construction.



De mémoire ça donnait un matériau peu carboné à la production (hormis la chauffe qui peut se faire en ENR contrairement au béton qui émet énormément de CO2), avec une solidité similaire au parpaing et en plus de cela de tres bonnes propriétés d’isolation thermique.



Plus ou moins les propriétés du bois en fait mais plus facile et rapide à faire pousser et à mouler.


jjmm Abonné
Le 25/11/2022 à 09h25

L’utilisation de mycélium est en effet un domaine dans lequel beaucoup de recherches existent, des plus sérieuses aux plus farfelues. Entre autres:




tdelmas
Le 25/11/2022 à 12h50

Ne pas oublier aussi son utilisation pour le voyage intergalactique.


Lorendil
Le 25/11/2022 à 09h33

Petite coquille avant le dernier sous-titre, Johannes Kepler c’est le nom de l’université, pas celui de la chercheuse. :)



Et sinon, comme le dit la fin de l’article, si c’est biodégradable je me pose la question de la durée de vie. Il y’a des PCB qui ont 5060 ans et qui fonctionne toujours. Ça me rappel les faisceaux électrique biodégradable de certaines Mercedes des 90’s, qui finissait H.S. au bout de 50 000 Km. dans biodégradable il y’a dégradable :D



ET j’ai du mal à voir comment ça peux être fait à grande échelle, mais c’est vraiment cool comme prototype


khalahan Abonné
Le 25/11/2022 à 12h38

Il y a tellement d’électronique qu’on jette au bout de quelques années seulement qu’il y aurait quand même plein d’applications, comme pour nos smartphones que bcp changent tous les deux ans par exemple. Je pense que si on peut le rendre fiable 5-10 ans, on pourra économiser une grande quantité de déchets.
Peut-être qu’un jour on pourra planter son iPhone 20 dans le jardin comme engrais 😋


the_frogkiller Abonné
Le 25/11/2022 à 09h42

jjmm a dit:


L’utilisation de mycélium est en effet un domaine dans lequel beaucoup de recherches existent, des plus sérieuses aux plus farfelues. Entre autres:






Dans un “comment c’est fait” il y a une boîte aux US qui fait des chaises en mycélium


deathscythe0666 Abonné
Le 25/11/2022 à 14h26

Y aura-t-il des effets hallucinogènes si l’appareil prend feu ? :fume:


refuznik Abonné
Le 25/11/2022 à 18h24

:huit:


wanou Abonné
Le 26/11/2022 à 17h47

Il y a quelques erreurs d’un point de vue électronique:
1 - L’acronyme courant pour les circuits imprimés est CIP en français ; PCB est la version anglaise ;
2 - Les CIP sont la plus part du temps fabriqués en FR4: c’est de la fibre de verre enduite de résine époxy ; On est loin du 100% pétrole et la résine n’est pas du plastique ; Le seul plastique utilisé pour les parties souples est le Kapton et vu le prix, on évite autant que possible ;
3 - Pour les tenues en température, c’est la température de transition vitreuse qui compte et les TG135 ne sont plus utilisé car incompatibles avec la brasure sans plomb ; Les TG courants sont 150 et 170 ; Il faudrait donc parler d’une tenue entre 150 et 170 ;
4 - Le dépôt physique par phase vapeur et le façonnage au laser est très loin d’être courant ; Les CIP sont fabriqués en grande majorité avec des phases de gravure du cuivre par électrolyse et des phases de renforcement par électrolyse également (le but étant d’avoir un bilan neutre) ;
5 - Fer à souder est un abus de langage vu que l’on brase (on fait fondre de la brasure pour relier deux matériaux) ; Souder revient à faire fondre les matériaux ensembles pour qu’ils soient reliés après refroidissement (comme avec la soudure à l’argon). Il s’agit donc d’un fer à braser.



Perso, pour la réduction des déchets, j’ai des solutions déjà applicables: obligation de faire réaliser en Europe tous les essais nécessaire pour l’autorisation à l’importation des appareils électroniques, dans des laboratoires agrémentés. L’auto-certification, c’est juste un appel aux abus.



Le problème concerne également les pièces détachées: les appareils électroménager SAMSUNG par exemple sont quasi irréparables en pratique à cause des prix et délais délirants pour l’obtention des pièces détachées. Pourquoi ne fixe-t-on pas des limites de durées et de prix de ces pièces ?



On peut également observer les durées réelles moyenne de fonctionnement avant panne (MTTF en anglais), des appareils et mettre des amandes aux fabricants pour les modèles qui meurent trop vite par rapport à un objectif de durée de vie spécifique à chaque type d’appareil.


Patch Abonné
Le 26/11/2022 à 21h39

wanou a dit:


On est loin du 100% pétrole et la résine n’est pas du plastique




Vu que le terme de “résine” désigne des matériaux plastiques…


SebGF Abonné
Le 27/11/2022 à 09h10

wanou a dit:


On peut également observer les durées réelles moyenne de fonctionnement avant panne (MTTF en anglais), des appareils et mettre des amandes aux fabricants pour les modèles qui meurent trop vite par rapport à un objectif de durée de vie spécifique à chaque type d’appareil.




On commence à arriver timidement à changer de modèle de pensée avec les “indices de réparation” et compagnie, mais on en est encore loin puisque le modèle économique préféré reste de favoriser l’obsolescence des produits pour forcer leur renouvellement (que ce soit via une durée de vie qui en gros devient probatoire passé la garantie légale, ou simplement le renouvellement de gammes).



Les fabricants qui ne vendent pas ou alors très cher comme tu dis les pièces détachées ont raté un secteur économique. La réparation et le service des produits peut générer des revenus et aujourd’hui c’est beaucoup les distributeurs qui en profitent (avec les extensions de garantie par ex, même si ça reste des assurances techniquement, mais aussi les services de dépannage hors garantie payants, et la fabrication de pièces de remplacement en impression 3D).



Par contre pour l’aspect amendes, ça ne pourrait se faire qu’à l’échelle de l’UE pour que ça ait un réel impact. Une possibilité aussi serait de prolonger la garantie légale à 5 ans, je pense que ça pourrait aider à réduire les merdes prêtes-à-jeter.


cthoumieux Abonné
Le 29/11/2022 à 07h02

Petit remarque sur la durabilité
C peut être moi qui n’a pas de chance mais après 2 ans la batterie de mon n10 avait du mal a tenir 1j et encore moins si je veux faire des photos.
J’ai fait changer la batterie via un réparateur. Et 6mois plus tard même constat..
Pourquoi samsung n’est pas foutu de vendre les mêmes batterie que celle d’origine.
Ou Pourquoi les fabricants qui vendent des produits compatibles vendent de la M…
Perso entre changer un portable a 500+ ou acheter une vrai bonne batterie a 50 100 balles le choix est vite fait
Mais bon je sais samsung et consort préfère vendre leur produit que les pièces détachées.
Y a que les politiques qui peuvent agir en refusant de valider sur un territoire des mobiles avec un taux de reparabilite trop faible